République Française
Au nom du peuple français
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Cour d'appel de Nancy
Chambre de l'Exécution - JEX
Arrêt n° /22 du 30 JUIN 20222
Numéro d'inscription au répertoire général : 21/2928
Décision déférée à la Cour : jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'EPINAL,
R.G.n° 19/00070, en date du 19 novembre 2021,
APPELANTE :
BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es qualités audit siège,
3, rue François de Curel
57000 METZ inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Metz sous le numéro 356 801 571
représentée par Me Frédérique MOREL, avocat au barreau de Nancy
Avocat plaidant : Me Olivier COUSIN avocat au barreau d'Epinal
INTIMEE :
Madame [U], [L] [B]
née le 28 janvier 1981 à NEUFCHATEAU
268 rue du Jard
88500 ESTRENNES
représentée par Me Farida AYADI de la SCP EST AVOCATS, avocat au barreau d'EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 2 Juin 2022, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, conseillère
Madame Fabienne GIRARDOT conseillère, qui a fait le rapport
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 30 juin 2022 date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame Fabienne GIRARDOT, Conseillère pour le Président empêché, et par Monsieur Ali ADJAL greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié reçu le 10 août 2007, la Banque Populaire Lorraine Champagne (ci-après la BPLC) a consenti à Mme [U] [B] un prêt n° 07025870 (anciennement 01898253) d'un montant de 12 375 euros sans intérêts et un prêt n°07025868 (anciennement 01898293) d'un montant de 135 000 euros remboursable au taux de 4.5 % l'an, ayant pour objet l'acquisition d'un bien immobilier sis à Estrennes (88), 268 rue du Jard, garanti par le privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle.
Par acte notarié en date du 8 février 2008, Mme [U] [B] a déclaré l'insaisissabilité du bien immobilier financé.
Par jugement du 20 avril 2010, le tribunal de commerce d'Epinal a ouvert une procédure de redressement judiciaire de Mme [U] [B] exerçant une activité de vente de fleurs.
La BPLC a déclaré ses créances dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'égard de Mme [U] [B] par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 mai 2010.
Par ordonnance en date du 23 décembre 2010, le juge commissaire a admis au passif de la procédure collective de Mme [U] [B] la créance de la BPLC correspondant au prêt immobilier n°07025868.
Par jugement en date du 19 avril 2011, le tribunal de commerce d'Epinal a arrêté un plan de continuation et d'apurement du passif de Mme [U] [B] et a désigné Me [F] en qualité de commissaire à l'exécution du plan prévoyant pour la créance de la BPLC la reprise du paiement des échéances contractuelles avec report en fin de plan des échéances impayées à l'ouverture de la procédure et durant la période d'observation.
Par jugement du 4 juin 2013, le tribunal de commerce d'Epinal a prononcé la liquidation judiciaire de Mme [U] [B] sur résolution du plan de redressement, et a désigné Me [F] en qualité de liquidateur.
Par ordonnance en date du 3 décembre 2013, le juge commissaire a admis au passif de la procédure collective de Mme [U] [B] la créance de la BPLC correspondant au prêt à taux zéro n°07025870.
Par courrier du 7 septembre 2015, Me [F] a indiqué à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (ci-après BPLAC), venant aux droits de la BPLC, que le bien immobilier de Mme [U] [B] ne faisait pas partie des actifs réalisables dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire suite à la déclaration d'insaisissabilité régularisée le 8 février 2008.
Par courrier du 23 septembre 2015 adressé à Me [F], la BPALC a pris note que le mandataire judiciaire n'engagerait aucune procédure pour vendre le bien de Mme [U] [B], et l'a informé de l'engagement d'une procédure de saisie immobilière au regard de l'antériorité des inscriptions à la déclaration d'insaisissabilité.
Par courrier du 12 novembre 2015, Me [F] a informé la BPALC que Mme [U] [B] venait de renoncer à la déclaration d'insaisissabilité de sa maison d'habitation et qu'il se rapprochait du notaire pour envisager sa vente amiable.
Par ordonnance du 2 septembre 2019, le juge commissaire de la liquidation judiciaire de Mme [U] [B] a rejeté la requête du 25 septembre 2018 présentée par Me [F], ès qualités, tendant à se prononcer sur les modalités de vente de l'immeuble de Mme [U] [B], en vertu de l'opposabilité à la procédure de liquidation judiciaire de la clause d'insaisissabilité portant sur ledit immeuble.
Par un acte d'huissier en date du 20 août 2019, la SA BPALC a fait délivrer à Mme [U] [B] un commandement de payer valant saisie immobilière, publié au service de la Publicité Foncière d'Epinal le 30 septembre 2019, volume 2019 S n°40, du bien appartenant à Mme [U] [B] situé sur le territoire de la commune d'Estrennes (88), 268 rue du Jard, cadastré section ZH n°29, tel que décrit au cahier des conditions de la vente, pour avoir paiement de la somme de 200 203,15 euros, soit 191 336,81 euros au titre du prêt n°07025868 et 8 866,34 euros au titre du prêt à taux zéro, selon décompte arrêté au 17 juin 2019.
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Par acte d'huissier du 25 octobre 2019, la SA BPALC a fait assigner Mme [U] [B] à l'audience d'orientation du 20 décembre 2019 afin de voir ordonner la vente forcée des biens saisis sur la mise à prix de 20 000 euros figurant aux clauses du cahier des conditions de vente, et en tout état de cause, de fixer le montant de sa créance à la somme en principal, intérêts et accessoires de 191 336,81 euros, augmentée des intérêts postérieurs au 17 juin 2019 courant au taux contractuel de 4,5% l'an au titre du prêt n°07025868, et à la somme de 8 866,34 euros au titre du prêt n°07025870.
La SA BPALC a fait valoir que le délai de prescription a été interrompu par sa déclaration de créance du 20 mai 2010, qu'un plan de continuation a été arrêté le 19 avril 2011 et que les créances déclarées ont été admises par ordonnances du 3 décembre 2013 constituant des titres exécutoires soumis au délai de prescription de dix ans, et qu'elle a été empêchée d'agir suite aux indications contraires du mandataire judiciaire sur l'insaisissabilité de l'immeuble. Elle a ajouté que l'exigibilité des créances résultait de la liquidation judiciaire de Mme [U] [B].
Mme [U] [B] a conclu à la prescription de l'action de la SA BPALC sur le fondement de l'article L. 137-2 du code de la consommation et à la nullité du commandement
aux fins de saisie immobilière, et a sollicité sa radiation. Subsidiairement, elle a sollicité la fixation de la mise à prix à 90 000 euros.
Elle a soutenu que la SA BPALC pouvait agir dès lors que la déclaration d'insaisissabilité ne lui était pas opposable, que la renonciation à cette déclaration ne pouvait s'opérer que selon les modalités prévues à l'article L. 526-2 du code de commerce, et que l'interversion des prescriptions n'était applicable que sous l'égide des lois antérieures à la loi du 17 juin 2008. Elle a ajouté que la clause prévoyant l'exigibilité des sommes prêtées en cas de liquidation judiciaire est abusive, que la déchéance du terme n'a pas été valablement prononcée, et que la mise à prix fixée par la SA BPALC est dérisoire.
Par jugement en date du 19 novembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Epinal statuant en matière de saisie immobilière a :
- déclaré irrecevable l'action de la SA BPALC,
Dès lors,
- prononcé la nullité du commandement de payer valant saisie délivré le 20 août 2019 par la SELAS Angle Droit Vosges, huissiers de justice à Mirecourt, publié au service de la Publicité Foncière d'Epinal le 30 septembre 2019, volume 2019 5 n°40,
- ordonné la radiation du commandement de payer valant saisie délivré le 20 août 2019 par la SELAS Angle Droit Vosges, huissiers de justice à Mirecourt, publié au service de la Publicité Foncière d'Epinai le 30 septembre 2019, volume 2019 S n°40,
- débouté la SA BPALC de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la SA BPALC à payer à Mme [U] [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA BPALC aux dépens.
Le juge de l'exécution a dit que la déclaration de créance de la SA BPALC à la procédure collective de Mme [U] [B] par courrier du 20 mai 2010 avait interrompu la prescription, sur le fondement de l'article 2241 du code civil, et que l'effet interruptif de prescription s'était prolongé jusqu'à l'admission de la créance par ordonnance du 3 décembre 2013. Il a jugé que la décision d'admission de la créance ne constituait pas un titre exécutoire permettant à la SA BPALC, à l'issue de la procédure collective, d'obtenir l'exécution forcée contre les biens de Mme [U] [B] (avec un délai de prescription de dix ans), de sorte que le délai de prescription de l'action en paiement, interrompu pendant la durée de la procédure collective, avait recommencé à courir à compter du 3 décembre 2013 pour la durée de prescription à laquelle était soumise l'action en fonction de sa nature, soit en l'espèce deux ans, et que la SA BPALC ne justifiait d'aucun report ni acte interruptif ou suspensif de prescription jusqu'au 3 décembre 2015.
Il a ajouté que la déclaration d'insaisissabilité était inopposable à la créance antérieure de la SA BPALC, qui n'avait pas été empêchée d'agir, et que la renonciation à la déclaration d'insaisissabilité par Mme [U] [B] évoquée par courrier du mandataire judicaire du 12 novembre 2015 n'avait pas été régulièrement établie selon les dispositions des articles L. 526-2 et L. 526-3 du code de commerce.
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Par déclaration reçue au greffe le 15 décembre 2021, la SA BPALC a interjeté appel dudit jugement en tous ses chefs critiqués.
Par ordonnance du 28 décembre 2021, le président de la chambre de l'exécution a autorisé la SA BPALC à assigner Mme [U] [B] à l'audience de la chambre de l'exécution de la cour d'appel du 3 mars 2022, date à laquelle le renvoi à la mise en état a été ordonné.
Par acte d'huissier délivré à Mme [U] [B] le 10 janvier 2022, auquel il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA BPALC, appelante, demande à la cour :
- de déclarer son appel recevable,
- d'infirmer le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Epinal le 19 novembre 2021, en ce qu'il a décidé que les créances de la banque sont prescrites,
- de renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Epinal aux fins de poursuite de l'instance en saisie immobilière,
- de condamner Mme [U] [B] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamne Mme [U] [B] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Frédérique Morel, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la SA BPALC fait valoir en substance :
- que l'article L 622-25-1 du code de commerce prévoit expressément que la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure collective, et qu'aucun événement n'est intervenu depuis la publication du 13 décembre 2013 concernant l'état des créances déposé au greffe, selon la consultation du BODACC ; que l'interruption a donc toujours pleinement effet à ce jour et qu'aucune prescription n'est encourue ;
- que la décision d'admission des créances par ordonnances du juge commissaire du 3 décembre 2013 est revêtue de l'autorité de la chose jugée, notamment en ce qui concerne la date de naissance de la créance et en ce qui concerne la qualité du titulaire de sa créance et ses accessoires, et constitue un titre exécutoire, équivalent à une condamnation au paiement, se prescrivant par dix ans, par substitution à la prescription biennale de l'action en paiement ;
- que ce délai dix ans n'a pas commencé à courir à défaut de clôture de la procédure collective à ce jour ; qu'en tout état de cause, il n'est pas expiré à la date de délivrance du commandement valant saisie le 20 août 2019 ;
- que selon l'article 2234 du code civil, elle a été maintenue dans l'impossibilité d'agir jusqu'à la date de l'ordonnance du juge commissaire du 2 septembre 2019 ayant débouté le mandataire liquidateur de sa requête tendant à voir fixer les modalités d'engagement d'une procédure de vente par adjudication amiable, dans la mesure où le mandataire liquidateur lui avait indiqué par courrier du 12 novembre 2015 que l'immeuble de Mme [U] [B] était saisissable et qu'il engageait une procédure de saisie immobilière, et que Mme [U] [B] avait renoncé au bénéfice de la déclaration d'insaisissabilité, avant de changer d'avis en septembre 2018 ; que le mandataire liquidateur a le monopole pour procéder à la réalisation des actifs dans le cadre d'une liquidation judiciaire ; qu'elle n'a donc recouvré son droit à agir qu'à compter de cette décision qui refuse la vente de l'actif dans le cadre de la procédure collective, soit le 2 septembre 2019, et que le délai de prescription de l'action de la banque en qualité de créancier hypothécaire doit démarrer à compter de la date à laquelle la banque a été en mesure de faire valoir ses droits.
Dans ses dernières conclusions transmises le 31 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [U] [B], intimée, demande à la cour sur le fondement des articles L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation et des articles 2234 et suivants du code civil :
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- de condamner la banque au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Mme [U] [B] fait valoir en substance :
- que dans la mesure où la déclaration d'insaisissabilité est inopposable à la SA BPALC, l'effet interruptif de prescription de la déclaration de créance cesse à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission des créances, et que l'article L. 622-25-1 du code de commerce, issu de la réforme de 2014, ne trouve pas à s'appliquer ; que la SA BPALC ne justifie pas d'une impossibilité d'agir sur l'immeuble au sens de l'article 2234 du code civil ;
- que la BPALC bénéficie d'un droit réel sur son bien immobilier hors procédure collective, résultant de l'inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité, qui n'a jamais été suspendu durant la période de la procédure collective, et que sa renonciation à l'insaisissabilité de ses droits sur la résidence principale, communiquée au créancier poursuivant par le liquidateur est irrégulière en la forme et n'a nullement empêchée la SA BPALC d'agir au sens de l'article 2234 du code civil ; que le courrier de prétendue renonciation est postérieur à l'expiration du délai de prescription de la créance de la SA BPALC ;
- que l'interversion des prescriptions n'est applicable que sous l'égide des lois antérieures à celle du 17 juin 2008 ; que la déclaration de créance n'équivaut pas à une condamnation et de ce fait ne constitue pas un titre exécutoire au sens de l'article L. 111- 4 du code des procédures civiles d'exécution ; que le contrat de prêt reste soumis à la prescription biennale.
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La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 avril 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'opposabilité de la déclaration notariée d'insaisissabilité et de sa renonciation
Selon l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 6 août 2015, applicable en la cause, la déclaration notariée d' insaisissabilité que peut faire publier la personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant.
Il en résulte que la déclaration d'insaisissabilité n'a pas d'effet à l'égard des créanciers dont les droits sont nés avant sa publication.
En l'espèce, il est constant que les droits dont se prévaut la SA BPALC à l'encontre de Mme [U] [B] sont nés antérieurement à la publication de la déclaration notariée d'insaisissabilité des biens saisis.
En outre, selon l'article L. 526-3 du code de commerce, la renonciation à la déclaration d'insaisissabilité doit intervenir par acte notarié et est soumise aux mêmes mesures de publicité que la déclaration initiale, étant précisé qu'elle ne prend effet qu'une fois effectuées les différentes mesures de publicité.
Aussi, il en résulte que le courrier non daté émanant de Mme [U] [B], transmis par Me [F] à la SA BPALC le 11 février 2021 et évoqué dans un courrier adressé le 12 novembre 2015, selon lequel elle déclare renoncer à l'insaisissabilité de sa maison d'habitation régularisée par acte notarié du 8 février 2008 et autorise le liquidateur à vendre cette maison pour le compte de ses créanciers, ne saurait valoir renonciation de Mme [U] [B] à la déclaration d'insaisissabilité du bien saisi.
En effet, il est constant que cette lettre manuscrite n'est pas un acte notarié et qu'en tout état de cause, il n'est justifié d'aucune mesure de publicité y afférente.
Dans ces conditions, la déclaration notariée d'insaisissabilité de la maison d'habitation de Mme [U] [B] n'était pas opposable à la BPALC, et la renonciation irrégulière à cette déclaration était inopposable à la procédure collective.
Sur le délai de prescription applicable
La BPALC fait valoir que la décision d'admission des créances par ordonnances du juge commissaire du 3 décembre 2013 constitue un titre exécutoire se prescrivant par dix ans, par substitution à la prescription biennale de l'action en paiement.
Mme [U] [B] soutient au contraire que la déclaration de créance n'équivaut pas à une condamnation et de ce fait ne constitue pas un titre exécutoire au sens de l'article L. 111- 4 du code des procédures civiles d'exécution, de sorte que le contrat de prêt reste soumis à la prescription biennale en raison de la nature de la créance.
Le premier juge a dit que la décision d'admission de la créance ne constitue pas un titre exécutoire permettant à la SA BPALC d'obtenir l'exécution forcée contre les biens de Mme [U] [B] dans le délai de prescription de dix ans à l'issue de la procédure collective.
En l'espèce, il est constant que la mesure d'exécution a pour fondement le prêt notarié du 10 août 2007 qui constitue un titre exécutoire, mais dont l'exécution n'est pas soumise au délai de prescription de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution de dix ans, qui ne vise que les décisions de justice.
En effet, l'article L. 111-3, 1°, du code des procédures civiles d'exécution dispose que 'seuls constituent des titres exécutoires : 1° Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire'.
Or, la créance de la SA BPALC, à laquelle la déclaration notariée d'insaisissabilité est inopposable, se prescrit selon les règles qui lui sont applicables, dans la mesure où l'ouverture de la procédure collective ne gèle pas son droit d'agir.
Par suite, il est constant que le prêt immobilier consenti à un consommateur constituant un service financier fourni par un professionnel est soumis au délai biennal de prescription édicté à l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, en raison de la nature de la créance.
Aussi, la créance de la BPALC est soumise au délai de prescription attachée à la créance, soit le délai biennal résultant de l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation.
Ainsi, la prescription propre à l'exécution des décisions de justice de dix ans, ressortant des dispositions de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, ne s'est pas substituée à la prescription abrégée résultant de la nature de la créance, ressortant des dispositions de l'article L. 218-2 du code de la consommation.
Sur la prolongation de l'effet interruptif de prescription résultant de la déclaration de créance
Mme [U] [B] soutient que la déclaration d'insaisissabilité était inopposable à la SA BPALC et que l'effet interruptif de prescription de la déclaration de créance a cessé à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission de sa créance.
Au contraire, la SA BPALC déclare que la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure collective, et qu'aucun événement n'est intervenu à ce jour.
Le juge de l'exécution a dit que la déclaration de créance de la SA BPALC à la procédure collective de Mme [U] [B] par courrier du 20 mai 2010 avait interrompu la prescription, et que l'effet interruptif de prescription s'était prolongé jusqu'à l'admission de la créance par ordonnance du 3 décembre 2013.
L'article 2241 du code civil dispose que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Un créancier inscrit à qui est inopposable la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à son débiteur, et qui peut donc faire procéder à la vente sur saisie de cet immeuble, a également la faculté de déclarer sa créance au passif de la procédure collective du débiteur.
Aussi, s'il fait usage de cette faculté, il bénéficie de l'effet interruptif de prescription attaché à sa déclaration de créance, cet effet interruptif se prolongeant en principe jusqu'à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission, dès lors que ce créancier n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur l'immeuble au sens de l'article 2234 du code civil.
En l'espèce, il en résulte que le délai de prescription a été interrompu jusqu'à la décision d'admission des créances de la SA BPALC du 23 décembre 2010, concernant le prêt n°07025868, et du 3 décembre 2013 concernant le prêt à taux zéro n° 07025870.
Or, l'article 2234 du code civil dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
En l'espèce, le liquidateur n'a pas qualité pour procéder à la vente d'un immeuble dont l'insaisissabilité lui est opposable.
Au contraire, la SA BPALC échappe aux règles de la procédure collective au regard de l'inopposabilité de la déclaration notariée d'insaisissabilité du bien saisi.
Aussi, la SA BPALC ne se trouvait pas juridiquement empêchée d'agir sur l'immeuble en raison des règles de la procédure collective.
En effet, elle n'était pas contrainte par l'arrêt des poursuites, ni par l'attente de l'expiration d'un délai d'inaction du liquidateur, étant précisé qu'elle ne justifie pas de la renonciation régulière de Mme [U] [B] à la déclaration notariée d'insaisissabilité du 8 février 2008 postérieurement à l'admission de ses créances à la procédure collective.
Dans ces conditions, il en résulte que la SA BPALC n'a pas été empêchée d'agir sur l'immeuble.
Dès lors, la BPALC ne peut utilement se prévaloir de la prolongation de l'effet interruptif de prescription résultant de la déclaration de créance jusqu'à la clôture de la liquidation, non prononcée à ce jour.
Dans ces conditions, il en résulte que le délai de prescription de deux ans, interrompu de la déclaration des créances de la SA BPALC à leur admission à la procédure collective de Mme [U] [B], était expiré au jour de la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière le 20 août 2019.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de la SA BPALC irrecevable et ordonné la mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 20 août 2019 en raison de la prescription du titre exécutoire, emportant la radiation de sa publication intervenue le 30 septembre 2019, volume 2019 S n°40.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La SA BPALC qui succombe à hauteur de cour sera condamnée aux dépens d'appel et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Mme [U] [B] a dû engager des frais pour faire valoir sa défense, de sorte qu'il convient de lui allouer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE la SA BPALC de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SA BPALC à payer à Mme [U] [B] la somme de 1 000 € (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SA BPALC aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Fabienne GIRARDOT, Conseillère à la Cour d'Appel de NANCY pour le Président empêché , et par Monsieur ADJAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE POUR
LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ
Minute en onze pages.