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30/06/2022 | FRANCE | N°21/01226

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 30 juin 2022, 21/01226


ARRÊT N° /2022

PH



DU 30 JUIN 2022



N° RG 21/01226 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EYVB







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGWY

21/00063

12 avril 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.S. DEVIERS prise en la personne de so

n représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Joëlle FONTAINE de l'AARPI MILLOT-LOGIER FONTAINE, avocat au barreau de NANCY





INTIMÉS :



Maître [H] [T] ès-qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SAS DEVIERS pris en la personn...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 30 JUIN 2022

N° RG 21/01226 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EYVB

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGWY

21/00063

12 avril 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.S. DEVIERS prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Joëlle FONTAINE de l'AARPI MILLOT-LOGIER FONTAINE, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉS :

Maître [H] [T] ès-qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SAS DEVIERS pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Non comparant ni représenté

Monsieur [G] [E]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Odile LEMONNIER, avocat au barreau de NANCY

CGEA - CENTRE DE GESTION ET D'ETUDE AGS DE [Localité 4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège

[Adresse 8]

[Localité 4]

Non comparant ni représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 05 Mai 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 30 Juin 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 30 Juin 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [G] [E] a été embauché sous contrat de travail à durée indéterminée par la société DEVIERS à compter du 27 février 2020, en qualité de serveur.

Le 19 décembre 2019, la société DEVIERS a procédé à la déclaration de cessation des paiements auprès du greffe du tribunal de commerce de Val de Briey.

Le 14 mars 2020, le restaurant exploité par la société DEVIERS a fermé en raison du confinement imposé par les mesures gouvernementales sur la COVID-19.

Les salariés de la société DEVIERS ont été mis en chômage partiel et le contrat de travail de M. [G] [E] a été suspendu.

La reprise de l'activité professionnelle de la société DEVIERS a eu lieu le 5 juin 2020.

A compter du 9 juin 2020, M. [G] [E] a été placée en arrêt de travail jusqu'au 21 juin 2020, puis du 23 juin au 3 juillet 2020.

Par courrier du 10 juin 2020, la société DEVIERS a mis fin à la période d'essai de M.[G] [E].

Par requête du 21 juillet 2020, M. [G] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Longwy aux fins de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de paiement des indemnités subséquentes et de rappels de salaires ainsi que de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Longwy rendu le 12 avril 2021, lequel a :

- dit que la rupture du contrat de travail liant les parties s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- constaté l'existence d'une créance salariale au profit de M. [G] [E] à l'encontre la société DEVIERS prise en la personne de son représentant légal et fixé le montant comme suit :

- 1 800 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 480 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 48 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 850 euros au titre de rappel de salaire,

- 10 800 euros au titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à Me [T] en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société DEVIERS d'inscrire la créance reconnue sur le relevé des créances salariales,

- débouté M. [G] [E] de ses plus amples demandes,

- déclaré le jugement opposable au CGEA de [Localité 4] en qualité de mandataire de l'AGS en application de l'article L.3253-6 du code du travail et des plafonds prévus aux articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,

- débouté la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle,

- dit que les dépens de l'instance seront liquidés en frais privilégiés du redressement judiciaire.

Vu l'appel formé par la société DEVIERS le 14 mai 2021 ;

Vu l'appel incident formé par M. [G] [E] le 12 novembre 2021 ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société DEVIERS déposées sur le RPVA le 8 février 2022 et celles de M. [G] [E] déposées sur le RPVA le 12 novembre 2021 ;

Maître [H] [T] et le Centre de Gestion et d'Etude AGS de [Localité 4] n'ont pas constitué avocat à l'instance.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 6 avril 2022 ;

La société DEVIERS demande :

- d'infirmer le jugement du 12 avril 2021 du conseil de prud'homme de Longwy sauf concernant les dommages et intérêts pour harcèlement moral, les demandes d'indemnités pour non-respect de la visite médicale,

Et statuant à nouveau,

- de déclarer M. [G] [E] infondé en ses demandes,

- de dire et juger que le contrat de travail de M. [G] [E] est rompu par la rupture de la période d'essai dès le 12 juin 2020,

En conséquence,

- de débouter M. [G] [E] de ses demandes, fins et conclusions contraires,

En tout état de cause,

- de condamner M. [G] [E] à lui régler la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers frais et dépens afférents à la procédure.

M. [G] [E] demande :

- de confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 1 800 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 480 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 48 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 850 euros au titre de rappel de salaire,

- 10 800 euros au titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- fixé à la somme de 480 euros l'indemnité de préavis et 48 euros les congés payés sur préavis,

- la débouté des demandes suivantes :

- 1 800 euros au titre du non-respect de l'indemnité de licenciement,

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations contractuelles,

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 1 500 euros pour non-respect de l'article R.462420 du code du travail,

- fixé à 500 euros les frais de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter la société DEVIERS de toutes ses demandes,

Statuant à nouveau :

- de condamner la société DEVIERS au paiement des sommes suivantes :

- 1 800 euros nets au titre de l'indemnité de préavis outre 180 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 1 800 euros au titre du non-respect de l'indemnité de licenciement,

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations contractuelles,

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 1 500 euros pour non-respect de l'article R.462420 du code du travail,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure à hauteur de cour,

- de condamner la société DEVIERS aux entiers frais et dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de la société DEVIERS le 8 février 2022 et s'agissant de M. [G] [E] le 12 novembre 2021.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [G] [E] fait valoir que le contrat de travail écrit produit par l'employeur lui est inopposable dans la mesure où il ne l'a jamais accepté et signé. Il ajoute qu'aucune période d'essai n'a été convenue lors de l'embauche et que dans la mesure où aucun contrat de travail n'a été régularisé, l'employeur n'a pas pu mettre fin à une période d'essai qui est inexistante. Il explique qu'il comptait reprendre son poste de travail à la réouverture du restaurant mais que le comportement agressif et inacceptable de l'employeur l'a obligé à se mettre en arrêt maladie. Il réfute tout chantage de sa part à l'égard de l'employeur et fait valoir que la rupture intervenue le 10 juin 2020 est abusive dans la mesure où la procédure de licenciement n'a pas été mise en 'uvre.

En défense, la société DEVIERS soutient que M. [G] [E] avait été informé, lors de son embauche, de l'exécution d'une période d'essai de 2 mois renouvelable une fois pour la même durée. Elle renvoie à ce titre à des échanges avec son comptable (pièce N°2) où elle indique qu'il est évoqué la question d'un contrat de travail avec prise d'effet au 27 février 2020 et d'une période d'essai expirant le 26 avril 2020. Elle fait valoir que les bulletins de salaire sont également un élément contractuel permettant de reconstituer les termes de l'accord passé avec le salarié, et explique que le contrat de travail, qui avait été adressé à M. [G] [E] pour signature début mars 2020, ne lui a jamais été retourné. Elle ajoute que lors de la réouverture de son restaurant le 5 juin 2021, M. [G] [E] a fait part de son intention de ne pas reprendre le travail. Elle indique avoir valablement mis fin au contrat de travail par courrier du 10 juin 2020, et ce suite à la période de suspension résultant du confinement du 16 mars au 2 juin 2020.

Motivation :

Aux termes de l'article L.1221-23 du code du travail, la période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

L'exigence d'une stipulation expresse dans le contrat de travail ou la lettre d'engagement interdit de démontrer l'accord des parties, quant à l'existence d'une période d'essai, par d'autres moyens.

La période d'essai n'est opposable au salarié que si celui-ci a signé le contrat de travail. A défaut, la période d'essai ne peut pas être opposée au salarié et la rupture intervenue est sans cause réelle ni sérieuse.

En l'espèce, il est constaté :

- que par courrier du 10 juin 2020, l'employeur a transmis en ces termes au salarié un contrat de travail daté du 27 février 2020 : « ci-joint votre contrat de travail qu'on a pas eu le temps de signer » (pièce salarié N°3),

- que le contrat de travail remis au salarié ne porte que la signature de l'employeur en la personne du restaurant l'Ambrosia (pièce salarié N°4),

- que par cette même lettre du 10 juin 2020, l'employeur a informé le salarié de sa décision de rompre la période d'essai et de mettre fin au contrat de travail moyennant un délai de préavis de 48 heures expirant le 12 juin 2020,

- qu'il n'est produit aucun contrat de travail signé par le salarié.

Il ressort de ces éléments que le contrat de travail stipulant la période d'essai n'est pas signé par M. [G] [E].

La période d'essai ne peut en conséquence lui être opposée par l'employeur et la rupture du contrat de travail intervenue le 10 juin 2020 sans la procédure protectrice du licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil de prud'hommes est dès lors confirmé sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [G] [E] fait valoir que dans la mesure où aucune lettre de licenciement ne lui a été notifiée, la rupture intervenue est abusive. Il indique que le contrat n'a été rompu par l'employeur que parce qu'il tentait de faire valoir ses droits et que son préjudice est considérable. Il sollicite des dommages et intérêts à hauteur d'un mois de salaire, soit la somme de 1 800 euros.

La société DEVIERS ne concluant pas sur ce point, il sera fait droit à la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. [G] [E] et le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents

M. [G] [E] indique qu'il appartenait à l'employeur de respecter un préavis d'un mois. Il sollicite en conséquence une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 1800 euros ainsi qu'une somme de 180 euros au titre des congés payés sur préavis.

La société DEVIERS ne concluant pas sur ce point, il sera fait droit à la demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents respectivement à hauteur de 1 800 euros et 180 euros, le jugement du conseil de prud'hommes étant en conséquence infirmé en ce qu'il a limité la demande d'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 480 euros et la demande de congés payés sur préavis à la somme de 48 euros.

Sur la demande de rappel de salaire

M. [G] [E] soutient que le salaire convenu avec l'employeur devait comprendre un complément en espèces de 500 euros nets par mois. Il reproche à l'employeur de n'avoir respecté cet engagement que partiellement puisqu'il n'a perçu, à côté du salaire fixé aux bulletins de paie, que des espèces à hauteur de 500 euros en mars 2020 et de 400 euros en avril 2020. Il renvoie à des SMS échangés avec l'employeur pour justifier de la réalité de ce complément de rémunération, et réfute les propos de celui-ci selon lesquels il se serait agi de pourboires et de remboursements de frais kilométriques. Il sollicite en conséquence une somme de 850 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d'avril, mai et juin 2020.

La société DEVIERS réplique que M. [G] [E] tente de se faire régler un salaire plus important en toute mauvaise foi. Elle explique que les espèces remises au salarié étaient des pourboires ou des remboursements de frais kilométriques, et qu'il s'agissait de gratifications aléatoires et épisodiques. Elle fait valoir que le salaire mentionné aux bulletins de paie est la rémunération qui avait été convenue lors de l'embauche, et que M. [G] [E] ne pouvait prétendre à un salaire supérieur à la grille salariale prévue par la convention collective, sauf à justifier d'éléments le permettant.

Motivation :

Aux termes de l'article 1353 du code civil : « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

En outre, selon l'article L.3243-3 du code du travail : « l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir renonciation de sa part au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités qui lui sont dus ».

En l'espèce, il est constaté que dans son courrier à l'employeur du 6 juin 2020, M.[G] [E] indique vouloir que le salaire versé, soit environ 1 200 euros « sur 1 800 euros de prévus », soit réglé à une date fixe (pièce salarié N°1).

Il est en outre observé que dans des échanges de SMS non contestés par la société DEVIERS, à la question de l'employeur portant sur le montant du salaire du mois de mai ainsi posée : « on avait dit 1 700 ' ou 1 600 », M. [G] [E] a répondu : « aucun des 2 on avais dit 1 300 déclarer et 500 euros de black » (pièce salarié N°9).

Il est également relevé que la société DEVIERS ne conteste pas avoir versé en espèces à son salarié, en plus du salaire mentionné aux bulletins de paie, les sommes de 500 euros en mars 2020 et de 400 euros en avril 2020, l'employeur écrivant à ce titre au salarié le 28 mai 2020 qu'il lui donnera les 100 euros « en liquide » dès qu'il les aura.

Il est par ailleurs remarqué que la société DEVIERS ne justifie d'aucun élément permettant de constater que les sommes ainsi versées en espèces au salarié étaient des pourboires ou visaient à l'indemniser de frais kilométriques.

Enfin, la société DEVIERS n'établit pas que M. [G] [E] n'aurait pas pu prétendre à une rémunération supérieure à celle prévue par la convention collective.

Il ressort de ces éléments que les parties étaient convenues d'un versement de salaire mensuel en espèces de 500 euros complémentaire à celui mentionné aux bulletins de paie.

Il sera dès lors fait droit à la demande de rappel de salaire de M. [G] [E], le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

M. [G] [E] fait valoir que l'employeur s'est soustrait volontairement à ses obligations légales en n'ayant pas fait apparaître, sur les bulletins de salaire, la réelle rémunération versée. Il sollicite le versement d'une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire, soit une somme de 10 800 euros.

La société DEVIERS, qui conteste tout salaire complémentaire au salarié, objecte n'avoir pas tenté de se soustraire à ses obligations contractuelles et notamment du règlement des charges sociales. Elle relève que M. [G] [E] ne rapporte pas la preuve de sa volonté de ne payer qu'une partie du salaire en réglant l'autre partie par des moyens détournés. Elle conteste en outre le quantum de la somme réclamée à titre d'indemnité forfaitaire.

Motivation :

L'article L.8221-5 du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ce texte n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, le versement d'un salaire mensuel en espèces complémentaire à celui mentionné aux bulletins de paie est suffisant pour démontrer la volonté de l'employeur de dissimuler une partie du travail accompli par son salarié.

Il sera dès lors fait droit à la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé formée par M. [G] [E], le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des obligations contractuelles

M. [G] [E] fait valoir que si la société DEVIERS avait déclaré l'intégralité de son salaire à hauteur de 1 800 euros par mois, il aurait alors pu être pris en charge au titre du chômage partiel et n'aurait pas eu à subir un manque de revenus. Il indique qu'ayant un enfant à charge et des prêts à la consommation en cours, le manquement de l'employeur au paiement du salaire l'a placé dans une situation financière très difficile et constitutive d'un préjudice dont il demande réparation à hauteur de 1 500 euros.

La société DEVIERS conteste les propos et la demande du salarié, soutenant que celui-ci a de son côté manqué à ses obligations en ne l'informant que très tardivement d'un arrêt de travail pour maladie.

Motivation :

Il a été constaté que le salaire mensuel effectivement dû à M. [G] [E] était de 1 800 euros.

Le fait que l'employeur ne l'ai pas versé en intégralité et qu'il n'en ait pas déclaré la totalité a causé un préjudice au salarié qui a subi un manque à gagner, les indemnités de chômage partiel ne lui ayant pas été versées à hauteur du salaire qui lui était effectivement dû.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de dommages et intérêts pour non-respect des obligations contractuelles, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

M. [G] [E] fait valoir que suite à sa réclamation de salaire, il a été menacé par l'employeur qui a voulu le violenter et le dénigrer auprès d'autres restaurants. Il renvoie à ce titre à son courrier du 6 juin 2020 (pièce N°1) et considère qu'il s'agit d'une faute grave de la société DEVIERS constitutive d'un harcèlement moral. Il précise qu'à se comportement s'est ajouté le fait que l'employeur ne lui a pas versé la rémunération due. Il soutient que ces agissements ont eu des répercussions sur sa santé, le contraignant à se mettre en arrêt de travail.

La société DEVIERS conteste le harcèlement moral et les menaces invoqués par le salarié. Elle soutient que M. [G] [E] a lui-même manqué à ses obligations en quittant son emploi en indiquant prendre des congés sans y avoir été autorisé, et en se mettant en arrêt-maladie qu'il n'a déclaré que 20 jours après.

Motivation :

Aux termes des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3, le salarié présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, le salarié renvoie à son courrier du 6 juin 2020 à la société DEVIERS (pièce N°1) pour justifier des menaces qu'il dit avoir subies de celle-ci : « menaces verbales du vendredi 5 juin 2020'de venir chez moi me frapper suite à ma simple réclamation de mon salaire'menaces de prises de contacts avec d'autres restaurateurs pour me dénigrer afin que je ne puisse pas trouver un autre emploi ».

La société DEVIERS conteste les propos du salarié et mentionne qu'il n'y a eu aucun conflit entre eux.

Il est constaté que M. [G] [E] ne produit aucun élément établissant la matérialité de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Dès lors, en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.

M. [G] [E] sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur la demande pour non-respect de l'article R.4624-10 du code du travail

M. [G] [E] fait valoir que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne le convoquant pas à la visite médicale d'embauche. Il sollicite une somme de 1 500 euros pour le préjudice subi.

La société DEVIERS rétorque que le salarié ne démontre pas le préjudice subi en l'absence de visite médicale.

Motivation :

Selon l'article R.4624-10 du code du travail : « tout travailleur bénéficie d'une visite d'information et de prévention, réalisée par l'un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L.4624-1 dans un délai qui n'excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail ».

En l'espèce, l'employeur ne conteste pas que M. [G] [E] n'a pas bénéficié d'une visite médicale d'embauche mais le salarié n'établit pas que le manquement de l'employeur à cette obligation lui a causé un préjudice.

M. [G] [E] sera en conséquence débouté de sa demande pour non-respect de l'article R.4624-10 du code du travail, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a condamné la société DEVIERS au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [G] [E] et la société DEVIERS seront par ailleurs déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel.

La société DEVIERS sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longwy le 12 avril 2021 en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [G] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des obligations contractuelles,

- limité la demande d'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 480 euros,

- limité la demande de congés payés sur préavis à la somme de 48 euros ;

STATUANT A NOUVEAU des chefs infirmés,

Condamne la société DEVIERS à payer à M. [G] [E] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations contractuelles ;

Condamne la société DEVIERS au paiement de la somme de 1 800 euros (mille huit cents euros) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

Condamne la société DEVIERS au paiement de la somme de 180 euros (cent quatre vingt euros) au titre des congés payés sur préavis ;

Y AJOUTANT

Déboute M. [G] [E] et la société DEVIERS de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société DEVIERS aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01226
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.01226 ?
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