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30/06/2022 | FRANCE | N°20/02266

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 30 juin 2022, 20/02266


ARRÊT N° /2022

PH



DU 30 JUIN 2022



N° RG 20/02266 - N° Portalis DBVR-V-B7E-EVD5







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F18/00458

09 octobre 2020











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [U] [P], exerçant sous le nom

commercial 'TABAC TOUATI'

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Olivier NUNGE de l'AARPI AARPI CLAUDE THOMAS CATHERINE BERNEZ OLIVIER NUNGE, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



Madame [N] [X] épouse [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, av...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 30 JUIN 2022

N° RG 20/02266 - N° Portalis DBVR-V-B7E-EVD5

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F18/00458

09 octobre 2020

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [U] [P], exerçant sous le nom commercial 'TABAC TOUATI'

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Olivier NUNGE de l'AARPI AARPI CLAUDE THOMAS CATHERINE BERNEZ OLIVIER NUNGE, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [N] [X] épouse [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 05 Mai 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 30 Juin 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 30 Juin 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [N] [X] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par Monsieur [U] [P] exploitant commercial du Tabac TOUATI, à compter du 29 septembre 2014, en qualité d'employée de commerce, faisant suite à une période contrat à durée déterminée du 06 mars 2014 au 06 septembre 2014.

Madame [N] [X] a été placée en arrêt de travail du 20 janvier 2017 au 14 mai 2017.

Par décision du 24 janvier 2017, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude temporaire au travail pour Madame [N] [X], constatant une souffrance psychologique au travail.

A compter du 01 juillet 2017, Madame [N] [X] a été placée à nouveau en arrêt de travail.

Par courrier du 30 août 2017, Madame [N] [X] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement pour faute.

Par courrier du 31 août 2017, Madame [N] [X] a été convoquée à un nouvel entretien préalable au licenciement, fixé au 13 septembre 2017, l'employeur l'informant de son impossibilité à la reclasser.

Par courrier du 19 septembre 2017, Madame [N] [X] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête de 21 septembre 2018, Madame [N] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins de contestation de son licenciement pour inaptitude et de reconnaissance du harcèlement moral et de harcèlement sexuel dont elle a été victime de la part de son employeur, ainsi que le versement des sommes qui lui sont dues au titre de son solde de tout compte.

Par ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation rendue le 09 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Nancy a ordonné à Monsieur [U] [P] de verser à Madame [N] [X] la somme de 2 000, 00 euros nets, correspondant au reliquat des sommes mentionnées sur le solde de tout compte.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 09 octobre 2020 lequel a :

- dit qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer,

- dit que Madame [N] [X] épouse [M] n'a été victime ni de harcèlement sexuel, ni de harcèlement moral,

- dit que le licenciement de Madame [N] [X] épouse [M] pour inaptitude repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

- dit que la recherche de reclassement a bien été réalisée,

- dit que Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI n'a pas respecté son obligation de sécurité de résultat,

- en conséquence, condamné Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI à payer à Madame [N] [X] épouse [M] les sommes suivantes :

- 5 000,00 euros nets pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

- 2 025,25 euros nets au titre de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement,

- 2 000,00 euros nets en deniers et quittance au titre du reliquat du solde de tout compte,

- 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI à rectifier les documents de fin de contrat et à les remettre à Madame [N] [X] épouse [M] dans les quinze jours suivant la notification du jugement,

- débouté Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI de l'ensemble de ses demandes,

- débouté Madame [N] [X] épouse [M] du surplus de ses demandes,

- condamné Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI aux entiers dépens.

Vu l'appel formé par Monsieur [U] [P] le 11 novembre 2020,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [U] [P] déposées sur le RPVA le 05 avril 2022, et celles de Madame [N] [X] déposées sur le RPVA le 06 avril 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 06 avril 2022,

Monsieur [U] [P] demande :

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en date du 9 octobre 2020 en ce qu'il a :

- dit qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer,

- dit que Madame [N] [X] épouse [M] n'a été victime ni de harcèlement sexuel, ni de harcèlement moral,

- dit que le licenciement de Madame [N] [X] épouse [M] pour inaptitude repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

- dit que la recherche de reclassement a bien été réalisée,

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en date du 9 octobre 2020 en ce qu'il a :

- dit que Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI n'a pas respecté son obligation de sécurité de résultat,

- condamné Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI à payer à Madame [N] [X] épouse [M] les sommes suivantes:

- 5 000,00 euros nets pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

- 2 025,25 euros nets au titre de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement,

- 2 000,00 euros nets en deniers et quittance au titre du reliquat du solde de tout compte,

- 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI à rectifier les documents de fin de contrat et à les remettre à Madame [N] [X] épouse [M] dans les quinze jours suivant la notification du jugement,

- débouté Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI aux entiers dépens,

- statuant à nouveau,

- de dire et juger que Monsieur [U] [P] n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- en conséquence,

- de débouter Madame [N] [X] épouse [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner Madame [N] [X] épouse [M] à payer à Monsieur [U] [P] une somme de 8 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

- de condamner Madame [N] [X] épouse [M] à payer à Monsieur [U] [P] une somme de 1 800 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance,

- d'ajouter au jugement de première instance,

- de condamner Madame [N] [X] épouse [M] à payer à Monsieur [U] [P] une somme de 1 800 e en remboursement de ses frais irrépétibles à hauteur d'appel,

- de condamner Madame [N] [X] épouse [M] aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Madame [N] [X] demande :

- de dire et juger que les demandes de Madame [X] sont recevables et bien fondées,

- d'infirmer le jugement intervenu en ce qu'il a :

- dit que Madame [N] [X] épouse [M] n'a été victime ni de harcèlement sexuel, ni de harcèlement moral,

- dit que le licenciement de Madame [N] [X] épouse [M] pour inaptitude repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

- dit que la recherche de reclassement a bien été réalisée,

- débouté Madame [N] [X] épouse [M] du surplus de ses demandes,

- condamné Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI à payer à Madame [N] [X] la somme de 5 000,00 euros nets pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

- de confirmer le jugement intervenu pour le surplus,

- statuant à nouveau,

- de dire et juger que Madame [X] a été victime de harcèlement moral,

- de dire et juger que Madame [X] a été victime de harcèlement sexuel,

- de dire et juger que le licenciement pour inaptitude de Madame [X] est nul et de nul effet,

- en conséquence,

- de condamner Monsieur [U] [P] à payer à Madame [X] les sommes suivantes :

- 10 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 10 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel,

- 20 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

-5 000,00 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 500,00 euros bruts pour congés payés sur préavis,

- à titre subsidiaire, s'agissant du harcèlement moral et harcèlement sexuel,

- de condamner Monsieur [U] [P] à payer à Madame [X] la somme de 20 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

- à titre subsidiaire, s'agissant du licenciement,

- de dire et juger que Monsieur [U] [P] a manqué à son obligation de recherche de reclassement,

- de dire et juger que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner Monsieur [U] [P] à payer à Madame [X] la somme de 20 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- y ajoutant,

- de débouter Monsieur [U] [P] de l'intégralité de ses demandes,

- de condamner Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI au paiement de la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure à hauteur de Cour,

- de condamner Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial TABAC TOUATI aux entiers frais et dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures de Monsieur [U] [P] déposées sur le RPVA le 05 avril 2022, et celles de Madame [N] [X] déposées sur le RPVA le 06 avril 2022.

Sur le harcèlement sexuel :

Madame [N] [X] fait valoir qu'elle a dû accepter des relations sexuelles avec son employeur pour obtenir et conserver son emploi et que le comportement de ce dernier est devenu « délétère » à partir du moment où elle a refusé de continuer à avoir des relations intimes avec lui.

Elle produit la copie d'un procès-verbal de dépôt de plainte du 20 janvier 2017 dans lequel elle relate ces faits (pièce n° 3) ; d'un procès-verbal du 10 juin 2017 dans lequel elle relate être continument harcelée par messages par Monsieur [U] [P] (pièce n° 6).

Madame [N] [X] produit également les attestations de Madame [O] [S] rapportant les propos de Madame [D] ROBERT selon lesquels Monsieur [U] [P] « est très tactile » (pièce n° 10) ; de Monsieur [F] [E] rapportant également les propos de Madame ROBERT faisant état de ce que cette dernière lui a raconté « les problèmes » que rencontrait la salariée en raison de son refus d'avoir « une relation » avec son patron ; de Monsieur [R] [T], lequel précise « partager une relation affective » avec Madame [N] [X] depuis mai 2016, relatant sa détresse morale face au harcèlement qu'elle disait subir et indiquant que « selon ' son ' interprétation » elle a eu des relations sexuelles avec Monsieur [U] [P] « sous la contrainte, par peur de précarité, étant mère isolée avec deux filles » (pièce n° 11) ; de Monsieur [V] [Y], ancien client de l'établissement tenu par Monsieur [U] [P], indiquant que Madame [N] [X] « a eu des rapports sexuels contre nature pour garder son emploi » (pièce n° 12).

La salariée produit également un SMS de Monsieur [U] [P] duquel il ressort qu'ils ont entretenu une liaison (pièce n° 18).

Madame [N] [X] produit également un certificat médical du 20 janvier 2017 d'un médecin généraliste faisant état d'un « syndrome anxio-dépressif », relatant qu'elle se déclare être victime de harcèlement moral de la part de son employeur et précisant qu'il n'y a pas d'ITT à prévoir (pièce n° 4) ; un second certificat médical du même médecin indiquant qu'elle a perdu du poids (pièce n° 7) ; une fiche d'inaptitude médicale du médecin du travail du 24 janvier 2017 indiquant « une souffrance psychologique au travail » (pièce n° 5).

Monsieur [U] [P] fait valoir que Madame [N] [X] a été sa concubine pendant deux ans à compter de mai 2014 et que leur relation sentimentale était « totalement consentie » ; qu'ils avaient une vie de couple effective, laquelle a pris fin à son initiative ; que la plainte déposée contre lui a été classée sans suite (pièce n° 45).

Il produit une lettre sentimentale, non datée, que lui a écrite Madame [N] [X] (pièce n° 13) ; les attestations de proches, de clients, d'employés et de connaissances faisant état de la réalité de leur relation sentimentale et de la proximité de Monsieur [U] [P] avec les deux enfants de Madame [N] [X] (pièces n° 21 à 31 et 33) ; des photos de vacance avec Madame [N] [X] et ses filles (pièce n° 41).

Motivation :

Vu les articles L1153-1 et L. 1154-1 du code du travail, applicables à l'espèce :

Aucun salarié ne doit subir des faits : 1° soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; 2° soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L1152-1 à L1152-3 et L1153-1 à L1153-4, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement sexuel.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La cour relève que les attestations produites par Madame [N] [X] rapportent ses propres déclarations sur le fait qu'elle a dû consentir à des relations sexuelles avec son employeur pour obtenir et conserver son emploi, mais ne font pas état de faits directement constatés par leurs rédacteurs.

Elle relève également que la plainte déposée par Madame [N] [X] a été classée sans suite au motif d'une « infraction insuffisamment caractérisée » (pièce n° 45 de l'intimé).

En outre, si les pièces médicales produites par Madame [N] [X] mentionnent un état anxio-dépressif, il en ressort que le contexte de cet état indiqué par la salariée ou constaté par un médecin, est lié à un harcèlement moral, sans qu'il soit mentionné de contexte de harcèlement sexuel.

Les éléments produits par l'employeur démontrent qu'au cours de la période pendant laquelle il a employé Madame [N] [X] , une relation sentimentale s'est établie entre eux.

Ainsi, si la matérialité de relations sexuelles entre Madame [N] [X] et son employeur est établie, les éléments produits par la salariée, notamment médicaux, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de laisser présumer l'existence d'un ou plusieurs faits de harcèlement sexuel.

Madame [N] [X] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral :

Madame [N] [X] fait valoir que son employeur et les autres salariés ont eu à son égard un comportement harcelant, visant notamment à la pousser à la démission.

Elle indique que son employeur lui a adressé des SMS insultants ; qu'il a procédé à des changements de ses horaires de travail pour la mettre en difficulté ; qu'il lui a reproché d'être en arrêt maladie ; qu'il l'a privée de ses responsabilités sur son lieu de travail ; qu'il l'a lui adressé de multiples courriers agressifs.

Madame [N] [X] se réfère aux attestations produites par au titre du harcèlement sexuel et qui rapportent également ses propos faisant état du harcèlement moral qu'elle dit avoir subi et les éléments médicaux précédemment évoqués.

Elle produit en outre deux courriers que lui a adressés Monsieur [U] [P] en sa capacité d'employeur, relatifs notamment à ses arrêts maladie et à ses horaires de travail, dont la cour constate que l'expression écrite a un caractère objectivement agressif et en plus pour l'un d'entre eux insultant (pièces n° 8 et 21), l'employeur y indiquant que Madame [N] [X] a bénéficié « d'une promotion canapé » (pièce n° 21).

Elle produit également des SMS en tout ou partie relatifs à la relation de travail et dont l'expression est également agressive et pour l'un d'entre eux insultant, le terme « connasse » étant utilisé (pièces 17 à 19).

Monsieur [U] [P] ne conteste pas l'existence de ces documents.

Motivation :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce les courriers et SMS produits par la salariée ainsi que les éléments médicaux qu'elle présente, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Monsieur [U] [P] fait valoir que les SMS échangés avec Madame [N] [X] doivent être analysés à la lumière de leur relation sentimentale passée et que les courriers en pièces 8 et 21 de l'intimée sont justifiés, l'expression « promotion canapé » devant être lue dans son contexte.

Il indique plus généralement que Madame [N] [X] a eu un comportement déplacé vis-à-vis de ses collègues de travail, allant jusqu'à l'agression verbale avec l'une d'entre elle devenue sa nouvelle compagne.

La relation privée que l'employeur a eue avec la salarié et le comportement supposé de cette dernière sur son lieu de travail ne peuvent justifier le caractère agressif et insultant de ses courriers et SMS, étant rappelé que ces écrits avaient tous pour objet la relation de travail.

En conséquence, la cour constate que Madame [N] [X] a fait l'objet d'un harcèlement moral de l'employeur, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et pour harcèlement moral :

Madame [N] [X] demande 10 000 euros de dommages et intérêts.

L'employeur ne contestant pas à titre subsidiaire le quantum demandé par la salariée, il devra lui verser la somme de 10 000 euros.

Sur la nullité du licenciement :

Madame [N] [X] fait valoir que le harcèlement moral qu'elle a subi est à l'origine de son inaptitude et demande en conséquence l'annulation de son licenciement.

L'employeur ne concluant pas sur ce point, il réputée s'approprier les motifs de la décision attaquée.

Il résulte des pièces médicales produites au dossier et notamment des fiches d'inaptitude médicale (pièce n° 5 de l'appelante et pièce n° 48 de l'intimé) que cette inaptitude est due à un syndrome anxio-dépressif en relation avec sa souffrance au travail.

Dès lors, l'inaptitude de Madame [N] [X] étant la conséquence du harcèlement moral qu'elle a subi, le licenciement doit être déclaré nul, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur les conséquences de l'annulation du licenciement :

Madame [N] [X] réclame la somme de 20 000 euros, faisant valoir notamment son préjudice moral et son incapacité actuelle à retrouver un travail en raison de son état de santé.

L'employeur ne concluant pas sur cette demande de dommages et intérêts, il devra verser à Madame [N] [X] la somme de 20 000 euros.

Sur le bénéfice de l'indemnité spéciale de licenciement :

Madame [N] [X] fait valoir que son inaptitude étant d'origine professionnelle, elle doit bénéficier de l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 et donc le doublement de son indemnité légale de licenciement.

Ayant déjà perçu 1114,75 euros à ce titre, elle réclame en complément la somme de 2025,25 euros.

L'employeur s'oppose à cette demande en l'absence de lien entre l'inaptitude et le manquement éventuel à une obligation de sécurité.

Motivation :

L'inaptitude de Madame [N] [X] trouvant sa cause, au moins partiellement, dans la situation de harcèlement moral qu'elle a subi au travail, elle doit être dite d'origine professionnelle.

Il résulte dès lors des dispositions de l'article L. 1226-12 du code du travail que la salariée a droit au paiement d'une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Les modalités de calcul de cette indemnité n'étant pas contestée par l'employeur, il devra lui verser la somme de de 2025,25 euros, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Madame [N] [X] fait valoir que son licenciement étant nul, elle peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis d'une durée de deux mois compte-tenu de son ancienneté de 2 ans et 11 mois au jour de la notification du licenciement, soit 5000 euros, outre 500 euros au titre des congés payés y afférant.

L'employeur ne concluant pas sur ce point, il est réputé s'approprier les motifs de la décision attaquée ayant rejeté la demande de la salariée.

Motivation :

Le licenciement étant nul et en l'absence de contestation à titre subsidiaire du quantum demandé par la salariée, l'employeur devra lui verser la somme de 5000 euros, outre 500 euros au titre des congés payés y afférant.

Sur la communication de l'attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte :

Madame [N] [X] fait valoir que l'attestation Pôle Emploi rédigée par l'employeur indique le dernier jour travaillé comme étant le 20 juillet 2017, alors qu'elle est en arrêt de travail depuis le 1er juillet 2017.

Elle fait également valoir que l'employeur a mentionné le salaire des douze mois précédents le 20 juillet 2017, alors qu'il aurait dû mentionner le salaire des douze mois précédant le dernier jour effectivement travaillé afin de permettre Pôle Emploi de calculer l'allocation de retour à l'emploi.

Madame [N] [X] demande en conséquence la communication d'une attestation rectifiée, sous astreinte.

L'employeur fait valoir qu'il a rectifié cette erreur et produit copie de l'attestation rectifiée (pièce n° 60).

Motivation :

Il résulte de la pièce n° 60 produite par l'employeur que la rectification de l'attestation adressée à Pôle Emploi a été effectuée le 12 mai 2021, ce qui n'est pas contesté par la salariée.

La cour constate en conséquence que la demande est sans objet.

Sur la demande reconventionnelle de l'employeur de l'allocation de dommages et intérêts pour abus du droit d'agir en justice :

Monsieur [U] [P] fait valoir que les accusations portées contre par Madame [N] [X] sont mensongères et qu'en conséquence Madame [N] [X] a commis un abus de droit en saisissant la justice prud'homale.

Il réclame la somme de 8000 euros au titre de dommages et intérêts.

Madame [N] [X] n'ayant pas conclu, elle est présumée s'être appropriée est réputée s'en approprier les motifs de la décision attaquée ayant rejeté la demande de l'employeur.

Motivation :

Les faits de harcèlement moral étant établis et son licenciement étant conséquence annulé, Madame [N] [X] n'a pas abusé de son droit d'ester en justice.

La demande de dommages et intérêts de l'employeur sera en conséquence rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

L'employeur devra verser à Madame [N] [X] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles et sera débouté de sa propre demande à ce titre.

L'employeur sera condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a :

- condamné Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial « Tabac TOUATI » à verser à Madame [N] [X] la somme de 2025,25 euros de reliquat dû au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- condamné Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial « Tabac TOUATI » aux dépens,

- débouté Madame [N] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel,

- débouté Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial « Tabac TOUATI » de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour abus de droit,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a :

- débouté Madame [N] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- débouté Madame [N] [X] de sa demande d'annulation du licenciement,

- débouté Madame [N] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- débouté Madame [N] [X] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis ;

STATUANT A NOUVEAU 

Condamne Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial « Tabac TOUATI » à verser à Madame [N] [X] la somme de 10 000 euros (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Annule le licenciement de Madame [N] [X],

Condamne Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial « Tabac TOUATI » à verser à Madame [N] [X] la somme de 20 000 euros (vingt mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Condamne Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial « Tabac TOUATI » à verser à Madame [N] [X] les sommes de 5000 euros (cinq mille euros), outre 500 euros (cinq cents euros) au titre des congés payés y afférant,

Y AJOUTANT 

Constate que la demande de rectification de l'attestation versée à Pôle emploi est sans objet,

Condamne Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial « Tabac TOUATI » à verser à Madame [N] [X] la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles,

Déboute Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial « Tabac TOUATI » de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne Monsieur [U] [P] exerçant sous le nom commercial « Tabac TOUATI » aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 20/02266
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;20.02266 ?
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