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23/06/2022 | FRANCE | N°21/00913

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 23 juin 2022, 21/00913


ARRÊT N° /2022

PH



DU 23 JUIN 2022



N° RG 21/00913 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EX7M







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

19/00274

19 mars 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



Madame [A] [I]

[Adresse 2]

[L

ocalité 3]

Représentée par M.[Y] [C], défenseur syndical, régulièrement muni d'un pouvoir de représentation







INTIMÉE :



S.A.R.L. LES PETITS GOBELINS prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence ANTRIG substituée par Me...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 23 JUIN 2022

N° RG 21/00913 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EX7M

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

19/00274

19 mars 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Madame [A] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par M.[Y] [C], défenseur syndical, régulièrement muni d'un pouvoir de représentation

INTIMÉE :

S.A.R.L. LES PETITS GOBELINS prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence ANTRIG substituée par Me LE ROY DE LA CHOHINIERE de la SCP LE ROY DE LA CHOHINIERE - ANTRIG, avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 28 Avril 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK , conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 23 Juin 2022;

Le 23 Juin 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [A] [I] a été engagée sous contrat de d'apprentissage, par la société LES PETITS GOBELINS, pour la période du 03 octobre 2017 au 31 août 2018, dans le cadre d'une formation « mention complémentaire cuisinier en desserts de restaurant ».

Le 07 octobre 2017, Madame [A] [I] a été victime d'un accident du travail, à la suite duquel elle a été placée en arrêt de travail.

Le 31 août 2018, le terme du contrat d'apprentissage est intervenu à la date prévue.

Par requête du 07 juin 2019, Madame [A] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins de requalification de son contrat d'apprentissage en contrat à durée indéterminée et de condamnation de l'employeur à diverses indemnités en raison de la rupture.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 19 mars 2021, lequel a :

- dit le contrat d'apprentissage de Madame [I] [A] régulier et légal,

- dit que le contrat d'apprentissage est arrivé à son terme,

- débouté Madame [I] [A] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société LES PETITS GOBELINS du surplus de ses demandes,

- condamné Madame [I] [A] aux entiers dépens.

Vu l'appel formé par Madame [A] [I] le 07 avril 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Madame [A] [I] reçues au greffe de la chambre sociale le 09 février 2022, et celles de la société LES PETITS GOBELINS déposées sur le RPVA le 17 mars 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 mars 2022,

Madame [A] [I] demande :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il la déboute de l'ensemble de ses demandes et la condamne aux entiers dépens,

- de statuer à nouveau et y ajoutant,

- de requalifier le contrat d'apprentissage en contrat à durée indéterminée de droit commun,

- de condamner la société LES PETITS GOBELINS à :

- 374,62 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 1 498,47 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 149,84 euros au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

- 160,65 euros au titre du rappel de salaires,

- 16,07 euros au titre des congés payés afférents,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- pour la seconde instance, 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- aux entiers dépens de seconde instance, y compris liés à l'exécution de la décision,

- de rappeler que les créances contractuelles porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la lettre de convocation à la séance de conciliation devant le conseil de prud'hommes conformément à l'article 1231-6 du code civil,

- de rappeler que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la date du jugement conformément à l'article 1231-7 du Code Civil,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année en application de l'article 1343-2 du code civil,

- d'ordonner la remise de documents sociaux et de feuilles de paie, dont la feuille de paie d'octobre 2017 rectifiée,

- de débouter la société LES PETITS GOBELINS de l'intégralité de ses demandes et prétentions.

La société LES PETITS GOBELINS demande :

- de dire et juger l'appel formé par Madame [I] [A] mal fondé,

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de NANCY le 19 mars 2021 en ce qu'il a :

- dit le contrat d'apprentissage de Madame [I] régulier et légal,

- dit que le contrat d'apprentissage est arrivé à son terme,

- débouté Madame [A] [I] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Madame [A] [I] aux entiers dépens,

- de débouter Madame [I] [A] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner Madame [I] [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 17 mars 2022, et en ce qui concerne l'appelante le 09 février 2022.

Sur la demande de requalification du contrat

Mme [A] [I] fait valoir qu'un contrat d'apprentissage devait être établi préalablement à son emploi ; qu'aucun contrat d'apprentissage n'a été régularisé ; que le contrat, dont les trois volets ont été rédigés en urgence après l'accident de travail, n'a jamais été communiqué au centre de formation ni à la chambre consulaire en charge de l'enregistrement ; que cette formalité étant obligatoire son contrat est nul et doit être requalifié en CDI de droit commun.

Elle soutient que le contrat a été signé le jour de l'accident, soit le 07 octobre 2017, et non le 03 octobre 2017 au commencement du contrat ; elle précise que ce contrat a été signé mais non daté le 07 octobre, et qu'elle détient les trois volets originaux du contrat non datés qui lui ont été laissés après signature le jour de son accident. Elle affirme que la date a été rajoutée à son insu après la signature.

Mme [A] [I] ajoute que ce contrat est irrégulier puisqu'il n'a pas été signé avant le début du contrat, n'a pas été visé par le CFA, n'a pas été daté au moment de sa signature, que n'y est jointe aucune convention tripartite, que l'employeur n'a conservé aucun exemplaire, qu'il n'a été transmis à la CMA qu'un an après sa fin théorique, et n'a donc pas été enregistré dans les cinq jours.

L'appelante note que la date du 03 octobre 2017 a été rajoutée sur le document produit par l'employeur après l'enregistrement par la chambre des métiers et sa validation, le 1er août 2019, l'exemplaire qui lui a été envoyé à cette date par la chambre des métiers n'étant en effet pas daté.

Mme [A] [I] indique également que pour la courte période durant laquelle elle a travaillé, elle n'a pas reçu de formation et a travaillé seule ; que les seules activités qu'elle a effectuées durant sa période de travail ne correspondent pas à sa formation; qu'elle ne travaillait pas en pâtisserie ; qu'avec un seul sous-chef de cuisine, maître d'apprentissage, et six apprentis le restaurant embauchait des apprentis à la place de cuisinier/pâtissier en CDI et qu'aucune réelle formation n'était possible dans ces conditions.

La société LES PETITS GOBELINS fait valoir que l'appelante n'apporte aucune preuve de ce qu'elle avance quant à la date de signature du contrat d'apprentissage ; elle affirme que le contrat a été signé le 03 octobre, la déclaration d'embauche étant faite le même jour; elle ajoute que Mme [A] [I] ne justifie pas du fondement juridique qui impliquerait une requalification au motif d'une signature tardive du contrat d'apprentissage.

L'intimée indique également avoir adressé le contrat à la chambre des métiers pour transmission au centre de formation, et qu'il n'a pas été traité rapidement.

La société LES PETITS GOBELINS soutient qu'aucun des témoins de Mme [A] [I] n'indique qu'elle aurait toujours travaillé seule pendant ces quelques jours, et n'aurait bénéficié d'aucune action de formation.

Elle conteste les éléments présentés par Mme [A] [I] concernant les effectifs, indiquant que l'extrait du registre du personnel produit par l'appelante ne fait pas apparaître les salariés les plus anciens, et que figure parmi le personnel le chef de cuisine, gérant du restaurant.

Il résulte des dispositions des articles L6222-4 et suivants du code du travail que le contrat d'apprentissage doit être signé, daté, et comprendre des mentions obligatoires.

Il doit également être enregistré.

L'inobservation de ces obligations est sanctionnée par la nullité du contrat de travail.

Mme [A] [I] insiste dans ses conclusions sur le fait qu'elle ne sollicite pas la nullité de son contrat, mais sa requalification.

Les griefs tenant à la signature et l'enregistrement du contrat d'apprentissage ne pouvant emporter la requalification du contrat, il n'y a pas lieu de les examiner.

Il résulte des dispositions des articles L6211-1 et suivants du code de du travail que le contrat d'apprentissage met à la charge de l'employeur une obligation de formation de l'apprenti.

Lorsque cette obligation n'est pas respectée, le contrat d'apprentissage est requalifié en contrat à durée indéterminée.

Mme [A] [I] fait valoir que son contrat a été détourné de sa finalité puisque, recrutée en mention « pâtisserie », elle travaillait en réalité en cuisine, occupant un poste correspondant à un besoin permanent de l'entreprise,qui avait déjà un apprenti en mention pâtisserie. Elle ajoute que la société LES PETITS GOBELINS fonctionnait presque exclusivement avec des apprentis.

Elle fait également valoir qu'elle n'a pas reçu de formation et a travaillé seule, et que les seules activités qu'elle a effectuées durant sa période de travail ne correspondent pas à sa formation. Elle indique également que le seul salarié en CDI en cuisine était le sous-chef, pour six apprentis, et que dans ces conditions aucune réelle formation n'était possible.

Mme [A] [I] renvoie à ses pièces 2 à 4, 9 et 10, et à la pièce adverse 4.

La pièce 2 est l'attestation de M. [H] [J] : « (') Melle [I] n'a jamais travaillé en pâtisserie alors qu'elle était engagée comme moi en mention complémentaire en pâtisserie. Toute la semaine où elle a travaillé, elle était aux entrées, aux légumes, aux poissons, aux crustacés, etc. mais elle n'a jamais travaillé à la pâtisserie sauf une fois pour faire du pain ; je le sais car j'étais le seul affecté à la pâtisserie ; (...) »

La pièce 3 est l'attestation de M. [W] [X], qui ne fait état que de l'accident de Mme [A] [I] le 07 octobre 2017.

La pièce 4 est une autre attestation de M. [W] [X] : « (') quand j'étais au « Petit Gobelins » je n'ai jamais vu de desserts sucré salé, sauf du chocolat avec de la fleur de sel en finition. C'était [H] qui faisait la pâtisserie et Mr [U] ne voulait pas qu'il fasse des choses compliquées car il n'était pas assez rapide. (') Les consignes pour le velouté avaient été données par [N] [P]. Il n'a pas travaillé avec [A]. Mr [U] était là mais il n'a pas non plus travaillé avec [A]. (...) »

La pièce 9 est constituée des pages 9 à 11 du registre du personnel de la société LES PETITS GOBELINS sur lesquelles figurent les noms de 17 apprentis, dont les contrats s'étalent entre septembre 2016 et août 2020, la durée maximale des contrats étant de 13 mois, certains ayant des durées plus courtes, 1 mois ou 3 mois par exemple.

La pièce 10 est une note en délibéré de Mme [A] [I] devant le conseil des prud'hommes, commentant la pièce 9 précitée, et le document unique, et faisant valoir que « A l'entrée de Mme [I], soit le 3 octobre 2017, l'entreprise compte 5 apprentis ' 2 en pâtisserie ' desserts : [H] [J] et [A] [I], 3 en cuisine : [F] [O], [W] [G], [T] [R]- et un sixième est engagé 3 jours plus tard en cuisine encore, [W] [X]. Le restaurant fonctionne alors avec un chef de cuisine et six apprentis. (...) »

La pièce 4 de la société LES PETITS GOBELINS est l'attestation de Mme [T] [R] : « Melle [I] travaille avec [H] en pâtisserie et effectue la mise en place pour le service en pâtisserie et elle envoyait les assiettes des desserts pendant le service car à cette date je [illisible] apprentie en BP dans Petits Gobelins ».

Ces pièces n'établissent pas que Mme [A] [I] n'aurait pas été encadrée par des maîtres de stage et n'aurait pas reçu de formation. La seule circonstance qu'elle ait pu être affectée à des tâches de cuisine pendant les quatre jours qu'aura duré son stage ne permet pas de démontrer que, compte tenu de cette brièveté, il y a eu un défaut de formation et un détournement du contrat d'apprentissage pour occuper un emploi à part entière dans l'entreprise.

Mme [A] [I] sera donc déboutée de sa demande de requalification, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur les demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de rappel de salaire

Mme [A] [I] fonde toutes ces demandes sur la requalification du contrat d'apprentissage en contrat à durée indéterminée, comme conséquences de la rupture du contrat de travail pour les indemnités, et comme différence entre le salaire perçu en tant qu' apprentie et celui dû à un salarié en contrat à durée indéterminée sur le même poste.

Mme [A] [I] étant déboutée de sa demande de requalification du contrat d'apprentissage, elle sera en conséquence déboutée de ces demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat

Mme [A] [I] fait valoir qu'elle n'exécutait pas de tâches de pâtisserie alors même que c'était le coeur de sa formation ; que son employeur a tenté de faire passer son accident de travail pour un accident de pâtisserie, et l'a gardée, lorsqu'elle s'est blessée, jusqu'à la fin de son service avant de lui dire d'aller aux urgences, la laissant s'y rendre seule, sans moyen de locomotion que les transports publics. Elle ajoute que ce retard a vraisemblablement été déterminant dans le développement de l'algodystrophie dont elle souffre.

Mme [A] [I] indique également qu'il a pris le soin de lui faire signer en urgence son contrat avant son départ pour les urgences.

L'appelante explique que les urgences où elle s'est rendue ont appelé une ambulance pour la transporter aux urgences de la main, où son pansement a été refait ; elle a été opérée le lendemain matin quand un bloc a été prêt.

La société LES PETITS GOBELINS affirme que le contrat d'apprentissage vise le suivi d'une mention complémentaire « cuisinier en desserts de restaurant », qui doit permettre à un cuisinier de développer une spécialité dans la confection de desserts de restaurant ; elle souligne que M. [J], vient tout à la fois indiquer que l'appelante n'a jamais travaillé en pâtisserie, pour ensuite reconnaître que cela s'est produit une fois. Elle souligne que l'accident est survenu dans les tous premiers jours de son apprentissage, la répartition des tâches étant modifiée à chaque arrivée d'une nouvelle personne.

La société LES PETITS GOBELINS soutient que le grief de l'avoir retenue jusqu'à la fin du service plutôt que de l'envoyer aux urgences, et la signature prétendue au 07 octobre ne sont pas établis par Mme [A] [I].

Elle affirme que c'est Mme [A] [I] qui n'a pas signalé sa blessure, et que ce n'est qu'à la suite du signalement par l'un de ses collègues que le gérant l'a envoyée aux urgences.

Mme [A] [I] renvoie, au soutien de ses demandes, à ses pièces 1 à 4, 7, 8 et 10, et à la pièce adverse 4.

La pièce 1 est son contrat d'apprentissage.

En pièce 2, M. [H] [J] indique : « (') Le samedi 7 octobre 2017 elle s'est coupée en enlevant le coeur d'un chou-fleur. (') [A] a continué à travailler avec son gant jusqu'au repas, vers 11h30. Au moment du repas, j'ai vu que sa plaie était très profonde et qu'elle était au bord du malaise. Je lui ai dit d'aller voir le patron. Elle l'a fait, M. [D] [U] lui a fait un pansement et lui a dit d'arrêter le travail et de prendre des photos des plats et des desserts. A 13h00 il a regardé l'heure et lui a dit d'aller à l'hôpital. [A] est partie et j'ai appris ensuite qu'elle était allée toute seule à l'hôpital. »

En pièce 3, M. [W] [X] explique que : « (') J'ai entendu un gémissement, j'ai jeté un regard sur son plan de travail sans prêter attention plus que ça, je l'ai vue partir chercher un gant en latex qu'elle avait enfilé sur sa main gauche, en suite [A] m'a appelé pour me montrer sa blessure j'ai pu voir du sang et sa chair. Nous sommes allés manger. Pendant le repas elle m'a de nouveau montré sa blessure et j'ai constaté que c'était grave. Elle n'allait pas bien. Je me suis moi-même allé le dire au patron. Il est allé la trouver et lui a fait un pansement. Ensuite il lui a dit d'attendre puis de prendre des photos des plats préparés du menu. Un peu avant la fin du service il lui a dit d'aller aux urgences et elle est partie ».

En pièce 4, dans une nouvelle attestation, M. [W] [X] indique que : « (...)Quand elle s'est coupée, [A] a mis un gant en latex (blanc) elle ne saignait pas beaucoup, elle continuait à travailler. Nous sommes allés manger peu après vers 11h30. [A] ne mangeait pas, elle n'était pas bien, elle était pâle. Elle m'a de nouveau montré sa plaie. Je suis alors aller trouver le sous-chef [N]. [N] en a informé le patron (Mr [U]) et c'est lui qui a fait un pansement après avoir envoyé sa fille chercher le nécessaire à la pharmacie. Mr [U] a demandé à [A] de prendre des photos des plats avant de la laisser partir à l'hôpital vers 14h ».

La pièce 7 est son contrat d'apprentissage.

La pièce 8 est le courrier de la chambre des métiers adressé à la société LES PETITS GOBELINS en date du 1er août 2019, adressant à l'intimée un exemplaire du contrat de Mme [A] [I] après enregistrement.

La pièce 10 est sa note en délibéré devant le conseil des prud'hommes.

La pièce 4 de la société LES PETITS GOBELINS est l'attestation de Mme [T] [R], déjà citée supra.

Il résulte des dispositions des articles L4121-1 et suivants du code du travail que l'employeur est soumis à une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés.

En l'espèce, il ressort des attestations précitées que la société LES PETITS GOBELINS s'est abstenue d'adresser immédiatement à un médecin son apprentie, dès qu'il a eu connaissance de la gravité de la blessure de l'appelante, soit vers 11h30, pour ne la libérer qu'à la fin du service.

Cette attitude, adoptée en violation de son obligation de sécurité, caractérise une exécution déloyale du contrat de travail, justifiant, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs adressés sur ce fondement à l'employeur, que ce dernier soit condamné à verser à l'appelante 2000 euros de dommages et intérêts en réparation.

Il sera par ailleurs fait droit à la demande d'assortir cette somme des intérêts légaux, à compter du présent arrêt, avec capitalisation des intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale

Mme [A] [I] ni ne motive ni n'explicite sa demande, ce que souligne la société LES PETITS GOBELINS en faisant valoir qu'aucune explication n'est fournie.

Dans ces conditions, l'appelante sera déboutée de cette demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société LES PETITS GOBELINS sera condamnée aux dépens, ainsi qu'aux sommes de 500 euros sur le fondement de l'article 700 pour la procédure d'appel, et 1000 euros pour la procédure d'appel.

Les dispositions de l'article L111-8 du Code des procédures civiles d'exécution fixent la répartition des frais d'exécution forcée et de recouvrement entre le créancier et le débiteur, et prévoient dans certaines hypothèses le recours au juge de l'exécution; il n'appartient donc pas au juge du fond de statuer sur cette demande au demeurant prématurée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 19 mars 2021, sauf en ce qu'il a débouté Mme [A] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et de sa demande de condamnation aux frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau dans ces limites,

Condamne la société LES PETITS GOBELINS à payer à Mme [A] [I] 2000 euros (deux mille euros) de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat d'apprentissage, avec intérêts au taux légal ;

Dit que les intérêts produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société LES PETITS GOBELINS à payer à Mme [A] [I] 500 euros (cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance ;

Y ajoutant,

Condamne la société LES PETITS GOBELINS à payer à Mme [A] [I] 1000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société LES PETITS GOBELINS aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Clara TRICHOT-BURTE, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en neuf pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/00913
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.00913 ?
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