RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2022 DU 20 JUIN 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02279 - N° Portalis DBVR-V-B7E-EVEZ
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de VERDUN,
R.G.n° 14/00178, en date du 15 juillet 2020,
APPELANTES :
Madame [C] [Y], née [ES]
née le 04 Avril 1959 à REIMS (51)
domiciliée Ferme de Sillon Fontaine - 55150 REVILLE AUX BOIS
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Alexandra SEBAG, substituant Me Jérôme CASEY, avocats au barreau de PARIS
Madame [DG] [ES]
née le 06 Mars 1962 à REIMS (51)
domiciliée 23 avenue Foch - 94300 VINCENNES
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Alexandra SEBAG, substituant Me Jérôme CASEY, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Madame [D] [BL], née [N]
née le 30 Juin 1971 à VERDUN
domiciliée 30 bis rue Emile Legrand - 98800 NOUMEA
Représentée par Me Clarisse MOUTON substituée par Me Violaine LAGARRIGUE de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocats au barreau de NANCY
Madame [K] [U]
née le 10 Juillet 1963 à VERDUN (55)
domiciliée 40 rue de Moscou - 55150 MANGIENNES
Représentée par Me Vincent VAUTRIN de la SELARL LÉGICONSEIL AVOCATS, avocat au barreau de la MEUSE
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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Monsieur [DG] [U]
né le 18 Avril 1954 à MESNIL-SAINT-PERE (10)
domicilié 7 rue de la Marne - 94700 MAISONS-ALFORT
Représenté par Me Vincent VAUTRIN de la SELARL LÉGICONSEIL AVOCATS, avocat au barreau de la MEUSE
Madame [YZ] [T], née [U]
domiciliée 90 avenue de Vals - 43750 VALS PRES LE PUY
Représentée par Me Clarisse MOUTON substituée par Me Violaine LAGARRIGUE de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocats au barreau de NANCY
Madame [P] [PU], née [ES]
née le 14 janvier 1950 à ISSE (51)
domiciliée 9 rue du Pont de la Chappe - 51150 ISSE
Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Charlotte ROUSSEAU, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, substituant Me Michel AUGUET, avocat au barreau de REIMS
Madame [Z] [L], née [ES]
née le 26 juin 1947 à ISSE (51)
domiciliée 4 ruelle Bauchet - 51150 ISSE
Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Charlotte ROUSSEAU, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, substituant Me Michel AUGUET, avocat au barreau de REIMS
Maître [G] [PI]
Notaire
pour ce domiciliée 4 avenue Albert 1er - 55100 VERDUN
Représentée par Me Cyrille GAUTHIER de la SCP GAUTHIER, avocat au barreau d'EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Avril 2022, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2022, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 20 Juin 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
FAITS ET PROCÉDURE :
Par testament olographe du 3 janvier 2005, [O] [ES], né le 26 février 1923 à Isse (Marne), a révoqué son testament du 6 février 1997, en indiquant avoir été manipulé par sa fille Madame [C] [ES] épouse [Y] et regretter 1a donation consentie par contrainte à ses petits-enfants [B] et [R] [Y] par acte notarié du 24 février 2004. Il a alors institué légataires particuliers ses deux nièces Madame [P] [ES] épouse [PU] et Madame [Z] [ES] épouse [L].
Par testament olographe du 9 mars 2007, [O] [ES] a révoqué toutes dispositions testamentaires antérieures à ce jour, a institué légataire universel Madame [D] [N] épouse [BL] ; il a indiqué regretter la donation consentie par contrainte à ses petits-enfants par acte notarié du 24 février 2004, a confirmé 1'esprit de son testament du 6 février 1997 et de son testament du 3 janvier 2005, et il a institué légataires particuliers ses deux nièces Madame [P] [ES] épouse [PU] et Madame [Z] [ES] épouse [L].
Par codicille du 24 août 2007, [O] [ES] a désigné Maître [G] [PI], notaire à Verdun, pour régler sa succession.
Par testament authentique du 29 mars 2010, reçu par Maître [G] [PI], en présence de Monsieur [W] [J] et de Monsieur [V] [OI], témoins instrumentaires, [O] [ES] a confirmé la teneur du testament olographe du « 2 mars 2007 » et du codicille du 24 août 2007 annexés, a institué [E] [WN] veuve [U] légataire d'un « legs rémunératoire » et désigné Maître [G] [PI] en qualité d'exécuteur testamentaire.
[O] [ES] est décédé le 12 mai 2011 à Sivry Sur Meuse (Meuse), laissant comme successeurs ses deux filles Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES], ainsi que son conjoint survivant Madame [WC] [BC] épouse [ES].
Par actes des 6 et 7 mars 2014, Madame [D] [N] épouse [BL] ont attrait Madame [C] [ES] épouse [Y], Madame [DG] [ES] et Madame [WC] [BC] veuve [ES] devant le tribunal de grande instance de Verdun.
Madame [WC] [BC] veuve [ES] est décédée le 20 avril 2014 à Reims (Marne), laissant pour recueillir sa succession ses deux filles Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES].
Par acte déposé au greffe le 21 janvier 2015, Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] ont formé une inscription de faux du testament authentique d'[O] [ES] du 29 mars 2010 reçu par Maître [G] [PI].
Par actes des 15, 16, 19, 20 octobre 2015, Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] ont fait assigner en intervention forcée Monsieur [DG] [U], Madame [P] [ES] épouse [PU], Madame [Z] [ES] épouse [L], Madame [K] [U] et Madame [YZ] [U] épouse [T] devant le tribunal de grande instance de Verdun.
Par ordonnance du 11 mars 2016, 1e juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances.
Par ordonnance sur incident du 22 septembre 2017, le juge de la mise en état a :
- ordonné au Crédit Agricole de Lorraine la communication des contrats d'assurance-vie, des changements de clause bénéficiaire, la liste et le montant des versements effectués par le défunt sur les contrats suivants :
- un contrat Prédica Prédige n° 70000795829,
- un contrat Prédica Prédissime n° 71000471830,
- un contrat Prédica Confluence,
- un contrat Prédica Prédiplus n° 70001421274,
- un contrat Prédica Prédiplus n° 70001493672,
- ou tout autre contrat ouvert au nom d'[O] [ES] dans les livres du Crédit Agricole de Lorraine,
- ordonné à Groupama la communication des contrats d'assurance-vie, des changements de clause bénéficiaire, la liste et le montant des versements effectués sur tout autre contrat ouvert au nom de [O] [ES] dans ses livres,
- ordonné à la Capma-Capmi la communication des contrats d'assurance-vie, des changements de clause bénéficiaire, la liste et le montant des versements effectués par le défunt sur les contrats suivants :
P-3193082 ;
P-3194457 ;
n° 3083027 ;
- ou tout autre contrat ouvert au nom de [O] [ES] dans les livres de Capma-Capmi,
- ordonné aux consorts [U] de produire la carte grise et le certificat de cession du véhicule C3 immatriculé BE-011-CJ appartenant à [O] [ES],
- dit que ces communications de pièces devront être effectuées dans un délai maximum de 6 semaines ;
- réservé les frais irrépétibles et les dépens de l'instance incidente.
Par acte du 31 mai 2018, Madame [YZ] [U] épouse [T], Madame [K] [U] et Monsieur [DG] [U] ont fait assigner en intervention forcée Maître [G] [PI], notaire à Verdun, devant le tribunal de grande instance de Verdun.
Par jugement contradictoire du 15 juillet 2020, faisant suite à un jugement du 19 février 2020 ordonnant la réouverture des débats, le tribunal judiciaire de Verdun a :
- débouté Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] de leur demande en nullité du testament authentique du 29 mars 2010,
- débouté Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] de leur demande en nullité du testament du 9 mars 2007 et du codicille du 24 août 2007,
- ordonné la délivrance du legs de Madame [D] [N] épouse [BL], légataire universel, par les héritiers réservataires en application de l'article 1004 du code civil ;
- ordonné la délivrance des legs particuliers de Madame [P] [ES] épouse [PU] et de Madame [Z] [ES] épouse [L] par les héritiers réservataires en application de l'article 1014 du code civil,
- dit que conformément à l'article 1016 du code civil, les frais de la demande en délivrance des legs particuliers seront à la charge de la succession d'[O] [ES],
- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [O] [ES] décédé le 12 mai 2011 à Sivry Sur Meuse (Meuse),
- commis pour procéder à ces opérations le président de la chambre interdépartementale des notaires de la cour d'appel de Nancy avec faculté de délégation, à l'exclusion de la SELARL Michel & Mancini, anciennement SCP [PI], Michel & Mancini, notaires à Verdun,
- dit que conformément à l'article 1368 du code de procédure civile, dans le délai d'un an suivant sa désignation, le notaire devra dresser un état liquidatif établissant les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir,
- rappelé que ce délai est susceptible de suspension ou de prorogation dans les conditions prévues aux articles 1369 et 1370 du code de procédure civile,
- dit que le notaire désigné pourra se faire remettre tout document nécessaire à l'accomplissement de sa mission,
- dit que dans le cadre des opérations susvisées, il appartiendra au notaire désigné d'évaluer la valeur des biens immobiliers indivis,
- commis le président du tribunal judiciaire de Verdun en qualité de juge chargé de veiller au bon déroulement des opérations de partage,
- débouté Madame [D] [N] épouse [BL] de sa demande de communication de pièces,
- débouté Madame [D] [N] épouse [BL] de sa demande d'expertise judiciaire,
- débouté Madame [D] [N] épouse [BL] de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,
- débouté Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] de leur demande de réduction des donations et legs consentis par [O] [ES],
- dit que Madame [Z] [ES] épouse [L] bénéficie d'une créance d'un montant de 2529,71 euros à 1'égard de la succession d'[O] [ES] au titre des frais funéraires,
- constaté que Madame [Z] [ES] épouse [L] accepte de rapporter la donation de la somme de 16150 francs, soit la somme de 2462,05 euros, à la succession d'[O] [ES],
- dit qu'en application de l'article 860-1 du code civil, le rapport dû par Madame [Z] [ES] épouse [L] à la succession d'[O] [ES] sera de la valeur des parcelles de terre et de bois acquises le 23 juillet 1996 dans les conditions prévues à l'article 860 du code civil,
- débouté Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] de leur demande de rapport à la succession des primes versées par [O] [ES] sur les contrats d'assurance vie qu'il a souscrits,
- débouté Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] de leur demande tendant voir ordonner à Madame [D] [N] épouse [BL], Monsieur [DG] [U], Madame [P] [ES] épouse [PU], Madame [Z] [ES] épouse [L], Madame [K] [U] et Madame [YZ] [U] épouse [T] de leur fournir une copie des contrats d'assurance vie reçus par eux et de tous documents y afférent,
- débouté l'ensemble des parties du surplus de leurs demandes,
- débouté Madame [D] [N] épouse [BL] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] de leur demande an titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Madame [P] [ES] épouse [PU] et Madame [Z] [ES] épouse [L] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Madame [YZ] [U] épouse [T], Madame [K] [U] et Monsieur [DG] [U] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Pour statuer ainsi, au titre de l'inscription de faux, de la validité de l'acte authentique du 29 mars 2010 et sur la prescription et la dénonciation de l'inscription de faux, le tribunal a relevé que cette demande déposée au greffe du tribunal le 21 janvier 2015 contre le testament du 29 mars 2010 n'était pas prescrite et que le délai d'un mois visé à l'article 306 du code de procédure civile avait été respecté puisque cette procédure a été dénoncée à Madame [D] [N] épouse [BL], seule partie à ce moment de l'instance, en date du 23 février 2015, premier jour ouvrable selon l'article 642 du code de procédure civile.
Concernant la validité du testament du 29 mars 2010, le tribunal a énoncé que malgré la sommation adressée aux témoins présents lors de la rédaction du testament, il ne peut être retenu une absence de dictée, étant précisé que la présence d'un brouillon préparé à l'avance n'affecte pas la validité de la rédaction du testament ; le tribunal n'a pas, en outre, retenu l'existence d'une difficulté sur la date de son établissement, l'inscription de frais en compte le 26 mars 2010 n'ayant pas d'effet sur la date de sa rédaction, au demeurant certifiée par les témoins.
Concernant la validité du testament du 9 mars 2007 et du codicille du 24 août 2007, le tribunal a estimé que Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] ne démontraient pas l'insanité d'esprit d'[O] [ES] lors de la rédaction de son testament puisque les différents certificats médicaux versés aux débats sont postérieurs à la date de l'acte et que les témoignages de Madame [TR] [ES] épouse [A] et de Monsieur [I] [N] traduisent non pas la vulnérabilité du défunt mais davantage l'importance du conflit familial sous-jacent.
Sur la délivrance du legs de Madame [X] [N] épouse [BL], les demandes en nullité du testament olographe du 9 mars 2007, du codicille du 24 août 2007, du testament authentique du 29 mars 2010 ayant été rejetées, le tribunal a reconnu la possibilité pour Madame [D] [N] épouse [BL], instituée légataire universelle, de solliciter la délivrance du legs par les héritiers réservataires en application de l'article 1004 du code civil, ce qui constitue une reconnaissance de ses droits et a rejeté toute attribution des frais à la succession en l'absence de demande expresse.
Le tribunal a procédé de même manière concernant la délivrance des legs particuliers envers Madame [P] [ES] épouse [PU] et Madame [Z] [ES] épouse [L], étant précisé l'absence de contestation du testament olographe du 3 janvier 2005.
En raison des demandes formulées par Madame [D] [N] épouse [BL], Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES], le tribunal a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession d'[O] [ES].
Il a rejeté la demande de communication de pièces formulée par Madame [D] [N] épouse [BL] alors que cette dernière aurait dû la formuler devant le juge de la mise en état ; il a cependant relevé que le notaire instrumentaire dans les opérations de partage judiciaire pourra, se faire communiquer toutes pièces utiles dans la détermination de la succession.
Concernant la demande d'expertise judiciaire formulée également par Madame [D] [N] épouse [BL], le tribunal a relevé que cette dernière ne justifiait pas sa demande et a renvoyé à l'établissement de l'état liquidatif par le notaire, précisant qu'au regard des discordes présentes, le notaire désigné devait établir une évaluation de la valeur des biens immobiliers indivis.
En l'absence de caractérisation d'une faute de Madame [C] [ES] épouse [Y] et de Madame [DG] [ES], leur responsabilité délictuelle recherchée par Madame [D] [N] épouse [BL] n'a pas été retenue par le tribunal qui l'a déboutée de sa demande indemnitaire au titre d'un préjudice moral.
Quant à la demande de réduction des donations et legs en ce qu'ils excéderaient la quotité disponible, le tribunal a rejeté les demandes de Madame [C] [ES] épouse [Y] et de Madame [DG] [ES] en l'absence de justification d'un 'état de la succession' au sens de l'article 922 du code civil.
En justifiant le paiement de la somme de 2529,71 euros pour le reste à charge des obsèques d'[O] [ES], le tribunal a considéré que la créance de Madame [Z] [ES] épouse [L] était établie , ce qui constituait une dette pour la succession en application de l'article 1251- 5° du code civil.
Le tribunal a constaté que Madame [Z] [ES] acceptait de rapporter à la succession la somme de 16150 euros accordée par [O] [ES] pour l'acquisition d'une parcelle de terre et une parcelle de bois mais a rappelé qu'en raison de la destination de la donation- acquisition d'un bien-, le rapport à la succession devait respecter les conditions de l'article 843 du code civil.
Concernant le rapport à la succession des primes des contrats d'assurance vie, le tribunal a rappelé qu'en application de l'article L. 132-13 du code des assurances, le caractère exagéré des primes versées s'apprécie au moment du versement des primes au regard de l'âge et de la situation patrimoniale et familiale du souscripteur ; il a relevé que Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] ne rapportaient la preuve de l'actif financier d'[O] [ES] que par son avis d'imposition de 2011 alors que les primes versées en cause sont antérieures et qu'il n'est pas justifié de la situation patrimoniale et des revenus du souscripteur.
Enfin, le tribunal a rejeté la demande de communication des contrats d'assurance vie formulée par Madame [C] [ES] épouse [Y] et de Madame [DG] [ES], ces dernières ne justifiant pas de la souscription d'autres contrats autres que ceux ordonnés par l'ordonnance de la mise en état du 22 septembre 2017.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 12 novembre 2020, Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] ont relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 18 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] demandent à la cour, au visa de l'article 306 du code de procédure civile, des articles 860, 901, 971, 972, 973, 974, 975 et 1137, 1401 et 1437 suivants du code civil, des articles L. 132-13 et suivants du code des assurances, de l'article 2 du décret du 26 novembre 1971, de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Verdun le 15 juillet 2020 en ce qu'il a :
débouté Mesdames [C] et [DG] [ES] de leur demande de nullité du testament authentique du 29 mars 2010,
débouté Mesdames [C] et [DG] [ES] de leur demande de nullité du testament du 9 mars 2007 et du codicille du 24 août 2007,
ordonné la délivrance du legs de Madame [D] [N] épouse [BL] légataire universel par les héritiers réservataires en application de l'article 1004 du code civil,
ordonné la délivrance des legs particuliers de Madame [P] [ES] épouse [PU] et de Madame [Z] [ES] épouse [L] par les héritiers réservataires en application de l'article 1014 du code civil,
débouté Mesdames [C] et [DG] [ES] de leurs demandes de réduction des donations et legs consentis par Monsieur [O] [ES],
débouté Mesdames [C] et [DG] [ES] de leurs demandes de rapport à la succession des primes versées par [O] [ES] sur les contrats d'assurance vie qu'il a souscrits,
débouté Madame [C] et [DG] [ES] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code procédure civile,
Et statuant de nouveau,
1. Sur la nullité des testaments
- annuler le testament authentique du 29 mars 2010 pour vice de forme et subsidiairement pour insanité d'esprit,
Subsidiairement, de dire que le testament authentique du 29 mars 2010 ne peut être exécuté faute d'être intelligible,
- annuler le testament olographe du 9 mars 2007, le codicille olographe du 24 août 2007 et le codicille olographe du 1er septembre 2010 pour insanité d'esprit du testateur,
En conséquence,
- débouter Madame [D] [N] épouse [BL] de sa demande en délivrance de legs,
- débouter les consorts [YZ], [K] et [DG] [U] de leurs demandes en délivrance de legs rémunératoires,
- débouter Maître [G] [PI] de ses demandes tendant à voir « rejeter toute demande d'inscription de faux sur l'acte authentique du 29 mars 2010 - dire et juger que toute inscription de faux sur l'acte authentique du 29 mars 2010 ne sera pas opposable à Maître [G] [PI] »,
A titre infiniment subsidiaire, si les dispositions issues du testament du 9 mars 2007, du codicille du 24 août 2007, du testament authentique du 29 mars 2010 et du codicille du 1er septembre 2010 n'étaient pas annulées :
- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la délivrance des legs particuliers de Madame [P] [ES] épouse [PU] et de Madame [Z] [ES] épouse [L] par les héritiers réservataires en application de l'article 1014 du code civil, ces dispositions ayant été révoquées par le testament authentique du 29 mars 2010,
- débouter de leur demande en délivrance des legs particuliers de Madame [P] [ES] épouse [PU] et de Madame [Z] [ES] épouse [L] par les héritiers réservataires en application de l'article 1014 du code civil, ces dispositions ayant été révoquées par le testament authentique du 29 mars 2010,
2. Sur la réintégration des primes manifestement excessives
- ordonner à Madame [D] [N] épouse [BL], Madame [Z] [L], Madame [P] [PU] et aux consorts [YZ] [U] épouse [T], [K] [U] et [DG] [U] la réintégration et le rapport à la succession des primes manifestement excessives versées par [O] [ES] sur ses contrats d'assurance-vie, à savoir :
1) sur le contrat Predica Predige n° 70000795829
o 40000 euros versés le 24 mars 2004
o 15740 euros versés le 26 juin 2006
soit la somme totale de 55740 euros sur le contrat Predica Predige
n° 70000795829
2) sur le contrat Predica Predissime n° 71000471830
o 19000 euros versés le 2 avril 2008
3) sur le contrat Groupama
o 20000 euros versés le 1 er avril 2004
o 6500 euros versés le 5 décembre 2006 soit la somme totale de 26500 euros sur le contrat Groupama,
4) sur le contrat Predica Confluence
o 20000 euros versés le 26 juin 2006
5) sur les contrat Capma-Capmi
o 7668,63 euros versés le 19 avril 2007 "Carnet d'Epargne" n° 3083027
o 15000 euros versés le 25 juin 2009
o 70000 euros versés le 26 août 2009
soit la somme totale de 92668,63 euros sur le contrat Capma-Capmi ;
3. Sur les récompenses dues à la communauté
- condamner la succession d'[O] [ES] au paiement d'une récompense de 242009,53 euros au profit de la communauté [ES]-[BC] au titre du financement des contrats d'assurance-vie dénoués au bénéfice de tiers,
- condamner la succession d'[O] [ES] au paiement d'une récompense de 22800 euros au profit de la communauté [ES]-[BC] au titre du financement du véhicule Citroën C3,
4. Sur les demandes et appels incidents des intimés
- débouter Maître [G] [PI] de ses demandes tendant à voir « rejeter toute demande d'inscription de faux sur l'acte authentique du 29 mars 2010.- dire et juger que toute inscription de faux sur l'acte authentique du 29 mars 2010 ne sera pas opposable à Maître [G] [PI]» et de toutes ses demandes plus amples et contraires,
- débouter les consorts [YZ], [K] et [DG] [U] de leurs demandes en délivrance de legs rémunératoires et de toutes leurs demandes plus amples et contraires,
- débouter Madame [YZ] [U] épouse [T] de ses demandes tendant à voir « dire et juger que la dissolution du régime matrimonial produira effet au 30 décembre 1995, date à laquelle les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer»,
- débouter Madame [D] [N] épouse [BL] de sa demande de dommages et intérêts et de toutes ses demandes plus amples et contraires,
5. les frais de procédure
- condamner solidairement Madame [D] [N] épouse [BL], Madame [Z] [ES] épouse [L], Madame [P] [ES] épouse [PU] et aux Consorts [YZ] [U] épouse [T], [K] [U] et [DG] [U] à verser la somme de 6000 euros à Mesdames [DG] [ES] et [C] [ES] épouse [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner que les dépens soient employés en frais privilégiés de partage.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 14 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [D] [N] épouse [BL] demande à la cour, au visa des articles 1004, 1005, 1011, 1016, 1382 du code civil dans leur version applicable au litige, des articles 306 et suivants du code de procédure civile, de l'article 800 du code général des impôts, de :
- dire et juger ses demandes recevables et bien fondées,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Verdun le 15 juillet 2020 sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral,
Statuant à nouveau sur son préjudice moral :
- condamner solidairement Mesdames [C] [ES] épouse [Y] et [DG] [ES] à lui payer la somme de 15000 euros au titre de son préjudice moral,
En tout état de cause :
- condamner solidairement Mesdames [C] [ES] épouse [Y] et [DG] [ES] à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouter Mesdames [C] [ES] épouse [Y] et [DG] [ES] de toutes leurs demandes, fins et prétentions.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 11 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [YZ] [U] épouse [T] demande à la cour, au visa de l'article 1442 du code civil, de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES],
Par conséquent,
- confirmer le jugement rendu le 15 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Verdun en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- dire et juger que la dissolution du régime matrimonial produira effet au 30 décembre 1995, date à laquelle les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer,
- débouter par voie de conséquence les appelantes de leur demande de récompense à la communauté au titre des assurances vie souscrites,
- débouter Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] de leurs conclusions plus amples ou contraires,
- condamner in solidum Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés à hauteur d'appel,
- condamner in solidum Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] aux dépens.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 2 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [K] [U], Monsieur [DG] [U] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 15 juillet 2020 par le tribunal judiciaire en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- ordonner la délivrance du legs rémunératoire de Madame [K] [U], Monsieur [DG] [U] et Madame [YZ] [U] épouse [T] par les héritiers réservataires en application de l'article 1014 du code civil,
- condamner solidairement Mesdames [ES] épouse [Y] et [ES] à leur verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Mesdames [ES] épouse [Y] et [ES] aux entiers dépens.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 14 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [P] [ES] épouse [PU] et Madame [Z] [ES] épouse [L] demandent à la cour, au visa des articles 971 et suivants du code civil, 901 et 1116, 1009, 414-1 et suivants, 1315, 1251 du code civil et des articles L. 132-1, L.132-12 et L.132-13 du code des assurances, de :
- constater que l'appel ne concerne pas l'ouverture des opérations de partage judiciaire, la désignation du notaire la donation faite à Madame [L], l'organisation d'une expertise judiciaire, la communication des contrats d'assurance-vie, la demande indemnitaire de Madame [N] épouse [BL] et l'action récursoire de Madame [L] sur la succession en remboursement des frais funéraires avancés,
- constater que l'action en nullité engagée par Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] ne concerne que les testaments en date des 9 mars 2007 et 29 mars 2010 et de leur codicille,
- constater que la validité du testament olographe en date du 3 janvier 2005, aux termes duquel Madame [P] [ES] épouse [PU], et Madame [Z] [ES] épouse [L] étaient déjà instituées légataires particuliers, n'est pas remise en cause,
- constater que l'appel ne concerne pas la délivrance du legs de Madame [P] [ES] épouse [PU] et Madame [Z] [ES] épouse [L] mais seulement celle de Madame [N] épouse [BL], tel qu'il ressort du dispositif des conclusions des appelantes,
- constater l'appel ne concerne pas la demande en réduction des libéralités, tel qu'il ressort du dispositif des conclusions des appelantes,
- constater que Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] ne justifient pas du caractère manifestement exagéré des primes versées sur les contrats d'assurance-vie,
Par conséquent,
- déclarer Mesdames [C] [ES] épouse [Y] et [DG] [ES] recevables mais infondées en leur appel,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal Judiciaire de Verdun le 15 juillet 2020 en toutes ses dispositions,
- condamner in solidum Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] à leur verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les débouter de leur demande sur le même fondement,
- les condamner in solidum aux dépens.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 21 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Maître [G] [PI] demande à la cour, au visa des articles 971 et suivants du code civil, des articles 306 et suivants du code de procédure civile de :
- déclarer Mesdames [C] [ES] épouse [Y] et [DG] [ES] recevables mais infondées en leur appel,
- débouter Mesdames [C] [ES] épouse [Y] et [DG] [ES] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Verdun le 15 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Mesdames [C] [ES] épouse [Y] et [DG] [ES] de leurs demandes en nullité du testament authentique du 29 mars 2010,
- lui donner acte de ses observations et de la fourniture aux consorts [U] de bons et valables moyens de défense et constater qu'elle a déféré aux demandes de ces derniers présentées dans leur assignation en intervention forcée,
Subsidiairement,
- rejeter toute demande d'inscription de faux sur l'acte authentique du 29 mars 2010,
- dire et juger que toute inscription de faux sur l'acte authentique du 29 mars 2010 ne lui sera pas opposable,
En tout état de cause,
- condamner Mesdames [C] [ES] épouse [Y] et [DG] [ES] à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mesdames [C] [ES] épouse [Y] et [DG] [ES] aux entiers frais et dépens,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 25 avril 2022 et le délibéré au 20 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les écritures déposées le 18 mars 2022 par Mesdames [C] [ES] épouse [Y] et [DG] [ES], le 14 mai 2021 par Madame [D] [N] épouse [BL], le 14 mars 2022 par Mesdames [P] [ES] épouse [PU] et [Z] [ES] épouse [L], le 2 mars 2022 par Madame [K] [U] et Monsieur [DG] [U] et le 21 mars 2022 par Maître [G] [PI], auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 22 mars 2022 ;
Il y a lieu de constater que le recours ne porte pas sur le rapport à succession de la donation faite à Madame [L] en 1996 et qu'il ne concerne pas l'ouverture des opérations de partage judiciaire, la désignation du notaire, l'organisation d'une expertise judiciaire, la communication des contrats d'assurance-vie et l'action récursoire de Madame [L] sur la succession en remboursement des frais funéraires avancés ;
Sur la demande de nullité du testament authentique du 29 mars 2010 ainsi que de son codicille du 1er septembre 2010, du testament du 9 mars 2007 et du codicille du 24 août 2007
A l'appui de leur recours Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] font valoir qu'en raison du caractère authentique du testament du 29 mars 2010, elles ont engagé une procédure d'inscription de faux conforme aux dispositions de l'article 306 du code de procédure civile, dans le délai de cinq ans à compter de sa connaissance, soit la date du décès le 12 mai 2011 ;
elles concluent en premier lieu, à la nullité de cet acte pour vice de forme, eu égard au conflit d'intérêt de Maître [PI] désigné exécuteur testamentaire, qui n'a pas indiqué la présence de Madame [K] [U], non témoin, et font valoir que l'acte a été pré-établi et non dicté au notaire outre qu'il comporte une date inexacte, dès lors qu'il a été comptabilisé le 26 mars et non le 29 mars 2010 date officielle de son établissement ;
en deuxième lieu, elles entendent opposer à ce testament tout comme à celui de 2007 qu'ils sont viciés par l'insanité d'esprit du testateur ;
elles allèguent en troisième lieu de la vulnérabilité d'[O] [ES], qu'elles entendent établir par deux témoignages et par l'attitude des légataires ;
enfin et subsidiairement, elles visent en quatrième lieu, l'erreur de date dans l'acte notarié de 2010 puis l'incohérence, les libéralités épuisant massivement la quotité disponible ; elles font état de donations précédemment effectuées au bénéfice de Madame [L] et de Messieurs [B] et [R] [Y] ;
En réponse, Madame [D] [N] s'oppose aux moyens des appelantes reposant sur la nullité des testaments, en précisant que les termes du testament du 29 mars 2010 correspondent à la volonté de [O] [ES], rappelle la force probatoire d'un acte authentique et conteste les allégations tenant à la prétendue partialité du notaire et à la date de paiement des honoraires ;
S'agissant du testament olographe du 9 mars 2007, elle conteste l'état d'insanité d'esprit allégué mais non démontré, l'absence de manipulation de sa part pour obtenir un legs et s'oppose aux témoignages et documents produits qui sont sans valeur probante ;
Maître [PI] conclut sur la procédure d'inscription de faux en précisant que pour s'opposer à l'acte authentique du 29 mars 2010, les appelantes contestent sa régularité formelle, notamment quant à la date et aux conditions factuelles de son établissement ;
subsidiairement, elle entend contester la régularité de la procédure d'inscription de faux en rappelant qu'elle ne s'est jamais vu dénoncer l'acte d'inscription de faux du 21 janvier 2015, alors qu'elle peut être considérée comme défenderesse à celle-ci, la régularité de son acte étant contesté ;
elle entend à cet égard opposer la prescription de cette procédure au visa de l'article 2224 du code civil ; elle rappelle que l'acte de la procédure d'inscription de faux n'a été dénoncée qu'à Madame [N] [D] le 23 février 2015, alors qu'elle n'a été appelée en intervention forcée que selon assignation du 31 mai 2018 ; ainsi aucune dénonciation de la procédure ne lui a été faite, seule son existence étant mentionnée dans l'assignation précédemment citée ; en tout état de cause, si la procédure en inscription de faux est considérée comme régulière, elle ne le sera qu'envers Madame [D] [N] et lui sera inopposable ;
Au fond, elle conteste l'existence d'un conflit personnel ancien entre Maître [BV] [PI] et Madame [ES] ainsi qu'un empêchement déontologique résultant de sa qualité d'exécuteur testamentaire, relevant qu'il n'est pas partie à l'acte en litige ;
Enfin elle ne conteste pas que Madame [E] [U] ait été présente lors de la rédaction de l'acte authentique mais qu'aucune interdiction ne lui était opposable si ce n'est d'avoir la qualité de témoin, ce qui n'est pas le cas ; elle ajoute que l'acte a été passé le 29 mars 2010, bien qu'il soit comptabilisé au 26 mars 2010, ce qui est sans emport et qu'il a bien été dicté par le testateur comme attesté par les deux témoins ;
Les consorts [U] concluent à la régularité formelle du testament et excluent l'existence de toute insanité d'esprit du testateur ;
* Sur la procédure d'inscription de faux
Aux termes de l'article 306 du code de procédure civile, l'acte de la procédure de faux est établi en double exemplaires, l'un étant versé immédiatement au dossier, l'autre signé et visé par le greffier étant remis au demandeur en vue de sa dénonciation à l'autre partie ; il doit à peine d'irrecevabilité articuler avec précision les moyens que la partie invoque pour établir le faux ;
le demandeur est tenu de dénoncer l'acte d'inscription à son adversaire par notification entre avocats ou signification dans un délai d'un mois à compter de l'inscription ;
De plus il résulte de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 réformant la prescription en matière civile, que le délai pour agir en inscription de faux est de 5 ans en application du nouvel article 2224 du code ;
En l'espèce, l'acte authentique objet de la procédure d'inscription de faux a été rédigé le 29 mars 2010 et l'acte aux fins d'inscription de faux déposé le 21 janvier 2015 au greffe du tribunal judiciaire, dénoncé le 23 février 2015 soit dans le délai d'un mois, sus énoncé ;
dès lors il est régulier ;
Enfin il ne peut être fait grief de sa non dénonciation à Maître [PI] qui n'était pas partie au litige au moment de l'enregistrement de la procédure ;
elle sera par conséquent déclarée régulière ce qui permet d'apprécier la validité de l'acte authentique ; le jugement entrepris sera confirmé à cet égard ;
** Sur la validité du testament authentique du 29 mars 2020
Aux termes de l'article 971 du code civil, ' Le testament par acte public est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins' ;
l'article 972 du même code ajoute que 'Si le testament est reçu par deux notaires, il leur est dicté par le testateur ; l'un de ces notaires l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement.
S'il n'y a qu'un notaire, il doit également être dicté par le testateur ; le notaire l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement.
Dans tous les cas, il doit en être donné lecture au testateur (...)' ;
En l'espèce l'acte authentique du 29 mars 2010 (pièce 4 appelantes) a été établi par devant Maître [G] [PI], notaire associée à la SCP Michel et [PI] à Verdun, en date du 29 mars 2010 ;
il mentionne en page 2 s'agissant du testateur [O] [ES], 'lequel est sain d'esprit ainsi qu'il est apparu au notaire et aux témoins, a dicté le testament de la manière suivante au notaire soussigné, en présence des deux témoins, ci-dessus nommés :
Ceci est mon testament : Je confirme la teneur du testament olographe déposé chez Maître [G] [PI], notaire soussignée en date à Verdun du 2 mars 2007 et du codicille du 24 août 2007 qui demeureront annexés aux présentes après mention. Toutefois dans ce testament du 2 mars 2007 j'ai indiqué que je confirmais l'esprit du testament déposé chez Maître [H] ; j'entends en fait révoquer ce testament, même si ce qui y est déclaré est parfaitement exact (...)
Je nomme pour mon exécuteur testamentaire en la priant de bien vouloir accepter cette mission Maître [G] [PI], notaire à Verdun (55000) avec pour mission spéciale (...) Qui l'accepte et ne fera l'objet d'aucune rémunération (...)'
Les deux témoins, Monsieur [J] et Monsieur [OI] ont été interpellés par un huissier de justice à la demande des appelantes le 9 décembre 2011 (pièces 5 et 6 appelantes), en tant que témoins de l'acte authentique du 29 mars 2010 ; il n'en résulte pas la preuve des irrégularités telles qu'alléguées par les appelantes, tenant soit à la présence de Madame [U], laquelle n'est pas contestée ou à la préparation de l'acte avant la réunion ; cependant le testament a été relu et signé le 29 mars 2010 comme mentionné à l'acte ;
il est également constant que les honoraires de l'acte ont été comptabilisés le 26 mars 2010 ; cela n'a pas pour effet de démontrer la fausseté de la date mentionnée sur l'acte authentique et il n'est pas en outre justifié, des conséquences que ce fait était de nature à engendrer ;
Dès lors, il y a lieu de constater que Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] sur lesquelles porte la charge de la preuve, ne justifient pas de l'existence des irrégularités de forme dont serait affecté l'acte du 26 mars 2010 à l'appui de leur demande de nullité ;
De plus, elles ne démontrent pas en quoi la qualité d'exécuteur testamentaire à titre gracieux de Maître [G] [PI], traduirait de sa part un manquement à des obligations déontologiques, au demeurant non énoncées, de nature à entraîner la nullité de cet acte ;
Enfin, il n'est pas justifié comme conclu par les appelantes, que le testament authentique du 29 mars 2010 ne peut être exécuté faute d'être intelligible, sa lecture le démentant, la question de l'épuisement de la quotité disponible étant étrangère à cette affirmation ; enfin l'erreur portant sur la date du testament de 2007 (2 mars au lieu du 9 mars 2007) n'est pas de nature à perturber la compréhension des volontés du testateur ;
Dès lors ces moyens seront écartés et le jugement entrepris confirmé à cet égard ;
*** Sur la nullité du testament olographe du 9 mars 2007 et son codicille du 24 août 2007 ainsi que de l'acte authentique du 29 mars 2010 ainsi que de son codicille du 1er septembre 2010
Les appelantes développent les mêmes moyens portant sur l'insanité d'esprit d'[O] [ES] lors de la rédaction de tous ces actes ainsi que l'influence et la manipulation du de cujus par les intimés ;
Aux termes de l'article 901 du code civil 'Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence' ;
Il sera rappelé que le dol constitue une cause de nullité de l'acte en litige, lorsque les manoeuvres d'une des parties sont telles, que l'autre n'aurait pas contracté en leur absence ;
Elles produisent ainsi deux certificats médicaux des 23 novembre 2009 et 28 avril 2010 (pièces 24 et 25 appelantes) qui indiquent que [O] [ES] a été hospitalisé en cardiologie le 14 septembre 2009, pour dyspnée ; ce dernier bénéficiait d'un traitement pour un diabète puis en avril 2010 'pour décompensation cardiaque globale', oedèmes bilatéraux des membres inférieurs, surpoids, diabète non insulino-dépendant ; une hépatite C a été découverte bien qu'asymptomatique ;
un certificat médical de son médecin traitant daté du 16 juin 2010 (pièce 21 appelantes) mentionne 'un état de santé fragile avec asthénie liée à plusieurs problèmes de santé organique (...) Il est diabétique sous insuline' ;
Il en résulte que Monsieur [ES] [O], 87 ans en 2010, présentait une maladie cardiaque ainsi que des pathologies telles que le diabète, les oedèmes des membres inférieurs, une insuffisante respiratoire ;
Tel que relevé par le premier juge, ces pathologies sont avérées mais ne sont pas de nature à établir l'existence d'une insanité d'esprit de [O] [ES], que ce soit en 2007 ou en 2010, qui justifierait le prononcé de la nullité des actes qu'il a rédigés ;
De même la production des pièces 22 et 23 par Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] relative à des démarches par elles entreprises auprès de Monsieur le Procureur de la République de Verdun, classé sans suite le 26 mars 2014 (pièce 70 appelantes) n'induisent pas la preuve d'un 'abus de faiblesse' commis au détriment de [O] [ES], cette allégation n'étant en aucune manière démontrée ; enfin le témoignage de [M] [A], nièce du de-cujus (pièce 62) n'établit pas qu'il a testé en 2007 et 2010 en étant sous influence et sans conscience de la portée de ses actes, mais plutôt le contexte familial conflictuel ;
Dès lors le jugement déféré qui a rejeté ces chefs sera confirmé ;
Sur les demandes relatives aux legs
* Sur la délivrance du legs de Madame [D] [N] épouse [BL], légataire universelle
Les appelantes tentent de faire accréditer le fait que le legs à son profit serait 'épuisé' par la délivrance des legs particuliers qui lui incombent ; Madame [BL] en conteste la réalité et affirme que la preuve de cette affirmation n'est pas rapportée au vu des éléments de la cause, les appelantes procédant par voie d'affirmation ;
En réponse, Madame [D] [BL] fait valoir qu'elle n'a jamais manipulé [O] [ES] et que son consentement n'était pas vicié ; elle indique avoir de tous temps conservé des relations avec son père biologique, qui avait engagé une procédure d'adoption la concernant en 1998, puis ensuite a choisi d'en faire sa légataire universelle alors qu'il entretenait de mauvaises relations avec ses filles légitimes ;
elle conteste le moyen développé tiré de l'épuisement de ses droits de légataire universelle, du fait de la délivrance des legs particuliers qui lui incombe légalement ; elle indique en effet que la délivrance des legs particuliers n'interviendra qu'après délivrance de son propre legs ; elle indique que le calcul réel des droits n'est pas fait et qu'il appartiendra au notaire chargé de la liquidation de la succession ce qui justifie la confirmation du jugement entrepris ;
Aux termes de l'article 1003 du code civil 'le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès' ;
'Lorsqu'au décès du testateur il y a des héritiers auxquels une quotité de ses biens est réservée par la loi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de tous les biens de la succession ; et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament' ajoute l'article 1004 du même code ;
En l'espèce, il est établi que Madame [D] [BL] a été instituée légataire universelle de [O] [ES] selon testament authentique du 29 mars 2010, reprenant les termes du testament olographe du 9 mars 2007 ;
Dès lors aucun moyen n'est valablement opposé pour contester, non pas au paiement du legs comme relevé par le premier juge, mais à sa délivrance ;
Par conséquent le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
** Sur la délivrance des legs particuliers de Mesdames [P] [ES] épouse [PU] et [C] [ES] épouse [L]
Elles font valoir que les legs particuliers qui les concernent, résultent d'un testament du 3 janvier 2005 dont la validité et la consistance ne sont pas atteintes par la présente procédure, ce qui a été relevé par le premier juge et doit être confirmé ;
elles indiquent que les conclusions d'appel de Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES], précisent que si les testaments de 2010 et 2007 sont valables, il y a lieu de considérer que le testateur a révoqué les testaments antérieurs, ce qui concerne celui rédigé le 3 janvier 2005 par devant Maître [H] ; elles répondent en indiquant qu'en tout état de cause le testament établi le 3 mars 2007 les rétablit dans leur état de légataires particulières, ce qui justifie la confirmation du jugement entrepris ;
En l'espèce, sans se prononcer sur la validité du testament du 3 janvier 2005, passé par devant Maître [H], il résulte des termes du testament olographe du 9 mars 2007, de celui du 6 février 1997 ainsi que du testament authentique du 29 mars 2010, que Madame [P] [ES] épouse [PU] et Madame [Z] [ES] épouse [L] sont bénéficiaires de legs particuliers concernant des terrains et autres droits appartenant au de cujus ;
Par conséquent, elles sont fondées à réclamer la délivrance de ces legs particuliers ;
*** Sur le legs rémunératoire de [E] [U]
A l'appui de leur recours, Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] font valoir que [E] [U] est entrée dans la vie de [O] [ES] en 2006 alors qu'il avait 84 ans et que son emprise s'est accrue et manifestée dans les dons qu'il lui a faits (téléviseur, véhicule C3) ainsi que sa présence lors de la rédaction du testament authentique du 29 mars 2010 ; elles concluent au débouté des consorts [YZ], [K] et [DG] [U] de leurs demandes en délivrance de legs rémunératoires ;
Madame [YZ] [U] épouse [T] conclut à la confirmation du jugement entrepris s'agissant du legs rémunératoire dont a bénéficié sa mère [E], aucune cause de nullité avancée n'étant justifiée ;
Madame [K] [U] et Monsieur [DG] [U] sollicitent la confirmation du jugement déféré et qu'il soit ordonné la délivrance du leg rémunératoire dont ils bénéficient en qualité d'héritiers réservataires de leur mère décédée en 2012 portant sur la somme de 100000 euros ainsi que sur le véhicule automobile Citroën C3, en rappelant les dispositions de l'article 1014 du code civil ainsi que leur demande portant sur la délivrance du legs faite en première instance ;
L'article 1014 du code civil énonce que 'Tout legs pur et simple donnera au légataire, du jour du décès du testateur, un droit à la chose léguée, droit transmissible à ses héritiers ou ayants cause.
Néanmoins le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu'à compter du jour de sa demande en délivrance, formée suivant l'ordre établi par l'article 1011, ou du jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement consentie' ;
Il ne résulte pas des développements précédents portant rejet des demandes d'annulation des testaments et codicilles de 2007 et 2010, de motifs s'opposant à la délivrance de la donation rémunératoire dont a été bénéficiaire [E] [U], selon testament authentique rédigé le 29 mars 2010, du testament olographe du 29 mars 2007 et du codicille du 24 août 2007 (pièce 1 [BL]) ;
s'agissant de son montant, il a été fixé à 50000 euros dans le testament authentique du 29 mars 2010, porté à 100000 euros selon codicille du 1er septembre 2010 (pièce 51 appelantes) ;
Il est constant que les consorts [U], descendants de [E] [U] sont ses héritiers ce qui justifie leur demande portant sur la délivrance du legs rémunératoire dont a bénéficié leur auteur de la part du de-cujus ;
De plus le legs du véhicule automobile est conforté par une attestation émanant de Monsieur [O] [ES], par laquelle le 10 janvier 2011, il indiquait qu'il lui appartenait 'indivisément' avec Madame [E] [U] et que 'en cas de pré décès de l'un ou de l'autre le survivant deviendra le seul propriétaire' (pièce 10 [U]) ;
Cependant le jugement déféré n'a pas statué sur la demande de délivrance du legs rémunératoire au bénéfice des héritiers de [E] [U] décédée en 2012, alors que cette demande avait été formulée dans leurs conclusions de première instance ;
le jugement déféré sera complété sur ce point ayant omis de statuer sur ces chefs de demandes ;
**** Sur la demande de réduction des donations et legs
Les appelantes précisent que le de-cujus a effectué des legs de manière anarchique, sans vue d'ensemble et qu'en accumulant les libéralités il a épuisé de loin la quotité disponible ce qui implique qu'il n'a pas pu établir 'cette série de testaments découlant d'une volonté réfléchie et avisée' ;
Elle calculent le passif de la succession du de-cujus à la somme de 282000 euros au titre de la récompense due à la communauté -souscription d'assurances-vie- pour un actif de 710000 euros soit un actif net de 428000 euros ;
Additionnant les donations dont elles ont connaissance, elles déterminent la masse de calcul à la somme de 695994,04 euros, pour calculer la quotité disponible à la somme de 231998,01 euros, soit après déduction des donations faites par préciput aux deux petits fils de 190318 euros un solde de 122680,04 euros qu'elles qualifient d'insuffisant au regard des legs effectués ;
Cependant il est constant que cette présentation chiffrée de la succession ne repose pas sur un compte précis de l'état de la succession, permettant d'y appliquer les règles de l'article 922 du code civil tenant à la détermination de la quotité disponible ;
Par conséquent le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a écarté la demande de réduction des donations et legs, laquelle suppose que soit établie la masse successorale réelle - en non celle alléguée- et que les legs soient valorisés, mission dévolue au notaire commis pour procéder aux opérations de partage de la succession ;
Dès lors le recours sera écarté sur ce point ;
Sur les demandes relatives aux contrats d'assurance
* Sur la demande de rapport à succession des primes versées sur les contrats d'assurance-vie
A l'appui de leur recours, Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] font valoir qu'il y a lieu de faire droit à leur demande de réintégration des primes manifestement excessives versées sur les contrats d'assurance vie du de cujus ; elles indiquent qu'il a souscrit plusieurs contrats d'assurance-vie auprès du Crédit agricole, de la société Groupama ainsi que de la CAPMA-CAPMI à compter de l'année 1986 ;
consécutivement à une ordonnance du juge de la mise en état du 22 septembre 2017, elles ont eu communication des cinq contrats souscrits auprès de la société Groupama, qui ont tous fait l'objet du changement de clause bénéficiaire le 9 février 2011 au profit de Mesdames [P] [PU] et [Z] [L] et [E] [U] ;
la CAPMA-CAPMI a communiqué les références des quatre contrats d'assurance-vie souscrits par [O] [ES] au profit de Madame [E] [U], pour les deux premiers, à défaut [F] [T], [DG] [U] et [K] [U], le troisième au profit du conjoint à défaut de ses enfants, le quatrième au profit de [D] [BL] née [N] à défaut, des héritiers de l'assuré ;
Le Crédit Agricole a justifié de la souscription d'un contrat Predige, de deux contrats Prediplus et d'un contrat Predissime, tous quatre au bénéfice de [Z] [L], [P] [PU] et [E] [U] selon changement du 16 février 2011, soit trois mois avant son décès alors que Monsieur [ES] était en très mauvaise santé ;
Les appelantes pointent l'existence d'une modification de clauses bénéficiaires à leur détriment s'agissant des contrats Predica et Predige, au profit de [P] [PU] et [Z] [L] (le 5 mars 2010) et de [E] [U] (le 16 février 2011) ;
elles relèvent que de nombreux versements ont été effectués en 2004/2006/2007/2008/2009 pour un total de 199740 euros, alors que le souscripteur était âgé de plus de 80 ans et pour des montants excessifs - de l'ordre de 30000 à 40000 euros par an depuis 1998 jusqu'en 2010 - par rapport aux ressources de Monsieur [ES], ce qui représente près de deux fois son revenu annuel imposable ; elles affirment que ce choix a été fait pour gratifier des tiers au détriment de ses filles ; dès lors elles réclament la réintégration à la succession des primes telles que listées (page 38 de leurs conclusions) ;
Madame [K] [U] et Monsieur [DG] [U] font valoir que c'est à celui qui réclame la réintégration des primes versées sur un contrat d'assurance-vie à la succession de rapporter la preuve du caractère 'manifestement' exagéré des primes, en reconstituant le patrimoine du souscripteur au moment du versement des primes contestées ;
ils ajoutent que nombre de versements ont été faits sur des contrats anciens dont les appelantes étaient les bénéficiaires avant d'être exhérédées (pièce 4 appelantes) au profit de ses nièces ou de leur mère [E] [U] ;
S'agissant des huit versements contestés, il y a lieu de constater que les avis d'imposition sont produits à hauteur de cour, s'agissant des périodes de versement de ces primes ;
Madame [YZ] [U] épouse [T] fait valoir que les contrats d'assurance-vie ont été souscrits successivement depuis 1986 par [O] [ES] et qu'il résulte des avis d'imposition produits que ce dernier disposait d'un patrimoine mobilier et immobilier important, ce qui justifie que le versement régulier de primes intervenait à titre d'investissement, compte-tenu de la fiscalité applicable ; elle considère que le moyen tiré de l'absence d'aléa n'est pas pertinent s'agissant d'une demande de rapport de primes et, au demeurant non établi, ce qui justifie la confirmation du rejet de cette demande ;
Madame [D] [BL] fait valoir que s'agissant des quatre contrats souscrits à son profit auprès de la société CAPMA-CAPMI, les appelantes ne sollicitent pas la réintégration des primes comme étant souscrits de longue date et que les capitaux générés sont modestes ;
Madame [P] [ES] épouse [PU] et Madame [Z] [ES] épouse [L] font valoir que le moyen tiré de l'absence d'aléa lors de la souscription des contrats d'assurance-vie par leur oncle du fait de sa connaissance de son état de santé altéré n'est pas fondé ; en effet les pathologies dont il souffrait n'étaient pas de nature à réduire de façon évidente son espérance de vie, ce qui démontre qu'un aléa existait ; elles ajoutent que lors des versements de primes en 2008 et 2009 il n'est pas établi médicalement, une altération de son état de santé de nature à supprimer l'aléa ; de plus, l'action basée sur ce motif étant une nullité relative qui ne peut être invoquée que par celui qu'il protège ; elles ajoutent également que la modification des clauses bénéficiaires n'a pas d'effet quant à la demande de réintégration des primes qualifiées de 'manifestement excessives' ;
aussi il n'est pas établi que le versement des primes contestées n'avait aucune utilité pour le souscripteur, ces conditions étant cumulatives ; elles ajoutent enfin qu'il y a lieu de s'attacher à la composition du patrimoine du souscripteur tel qu'il résulte du projet d'état liquidatif, plutôt qu'au montant de ses ressources mensuelles ;
Aux termes de l'article L. 132-13 du code des assurances, 'le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés' ;
En l'espèce la demande de rapports de primes porte sur les placements suivants :
1) sur le contrat PREDICA PREDIGE n° 70000795829
o 40000 € versés le 24 mars 2004
o 15740 € versés le 26 juin 2006
soit la somme totale de 55740 € sur le contrat PREDICA PREDIGE n° 70000795829
2) sur le contrat PREDICA PREDISSIME n° 71000471830
o 19000 € versés le 2 avril 2008
3) sur le contrat GROUPAMA
o 20000 € versés le 1er avril 2004
o 6500 € versés le 5 décembre 2006
soit la somme totale de 26500 € sur le contrat GROUPAMA
4) sur le contrat PREDICA CONFLUENCE
o 20000 € versés le 26 juin 2006
5) sur les contrats CAPMA-CAPMI
o 7668,63 € versés le 19 avril 2007 "Carnet d'Epargne" n° 3083027
o 15000 € versés le 25 juin 2009
o 70000 € versés le 26 août 2009
soit la somme totale de 92 668,63€ sur le contrat CAPMA-CAMPI
Le jugement entrepris a écarté cette demande au vu des pièces produites, notamment des déclarations de revenus de Monsieur [ES] ;
Il résulte des pièces produites en appel que la situation économique de Monsieur [O] [ES] était la suivante sur les périodes relatives au paiement des primes contestées :
année des revenus
impôt net (euros)
pension
rentes
revenus fonciers
revenu annuel imposable
2004
4311
9897
4644
21552
32008
2005
4034
10054
4644
21702
32034
2006
2336
10229
4661
24144
36483
2007
2368
10411
4679
24405
36783
2008
2444
10551
4714
25405
37927
2009
2537
10706
5317
25484
38688
2010
3224
10797
6420
26725
41075
En outre il résulte des extraits de comptes et copies de chèques produits par les appelantes que les placements ont été souscrits par les prélèvements suivants :
- Predica Predige (1) : 40000 euros le 24 mars 2004 par prélèvement du livret présentant un solde de 4233,29 (p.44)
15740 euros le 26 juin 2006 par prélèvement du CEL (solde non produit - pièce 46)
- Predica Predissime (2) : 19000 euros le 2 avril 2008 du compte de dépôt présentant ensuite un solde de 22363,13 euros au 30 mars 2008
- Groupama (3) : 20000 euros le 1er avril 2004 par prélèvement du compte de dépôt approvisionné (pièce 45)
6500 euros le 5 décembre 2006 - provenance non justifiée
- Predica Confluence (4) : 20000 euros versés le 26 juin 2006 du livret - solde non produit (pièce 46)
- Capma-Capmi (5) : 7668,63 euros le 19 avril 2009 provenant de la Caisse d'Epargne (non produit)
15000 euros le 25 juin 2009 provenant du livret - solde de 3196,64 euros au 30 juin 2009
70000 euros provenant le 25 juin 2009 du compte de dépôt , solde de 70354,42 euros au 2 novembre 2009 (pièce 49) ;
Dès lors, il convient de considérer que si l'existence de liquidités bancaires ont permis à Monsieur [ES] de souscrire régulièrement des placements de type assurance-vie, il n'est pas justifié par la partie appelante qui conteste la régularité de ces souscriptions, de la situation patrimoine globale du souscripteur et notamment, de l'ensemble de ses avoirs bancaires ainsi qu'immobiliers pour les années considérées, au vu notamment du niveau de ses revenus fonciers dont la source n'est pas démontrée ;
le montant de ses charges courantes n'est pas établi non plus ;
Il y a lieu en effet, de relever que le souscripteur disposait, de 2004 à 2009, de revenus annuels confortables en progression régulière, de 32000 à 41000 euros par an sur six ans, diversifiés entre des revenus fonciers de l'ordre de 65%, d'une pension de l'ordre de 26% ainsi que de rentes pour le surplus ;
Dès lors il y a lieu de considérer que la souscription et l'abondement régulier de contrats d'assurance-vie présentant une fiscalité attrayante ainsi qu'un rendement supérieur aux revenus des placements sur livrets, présentaient un intérêt pour Monsieur [ES], y compris au cours des années 2004 à 2009, alors qu'il était âgé de 81 à 86 ans ;
En outre, le souscripteur bénéficiait d'une situation économique confortable, ce qui lui a permis de procéder régulièrement au paiement de primes provenant de ses économies sur sa pension et ses autres revenus, sans qu'il ne soit démontré qu'en procédant ainsi, il altérait son patrimoine global dont la valeur et la composition ne sont pas établis ; en effet en qualité d'agriculteur à la retraite et faute de démontrer la réalisation de son patrimoine foncier lui procurant la part la plus importante de ses revenus, il est vraisemblable qu'il reste à partager ;
En conséquence, les primes en litige, payées par Monsieur [U] pour la période de 2004 à 2009 n'apparaissent pas comme manifestement excessives au regard des facultés de Monsieur [ES] au sens de l'article L 132-13 du code des assurances, ce qui justifie le rejet de la demande de rapport formée par Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] ;
le jugement entrepris sera confirmé à cet égard ;
** Sur les demandes de récompense au profit de la communauté [ES]-[BC]
Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] réclament également, au visa de l'article 1437 du code civil des récompenses au profit de la communauté des époux [ES]-[BC], dès lors que les capitaux versés sur les contrats d'assurance-vie souscrits par [O] [ES], n'ont pas bénéficié à leur souscripteur alors qu'ils ont été financés par des fonds communs, ce, pour une somme totale de 242009,53 euros ;
S'y ajoute le financement d'un véhicule Citroën C3 d'une valeur de 22800 euros acquis par le de cujus dont la facture est au nom de Monsieur et Madame [O] [ES], meuble qui n'a pas profité à la communauté mais à sa concubine [E] [U] ;
Enfin Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] indiquent que le jugement de divorce des époux [ES]/[BC] n'a pas fait l'objet d'une décision passée en force de chose jugée, ce qui exclut de faire remonter les effets de la dissolution du régime matrimonial en 1995, date de la séparation de fait ;
Madame [YZ] [U] épouse [T] indique que les époux [ES]/[BC] étaient séparés depuis 1995 et que par conséquent les primes versées plus de vingt ans après n'appartiennent pas à la communauté des époux ; elle réclame en qualité d'héritière du défunt que les effets de la dissolution de la communauté soient fixés en 1995, au visa de l'article 206 du code de procédure civile ;
Il y a lieu de rappeler cependant, que le jugement déféré a ordonné uniquement les opérations de liquidation et partage du patrimoine de feu [O] [ES] ;
Dès lors toutes les réclamations de Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES], ses filles légitimes, relatives aux récompenses dues dans le cadre des opérations de partage du régime matrimonial des époux [ES]/[BC] dont le divorce n'est pas passé en force de chose jugée au décès du premier époux, ne ressort pas des opérations dont le notaire commis est saisi ;
Par conséquent les demandes de récompense au profit de la communauté ou de réclamation d'un bien meuble prétendument commun comme le véhicule automobile, ne sauraient prospérer ; de même s'agissant de celle relative au report des effets du divorce ;
elles seront par conséquent écartées ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
Madame [D] [BL] a formé un appel incident sur ce point ;
Elle indique qu'elle a subi un retard dans la délivrance de son legs universel du fait de l'inertie du notaire et des contestations des appelantes, ce qui lui a causé un préjudice moral indéniable, alors qu'enfant naturelle elle se trouve écartée de la succession de son père par les héritiers réservataires ce qui justifie selon elle une indemnité de 15000 euros ;
Cependant, le recours formé par les appelantes visait à contester des testaments et placements en assurance vie, qui leur sont économiquement préjudiciables tout comme le legs universel au bénéfice de Madame [BL] ;
Dès lors le préjudice que cette dernière a pu valablement ressentir du fait de la procédure, ne résulte pas d'un abus de droit et à ce titre et ne justifie pas une indemnisation sur le fondement de la responsabilité délictuelle ; dès lors la demande sera écartée ;
Enfin, il n'appartient pas à la cour de statuer sur les demandes de 'constatation' ou de 'donner acte' qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES], parties perdantes devront supporter in solidum les dépens ; en outre Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] seront condamnées in solidum à payer à Maître [G] [PI] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; en outre Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] seront déboutées de leur propre demande de ce chef ;
Eu égard à la nature du litige, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties intimées, la charges des frais non compris dans les dépens par eux exposés ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Rejette toute demande d'inscription de faux portant sur le testament authentique du 29 mars 2010 ;
Ordonne la délivrance du legs rémunératoire de Madame [K] [U], Monsieur [DG] [U] et Madame [YZ] [U] épouse [T] par les héritiers réservataires en application de l'article 1014 du code civil,
Condamne in solidum Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] à payer à Maître [G] [PI] la somme de 1000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Madame [D] [N] épouse [BL], Mesdames [Z] [ES] épouse [L] et [S] épouse [PU] ainsi que Mesdames [YZ] [U] épouse [T], [K] [U] ainsi que Monsieur [DG] [U] de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Madame [C] [ES] épouse [Y] et Madame [DG] [ES] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en vingt-sept pages.