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09/06/2022 | FRANCE | N°21/02857

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 09 juin 2022, 21/02857


ARRÊT N° /2022

PH



DU 09 JUIN 2022



N° RG 21/02857 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E4G2







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAVERNE

17/00152

23 janvier 2018











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2





Saisine sur renvoi après cassation







DEMANDEUR A LA SAISINE :
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Monsieur [I] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me François WURTH de la SELARL WURTH, avocat au barreau de STRASBOURG









DEFENDERESSE A LA SAISINE :



S.A.S. SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS est prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège

[Adresse 2]
...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 09 JUIN 2022

N° RG 21/02857 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E4G2

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAVERNE

17/00152

23 janvier 2018

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

Saisine sur renvoi après cassation

DEMANDEUR A LA SAISINE :

Monsieur [I] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me François WURTH de la SELARL WURTH, avocat au barreau de STRASBOURG

DEFENDERESSE A LA SAISINE :

S.A.S. SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS est prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY substitué par Me MILLER, avocate au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 24 mars 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK , conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Stéphane STANEK et Anne-Sophie WILLM, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 19 mai 2022; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 09 juin 2022;

Le 09 juin 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [I] [J] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société [R] [UI] EPB aux droits laquelle vient la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS, à compter du 04 juillet 1988, en qualité d'ingénieur études et conceptions.

A compter du 01 août 2010, Monsieur [I] [J] a été nommé directeur de recherche et développement et bureau d'études, statut cadre.

Par lettre du 20 mars 2017 , Monsieur [I] [J] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 30 mars 2017.

Par courrier du 03 avril 2017, Monsieur [I] [J] a été licencié pour faute grave.

Par requête du 11 mai 2017, Monsieur [I] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Saverne, aux fins de contestation de son licenciement pour faute grave.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Saverne rendu le 23 janvier 2018, lequel a :

- donné acte à Monsieur [I] [J] de ce qu'il se désiste des demandes au titre de la prime de vacances 2017, de la prime de bilan 2017 et de la prime d'objectifs 2016 ainsi que des congés payés afférents,

- déclaré la demande de Monsieur [I] [J] recevable mais mal fondée,

- dit et jugé fondé le licenciement pour faute grave de Monsieur [I] [J],

- débouté Monsieur [I] [J] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- débouté Monsieur [I] [J] de ses demandes au titre de ses demandes de dommages-intérêts au titre du caractère brutal et vexatoire du licenciement,

- débouté Monsieur [I] [J] de ses demandes au titre de rappel de salaire pour la rémunération sur les brevets et congés payés afférents,

- débouté Monsieur [I] [J] pour ses autres demandes,

- condamné Monsieur [I] [J] à rembourser à la société la somme de 6 243 euros bruts au titre des primes de brevet indûment versées,

- rappelé le caractère exécutoire de plein droit, en application des dispositions des articles R 1454-28 et R 1454-14 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire,

- dit et jugé que le salaire moyen s'établit à la somme de 9 462 euros,

- dit et jugé qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement au titre de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [I] [J] à payer à la société SECO EPB la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [I] [J] aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Monsieur [I] [J] a saisi la cour d'appel de Colmar, aux fins d'infirmation du jugement du conseil des prud'hommes de Saverne.

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Colmar rendu le 28 mai 2019, lequel a :

- confirmé le jugement déféré seulement sur le rejet de la demande concernant l'intéressement, 

- infirmé toutes les autres dispositions du jugement entrepris,

- statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

- condamné la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS à payer à Monsieur [I] [J] les sommes suivantes :

- 5 720 euros bruts à titre de rémunération de la période de mise à pied conservatoire,

- 572 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur la période de mise à pied conservatoire,

- 56 772 euros bruts au titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 5 677 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 167 478 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

- 13 694 euros à titre de dommages et intérêts pour les brevets

- 8 922 euros de salaire pour les brevets

- 892,20 euros bruts au titre d'indemnité de congés payés sur cette somme,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS à remettre à Monsieur [I] [J] des documents de rupture et bulletins de salaire conformes à l'arrêt,

- condamné la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

- débouté l'intimée de sa demande en répétition d'un indu de prime,

- condamné la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS au dépens de la première instance ainsi que d'appel,

- rejeté pour les deux instances ses demandes de frais irrépétibles.

Par requête du 26 juillet 2019, la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS a saisi la chambre sociale de la Cour de cassation, aux fins de cassation et d'annulation de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar.

Vu l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 20 octobre 2021, lequel a :

- cassé et annulé, sauf en ce qu'il débouté le salarié de sa demande au titre de l'intéressement, l'arrêt rendu le 28 mai 2019 entre les parties, par la cour d'appel de Colmar,

- remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy,

- condamné Monsieur [I] [J] aux dépens,

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel formé par Monsieur [I] [J] le 06 décembre 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [I] [J] déposées sur le RPVA le 05 janvier 2022, et celles de la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS déposées sur le RPVA le 02 mars 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 09 mars 2022,

Monsieur [I] [J] demande :

- de déclarer son appel recevable et bien fondée,

- de réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saverne le 23 janvier 2018,

- en conséquence, statuant à nouveau,

- de déclarer sa demande recevable et bien fondée,

- de fixer sa rémunération moyenne mensuelle brute de à 9 462 euros,

- de constater que le licenciement prononcé à son encontre est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence,

- de condamner la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS à lui payer la somme de 5 720 euros bruts à titre de rémunération de la période de mise à pied conservatoire, ainsi que 572 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur la période de mise à pied conservatoire,

- de condamner la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS à lui payer la somme de 56.772 euros bruts au titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 5 677 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- de condamner la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS à lui payer la somme de 167 478 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- de condamner la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS à lui payer la somme de 283 860 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS à lui payer la somme de 10 000 euros pour caractère vexatoire du licenciement,

- de condamner la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS à lui payer la somme de 13 694 euros bruts au titre de la rémunération sur les brevets déposés où le demandeur est mentionné en tant que co-inventeur, à laquelle il sera privé du fait de son licenciement, ainsi que 1 369,40 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur cette somme,

- de condamner la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS à lui délivrer une attestation employeur rectifiée, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 20ème jour après la notification du jugement,

- de condamner la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS à lui payer la somme de 8.922 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la rémunération sur les brevets dont il a été privé, ainsi que 892,20 euros bruts au titre d'indemnité de congés payés sur cette somme,

- de constater qu'il a exposé des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge,

- de condamner en conséquence la société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SECO TOOLS TOOLING SYSTEMS demande :

- de confirmer en tous points le jugement entrepris,

- à titre principal,

- de dire et juger qu'elle a engagé la procédure de licenciement dans le délai de deux mois à compter du moment où elle a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié,

-de dire et juger qu'elle rapporte la preuve de l'ensemble des faits invoqués au soutien du licenciement de Monsieur [I] [J],

- de dire et juger que les agissements de Monsieur [I] [J] caractérisent un comportement gravement déloyal, une usurpation de la qualité d'inventeur, des pratiques managériales fautives, et des injonctions destinées à dissimuler délibérément des informations déterminantes au groupe SECO, le tout ayant entraîné des conséquences préjudiciables tant pour les salariés que pour la société, et rendant impossible la poursuite du contrat de travail, même pendant la durée limitée du préavis,

- en conséquence,

- de dire et juger que la prescription des fautes reprochées n'est pas encourue,

- de dire et juger que son licenciement pour faute grave est bien fondé,

- de débouter purement et simplement Monsieur [I] [J] de ses demandes de rémunération de la mise à pied conservatoire et congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement prétendument abusif et de dommages et intérêts pour procédure brutale et vexatoire,

- subsidiairement,

- de dire et juger que son licenciement repose à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse,

- de débouter Monsieur [I] [J] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement prétendument abusif et de dommages et intérêts pour procédure brutale et vexatoire,

- très subsidiairement, si par extraordinaire la Cour jugeait le licenciement infondé,

- de constater que Monsieur [I] [J] n'apporte aucun élément de nature à justifier de son préjudice,

- en conséquence, de réduire ses demandes de dommages et intérêts à de plus justes proportions,

- enfin, en tout état de cause,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur [I] [J] à lui rembourser la somme de 6 243 euros bruts au titre des primes de brevet indûment versées,

- de débouter Monsieur [I] [J] de ses demandes de rémunérations complémentaires au titre des primes de brevets,

- de le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 02 mars 2022, et en ce qui concerne le salarié le 05 janvier 2022.

Sur le salaire moyen

M. [I] [J] indique que le salaire moyen de 9 462 euros correspond au calcul opéré par l'intimée dans son annexe 1.3.

La société SECO TOOLS ne conclut pas sur cette demande.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 03 avril 2017 est ainsi rédigée :

« Nous faisons suite à notre entretien préalable qui s'est tenu le 30 mars dernier, au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur [A] [HB], et nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Nous vous rappelons brièvement ci-après les motifs qui nous ont contraints à prendre cette mesure, tels que nous vous les avons exposés au cours de notre entretien.

Vous occupez au sein de notre société le poste de Directeur de la Recherche et Développement et du Bureau d'Etudes, statut cadre, position III B indice 180.

Cette position correspond, selon la classification conventionnelle des Ingénieurs et cadres de la Métallurgie dont vous relevez, à un très haut niveau de responsabilité et d'autonomie : « Ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en 'uvre des connaissances théoriques et une expérience étendue dépassant le cadre de la spécialisation ou conduisant à une haute spécialisation. Sa place dans la hiérarchie lui donne le commandement sur un ou plusieurs ingénieurs ou cadres des positions précédentes dont il oriente et contrôle les activités, ou bien comporte, dans les domaines scientifique, technique, commercial, administratif ou de gestion, des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative. »

Corrélativement, compte tenu de votre niveau de responsabilité et de rémunération, vous vous devez naturellement de vous montrer irréprochable dans l'exercice de vos fonctions, ce qui implique notamment de votre part que vous respectiez strictement les règles applicables au sein de l'entreprise et du groupe, et que vous vous portiez garant de la conformité de la mise en 'uvre des missions qui vous sont confiées.

Or nous avons récemment découvert que vous aviez commis des actes constitutifs de déloyauté, d'abus d'autorité, et de déclarations mensongères, au préjudice de notre société et de certains des membres de votre équipe.

En effet, le récent changement de direction, avec le départ de Monsieur [N] [UI] et l'arrivée de Monsieur [VE] [TS] fin 2016, ainsi que les résultats interpellants, dans le service que vous dirigez, de l'enquête de satisfaction interne réalisée fin 2016, nous ont incidemment permis de mettre au jour vos très graves manquements contractuels.

La première alerte nous a été donnée par la restitution, le 16 décembre 2016, des résultats de l'enquête [WR] qui a révélé un niveau d'insatisfaction anormalement élevé au sein de vos services, notamment sur les points suivants : confiance du personnel en son manager, qualité de la communication du manager.

Nous avons alors cherché à comprendre ces résultats, et dans ce cadre nous ont été signalées des pratiques déviantes quant aux rémunérations des inventions. Nous avons alors entrepris une enquête approfondie, ayant nécessité que nous recoupions et analysions des informations provenant du service financier, du service Propriété Intellectuelle du groupe, et enfin, de certains salariés de votre équipe.

Finalement, nous avons eu pleinement connaissance de la gravité de vos manquements et de leurs implications au début du mois de février 2017.

Le principal grief qui vous est reproché est de vous être abusivement attribué la paternité d'une dizaine d'inventions ayant donné lieu à un dépôt de brevet, alors que vous n'avez pas personnellement contribué au travail de recherche et de conception de ces inventions.

A ce jour, nous sommes en effet en mesure de démontrer que vous avez imposé à vos collaborateurs qui étaient les véritables inventeurs, l'adjonction usurpée de votre nom en qualité d'inventeur principal, sur notamment les brevets suivants :

-    Invention S 790 du 28 juin 2010 (dont les inventeurs sont M [IN] et M [DL]),

-    Invention S 797 du 28 juin 2010 (dont les inventeurs sont M [IN] et M [DL]),

- Invention P 14273 du 5 décembre 2013 (dont les inventeurs sont M [Y], M [K],

et M [DL]),

- Invention P 14274 du 5 décembre 2013 (dont les inventeurs sont M [Y], M [K],

et M [DL]),

-    Invention P 14481 du 20 novembre 2014 (dont les inventeurs étaient notamment M [VV] et M [L] ; pour ce brevet vous vous êtes même arrogé le droit de ne pas déclarer le nom du troisième co-inventeur, Monsieur [M])

-    Sans préjudice des éléments de preuve que nous pourrions ultérieurement obtenir sur d'autres inventions.

Ces fausses déclarations vous ont permis de percevoir des rémunérations indues (primes d'inventions), à hauteur de : 7.338 euros bruts en 2015, 9.000 euros bruts en 2014, sans compter les sommes perçues au cours des années antérieures. De fait, vos man'uvres vous ont conduit à être le plus important bénéficiaire des rémunérations d'inventeurs au sein de notre société.

Ces déclarations mensongères caractérisent un comportement gravement déloyal de votre part, et un véritable abus d'autorité (en votre qualité de responsable hiérarchique des inventeurs) pour votre seul bénéfice, et ce au détriment des intérêts de vos collaborateurs et des droits de la société et/ou du groupe SANDVIK, propriétaires des brevets.

En effet :

-    En ce qui concerne vos collaborateurs qui sont les véritables inventeurs, ils ont été contraints de partager avec vous leur rémunération qui en conséquence s'en est trouvée négativement impactée ;

- En ce qui concerne les droits de la société et/ou du groupe, propriétaires des brevets, la mention du nom d'un inventeur fictif est, en fonction des législations locales, de nature à remette en cause la validité même de ces brevets dans certains des pays où ils sont déposés, (notamment aux Etats Unis).

Enfin, vos agissements caractérisent une violation manifeste des règles internes du groupe applicables en matière de propriété Intellectuelle. En effet, le document « IP Policy » du groupe Sandvik, dont vous êtes, du fait de vos fonctions, contractuellement garant de la mise en 'uvre au sein de la société, précise expressément que « only the true ans legal inventors contributing to the inventions as such shall be mentioned in the patent applications as inventors ».

Au-delà de cette fraude avérée, vos agissements démontrent en outre que vous pratiquez à l'égard de vos équipes un management « par la peur » qui est totalement à l'encontre des valeurs défendues par la société et par le groupe.

D'ailleurs, dans le cadre de l'enquête que nous avons diligentée, nous avons eu plusieurs illustrations de vos méthodes inadaptées et inacceptables (menaces, dénigrements, dévalorisation de vos collaborateurs), et des nombreuses injonctions que vous formulez à l'encontre de vos collaborateurs, lesquelles sont de nature à engager la responsabilité de notre société, notamment au regard de notre obligation de sécurité.

L'ensemble de ces faits caractérise une faute grave qui rend impossible la poursuite de votre contrat de travail, même pendant la durée limitée de votre préavis.

Au cours de notre entretien, nous avons attentivement écouté vos explications. Vous n'avez pas contesté les griefs formulés, votre réponse consistant à nous dire que vous vous étiez toujours impliqué pour la société et que vous aviez « participé » aux inventions du fait de votre investissement sans faille. En ce qui concerne vos méthodes de management, vous avez souligné le faible nombre de départs au sein de votre service, ce qui témoignerait, selon vous, de vos qualités de de manager et de la satisfaction de vos équipes. De fait, vos explications sont restées très générales et ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

En conséquence, votre contrat de travail prendra fin à la date de première présentation de la présente lettre de notification, sans préavis ni indemnités de rupture. Par ailleurs, compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre période de mise à mise à pied conservatoire ne sera pas rémunérée. »

- sur la prescription des faits reprochés

M. [I] [J] fait valoir que les dossiers de dépôt de demande de brevet, dans lesquels étaient indiqués les inventeurs et co-inventeurs, étaient validés par la direction, qui savait donc qu'il figurait comme co-inventeur dans les dossiers concernés.

Il fait également valoir qu'à tout le moins l'employeur était informé des comportements qui lui sont reprochés dès le 16 décembre 2016, soit plus de deux mois avant le début de la procédure de licenciement, et ce à l'occasion de la visite de Mme [W] [C], qui doit être assimilée à l'employeur, compte tenu de son niveau hiérarchique. (p11 et 12 + 13). Il estime que le fait que Mme [C] ne soit pas une salariée de la société SECO TOOLS ne fait pas obstacle à son assimilation à l'employeur.

M. [I] [J] considère que les démarches réalisées postérieurement aux déclarations des salariés de son service n'étaient ni nécessaires ni de nature à apporter des éléments complémentaires essentiels.

La société SECO TOOLS explique qu'elle ignorait que pour certaines inventions M.[I] [J] n'avait pas pris part à leur conception.

La société SECO TOOLS indique qu'à la suite du changement de direction, et à l'occasion d'une enquête de satisfaction interne, les résultats de celle-ci ont interpellé ; profitant d'un déplacement sur le site, Mme [W] [C] a rencontré les salariés en vue d'identifier les motifs d'une telle insatisfaction. Elle a informé le directeur général, M. [VE] [TS], des témoignages qu'elle a recueilli ; il a ensuite été nécessaire de mener une enquête pour établir le bien-fondé des dénonciations.

La société SECO TOOLS conteste que Mme [W] [C] puisse être assimilée à l'employeur, cette dernière étant salariée de la société suédoise SECO TOOLS AB ; elle n'est pas une associée de la société SECO TOOLS. L'intimée souligne que Mme [W] [C] n'avait aucun rôle ni pourvoir en son sein et n'était dès lors pas en position ni en mesure de constater ou de vérifier directement et personnellement la réalité des dysfonctionnements et manquements qui lui étaient relatés.

Elle soutient qu'il lui a été nécessaire de procéder à une enquête, à la suite de l'information qu'elle a recueilli de la part de Mme [W] [C].

Elle indique notamment n'avoir obtenu la liste des brevets déposés sur lesquels M. [I] [J] figurait en qualité d'inventeur que le 09 février 2017; que ce n'est qu'à partir de cette liste que l'employeur a pu identifier quels étaient les brevets auxquels M. [I] [J] avait contribué, et quels étaient ceux pour lesquels son activité inventive était contestée par les ingénieurs de son équipe. La société SECO TOOLS indique n'avoir obtenu l'attestation de deux salariés de l'équipe de M. [I] [J] identifiant les brevets litigieux que les 02 et 03 mars 2017.

Elle estime que la prescription des faits reprochés n'est pas acquise.

Aux termes des dispositions de l'article L1332-4 du code du travail qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

Il résulte des propres conclusions de la société SECO TOOLS que Mme [W] [C] occupe les fonctions de responsable RH de la société mère des filiales SECO, chargée de coordonner les activités des opérationnels RH au sein des filiales, et a recueilli des doléances de salariés dans le cadre d'une visite programmée pour rencontrer les managers de l'intimée ; qu'elle a rencontré les salariés de l'équipe dirigée par M. [I] [J] à la suite des mauvais résultats de l'enquête de satisfaction. Il en découle que c'est à sa demande qu'elle s'est donc entretenue avec les membres de l'équipe Recherche et Développement de M. [I] [J].

C ette description de son poste au sein du groupe SECO, et du niveau de responsabilité impliqué par le fait qu'elle rencontre les dirigeants de la société SECO TOOLS, et demande à s'entretenir en groupe et individuellement avec les salariés de l'intimée, conduit à l'assimiler à la direction de l'entreprise, puisque se situant à un niveau hiérarchique supérieur dans le groupe, même si cette position n'est pas opérationnelle ou décisionnelle (direction) mais fonctionnelle (ressources humaines).

Au surplus, la société SECO TOOLS indique dans ses conclusions que Mme [W] [C] a informé M. [VE] [TS] de ces faits à la suite de ces réunions.

La société SECO TOOLS ni ne précise ni ne justifie du moment exact de cette information donnée.

Il découle de ce qui précède que la société SECO TOOLS a été informée des faits reprochés à M. [I] [J] le 16 décembre 2016.

Par sa pièce 2,6, la société SECO TOOLS justifie avoir reçu de la part du groupe la liste des brevets pour les inventions desquelles le nom de M. [I] [J] figure comme inventeur, le 09 février 2017.

Il importe peu de savoir si l'intimée aurait pu les obtenir, et donc plus rapidement, de la part du cabinet de propriété intellectuelle français qui avait déposé les brevets auprès de l'INPI, dès lors que l'explication donnée par l'intimée, à savoir la volonté de conserver la confidentialité de ces investigations, suffit à justifier la démarche entreprise plutôt vers la direction suédoise du groupe pour avoir ces informations.

Par ses pièces 3.3 et 3.5 (attestations de M. [B] [DL] et de M. [T] [L], respectivement datées du 02 mars 2017 et du 03 mars 2017), la société SECO TOOLS justifie de n'avoir recueilli les témoignages écrits de deux salariés que le 03 mars 2017, sur les brevets.

Ces pièces précitées étaient indispensables pour permettre d'engager la procédure disciplinaire et soutenir les griefs dirigés à l'encontre de M. [I] [J] dans la lettre de licenciement.

Le délai écoulé entre le signalement de Mme [W] [C] et l'obtention de ces pièces (et donc de leur demande) n'est pas disproportionné, compte tenu de la nature des recherches en l'espèce, portant sur la titularité apparente de brevets d'invention.

La procédure disciplinaire ayant été engagée le 20 mars 2017, les faits reprochés n'étaient pas prescrits à cette date.

- sur les faits

M. [I] [J] conteste le concept d'inventeur principal, et explique qu'il ne peut y avoir qu'un inventeur unique ou plusieurs co-inventeurs.

Il conteste avoir usurpé sa qualité d'inventeur sur les brevets mentionnés dans la lettre de licenciement.

L'appelant précise ne plus disposer d'aucun document, note ou dessin de travail, ayant fait l'objet d'une mise à pied conservatoire, et que les explications qu'il donne dans le cadre de ses écritures se basent pour la plupart sur ses souvenirs et des bribes de documents.

En ce qui concerne le brevet Steadyline, M. [I] [J] affirme que M. [DL] ne travaillait pas encore chez SECO lorsque le projet était en cours.

Il fait valoir que les pièces produites par la société SECO TOOLS ne démontrent pas qu'il n'aurait pris aucune part aux inventions.

En ce qui concerne le grief de management par la peur, M. [I] [J] fait valoir qu'en 30 ans de carrière, son service n'a connu que 10 démissions ; il indique que le rapport [WR] sur lequel l'intimée s'appuie évalue non pas seulement son service mais l'entreprise en son entier ; que le rapport [WR] de son évaluation directe est bon ; qu'il y avait déjà eu une enquête [WR] 2 ans auparavant, dont les résultats avaient également été mauvais.

La société SECO TOOLS fait valoir que compte tenu de ses fonctions de responsables recherches et développement sur deux sites, le deuxième étant une autre usine SECO en Isère, l'appelant n'avait pas le temps de se consacrer à l'activité de recherches ; elle ajoute qu'il n'était présent sur le site de [Localité 3] que la moitié de son temps.

Pour l'invention Steadyline, la société SECO TOOLS indique que M. [B] [DL] était l'inventeur, ensuite aidé par Messieurs [K] et [Y] ; elle précise produire les attestations de ces derniers ainsi que d'autres pièces démontrant que M. [I] [J] a imposé l'ajout de son nom sur tous les brevets.

Pour l'invention « tête digitale », la société SECO TOOLS indique que M. [I] [J] a évincé M. [E] [M] de la liste des inventeurs, et s'est désigné comme co-inventeur.

L'intimée explique que ces attributions abusives de la qualité d'inventeur ont permis à M.[I] [J] de bénéficier de primes indues, et font courir le risque d'invalider des brevets.

En ce qui concerne le management de M. [I] [J], la société SECO TOOLS expose que ses développements sur la question des brevets laissent déjà apparaître que les pratiques managériales de l'appelant étaient particulièrement autoritaires et peu respectueuses du personnel placé sous son autorité.

Elle renvoie aux résultats de l'enquête [WR] 2016 et au mail de Mme [W] [C] du 10 février 2017, précisé par son attestation ultérieure.

Elle indique également que les attestations de ses collaborateurs font état de nombreuses pressions qu'il exerçait sur eux, notamment en prenant des positions arbitraires sur les heures supplémentaires, qui étaient retirées des décomptes, les demandes de récupérations, auxquelles il n'hésitait pas à opposer des refus injustifiés.

La société SECO TOOLS estime que le comportement de M. [I] [J] est incompatible avec le droit du travail, auquel il contrevient, et avec les valeurs prônées par le groupe.

L'intimée fait valoir que les attestations communiquées par M. [I] [J] au soutien de ses conclusions n'émanent pas de subordonnés ni d'ex-subordonnés qui auraient quitté la société, et qu'il ne se permettait d'adopter le comportement incriminé qu'à l'égard des salariés placés sous son autorité ; qu'il présentait un tout autre visage à ses homologues dans la société ou dans le groupe.

- sur le grief de pratiques managériales inadaptées

La société SECO TOOLS renvoie à ses pièces suivantes :

- pièce 2.1:les résultats de l'enquête de satisfaction 2016

- pièce 2.2 : le rapport intégral de satisfaction

- pièce 2.5, un mail de Mme [W] [C], du 10 février 2017, qui fait état de son entretien avec les salariés du service Recherches et Développement ; elle indique notamment : « J'ai rencontré des employés de la R&D principalement pour la mise en place des Modèles de carrières d'experts qui m'ont confiée que son leadership est inacceptable. Par suite de ces revues j'ai eu des entretiens avec [I] pour le pousser à revoir son comportement, mais ça n'a été régulier ni structuré, ni même documenté. Plutôt que de commenter sur le comportement, j'ai préféré constater sur place. Ainsi le premier entretien structuré comportant un objectif et les besoins nécessaires en vue d'une amélioration a eu lieu en décembre 2016 avec le MDR, 360 et le Semp en tant que base. (...) » elle ne fait pas autrement état de ce qui lui a été rapporté

- pièce 3.2 : attestation de Mme [X] [C] : « (') date de cette visite : 15-16 décembre 2016 (') Extrait de ce que les membres de l'équipe R&D ont partagé avec moi à propos de Mr [J] durant la visite :

- Mr [J] a demandé à l'un de ses employés de mentir et de cacher des faits aux décideurs et acteurs mondiaux de Seco à propos des coûts réels des projets, de façon à rendre les projets plus profitables qu'ils ne le sont

- Mr [J] est mentionné sur tous les brevets mais n'avait pas participé à l'invention des produits

- Mr [J] prend toutes les décisions, ni ses managers ni les employés n'ont le droit de prendre des décisions dans le cadre de leurs responsabilités

- Mr [J] ne fait pas confiance à ses employés et ne partage pas les informations que les employés doivent connaître

- les employés ont peur d'être punis par Mr [J] s'ils parlent de la façon dont sont traitées les choses chez Seco-EPB

- Mr [J] s'attribue le mérite du travail effectué par les employés. Par ex ; les employés sont chargés d'envoyer des présentations à Mr [J] au lieu de pouvoir les envoyer directement au destinataire et pour cela Mr [J] s'attribue le mérite du travail

- les personnes agissant directement sous la responsabilité de Mr [J] décrivent son leadership comme étant dictatorial. A ceux qui ne sont pas d'accord, il dit « si ça ne vous convient pas, vous pouvez quitter la société ». Les employés décrivent ils peuvent aborder un dialogue avec Mr [J] et ont bonne conscience mais en quittant son bureau ils ont l'impression d'être médiocre

- les employés estiment que Mr [J] ne les écoute pas, que seuls les points de vue de Mr [J] comptent et qu'on ne peut pas s'y opposer par peur d'être puni. »

- pièce 3.4, attestation de M. [T] [L] : « (') Monsieur [J] [I] a pris la fonction de gestion des brevets pour la société EPB. A partir de cette date, il a toujours fait figurer son nom en tant qu'inventeur, même s'il n'a pas participé à la conception des projets. Pour la conception d'une tête à aléser avec auto-équilibrage (brevet P14481 du 20 novembre 2014), j'ai collaboré avec M. [M] [E], ingénieur mécatronique. Sachant que Monsieur [M] était démissionnaire, de son poste de travail à la date de la rédaction du brevet, Monsieur [J] a refusé de faire figurer le nom de Monsieur [M] en tant qu'inventeur »

- pièce 3.16 : il s'agit d'un mail de M. [I] [J] à M. [NP] [O] pour lui indiquer qu'outre lui-même les inventeurs étaient [S] [VV] et [T] [L]

- pièce 3.6 : attestation de M. [D] [Z] : « Sur le précédent système de gestion des pointages, le report des heures supplémentaires sur la fiche de paie était revu et corrigé par [I] [J] pour l'ensemble de son équipe. Bien que les heures étaient effectuées avec son accord, il retirait 1 heure des heures supplémentaires effectuées par semaine, cela pour couvrir d'après lui le temps passé à discuter entre collègues. Seules quelques rares personnes qui ont osé réclamer n'ont pas eu cette heure de carence appliquée. Avec l'arrivée du nouveau système informatique de pointage Kelio, cette gestion à 2 vitesses a disparu »

- pièce 3.7, attestation de M. [I] [PC] : « (') Lors de périodes où nous devions réaliser des heures supplémentaires, mon chef [I] [J] retirait des heures suivant un calcul qui lui était propre. Seuls les quarts d'heure pleins étaient comptabilisés et une heure en fin de semaine était retirée. Au début son service était le seul où cette règle a été appliquée ensuite cette règle a aussi été appliquée au BM »

- pièce 3.10, attestation de M. [G] [F] : « En tant que subalterne de M. [J], depuis une dizaine d'années, mon témoignage fait référence à son comportement managérial qui souvent n'a pas été en adéquation avec les valeurs du groupe SECO et ne respecte pas toujours les droits et conventions des travailleurs. Il y a une multitude d'exemple à citer mais ça se passe principalement à l'oral. Un des rares exemples d'échange écrit, voir « mail » en pièce jointe, illustre partiellement son attitude :

- Incite à ne pas respecter les droits du travail comme les heures supplémentaires : à de nombreuses reprises des employés de son service ont dû faire des heures supplémentaires pour des tâches urgentes mais cela n'a pas été souvent possible de les récupérer ou de les avoir rémunérés. (') »

M. [G] [F] joint à son attestation un mail qu'il a reçu de M. [I] [J] le 09 octobre 2014 : « Demande d'absence : refusée ([J] [I]). Je te fais ce retour à toi seul afin que cela puisse (si tu le désires évidemment) rester entre 4 yeux. Je ne sais pas ce que tu cherches avec une attitude comme celle que tu adoptes, néanmoins laisse moi te dire que sur le point présent, légalement tu as entièrement raison, soit, mais ne te déplaçant que relativement rarement ' sauf lorsque tu le décides toi-même sans accord ' (pour la petite histoire tu aurai pu et peut-être du avoir un avertissement pour la manière dont l'enregistrement des horaires a été faite). Je te remercie pour Seco, Seco qui t'offre un travail, (cela est évidemment normal), d'excellentes conditions de travail (environnement, moyen '), une rémunération très honnête, des avantages tels que treizième mois, participation ' (cela aussi est évidemment normal), et j'en passe et des meilleures ' Tu es en train de te mettre beaucoup de gens à dos à travers toute ton attitude. Le proverbe dit : « tant va la cruche à l'eau ... ». L'impression que tu donnes est celle d'un enfant en pleine crise d'adolescence. Fini le « cours » de morale, je te laisse à tes méditations ', revenons au travail. (...) »

- pièce 3.17, attestation de M. [OG] [K] : « Cela fait maintenant 8 ans que je suis employé chez SECO EPB, j'ai pu au fil des années assister ou même être concerné par de nombreux comportements contraires aux règles déontologiques du groupe voire même limite légales de part une politique managériale autoritaire et quasi-militaire de la part de Mr [J]. En début d'année 2015 lors de la mise en place chaotique du pointage obligatoire des cadres cumulé à une communication inexistante de la direction sur le sujet. Nous nous sommes plaints et avons fait remonter les différents dysfonctionnements auprès de la direction et des ressources humaines. Dans la foulée l'ensemble des cadres du BE et de la R&D ont été convoqués dans une pièce close par Mr [J]. Il nous a clairement été dit que nous donnions une mauvaise image et que nous étions les seuls à nous plaindre, en effet Mr [J] venait d'être convoqué chez le directeur Mr [UI] qui s'était plaint de notre comportement. Il a ensuite exigé que nous arrêtions les remous et proféré des menaces à peine masquées de licenciement. Pour reprendre ses termes soit nous étions dans le bateau et ramions dans le sens du courant imposé par la direction, soit nous ramions à contre-courant mais on serait vite débarqués. (...) ».

L'appelant conteste ce grief et produit :

- une attestation en pièce 30 de M. [A] [HB], Product Manager chez Seco, dont l'appelant reprend ce passage dans ses conclusions : « (') J'ai donc côtoyé M. [J] [I] tout au long de sa carrière chez EPB, puis chez Seco Tools, et je puis certifier son professionnalisme, sa disponibilité et ses compétences techniques et organisationnelles de son département R&D. (...) »

- une attestation de M. [V] [H], technicien méthode chez Seco-EPB, à la retraite (pièce 27) : « (') A aucun moment de notre collaboration ou simplement de notre parcours chez EPB et Seco EPB, je n'ai pu constater une quelconque attitude de management « par la peur, de menaces, de dénigrement, de malveillance ni de dénigrement ni de dévalorisation des collaborateurs, aussi bien à mon égard qu'à celui de mes collègues de mon service ou d'autres services. Ce constat je puis d'autant plus le faire , que je n'ai jamais entendu ce genre de retour lors de discussion entre collègues.

M. [J] a toujours été un exemple d'engagement, d'implication, de correction et d'investissement pour la société, ne ménageant jamais sa peine dans l'intérêt de tous. (... »

- une attestation de M. [U], ancien salarié du cabinet Nuss, cabinet de conseil en propriété industrielle (pièce 28) : « Lors de mes déplacements à [Localité 3], réunissant les co-inventeurs, il m'est toujours apparu clairement que les inventions réalisées en groupe ne suscitaient de la part des autres co-inventeurs aucune contestation quant à la désignation de l'un ou l'autre d'entre eux comme inventeur.

Les différents intervenants agissaient en toute sérénité et ne donnaient aucun signe de fébrilité pouvant laisser penser à une quelconque pression. (...) »

- une attestation de M. [P] [MD], directeur de la R&D du site SECO de Bourges (18), en retraite (pièce 29) : « (') Pendant toutes ces années de discussions & collaboration, mes contacts directs ou indirects (au travers de mes propres collaborateurs) avec les personnes du site de [Localité 3] ne m'ont jamais permis de détecter la moindre défiance envers [I] F.

[I] F. avait une implication forte dans la R&D de SECO-EPB mais aussi dans la R&D du Goupe SECO, en permanence en train de « se challenger » mais également de « challenger » les personnes de son entourage dans le seul objectif de créer, de développer et d'améliorer les conceptions et les produits avec engagement et un esprit de famille sans faille, fier d'appartenir à ce groupe. »

Il convient de souligner que M. [I] [J] ne produit, pour contester les pièces de la société SECO TOOLS, que deux attestations de salariés ou anciens salariés de l'usine SECO de Bouxwiller ; les autres attestations émanent d'un salarié de SECO de Bourges, qui donc n'a pas travaillé quotidiennement avec M. [I] [J] et pas davantage dans son équipe, et d'un salarié du cabinet de propriété industrielle qui enregistrait les brevets du service de l'appelant.

M. [V] [H] donne des précisions sur l'attestation en pièce 27 de M. [I] [J], dans une attestation en pièce 3.20 de la société SECO TOOLS : « (') Mr [J] m'a rendu visite à mon domicile. Je lui ai exprimé uniquement mon ressenti d'un point de vue personnel, et à partir de ce que je lui ai dit, il a rédigé l'attestation que j'ai signée (') Je voudrais à nouveau insister et préciser dans ma déclaration que je n'ai pu constater une quelconque attitude agressive de la part de M. [J] à mon égard ni l'avoir remarqué envers ceux de mon service car il n'était pas notre responsable hiérarchique. Par contre je ne peux pas dire ce qui se passait dans son propre ou autre service puisque je n'en faisais pas partie ».

M. [V] [H] relativise donc l'attestation fournie à M. [I] [J].

Les éléments qui précèdent démontrent le grief adressé à M. [I] [J] dans sa lettre de licenciement ; il est ainsi établi que M. [I] [J] restreignait indûment les droits aux heures supplémentaires de ses subordonnés, et pratiquait un management par la crainte ; ce grief est suffisamment grave pour justifier le licenciement prononcé, sans qu'il soit besoin d'examiner le deuxième grief articulé dans la lettre de rupture.

M. [I] [J] sera donc débouté de ses demandes se fondant sur la critique de son licenciement.

Sur les demandes au titre de la rémunération des brevets

M. [I] [J] explique qu'il n'a pas reçu une rémunération complète pour 10 brevets, et n'a jamais été rémunéré pour deux brevets où il est le seul inventeur pour la société SECO TOOLS, l'autre inventeur étant un salarié du groupe.

Il soutient que la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur ces demandes.

La société SECO TOOLS fait valoir que la juridiction prud'homale n'est pas compétente dès lors que les droits réclamés sont contestés, seul étant alors compétent le tribunal judiciaire.

Elle ajoute que M. [I] [J] ne produit aucun justificatifs au soutien de ses prétentions.

Aux termes des dispositions de l'article L611-7 du code de la propriété intellectuelle, si l'inventeur est un salarié, le droit au titre de propriété industrielle, à défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, est défini selon les dispositions ci-après:

1. Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. L'employeur informe le salarié auteur d'une telle invention lorsque cette dernière fait l'objet du dépôt d'une demande de titre de propriété industrielle et lors de la délivrance, le cas échéant, de ce titre. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une invention appartenant à l'employeur, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail.

Si l'employeur n'est pas soumis à une convention collective de branche, tout litige relatif à la rémunération supplémentaire est soumis à la commission de conciliation instituée par l'article L.615-21 ou au tribunal judiciaire.

2. Toutes les autres inventions appartiennent au salarié. Toutefois, lorsqu'une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle, l'employeur a le droit, dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d'État, de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention de son salarié.

Le salarié doit en obtenir un juste prix qui, à défaut d'accord entre les parties, est fixé par la commission de conciliation instituée par l'article L. 615-21 ou par le tribunal judiciaire: ceux-ci prendront en considération tous éléments qui pourront leur être fournis notamment par l'employeur et par le salarié, pour calculer le juste prix tant en fonction des apports initiaux de l'un et de l'autre que de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention.

3. Le salarié auteur d'une invention en informe son employeur qui en accuse réception selon des modalités et des délais fixés par voie réglementaire.

Le salarié et l'employeur doivent se communiquer tous renseignements utiles sur l'invention en cause. Ils doivent s'abstenir de toute divulgation de nature à compromettre en tout ou en partie l'exercice des droits conférés par le présent livre.

Tout accord entre le salarié et son employeur ayant pour objet une invention de salarié doit, à peine de nullité, être constaté par écrit.

4. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État.

5. Les dispositions du présent article sont également applicables aux agents de l'État, des collectivités publiques et de toutes autres personnes morales de droit public, selon des modalités qui sont fixées par décret en Conseil d'État.

L'article L615-17 du même code dispose que  les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d'invention, y compris  dans les cas prévus à l'article L. 611-7 ou lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des  tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire, à l'exception des recours formés contre les actes administratifs du ministre chargé de la propriété industrielle qui relèvent de la juridiction administrative.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle au recours à l'arbitrage, dans les conditions prévues aux articles 2059 et 2060 du code civil.

Les tribunaux judiciaires mentionnés au premier alinéa du présent article sont seuls compétents pour constater que le brevet français cesse de produire ses effets, en totalité ou en partie, dans les conditions prévues à l'article L. 614-13 du présent code.

 

Il résulte des textes précités que lorsque les inventions sont discutées, seul le tribunal judiciaire est compétent pour statuer sur les demandes s'y rapportant, soit les demandes de M.[I] [J] de rémunérations sur brevets déposés et pour rémunérations sur brevets dont il aurait été privé et les demandes de la société SECO TOOLS de remboursement de primes de brevet.

La cour se déclarera donc incompétente.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Chacune conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Rappelle que la chambre sociale de la Cour de cassation a, par arrêt rendu le 20 octobre 2021, cassé et annulé, sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre de l'intéressement, l'arrêt rendu le 28 mai 2019 entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saverne le 23 janvier 2018, sauf en ce qu'il a dit que le salaire moyen de M. [I] [J] s'établit à la somme de 9 462 euros (neuf mille quatre cent soixante deux euros);

Statuant à nouveau dans ces limites,

Dit que le licenciement pour faute grave de M. [I] [J] est justifié,

Déboute en conséquence M. [I] [J] de toutes ses demandes ;

Se déclare incompétente pour statuer sur les demandes de M. [I] [J] de rémunérations sur brevets déposés et pour rémunérations sur brevets dont il aurait été privé, et les demandes de la société SECO TOOLS de remboursement de primes de brevet ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en seize sept pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/02857
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;21.02857 ?
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