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09/06/2022 | FRANCE | N°21/02433

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 09 juin 2022, 21/02433


ARRÊT N° /2022

PH



DU 09 JUIN 2022



N° RG 21/02433 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3IP







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SCHILTIGHEIM

18/00054

27 septembre 2018











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2





Saisine sur renvoi après cassation







DEMANDERESSE A LA SAISI

NE :



S.C.O.P. S.A. [C] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Valérie JANDZINSKI, avocat au barreau de NANCY









DEFENDEUR A LA SAISINE :



Monsieur [Z] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me ...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 09 JUIN 2022

N° RG 21/02433 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3IP

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SCHILTIGHEIM

18/00054

27 septembre 2018

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

Saisine sur renvoi après cassation

DEMANDERESSE A LA SAISINE :

S.C.O.P. S.A. [C] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Valérie JANDZINSKI, avocat au barreau de NANCY

DEFENDEUR A LA SAISINE :

Monsieur [Z] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 24 mars 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK , conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Stéphane STANEK et Anne-Sophie WILLM, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 19 Mai 2022 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 25 Mai 2022 puis au 02 Juin 2022 ; puis prorogé au 09 Juin 2022 ;

Le 09 Juin 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [Z] [M] a été engagé sous contrat de travail à durée déterminée, par la société [C], pour la période du 27 décembre 2014 au 26 août 2015, en qualité d'éducateur spécialisé, statut employé.

Par avenant du 6 mars 2015, la relation contractuelle a été poursuivie suivant contrat de travail à durée indéterminée.

Par courrier du 05 mai 2017, Monsieur [Z] [M] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 mai 2017, avec mise à pied conservatoire.

Par courrier du 13 juin 2017, Monsieur [Z] [M] a été sanctionné disciplinairement par une mise à pied de 12 jours pour la période du 05 mai 2017 au 17 mai 2017, et par une mutation disciplinaire.

Par courrier du 17 octobre 2017, la DIRECCTE a demandé à la société [C] d'annuler la mutation disciplinaire qui constituait une double sanction pour un même fait.

Par requête du 05 mars 2018, Monsieur [Z] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Schiltigheim, aux fins d'annulation de la mise à pied conservatoire et de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Schiltigheim rendu le 27 septembre 2018, lequel a :

- déclaré Monsieur [Z] [M] recevable et bien fondé en une partie de ses demandes,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [Z] [M] aux torts exclusifs de la société [C], à la date du présent jugement,

- en conséquence, jugé le licenciement de Monsieur [Z] [M] sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société [C] à régler à Monsieur [Z] [M] les sommes suivantes :

- 10 317,68 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 513,98 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 5 158,84 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 515,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

- 1 214,86 euros à titre de rappel de salaire suite à l'annulation de la mise à pied disciplinaire, outre 121,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

- condamné la société [C] au rachat de ses partis sociales et le versement de dividende afférent,

- ordonné la remise du certificat de travail, l'attestation pôle emploi, du solde de tout compte et le dernier bulletin de salaire,

- déclaré Monsieur [Z] [M] irrecevable pour ce qui concerne ses demandes liées aux sommes versées / à verser par la société de prévoyance ou aux décompter liés auxdites sommes,

- débouté Monsieur [Z] [M] de ses demandes autres, à savoir :

- dommages et intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail,

- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- rappels de salaires pour heures supplémentaires, repos compensateur et indemnité compensatrice de congés payés,

- dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- dommages et intérêts pour violation de l'amplitude journalière de travail,

- dommages et intérêts pour violation du repos journalier et du temps de pause journalier,

- condamné la société [C] à verser à Monsieur [Z] [M], les intérêts légaux sur les sommes susmentionnées à compter du jugement,

- condamné la société [C] à régler à Monsieur [Z] [M] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [C] aux entiers dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par requête du 14 novembre 2018, Monsieur [Z] [M] a saisi la cour d'appel de Colmar, aux fins d'infirmation partielle du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Schiltigheim le 27 septembre 2018.

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Colmar rendu le 19 novembre 2019, lequel a :

- confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté les demandes au titre des heures supplémentaires et repos compensateur, des dommages et intérêts pour exécution déloyale, violation de l'amplitude journalière ainsi que des repos journaliers et des pauses,

- infirmé le jugement de ces chefs,

- statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

- déclaré Monsieur [Z] [M] irrecevable de ses demandes salariales pour la période antérieure au 05 mars 2015,

-condamné la société [C] à payer à Monsieur [Z] [M] les sommes suivantes :

- avec intérêts aux taux légal à compter du 05 mars 2018 :

- 42 000 euros au titre des heures supplémentaires,

- 4 200 euros au titre des congés payés y afférents,

- 22 000 euros au titre du défaut d'information des droits au repos compensateur,

- 2 200 euros au titre des congés payés y afférents,

- avec intérêts aux taux légal à compter de l'arrêt :

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du repos journalier,

- 500 euros à titre de dommages intérêts pour violations des temps de pause,

- 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamné la société [C] à remettre à Monsieur [Z] [M] des bulletins de salaires conformes à l'arrêt,

- condamné la société [C] au dépens d'appel,

- rejeté la demande de la société [C] de frais irrépétibles d'appel.

Par requête du 31 décembre 2019, la société [C] a saisi la chambre sociale de la Cour de cassation, aux fins de cassation et d'annulation de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Colmar le 19 novembre 2019.

Vu l'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 15 septembre 2021, lequel a :

- cassé et annulé l'arrêt rendu le 19 novembre, entre les parties, par le cour d'appel de Colmar, mais seulement en ce qu'il condamne la société [C] à payer à Monsieur [Z] [M] les sommes de :

- 42 000 euros au titre des heures supplémentaires,

- 4 200 euros au titre des congés payés y afférents,

- 22 000 euros au titre du défaut d'information des droits au repos compensateur,

- 2 200 euros au titre des congés payés y afférents,

- ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 05 mars 2018,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du repos journalier,

- 500 euros à titre de dommages intérêts pour violations des temps de pause,

- ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

- et en ce qu'il :

- prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société [C] à la date du jugement,

- juge le licenciement de Monsieur [Z] [M] sans cause réelle et sérieuse,

- condamne la société [C] à payer à Monsieur [Z] [M]

-10 317,68 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 513,98 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 5 158,84 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 515,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

- 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamne la société [C] à supporter les entiers dépens d'appel,

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

Vu l'appel formé par la société [C] le 07 octobre 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société [C] déposées sur le RPVA le 30 novembre 2022, et celles de Monsieur [Z] [M] déposées sur le RPVA 28 février 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 09 mars 2022,

La société [C] demande :

- de dire et juger que les demandes de rappels d'heures supplémentaires et de repos compensateurs ne sont pas justifiées,

- de dire et juger que la société [C] a respecté ses obligations en matière de durée du travail (durée maximale, temps de repos et de pause),

- de dire et juger que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail n'est pas justifiée, - en conséquence, d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Schiltigheim sur les points encore en discussion renvoyés à la cour d'appel de Nancy en ce qu'il a :

- condamné la société [C] à régler à Monsieur [Z] [M] les sommes suivantes :

- 10 317,68 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 513,98 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 5 158,84 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 515,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- condamné la société [C] au rachat de ses parts sociales et le versement de dividende afférent,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] [M] de ses demandes autres, à savoir :

- heures supplémentaires, repos compensateurs, préjudices, indemnité compensatrice de congés payés,

- dommages et intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail,

- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- dommages et intérêts violation de l'amplitude journalière de travail,

- dommages et intérêts pour violation du repos journalier et du temps de pause journalier,

- de condamner Monsieur [Z] [M] à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [Z] [M] demande :

- de déclarer l'appel partiel interjeté par Monsieur [Z] [M] recevable et bien fondé,

- de déclarer les conclusions et pièces notifiées le 09 décembre 2021 par la société [C], irrecevables et les écarter des débats,

- en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris par le conseil de prud'hommes de Schiltigheim du 27 septembre 2018, dans la limite des chefs de jugement visés par l'appel partiel, à savoir en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] [M] de ses demandes autres et statuant à nouveau,

- de condamner la société [C] à régler à Monsieur [Z] [M] les sommes suivantes :

- 49 545,43 euros de rappels d'heures supplémentaires

- 4 954,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

- 19 458 euros de dommages et intérêt pour travail dissimilé,

- 27 716,68 euros à titre de rappel de salaire pour repos compensateur,

- 2 771,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

- 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation de l'amplitude journalière de travail,

- 5 000 euros de dommages et intérêts pour violation du repos journalier,

- 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation du temps de pause journalier,

- 7 740 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 3 243 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail,

- d'ordonner la remise sous astreinte de 50 jours de retard à compter du jugement à intervenir de l'attestation pôle emploi, du solde de tout compte et bulletin de salaire,

- de condamner la société [C] à verser à Monsieur [Z] [M], les intérêts légaux sur les sommes susmentionnées à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes,

- en tout état de cause :

- de débouter la société [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, y compris en ses appels incidents,

- de confirmer le jugement entrepris pour le surplus, à savoir, la condamnation de la société [C] à :

- 10 317,68 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 513,98 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 5 158,84 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 515,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

- rachat par la société [C] des parts sociales de Monsieur [M] et le versement du dividende afférent,

- remettre le dernier bulletin de salaire, le certificat de travail, l'attestation pôle emploi et le solde de tout compte,

- l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- versement des intérêts légaux sur les sommes susmentionnées à compter du jugement,

- de condamner la société [C] à régler à Monsieur [Z] [M] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure devant la cour d'appel de Colmar,

- de condamner la société [C] à régler à Monsieur [Z] [M] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant la Cour d'appel de Nancy,

- de la condamner aux entiers dépens de la présente instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures de de la société [C] déposées sur le RPVA le 30 novembre 2022, et aux dernières écritures de Monsieur [Z] [M] déposées sur le RPVA le 28 février 2022.

La cour constate que l'arrêt de la cour d'appel de Colmar est définitif en ce qu'il a jugé que les réclamations salariales antérieures au 5 mars 2015 sont irrecevables comme prescrites.

Sur les heures supplémentaires :

Monsieur [Z] [M] indique que ses missions ont consisté à encadrer des jeunes en difficultés, de janvier 2015 à juillet 2016 au sein du Cirque d'Europe, puis de septembre 2016 à mai 2017 au sein d'une équipe éducative dans un centre en Ardèche, selon une durée du travail théorique de 35 heures hebdomadaires organisée par quatorzaine de 70 heures, au rythme d'une semaine de travail suivie d'une semaine de repos, conformément aux dispositions conventionnelles applicables.

Il fait valoir qu'en fait il était resté à la disposition de son employeur 24 heures par jour et qu'en conséquence son temps de travail effectif doit être calculé sur cette base. Il produit un tableau récapitulant ses horaires de travail du 27 décembre 2014 au 17 mai 2017 (pièce n° 3).

Monsieur [Z] [M] indique que dans le cadre de son travail, il devait s'occuper constamment des mineurs dont il avait la charge, y compris la nuit, étant lui-même hébergé à proximité de leurs lieux de résidence.

L'employeur fait valoir que le temps de travail du salarié au Cirque, où Monsieur [Z] [M] a été affecté de janvier 2015 à juillet 2016, était défini par sa fiche de poste, de laquelle il ressort que ce dernier devait s'occuper du mineur qui lui était confié de 8 heures à 10 heures, de 12 heures à 14 heures et de 17 heures à 22 heures (pièce n° 6).

Il indique que la nuit, Monsieur [Z] [M] logeait seul dans une caravane et qu'il n'était soumis à aucune astreinte et était libre de vaquer à ses occupations, comme il l'était de 10 heures à 12 heures et de 14 heure à 17 heures.

L'employeur indique également que le salarié a participé à des séjours de rupture en Ardèche sur une période de 8 mois et demi, à compter de septembre 2016 jusqu'en mai 2017 ; que les horaires de travail s'effectuaient en roulement d'équipe de soit de 9 heures à 16 heures ou 17 heures, soit de 14 heures à 21 heures ou 22 heures (pièce n° 5).

Il précise que Monsieur [Z] [M] dormait dans un gîte distinct du lieu d'hébergement des mineurs et qu'en cas d'horaire de nuit, de 21 heures à 9 heures, il dormait dans une chambre de veille située dans le bâtiment où résidaient les mineurs (pièces n° 7 et 8).

L'employeur produit des fiches horaires signées par Monsieur [Z] [M] et son chef de service, faisant état du nombre d'heures travaillées pendant son séjour en Ardèche et indiquant 4 heures supplémentaires sur l'ensemble de la période (pièce n° 9).

Il fait ainsi valoir que les horaires de travail de Monsieur [Z] [M] étaient conformes aux obligations légales et conventionnelles et que ce dernier n'était pas dans l'obligation de se tenir à la disposition de son employeur en dehors de ces horaires.

Motivation :

1) sur le maintien à disposition du salarié :

La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Dès lors que Monsieur [Z] [M] soutient qu'il devait se tenir à la disposition de son employeur 24 heures sur 24, il lui revient de démontrer qu'il ne pouvait à aucun moment vaquer à ses propres occupations, lors de ses séjours au Cirque d'Europe et en Ardèche.

Il produit de nombreuses pièces dont il résulte que durant sa semaine de travail auprès des mineurs, il était de fait à la disposition de son employeur 24 heures du 24, aucune plage de repos ou de temps pendant lequel il pouvait vaquer librement à ses affaires n'étant précisément délimitée.

En effet, compte-tenu du manque d'effectif, comme en atteste le courriel du 13 juin 2016, émanant de son chef de service, selon lequel l'équipe dirigeante [C] vous demande de remplacer dorénavant les éducateurs absents durant leur service faisant partie de vos équipes. Etant donné le contexte actuel nous ne pourrons plus remplacer les éducateurs. Ce sera à vous de prendre en charge", les horaires de travail théoriques ne pouvaient être respectés.

Il résulte également des pièces produites que les conditions réelles d'exécution de sa mission sur le terrain par le salarié, rendaient impossible la distinction entre astreinte et mise à disposition de l'employeur, la surveillance des mineurs dont il avait la charge, avec lesquels il résidait sur les différents lieux d'emplacement du Cirque, et dans le même bâtiment en Ardèche, étant de fait constante ((pièce n° 21 s'agissant de l'Ardèche).

Ainsi, Madame [Y] [F], coordinatrice [C] en Ardèche, indique que les éducateurs travaillaient du vendredi au vendredi une semaine sur deux et résidaient sur place, que tous les mineurs n'étaient pas scolarisés et qu'ils étaient alors à la charge des éducateurs durant la journée ; que de ce fait Monsieur [Z] [M] avait « la responsabilité des jeunes autant sur le temps de journée que de nuit » et qu'il était positionné en 24 heures sur 24, dormant sur le site (pièce n° 20). Cette mise à disposition constante est corroborée par le fait que Monsieur [Z] [M] résidait dans le même bâtiment que les mineurs en charge (pièce n° 20), ainsi que par plusieurs attestations de ses collègues (pièce n° 23).

S'agissant de la période de travail au Cirque, les mêmes constatations peuvent être faites. Il résulte des attestations produites que les éducateurs qui accompagnaient les mineurs travaillaient de manière continue, sans que des plages spécifiques de repos puissent être respectées et que s'agissant notamment des périodes nocturnes, ils étaient laissés à eux-mêmes, les cadres supposément d'astreinte n'intervenant pas sur place en cas d'incident. Monsieur [Z] [M] et ses collègues devaient ainsi, dans la réalité, encadré constamment les mineurs. Cette situation entraînait donc nécessairement leur mise à disposition constante de l'employeur, résultant non seulement de l'isolement des éducateurs et des mineurs, mais également de l'itinérance du cirque (pièces n° 6, 22, 24 à 27).

L'employeur produit pour sa part une fiche de poste s'agissant de poste concernant la période de travail au Cirque, laquelle indique des horaires précis, mais qui ne suffit pas à elle-même à combattre les éléments présentés par le salarié, aucune pièce produite par l'employeur ne permettant d'établir le respect effectif de ces horaires.

S'agissant du poste concernant la période en Ardèche, l'employeur produit des plannings de prise en charge de mineurs (pièce n° 5) dont la lecture ne permettent pas d'établir les horaires de travail effectif de Monsieur [Z] [M].

Ainsi, ni pendant sa période de travail au Cirque, ni pendant sa période de travail en Ardèche, Monsieur [Z] [M] ne disposait d'horaires fixes permettant de distinguer des moments spécifiques pendant lesquels il pouvait vaquer librement à ses occupations. En conséquence, il doit être considéré comme ayant été à la disposition constante de son employeur pendant ses semaines de service.

2) sur le nombre d'heures de travail accomplies par le salarié :

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1 , du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

 

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

 

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La cour constate que Monsieur [Z] [M] a fourni, sous forme de tableaux récapitulatifs, des éléments suffisamment précis quant aux heures de travail qu'il prétend avoir accomplies. (Pièce n° 31).

 

Ils permettent à la société [C] d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, étant rappelé qu'en tant qu'employeur elle a l'obligation de mettre en place un système permettant de comptabiliser les heures de travail accomplies par chacun de ses salariés. 

 

En l'espèce, la cour constate que l'employeur, s'il critique les éléments produits par le salarié, ne produit lui-même aucun élément relatif au décompte de de ses heures de travail.

Dès lors, compte-tenu de la prescription d'une partie des demandes de nature salariale, la société [C] devra verser à Monsieur [Z] [M] les sommes de 42 000 euros au titre des heures supplémentaires, outre 4200 euros au titre des congés payés y afférant.

Sur le repos compensateur :

Monsieur [Z] [M] fait valoir qu'il n'a pu bénéficier d'aucun des repos compensateurs auxquels il avait le droit pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent de 220 heures par an, les heures de nuit étant prise en compte au niveau de l'équivalence de 3 heures.

L'employeur fait valoir que Monsieur [Z] [M] ne démontre pas qu'il aurait dû bénéficier des repos compensateurs qu'il revendique.

Motivation :

Compte-tenu du nombre d'heures supplémentaires accomplies par le salarié, la société [C] devra lui verser les sommes de 22 000 euros, outre 2200 euros, au titre du repos compensateur, ces sommes prenant en compte la prescription partielle des demandes salariales de Monsieur [Z] [M].

Sur le travail dissimulé :

Monsieur [Z] [M] fait valoir que la société [C] a violé sciemment l'obligation de déclaration de toutes les heures de travail accomplies par le salarié. Il réclame en conséquence l'indemnité due en cas de travail dissimulé.

La société [C] fait valoir qu'elle a déclaré toutes les heures travaillées.

Motivation :

L'article L. 8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

 

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, l'incurie de l'employeur dans l'organisation du travail de Monsieur [Z] [M] est insuffisante pour démontrer la volonté délibérée et réfléchie de ne pas respecter son obligation de déclaration.

Monsieur [Z] [M] sera donc débouté de sa demande.

Sur la violation de l'amplitude journalière de travail, du temps de repos quotidien et des temps de pause journaliers :

Compte-tenu des tableaux de ses horaires de travail présentés par le salarié, auquel l'employeur n'oppose aucun décompte horaire, ce dernier devra lui verser les sommes de 500 euros pour chacune des violations.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Monsieur [Z] [M] fait notamment valoir que les manquements de la société [C] à la réglementation du travail sont d'une gravité telle qu'ils justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.

L'employeur fait valoir qu'il n'a commis aucune faute.

Motivation :

Il ressort de ce qui a été évoqué plus haut que l'employeur a manqué à son obligation de rémunérer les heures de travail effectivement effectuées ;

Au regard de l'importance de la rémunération éludée, l'employeur a gravement manqué à ses obligations contractuelles, et ce manquement rend impossible le maintien de la relation contractuelle.

Dès lors, il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties aux torts de l'employeur, laquelle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Monsieur [Z] [M] réclame les sommes de 10 317,68 euros au titre des dommages et intérêts, 4513,98 euros au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 5158,84 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 515,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

L'employeur ne contestant pas à titre subsidiaire les sommes demandées par le salarié, il devra les lui verser.

Sur le rachat des parts sociales et le versement de dividende :

Le salarié fait valoir qu'il a souscrit deux parts sociales de la société coopérative à la valeur nominale de 50 euros chacune, soit 100 euros au total.

Il sollicite compte tenu de la rupture de son contrat de travail le rachat de ses parts et le versement des dividendes qui lui seraient dû à charge pour la société [C] de produire ses statuts et son dernier bilan comptable.

L'employeur ne concluant pas sur cette demande, il devra verser à Monsieur [Z] [M] la somme de 100 euros à ce titre.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail de M. [M] :

Le salarié fait valoir que la sanction injustifiée de mise à pied et le non-respect de la réglementation du travail tout au long de sa carrière, constituent une application déloyale du contrat de travail.

Il réclame à ce titre 7740 euros de dommages et intérêts.

L'employeur fait valoir qu'il a exécuté le contrat de travail de bonne foi et que la sanction disciplinaire était justifiée.

Motivation :

La constante violation de ses obligations en matière de durée du temps de travail par l'employeur constitue un manquement à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail.

La cour constate qu'il ne conteste pas à titre subsidiaire le quantum de la somme demandée par le salarié.

Au vu de ces éléments, il sera condamné à lui verser la somme de 7740 euros.

Sur l'indemnisation de la rupture vexatoire du contrat de travail :

Le salarié fait valoir que les motifs justifiant la résiliation judiciaire de son contrat de travail caractérisent le caractère vexatoire de la rupture du contrat de travail. Il réclame la somme de la somme de 3 243 euros à titre de dommages et intérêts.

L'employeur s'oppose à cette demande, faisant valoir d'une part, que la résiliation judiciaire n'est pas justifiée et d'autre part, qu'il ne peut demander à être indemnisé deux fois pour les mêmes faits.

Motivation :

Le salarié ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de ceux réparés au titre de la résiliation judiciaire du contrat et de son exécution déloyale.

Sur les demandes accessoires :

La société [C] sera condamnée à verser à Monsieur [Z] [M] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande à ce titre.

Elle sera condamnée aux dépens de l'instance.

Elle devra enfin remettre les documents de fin de contrat rectifiés sur la base de l'arrêt rendu, sans que l'astreinte ne soit ordonnée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté les demandes au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs, des dommages et intérêts pour exécution déloyale, violation de l'amplitude journalière ainsi que des repos journaliers et des pauses,

INFIRME le jugement de ces chefs,

STATUANT A NOUVEAU :

Constate que l'irrecevabilité des demandes salariales de Monsieur [Z] [M] pour la période antérieure au 5 mars 2015 est définitive,

Condamne la Sarl [C] à payer à M. [M] les sommes suivantes :

- 42 000 euros (quarante deux mille euros), outre 4200 euros (quatre mille deux cents euros) de congés payés y afférant, au titre des heures supplémentaires,

- 22 000 euros (vingt deux mille euros) au titre du non-respect des droits au repos compensateur, outre 2200 euros (deux mille deux cents euros) au titre des congés payés y afférant,

- 500 euros (cinq cents euros) de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail,

- 500 euros (cinq cents euros) de dommages et intérêts pour violation du repos journalier,

- 500 euros (cinq cents euros) de dommages et intérêts pour violation des temps de pause,

- 7740 euros (sept mille sept cent quarante euros) de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Y AJOUTANT

Condamne la société [C] à verser à Monsieur [Z] [M] la somme de 3000 euros (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société [C] à remettre à Monsieur [Z] [M] les documents de fin de contrat conformes à l'arrêt,

Déboute la société [C] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société [C] aux entiers dépens de l'instance.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en quatorze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/02433
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;21.02433 ?
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