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25/05/2022 | FRANCE | N°21/01811

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 25 mai 2022, 21/01811


ARRÊT N° /2022

PH



DU 25MAI 2022



N° RG 21/01811 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZ4W







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

19/00412

02 juillet 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [H] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Yann BENOIT de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



S.A.R.L. AIR ET EAU SYSTEMES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hervé MONTAUT de la SELAFA AUDIT-CONSEIL-DEFENSE...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 25MAI 2022

N° RG 21/01811 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZ4W

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

19/00412

02 juillet 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [H] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Yann BENOIT de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A.R.L. AIR ET EAU SYSTEMES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hervé MONTAUT de la SELAFA AUDIT-CONSEIL-DEFENSE, avocat au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 10 Mars 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 12 Mai 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 25 mai 2022;

Le 25 Mai 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [H] [S] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société AIR ET EAU SYSTEMES, à compter du 02 octobre 2018, en qualité de technico-commercial itinérant.

Par courrier du 18 juillet 2019, Monsieur [H] [S] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 26 juillet 2019.

Par courrier du 30 juillet 2019, Monsieur [H] [S] a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Par requête du 20 septembre 2019, Monsieur [H] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins de contestation de son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 02 juillet 2021, lequel a :

- dit que le licenciement de Monsieur [H] [S] est bien fondé ;

- en conséquence, débouté Monsieur [H] [S] de la totalité de ses demandes ;

- condamné Monsieur [H] [S] à verser à la société AIR ET EAU SYSTEMES la somme de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société AIR ET EAU SYSTEMES du surplus de ses demandes ;

- condamné Monsieur [H] [S] aux entiers dépens.

Vu l'appel formé par Monsieur [H] [S] le 15 juillet 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [H] [S] déposées sur le RPVA le 21 février 2022, et celles de la société AIR ET EAU SYSTEMES déposées sur le RPVA le 22 février 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 24 février 2022,

Monsieur [H] [S] demande :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- statuant à nouveau, de déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondée la demande de la société AIR ET EAU SYSTEM tendant à voir déclarer irrecevable les conclusions du 31 août 2021 et caduque la déclaration d'appel de Monsieur [S] ;

- de dire et juger que le licenciement de Monsieur [S] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

- de condamner la société AIR ET EAU SYSTEMES à verser à Monsieur [H] [S] les sommes suivantes :

- 6 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 500 euros au titre du préjudice moral ;

- 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- d'ordonner à la société AIR ET EAU SYSTEMES de fournir les documents de fin de contrat rectifiés ;

La société demande :

- à titre principal, in limine litis, de déclarer irrecevables les conclusions d'appelant déposées par Monsieur [H] [S] le 30 août 2021 ;

- en conséquence, de prononcer la caducité de la déclaration d'appel formulée par Monsieur [H] [S] et partant, constater que la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Nancy en date du 02 juillet 2021 acquiert force de chose jugée ;

- à titre subsidiaire, de confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Nancy du 02 juillet 2021 en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Monsieur [H] [S] est bien fondé ;

- débouté Monsieur [H] [S] de la totalité de ses demandes ;

- condamné Monsieur [H] [S] à verser à la société AIR ET EAU SYSTEMES la somme de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [H] [S] aux entiers dépens ;

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 2 juillet 2021 en ce qu'il

a débouté la société AIR ET EAU SYSTEMES de sa demande visant à condamner Monsieur [H] [S] à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

- en conséquence, de débouter Monsieur [H] [S] de l'intégralité de ses demandes ;

- de condamner Monsieur [H] [S] à verser à la société AIR ET EAU SYSTEMES la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

- de condamner Monsieur [H] [S] à verser à la société AIR ET EAU SYSTEMES la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

- de condamner Monsieur [H] [S] aux entiers dépens.

- à titre infiniment subsidiaire, de limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement pouvant être réclamé par Monsieur [H] [S] à la somme de 2 084,00 euros.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures de Monsieur [H] [S] déposées sur le RPVA le 21 février 2022, et aux dernières écritures de la société AIR ET EAU SYSTEMES déposées sur le RPVA le 22 février 2022.

Sur la caducité de l'appel de Monsieur [H] [S] :

In limine litis, la société AIR ET EAU SYSTEMES fait valoir que les conclusions d'appel doivent comprendre l'énoncé des chefs de jugement critiqués au même titre que la déclaration d'appel doit contenir les chefs de jugements expressément critiqués ; Monsieur [H] [S] ne peut ainsi se contenter d'indiquer dans ses conclusions d'appel « infirmer en toutes ces dispositions le jugement entrepris », ce qui ne constitue pas un « énoncé des chefs de jugement critiqués ».

Faute pour Monsieur [H] [S] d'avoir signifié des conclusions conformes à l'article 954 du code de procédure civile, ses conclusions sont irrecevables et en en conséquence son appel est caduc.

Monsieur [H] [S] conclut au rejet de la demande in limine litis de l'employeur, faisant notamment valoir qu'il n'est pas exigé par la loi que, outre les demandes, les conclusions reprennent la liste des chefs de jugement expressément critiqués.

Motivation :

Vus les articles 954 et 800 du code de procédure civile, la cour constate que les conclusions de Monsieur [H] [S] sont conformes aux dispositions du premier article et que leur dispositif demande expressément d'« infirmer en toutes ces dispositions le jugement entrepris », ce qui satisfait aux prescriptions du second article, le concluant n'ayant pas en ce cas à préciser les chefs du jugement dont il demande l'infirmation.

Les demandes de déclarer les conclusions d'appel de Monsieur [H] [S] irrecevables et de prononcer la caducité de son appel seront donc rejetées.

Sur le bien-fondé du licenciement :

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

L'insuffisance professionnelle se caractérise par l'incapacité du salarié à exercer de façon satisfaisante ses fonctions, par manque de compétences. L'insuffisance professionnelle relève de l'appréciation de l'employeur, mais ce dernier doit néanmoins s'appuyer sur des faits objectifs et matériellement vérifiables. En outre, l'employeur ne peut licencier un salarié pour insuffisance professionnelle que s'il lui a donné les moyens d'exercer sa mission et laissé le temps de devenir opérationnel, et si les objectifs qu'il lui a fixés étaient réalisables.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

« Nous vous avons embauché à compter du 2 octobre 2018 en qualité de technico-commercial itinérant.

A ce titre, vous vous engagiez notamment à :

- réaliser un minimum de 12 visites par semaine

- transmettre par mail un rapport d'activité hebdomadaire

- réaliser un montant minimal de marge brute de 16.000 euros HT par mois sur les affaires

Standard

Or, nous devons constater malheureusement que vous ne remplissez pas vos attributions de manière satisfaisante, ce qui se traduit par une insuffisance de résultats.

En effet, pour les 6 premiers mois de l'année 2019, vous avez réalisé sur votre secteur une marge brute sur les affaires standard d'un montant global de 43577,16 euros, soit une moyenne mensuelle de 7.262,86 euros (pour un objectif de 16.000 euros).

Or, sur les six premiers mois de l'année 2018, le montant total de la marge brute réalisée sur votre secteur sur les affaires standard s'élevait à 64 332,47 euros.

Dès lors, non seulement vous ne respectez pas vos objectifs contractuels, mais en outre, la marge brute réalisée sur votre secteur a chuté de 32,26 % sur les 6 premiers mois de l'année 2019 par rapport aux résultats enregistrés sur la même période en 2018.

Cette insuffisance de résultats est manifestement due à une insuffisance professionnelle.

En effet, votre contrat prévoit expressément que vous devez réaliser un minimum de 12 visites par semaine ».

Or, sur les 4 dernières semaines le logiciel Number a calculé une moyenne de 8,25 rendez-vous clients par semaine.

Depuis le début de l'année 2019, la moyenne de vos rendez-vous clients s'élève à un peu plus de 9 rendez-vous par semaine.

Comparé à vos obligations contractuelles, ce chiffre est insuffisant.

De plus, alors que vous aviez reçu votre lettre de convocation à entretien préalable, vous avez travaillé en dilettante jusqu'au dit entretien.

Cependant, la convocation à un entretien préalable ne suspend pas le contrat de travail et vous étiez donc tenu d'effectuer votre prestation de travail dans des conditions normales.

Ainsi, lors de notre entretien du 26 juillet 2019, nous vous avons demandé de nous détailler le travail que vous aviez effectué le 22 juillet 2019 (vous étiez présent au siège) et le 23 juillet 2019 (aucun rendez-vous ne figurant sur votre planning).

Vous avez refusé de nous répondre lors de l'entretien.

Ce n'est que par un courriel du 29 juillet 2019 à 19h49 que vous avez enfin daigné répondre.

Ainsi, vous prétendez que le 22 juillet 2019, vous auriez pris des rendez-vous chez 10 clients.

Pourtant l'examen de vos relevés téléphoniques ne fait apparaître aucun appel téléphonique le 22 juillet 2019 !

11 s'avère en fait que le 22 juillet 2019, vous ne vous êtes même pas connecté à notre logiciel 4D !

Lorsque vous avez quitté le bureau à 17h, Monsieur [U] vous a fait part de son étonnement ; vous avez alors prétendu que vous aviez rencontré un problème de connexion.

Si tel était le cas, pourquoi n'en avez-vous pas informé plus tôt Monsieur [U] ou moi-même, au lieu d'attendre la fin de journée '

De même, s'agissant de la journée du 23 juillet, les seuls appels téléphoniques que vous avez passés ont eu pour objet de rechercher un Conseiller du salarié pouvant vous assister à l'entretien préalable.

Cela ne fait que confirmer l'insuffisance professionnelle dont vous faites preuve.

En outre, et toujours conformément à vos obligations contractuelles, vous êtes tenu de transmettre au siège chaque début de semaine un planning de votre semaine en cours et votre planning prévisionnel sur la semaine suivante précisant le nom de la société, l'adresse ainsi que le client rencontré.

Cependant, vous ne remplissez pas cette obligation et plusieurs demandes sont nécessaires avant d'obtenir votre planning.

Enfin, votre contrat de travail stipule qu'il vous est demandé de réserver vos lundis pour être présent au siège de la société.

Or, nous avons dû vous relancer à plusieurs reprises avant que vous ne respectiez cette obligation.

Au vu de ces éléments nous sommes contraints de mettre un terme à nos relations contractuelles ».

La société AIR ET EAU SYSTEMES indique que Monsieur [H] [S] a été embauché comme de technico-commercial itinérant.

Elle fait valoir qu'il s'était engagé par contrat à réaliser un montant minimal de marge brute de 16 000 euros HT par mois sur les affaires « standard ». 

La société précise que pour les affaires « Standards », la marge brute correspond à la différence entre le prix de vente et le prix d'achat et que Monsieur [H] [S] avait la possibilité de suivre et vérifier à ses marges par le système informatique de l'entreprise. Elle indique que le salarié n'a jamais contesté les commissions qui lui étaient versées.

Elle fait valoir que de janvier à juin 2019 la marge brute réalisée par Monsieur [H] [S] a été largement inférieure à la somme convenue, avec une moyenne mensuelle de 7262,86 euros (pièces n° 17 à 22, 41) ; que sa marge brute mensuelle s'est dégradée par rapport à l'année 2018 pendant laquelle elle était de 10 722,08 euros (pièces n° 25 à 30) ; que dès les premiers mois de son activité, Monsieur [H] [S] n'a jamais réalisé son objectif, avec une moyenne mensuelle de 5997,38 euros HT du 2 octobre 2018 au 31 décembre 2018 (pièce n° 42 à 44).

L'employeur précise que dans les relevés de commandes qu'il produit, le terme « commission » correspond à la marge brute.

L'employeur explique cette contre-performance par l'insuffisance de visites auprès de clients effectuées par le salarié, qui n'a jamais atteint l'objectif de 12 visites hebdomadaires.

La société indique que son chiffre d'affaire réalisé sur le secteur assigné à Monsieur [H] [S] a ainsi significativement baissé ; que du 1er janvier 2018 au 30 juin 2018, ce chiffre a été de 228 322,46 euros HT, bien que le secteur n'ait pas été prospecté pendant trois mois, et que du 1er janvier 2019 au 30 juin 2019, correspondant à six mois de prospection par Monsieur [H] [S], il a chuté à 140 262,77 euros HT.

L'employeur indique également que l'objectif assigné à Monsieur [H] [S] était réalisable, faisant valoir que ses prédécesseurs affectés dans le même secteur étaient parvenus à l'atteindre (pièces n° 23 et 24), avec une moyenne de 9 rendez-vous hebdomadaires en 2019. Il ajoute qu'il devait relancer son salarié pour obtenir son planning de rendez-vous.

Ainsi, Monsieur [T] a réalisé une marge brute moyenne de 16 002,25 euros sur la période du 1er janvier 2018 au 31 mars 2018, et Monsieur [L] a réalisé une marge de 23 394,93 euros en juillet 2018.

La société fait également valoir que, contrairement à ce qu'indique Monsieur [H] [S], son chiffre d'affaire n'a pas baissé pendant la période de son embauche, mais au contraire a augmenté, passant de 1 109 356 euros en 2014 à 1 420 706 euros en 2018 (pièces n° 46 à 57).

Monsieur [H] [S] fait valoir que le critère de performance choisi par l'employeur ne permet pas de rendre compte de son activité totale, puisque les contrats de maintenance sont exclus, et que dans la mesure où il ne réalisait pas les devis, que l'employeur se réservait, il n'avait aucune maîtrise sur la valeur des contrats conclus.

Il fait également valoir que les pièces produites par l'employeur ne permettent pas vérifier, contrat par contrat, la marge dégagée par la société et donc de vérifier s'il a atteint l'objectif mensuel de 16 000 euros de marge brute.

Monsieur [H] [S] indique également que la société ne fournit que des éléments partiels de comparaison de sa performance par rapport à celle de ses prédécesseurs, notamment de Monsieur [T] qui a été salarié de novembre 2015 à mars 2018 ; il fait également valoir que les bons chiffres de ce dernier et de Monsieur [L] s'expliquent par quelques contrats d'une valeur exceptionnelle. Sans ces contrats, leurs performances étaient nettement inférieures aux siennes.

Monsieur [H] [S] fait valoir que la société est défaillante dans son obligation de démontrer que les objectifs qui lui étaient assignés étaient réalisables.

A cet égard il fait également valoir que l'employeur ne prouve pas que l'objectif de 12 visites hebdomadaires était réalisable et notamment n'indique pas les performances de ses prédécesseurs à cet égard.

Il indique qu'il résulte des listings d'entretiens versés aux débats qu'il a organisé régulièrement entre 10 et 13 rendez-vous, et que la moyenne calculée par la société omet d'intégrer trois semaines (25, 26 et 27) pendant lesquelles Monsieur [S] était en arrêt maladie.

Motivation :

L'évaluation du salarié doit se faire sur une période suffisamment étendue pour que le manque de résultats soit probant. En l'espèce, la cour constate que l'employeur reproche au salarié une dégradation de sa performance sur une durée de 6 mois, de janvier à juillet 2019, or cette période de moins d'une année, est trop brève pour déterminer l'existence ou non d'une insuffisance professionnelle de Monsieur [H] [S].

En outre, cette insuffisance éventuelle doit s'apprécier au regard des résultats obtenus, pour la même période, par des collègues de travail occupant les mêmes fonctions.

Or en l'espèce les résultats des deux salariés de référence, Monsieur [T] et Monsieur [L], concernent une période de trois mois pour le premier et d'un mois pour le second, et leurs résultats ont été obtenus, pour l'un grâce à deux contrats exceptionnels et pour l'autre, grâce à un seul client.

Ces éléments ne permettent pas d'établir une comparaison utile entre leur activité et celle de Monsieur [H] [S].

Enfin, la cour constate que les tableaux transmis par l'employeur servant à l'évaluation de l'activité de Monsieur [H] [S] et des salariés de référence mentionnent les « commissions » perçues par ces derniers et non les « marges brutes », sans que l'employeur n'explicite en quoi les chiffres de ces commissions sont équivalents à ceux des marges brutes, auxquels le contrat de travail se réfère uniquement.

Au vu des développements ci-dessus et dès lors que l'insuffisance professionnelle de Monsieur [H] [S] alléguée par l'employeur consiste en fait en la non réalisation des objectifs de « marge brute » qui lui étaient assignés, il apparaît que la société AIR ET EAU SYSTEMES ne démontre pas cette insuffisance.

En conséquence le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Monsieur [H] [S] réclame la somme de 6000 euros faisant valoir notamment qu'il n'a pas immédiatement retrouvé d'emploi après son licenciement.

L'employeur conteste le quantum exigé et fait valoir qu'il ressort du compte Linkedin de Monsieur [H] [S] qu'il a retrouvé un emploi d'ingénieur commercial dès novembre 2019 (pièces n° 59 et 60) et qu'il ne peut en tout état de cause réclamer une indemnisation supérieure à un mois de salaire.

Motivation :

Il résulte de l'article L. 1235-3 du code du travail que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue, le montant des dommages et intérêts qu'il peut décider étant compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par l'article visé ci-dessus.

Monsieur [H] [S] ayant une ancienneté de moins d'un an, il lui sera accordé la somme de 2084 euros correspondant à un mois de salaire.

Sur la demande reconventionnelle de la société AIR ET EAU SYSTEMES de dommages et intérêt pour préjudice moral :

La société AIR ET EAU SYSTEMES indique que le 31 juillet 2019 à 01h21, Monsieur [S] a commis un excès de vitesse avec le véhicule de l'entreprise qui lui avait été confié pour l'exercice de son activité professionnelle et qu'il a nié en être le conducteur ayant été licencié le 30 juillet 2019 avec restitution immédiate du véhicule.

Elle fait valoir qu'à cette date le salarié n'avait pas encore restitué son véhicule et qu'il a encore réclamer un remboursement de plein d'essence effectué le 2 août 2019 (pièces n° 50 et 51).

Elle fait également valoir qu'elle a appris après le licenciement de Monsieur [H] [S] que ce dernier a menti sur sa carrière professionnelle.

Elle réclame en conséquence la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts.

Monsieur [H] [S] conteste avoir commis un excès de vitesse.

Motivation :

La société AIR ET EAU SYSTEMES ne démontre pas en quoi le fait que Monsieur [H] [S] ait contesté sa responsabilité pénale, droit qui ne peut lui être contesté, est susceptible de lui causer un préjudice moral.

Elle sera donc déboutée de sa demande.

Sur le préjudice moral induit par la demande reconventionnelle de l'employeur :

Monsieur [H] [S] réclame la somme de 500 euros faisant valoir le préjudice psychologique que lui a causé cette demande.

La société AIR ET EAU SYSTEMES conteste l'existence d'un tel préjudice.

Motivation :

La demande d'une partie dans le cadre d'une procédure judiciaire ne peut en elle-même causer un préjudice moral à la partie adverse.

Monsieur [H] [S] sera donc débouté de sa demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

Monsieur [H] [S] et la société AIR ET EAU SYSTEMES seront déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles.

La société AIR ET EAU SYSTEMES sera condamnée aux dépens d'appel.

En outre :

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail il y lieu d'ordonner le remboursement par la société AIR ET EAU SYSTEMES des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi à Monsieur [H] [S] postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois.

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 2 juillet 2021 en toutes ses dispositions ;

STATUANT A NOUVEAU

Dit le licenciement de Monsieur [H] [S] sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société AIR ET EAU SYSTEMES à verser à Monsieur [H] [S] la somme de 2084 euros (deux mille quatre vingt quatre euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y AJOUTANT

Déboute Monsieur [H] [S] de sa demande d'une somme de 500 euros (cinq cents euros) pour préjudice moral,

Déboute la société AIR ET EAU SYSTEMES de sa demande d'une somme de 1000 euros (mille euros) pour préjudice moral,

Déboute Monsieur [H] [S] et la société AIR ET EAU SYSTEMES de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société AIR ET EAU SYSTEMES aux dépens,

Ordonne le remboursement par la société AIR ET EAU SYSTEMES des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi à Monsieur [H] [S] postérieurement à son licenciement, dans la limite de 6 mois.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01811
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;21.01811 ?
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