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25/05/2022 | FRANCE | N°21/00779

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 25 mai 2022, 21/00779


ARRÊT N° /2022

PH



DU 25 MAI 2022



N° RG 21/00779 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EXWJ







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

18/00208

01 mars 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.S. ERLA TECHNOLOGIES prise en la personn

e de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Franck KLEIN de la SELARL AVOCAT JURISTE CONSEIL, avocat au barreau d'EPINAL









INTIMÉ :



Monsieur [E] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Julien FOURAY de la SELARL KNITTEL - FOURA...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 25 MAI 2022

N° RG 21/00779 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EXWJ

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

18/00208

01 mars 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.S. ERLA TECHNOLOGIES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Franck KLEIN de la SELARL AVOCAT JURISTE CONSEIL, avocat au barreau d'EPINAL

INTIMÉ :

Monsieur [E] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Julien FOURAY de la SELARL KNITTEL - FOURAY ET ASSOCIES, avocat au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 17 Mars 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 12 Mai 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 25 mai 2022;

Le 25 Mai 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit ::

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [E] [J] a été engagé sous contrat de travail à durée déterminée, par la société ERLA TECHNOLOGIES, à compter du 06 octobre 2003, en qualité de technicien d'atelier.

A compter du 07 juin 2004, la relation contractuelle s'est poursuivie sous contrat à durée indéterminée.

A compter du 11 février 2017, Monsieur [E] [J] a été placé en arrêt de travail à la suite duquel le médecin du travail a déclaré Monsieur [E] [J] inapte à son poste de travail.

Par courrier du 18 octobre 2017, Monsieur [E] [J] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 26 octobre 2017.

Par courrier du 31 octobre 2017, Monsieur [E] [J] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête du 21 septembre 2018, Monsieur [E] [J] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal, aux fins de paiement d'heures supplémentaires non rémunérées et de contestation de son licenciement.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 01 mars 2021, lequel a :

- dit et jugé que la société ERLA TECHNOLOGIES n'a pas rémunéré la totalité des heures de travail effectuées par Monsieur [E] [J],

- et, par conséquent, condamne la société ERLA TECHNOLOGIES à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 10 205,87 euros à ce titre ainsi que la somme de 1020,59 euros au titre des congés payés sur cette somme,

- dit et jugé que la société ERLA TECHNOLOGIES a volontairement dissimulé des heures de travail effectuées par Monsieur [E] [J],

- et, par conséquent, condamne la société ERLA TECHNOLOGIES à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 13 270,62 euros au titre du travail dissimulé,

- dit et jugé que la société ERLA TECHNOLOGIES est redevable de la prime d'ancienneté pour la période du mois de février à juillet 2017,

- et, par conséquent, condamne la société ERLA TECHNOLOGIES à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 605,09 euros à ce titre ainsi que 60,51 euros au titre des congés payés sur cette somme,

- dit et jugé que le licenciement est nul,

- et en l'absence de réintégration, condamne la société ERLA TECHNOLOGIES à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 21 190,00 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre,

- condamné la société ERLA TECHNOLOGIES à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 3 252,96 euros au titre de l'indemnité de préavis, ainsi que 325,29 euros au titre des congés payés sur cette somme,

- condamné la société ERLA TECHNOLOGIES à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article 51454-28 du code du travail, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire pour les sommes visées à l'article R1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des trois derniers mois fixée à 1 626 euros,

- débouté la société ERLA TECHNOLOGIES de l'ensemble de ses demandes à titre reconventionnel,

- débouté les parties du surplus de leur demande,

- condamné la société ERLA TECHNOLOGIES aux éventuels dépens de l'instance.

Vu l'appel formé par la société ERLA TECHNOLOGIES le 25 mars 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société ERLA TECHNOLOGIES déposées sur le RPVA le 07 février 2022, et celles de Monsieur [E] [J] déposées sur le RPVA le 11 janvier 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 09 mars 2022,

La société ERLA TECHNOLOGIES demande :

-d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé qu'elle n'a pas rémunéré la totalité des heures de travail effectuées par Monsieur [E] [J],

- et, par conséquent, l'a condamné à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 10 205,87 euros à ce titre ainsi que la somme de 1 020,59 euros au titre des congés payés sur cette somme,

- dit et jugé qu'elle a volontairement dissimulé des heures de travail effectuées par Monsieur [E] [J],

- et, par conséquent, l'a condamné à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 13 270,62 euros au titre du travail dissimulé,

- dit et jugé que la société ERLA TECHNOLOGIES est redevable de la prime d'ancienneté pour la période du mois de février à juillet 2017,

- et, par conséquent, l'a condamné à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 605,09 euros à ce titre ainsi que 60,51 euros au titre des congés payés sur cette somme,

- dit et jugé que le licenciement est nul,

- et en l'absence de réintégration, l'a condamné à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 21 190,00 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre,

- l'a condamné à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 3 252,96 euros au titre de l'indemnité de préavis, ainsi que 325,29 euros au titre des congés payés sur cette somme,

- l'a condamné à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes à titre reconventionnel et du surplus de ses demandes,

- l'a condamné aux éventuels dépens de l'instance,

et statuant à nouveau,

- à titre principal,

- de dire et juger que la demande de rappel de salaire du salarié antérieure au 31 octobre 2014 est prescrite,

- de dire et juger que Monsieur [J] ne démontre aucunement avoir réalisé des heures supplémentaires qui n'auraient pas été rémunérées par la ERLA TECHNOLOGIES,

- en conséquence :

- de débouter Monsieur [J] de sa demande de mesure d'instruction,

- de débouter Monsieur [J] de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

- de débouter Monsieur [J] de sa demande de versement d'une indemnité pour travail dissimulé,

- de dire et juger que Monsieur [J] a été rempli de ses droits concernant le versement de ses primes d'ancienneté,

- en conséquence, de le débouter de sa demande de rappel de primes d'ancienneté,

- de dire et juger que le licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement de Monsieur [J] est fondé,

- en conséquence, de débouter Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires afférentes à la rupture de son contrat de travail,

- à titre subsidiaire,

- de réduire les demandes indemnitaires afférentes à la rupture du contrat de travail à de plus justes proportions,

- en tout état de cause, de condamner Monsieur [J] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [J] aux entiers dépens de l'instance.

Monsieur [E] [J] demande :

- de statuer ce que de droit quant à la recevabilité de l'appel de la société ERLA TECHNOLOGIES,

- en tout état de cause, de juger la société ERLA TECHNOLOGIES infondée en son appel et de l'en débouter,

- en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ayant accueilli partiellement et limité les sommes à lui allouées des chefs de :

- rappel de salaire sur heures supplémentaires non rémunérées, outre les congés payés y afférents,

- rappel de salaire sur primes d'ancienneté, outre les congés payés y afférents,

- dommages et intérêts au titre du licenciement nul,

- en conséquence, de le juger recevable et bien fondé en son appel incident, et réformer le jugement entrepris dans la limite des chefs visés dans l'appel incident,

- en conséquence, et statuant à nouveau :

- de condamner la société ERLA TECHNOLOGIES à lui payer :

- 24 920,28 euros brut, à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires non rémunérées,

- 2 492,02 euros, au titre des congés payés afférents,

- 3 252,96 euros brut, au titre du rappel de salaire sur primes d'ancienneté,

- 325,29 euros au titre des congés payés afférents,

- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

- à titre subsidiaire,

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- de condamner la société ERLA TECHNOLOGIES à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel,

- de la condamner aux éventuels dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 07 février 2022, et en ce qui concerne le salarié le 11 janvier 2022.

Sur la prescription d'une partie des demandes

La société ERLA TECHNOLOGIE fait valoir que le contrat de travail ayant été rompu le 31 octobre 2017, la demande de rappel de salaire antérieure au 31 octobre 2014 est prescrite, en application des dispositions de l'article L3245-1 du code du travail.

M. [E] [J] ne répond pas.

L'article L. 3245-1 du code du travail dispose que  l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l'espèce, le contrat de travail de M. [E] [J] ayant pris fin le 31 octobre 2017, les demandes portant sur les heures supplémentaires revendiquées pour la période antérieure au 31 octobre 2014 sont prescrites.

Sur la demande au titre d'heures supplémentaires

M. [E] [J] fait valoir qu'il a été amené a effectuer un minimum de 50 heures de travail par semaine, soit 11 heures supplémentaires par semaine qui ne lui étaient pas rémunérées.

Il renvoie à ses pièces 15, 16 et 17, estimant que ses éléments sont suffisamment précis pour étayer sa demande. Il précise qu'il n'a pas décompté les temps de trajets domicile ' atelier de l'entreprise, ni ses temps de pause repas.

M. [E] [J] conteste les attestations présentées par l'employeur, indiquant qu'elles sont par ailleurs rédigées en des termes quasi identiques.

Il indique les clients qu'il était amené à voir dans le cadre de ses déplacements.

La société ERLA TECHNOLOGIE fait valoir que l'intimé n'a jamais émis la moindre réclamation pendant la relation contractuelle, soit 14 ans.

Elle explique également que M. [E] [J] était totalement autonome dans l'organisation de son travail, de sorte qu'il lui est impossible de contrôler son temps de travail ; elle ajoute qu'une partie de son travail se déroulait également en atelier.

L'appelante fait valoir que ce n'est qu'après qu'elle a conclu sur le fait que le salarié ne présentait que des relevés d'heures hebdomadaires que ce dernier a versé aux débats des tableaux d'heures, ce qui démontre qu'il ne relevait pas ses heures quotidiennement.

Elle estime qu'il ne peut lui être reproché de ne pas mettre en place des procédures de contrôle du temps de travail, alors qu'il est en clientèle sans présence de sa direction, et qu'il ne fournit aucune information à son employeur sur le temps qu'il passe chez le client.

La société ERLA TECHNOLOGIE fait également valoir que M. [E] [J] ne justifie pas de la connaissance par l'employeur de l'existence d'heures supplémentaires ; qu'elle ne peut donc être accusée d'avoir donné son accord implicite sur les heures supplémentaires réclamées.

La société ERLA TECHNOLOGIE invoque les relevés de plein du véhicule de M. [E] [J] pour soutenir qu'il ne commençait pas ses journées avant 8h00 et ne les terminait pas après 17h30, les pleins étant faits sur la station-service entreprise.

Elle considère qu'il aurait été opportun pour M. [E] [J] de préciser dans ses relevés les horaires journaliers qu'il revendique, ce qui aurait permis de les comparer aux différentes pièces produites par elle, notamment le fichier essence et les relevés atelier ; elle ajoute qu'il est surprenant qu'il ne fournisse pas le détail de ses journées de travail, alors qu'il est capable d'écrire que certaines semaines il a fait 46,50 heures, voire plus de 50 heures.

La société ERLA TECHNOLOGIE indique que le salarié réclame des heures supplémentaires depuis la 36ème heure, alors qu'il travaillait à 39 heures, et réclame des heures au-delà de 39 heures, alors qu'il a perçu des heures majorées à 50 %.

Elle affirme également qu'il travaillait 2/3 de son temps en atelier et 1/3 en déplacement, et que le relevé des horaires d'ouverture des portes de l'atelier par le salarié démontre qu'il prenait son poste le matin à 08h00, et à 13h30 l'après-midi.

L'appelante discute en pages 21 et suivantes de ses écritures plusieurs semaines pour lesquelles sont réclamées des heures supplémentaires.

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu' "en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction"

Il ressort de cette règle que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties mais que le salarié doit appuyer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires

Effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, à l'appui de sa demande, M. [E] [J] renvoie à ses pièces 15 à 17 ; il s'agit de trois tableaux, pour les années 2014, 2015 et 2016, sur sept colonnes, indiquant par semaine (1, 2, 3 etc.) le volume d'heures de travail, et dans les autres colonnes les éléments de valorisation de ces volumes horaires.

Ainsi que le fait valoir l'employeur, ces tableaux ne comportent aucune précision quant aux horaires de travail qui auraient été ceux de M. [E] [J], jour par jour.

Ces données, en volumes horaires bruts, par semaine, ne mettent pas l'employeur en mesure de pouvoir répondre aux allégations concernant les heures supplémentaires réclamées.

A défaut de produire des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande et permettre à l'employeur d'y répondre, M. [E] [J] sera débouté de ses prétentions au titre des heures supplémentaires, et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Cette demande repose sur la demande au titre des heures supplémentaires, qui n'est pas accueillie ; en conséquence, M. [E] [J] sera débouté de sa demande, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de prime d'ancienneté

M. [E] [J] affirme qu'en application de la convention collective il aurait dû bénéficier, dans la limite de la période de prescription, de 12 puis 13 et enfin 14 % de prime d'ancienneté.

La société ERLA TECHNOLOGIE répond qu'il a perçu au titre de ses primes d'ancienneté 1112,78 euros pour 2015, 1234,48 euros pour 2016, et 158,59 euros pour 2017, le salarié étant en arrêt maladie à compter de février 2017. La société ERLA TECHNOLOGIE renvoie à sa pièce 13 ; il s'agit de trois « fiches individuelles » pour chacune des trois années, indiquant pour chaque mois notamment le montant versé au titre de la prime d'ancienneté ; la présentation de ces fiches indique qu'elles constituent des synthèses des fiches de paie, et sont éditées par le service de la paie.

Aux termes des dispositions de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, M. [E] [J] présente des calculs pour 2015, 2016 et 2017 en page 19 de ses conclusions, sans explication sur la base de calcul (par exemple : 88,72 euros x 12 = 1064 pour 2015, en précisant seulement qu'il aurait dû bénéficier d'un taux de 12 % pour 2015) ; il n'explicite pas le montant du rappel réclamé, alors que la société ERLA TECHNOLOGIE présente des éléments justifiant des montants payés à ce titre.

En pièce 12, la société ERLA TECHNOLOGIE produit l'article 20 de la convention collective, relatif à la prime d'ancienneté : elle est de 11 % après 11 ans d'ancienneté, 12 % après 12 ans et 13 % après 13 ans.

M. [E] [J] est entré dans les effectifs de l'entreprise le 06 octobre 2003 ; il avait donc une ancienneté de 11 ans à partir du 06 octobre 2014, puis de 12 ans à compter du 06 octobre 2015, et de 13 ans à compter du 06 octobre 2016.

L'examen de ses bulletins de paie, produits en pièces 18 à 20 par l'employeur permet de constater que sa prime d'ancienneté était de 11 % à partir d'octobre 2014, de 12 % à partir d'octobre 2015, et de 13 % à partir d'octobre 2016.

Compte tenu de ces pièces 12 et 18 à 20, la société ERLA TECHNOLOGIE justifie du paiement de la prime d'ancienneté, au pourcentage prévu par la convention collective.

M. [E] [J] ne répond pas à ces éléments, et ne justifie pas davantage, au vu des justificatifs de paiement présentés par l'employeur, du rappel qu'il réclame.

En conséquence, M. [E] [J] sera débouté de sa demande, et le jugement infirmé sur ce point.

Sur le licenciement

M. [E] [J] fait valoir qu'il n'y a pas eu d'échange entre lui et le médecin du travail, de sorte que l'inaptitude a été constatée dans des conditions irrégulières.

Il ajoute que les conditions dans lesquelles il a été convoqué à la visite de reprise ne sont pas connues, de sorte que, dès lors que seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail, l'employeur ne pouvait pas se prévaloir de l'avis d'inaptitude médicale pour le licencier.

Il estime que dans ces conditions son licenciement est nul.

M. [E] [J] soutient que l'initiative de la visite de reprise appartient exclusivement à l'employeur ou au salarié dans certaines conditions.

La société ERLA TECHNOLOGIE estime que M. [E] [J] ne peut se prévaloir d'une prétendue irrégularité de la procédure d'inaptitude dans le cadre de la présente instance, alors qu'il n'a pas saisi de cette demande le conseil des prud'hommes en référé.

Elle indique que M. [E] [J] a été vu par le médecin du travail dans le cadre d'une visite de reprise, tel que cela est mentionné dans la fiche d'aptitude remplie par le médecin du travail, et indique justifier de ce qu'elle a bien sollicité le médecin du travail pour qu'il effectue cette visite de reprise à l'issue de l'arrêt de travail.

Il résulte des dispositions de l'article L4624-7 du code du travail, dans sa version applicable, que l'avis d'aptitude du médecin du travail peut être contesté, sur ses éléments médicaux, en saisissant le conseil des prud'hommes en sa formation de référé.

Il s'ensuit que la contestation de la validité formelle de l'avis est de la compétence de la juridiction prud'homale au fond.

La société ERLA TECHNOLOGIE démontre par sa pièce 31 (mail de l'employeur adressé à l'organisme de médecine du travail le 12 septembre 2017) qu'elle a sollicité la visite de reprise : « suite à l'arrêt de travail de Monsieur [J] depuis le 11/02/2017, pourriez-vous prévoir un RDV pour le lundi 2 octobre date de la fin de la prolongation d'arrêt de travail », et ce nonobstant l'absence de mention quant à l'auteur de la demande de la visite de reprise sur l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail le 02 octobre 2017 (pièce 3 de la société ERLA TECHNOLOGIE).

Aux termes des dispositions de l'article R4624-42 du code du travail, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que:

1o S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste;

2o S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste;

3o S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée;

4o S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur.

Ces échanges avec l'employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser.

S'il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n'excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date.

Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Il résulte de cet article que le médecin du travail doit, notamment, échanger avec le salarié dont l'aptitude est discutée.

Les conclusions du médecin du travail sont ainsi rédigées (pièce 3 de la société ERLA TECHNOLOGIE) : « INAPTE Après étude du poste et étude des conditions de travail réalisées le 16/8/2017, après échange avec l'employeur le 16/8/2017, Mr [J] [E] est déclaré, conformément à l'article R4624-42 du code du travail, inapte à son poste de travail . Tout maintien dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé R4624-42. »

Il ne ressort ni de ces conclusions, ni des autres rubriques figurant sur la fiche d'aptitude médicale, qu'un échange a bien eu lieu avec le salarié, sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste, ainsi que sur les avis et les propositions que le médecin du travail entendait adresser.

Aucun élément complémentaire n'est allégué, permettant d'établir que cet échange a eu lieu.

Dans ces conditions, l'avis d'inaptitude n'était pas valable.

Le licenciement sera donc déclaré sans cause réelle et sérieuse en l'absence d'avis d'inaptitude valable, M. [E] [J] étant débouté de sa demande de le voir déclarer nul, la nullité n'étant pas la sanction encourue, et sans qu'il soit besoin d'examiner le grief allégué d'agissements de l'employeur à l'origine de l'inaptitude, rendant le licenciement de la même manière abusif, et non pas nul.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [E] [J] ne développe aucun argument à l'appui de sa demande, renvoyant aux arguments qu'il développe au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Ces arguments sont énoncés de manière générale, et sans viser aucune pièce : « (') le salarié a subi une véritable dégradation de ses conditions de travail. Monsieur [J] a été psychologiquement profondément marqué par les agissements de son employeur qui ont abouti à son inaptitude et à un licenciement qui doit être considéré comme nul et de nul effet ».

La société ERLA TECHNOLOGIE fait valoir que le salarié ne justifie d'aucun préjudice qui conduirait à lui accorder 50 000 euros, soit plus de 22 mois de salaire ; elle demande de limiter l'indemnisation à 3 mois de salaire.

Au jour du licenciement, M. [E] [J] avait une ancienneté de 14 ans ; son salaire moyen était de 2745,56 euros, à la lecture du cumul brut annuel de son bulletin de paie de décembre 2016 (M. [E] [J] s'est trouvé en arrêt de travail à compter du mois de février 2017).

Compte tenu de ces éléments, et en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, il sera fait droit à sa demande à hauteur de 8 236,69 euros, correspondant à 3 mois de salaire.

Sur l'indemnité de préavis

Aucune des parties ne concluant sur ce point, le jugement sera confirmé.

Sur la demande visant à débouter M. [E] [J] de sa demande de mesure d'instruction

En l'absence de demande de mesure d'instruction de M. [E] [J], cette demande est sans objet.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700, et chacune conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de prud'hommes d'Epinal le 01 mars 2021, sauf en ce qu'il a condamné la société ERLA TECHNOLOGIES à verser à Monsieur [E] [J] la somme de 3 252,96 euros (trois mille deux cent cinquante deux euros et quatre vingt seize centimes) au titre de l'indemnité de préavis, ainsi que 325,29 euros (trois cent vingt cinq euros et vingt neuf centimes) au titre des congés payés sur cette somme ;

statuant à nouveau dans ces limites,

Dit que le licenciement de M. [E] [J] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société ERLA TECHNOLOGIES à payer à M. [E] [J] 8 236,69 euros (huit mille deux cent trente six euros et soixante neuf centimes) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/00779
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;21.00779 ?
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