COUR D'APPEL
DE NANCY
2ème chambre civile
RG n° N° RG 21/01741 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZX2
du 23 Mai 2022
O R D O N N A N C E
n° /2022
Nous, Fabienne GIRARDOT, Conseillère, faisant fonction de Conseiller de la mise en état de la deuxième chambre à la Cour d'Appel de NANCY, assistée de Monsieur Ali ADJAL, Greffier,
Vu l'affaire en instance d'appel inscrite au répertoire général sous le numéro N° RG 21/01741 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZX2 ;
APPELANTS / DEFENDEUR A L'INCIDENT :
Monsieur [H] [T] représenté par sa curatrice Madame [P] [Z]
né le 21 Mai 1953 à Metz
Maison de retraite Baudinet de Courcelles, rue de l'Eglise
54690 LAY SAINT CHRISTOPHE
représentée par Me Alexandra CHAMPY, avocat au barreau de NANCY
Madame [P] [Z] agissant en qualité de curatrice de Monsieur [H] [T]
BP 80016
54711 LUDRES
représentée par Me Alexandra CHAMPY, avocat au barreau de NANCY
INTIME / DEMANDEUR A L'INCIDENT :
Madame [S] [M]
née le 29 Février 1948 à Metz
7 rue Thiebaux
54530 PAGNY SUR MOSELLE
représentée par Me Clarisse MOUTON, avocat au barreau de NANCY
Avons, après avoir entendu à l'audience de cabinet du 25 avril 2022 les avocats des parties en leurs plaidoiries, mis l'affaire en délibéré pour l'ordonnance être rendue le 23 Mai 2022 ;
Et ce jour, 23 Mai 2022, avons rendu l'ordonnance suivante :
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Copies exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant jugement en date du 16 avril 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- condamné M. [H] [T] à payer Mme [S] [M] la somme de 10 255,50 euros à titre d'arriéré locatif, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
- condamné M. [H] [T] à payer à Mme [S] [M] la somme de 3 703,98 euros au titre des dégradations locatives, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
- débouté Mme [S] [M] de sa demande aux fins de paiement de la moitié du coût de l'état des lieux de sortie établi par huissier,
- condamné Mme [S] [M] à payer à M. [H] [T] la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
-débouté M. [H] [T] pour le surplus de sa demande de dommages-intérêts,
- ordonné la compensation entre les sommes à due à concurrence,
- condamné M. [H] [T] à payer à Mme [S] [M] la somme de 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,
- condamné M. [H] [T] aux dépens, y compris le coût du commandement de payer, de l'assignation, des notifications subséquentes,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Le jugement a été signifié à M. [H] [T] le 20 mai 2021 et à sa curatrice le 2 juin 2021.
M. [H] [T], assisté de son curateur, a interjeté appel du jugement par déclaration reçue le 7 juillet 2021.
Par conclusions transmises le 20 décembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [S] [M] a demandé au conseiller de la mise en état :
- d'ordonner la radiation du rôle de l'affaire,
- de condamner M. [H] [T] à lui payer la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, Mme [S] [M] fait valoir en substance :
- que M. [H] [T] n'a pas apuré les sommes qu'il ne contestait pas devoir, alors même que l'existence de la dette n'est pas contestée ;
- que M. [H] [T] est redevable de la somme de 15 000 euros en principal et frais, et que malgré l'exécution forcée du jugement, il n'a réglé que 300 euros entre les mains de l'huissier de justice, et qu'il s'est maintenu des années dans les lieux loués sans régler les loyers et charges dus, ayant commis par ailleurs d'importantes dégradations locatives imposant une réfection totale de l'appartement.
Par conclusions transmises le 17 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [H] [T] a demandé au conseiller de la mise en état, sur le fondement des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile :
- de déclarer mal fondé l'incident diligenté par Mme [S] [M],
En conséquence,
- de débouter Mme [S] [M] de sa demande tendant à voir prononcer la radiation de l'affaire,
En revanche,
- de faire droit à sa demande reconventionnelle,
- de suspendre l'exécution provisoire prononcée par le jugement du tribunal judiciaire du 16 avril 2021,
En tout état de cause,
- de condamner Mme [S] [M] aux entiers dépens de l'incident.
Au soutien de ses prétentions, M. [H] [T] fait valoir en substance :
- qu'il a commencé à effectuer des paiements entre les mains de l'huissier mandaté par Mme [S] [M] (300 euros), mais que ses ressources ne lui permettent pas de s'acquitter intégralement des condamnations prononcées en première instance ;
- qu'il perçoit une pension de retraite mensuelle inférieure à 1 000 euros, et que la radiation de l'appel entraînerait des conséquences manifestement excessives.
Par conclusions transmises le 3 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [S] [M] a maintenu ses demandes, en rappelant :
- que M. [H] [T] ne justifie pas de ses charges et ne démontre pas être dans l'impossibilité d'exécuter la décision entreprise, ni que l'exécution aurait des conséquences manifestement excessives ;
- qu'il n'a pas contesté les loyers impayés devant le premier juge et que les premiers impayés remontent à l'année 2015 ; qu'un commandement de payer lui a été signifié le 6 février 2017 ;
- que les sommes dues s'élèvent à plus de 15 000 euros et qu'il n'a payé que la somme de 300 euros entre juin et novembre 2021 dans le cadre de l'exécution forcée du jugement.
Par conclusions transmises le 21 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [H] [T] a maintenu ses demandes, en indiquant :
- qu'il doit faire face au paiement de charges mensuelles évaluées à la somme totale de 866,78 euros, comprenant notamment un loyer de 717,70 euros, une complémentaire santé de 25 euros et un versement de 50 euros auprès de l'huissier chargé du recouvrement de la dette locative ;
- qu'il est dans l'impossibilité matérielle d'exécuter la décision de première instance et que la radiation de l'affaire entraînerait des conséquences manifestement excessives.
L'incident appelé à l'audience du 17 janvier 2022 a fait l'objet d'un renvoi au 14 mars 2022 puis au 25 avril 2022, date à laquelle il a été mis en délibéré au 23 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte de l'article 55-II du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 que son article 3 relatif à la réforme de l'exécution provisoire s'applique aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020.
En l'espèce, il y a lieu de constater que l'instance a été introduite par assignation en référé signifiée le 4 septembre 2017, de sorte que les dispositions de l'article 526 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur antérieurement au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 trouvent à s'appliquer.
L'article 526 ancien du code de procédure civile dispose que lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé, et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entrainer des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.
Une exécution partielle peut suffire si elle révèle la volonté non équivoque de déférer à la décision attaquée.
Les conséquences manifestement excessives s'apprécient au regard de la situation concrète et actuelle des parties, notamment de la faculté du débiteur à supporter la condamnation sans dommage irréversible et de celle du créancier à assumer le risque d'une éventuelle restitution.
La demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911 du code de procédure civile.
Il y a lieu de constater que Mme [S] [M] a transmis ses conclusions d'incident le 20 décembre 2021, soit avant l'expiration du délai de trois mois courant à compter de la notification des conclusions de l'appelant au 21 septembre 2021, de sorte que l'incident est recevable.
En outre, il est constant que M. [H] [T] s'est acquitté de la somme de 300 euros en exécution de la décision frappée d'appel qui lui a été signifiée le 20 mai 2021 et qui a été signifiée à sa curatrice le 2 juin 2021, et qu'il est redevable en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire d'une somme en principal de 13 509,48 euros, après compensation.
Or, M. [H] [T] est hébergé à la maison de retraite Baudinet de Courcelle à Lay Saint Christophe (EHPAD), et bénéficie de l'aide sociale à l'hébergement aux personnes handicapées comprenant la prise en charge de ses frais d'hébergement par le département de Meurthe et Moselle contre le reversement de ses ressources à hauteur de 90% (outre la perception des allocations logement en totalité), de sorte qu'il conserve une somme mensuelle de 177,11 euros (correspondant au minimum équivalent à 30% de l'allocation adulte handicapé) afin de faire face au paiement de ses charges personnelles évaluées a minima à hauteur de 75,42 euros (complémentaire santé de 25 euros, assurance du fauteuil roulant de 40,59 euros, soins de pédicure de 9,83 euros).
En effet, l'hébergement ne saurait comprendre les dépenses de véture ou de produits d'hygiène, ni les soins irréguliers nécessaires à sa santé et son bien-être.
En outre, Mme [S] [M] ne conteste pas avoir reçu de M. [H] [T] la somme totale de 300 euros par mensualités de 50 euros.
Aussi, il en résulte qu'au regard de sa situation financière, d'une part, le versement de 50 euros par mois traduit la volonté non équivoque de M. [H] [T] de déférer au jugement contesté, et d'autre part, il ne peut affecter un paiement même partiel à l'apurement de sa dette sans que ce versement soit à l'origine de conséquences manifestement excessives.
Dans ces conditions, l'inexécution du jugement déféré assorti de l'exécution provisoire par M. [H] [T] ne saurait être sanctionnée par la radiation de l'instance.
Dès lors, il n'y a pas lieu d'ordonner la radiation de l'instance.
Par ailleurs, selon les dispositions de l'article 524 du code de procédure civile dans sa version en vigueur à la date de l'assignation antérieure au 1er janvier 2020, le premier président de la cour d'appel a compétence pour se prononcer sur la suspension de l'exécution provisoire.
Aussi, la demande reconventionnelle présentée par M. [H] [T] sera déclarée irrecevable devant le conseiller de la mise en état.
En conséquence,
Mme [S] [M] qui succombe en sa demande de radiation de l'affaire du rôle supportera la charge des dépens de l'incident, et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Nous, conseiller de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
REJETONS la demande de radiation de l'instance présentée par Mme [S] [M] pour défaut d'exécution du jugement déféré assorti de l'exécution provisoire,
DÉCLARONS irrecevable la demande reconventionnelle de M. [H] [T] tendant à voir ordonner la suspension de l'exécution provisoire,
DÉBOUTONS Mme [S] [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
RENVOYONS l'affaire à la mise en état du 6 juillet 2022,
CONDAMNONS Mme [S] [M] aux dépens de l'incident,
Et avons signé la présente ordonnance ainsi que le greffier.
LE GREFFIER,LE CONSEILLER,
Mintue en six pages