RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
------------------------------------
COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2022 DU 23 MAI 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01213 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EYUE
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal de proximité de LUNEVILLE,
R.G.n° 11-16-000325, en date du 09 avril 2021,
APPELANTS :
Monsieur [E] [S]
né le 06 Octobre 1947 à PARIS (75)
domicilié 18 Grande Rue - 88330 DAMAS-AUX-BOIS
Représenté par Me Denis RATTAIRE substitué par Me Ahmed MINE de la SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, avocats au barreau de NANCY
Madame [X] [S], née [P]
née le 12 Juin 1949 à LE VAL D'AJOL (88)
domiciliée 18 Grande Rue - 88330 DAMAS-AUX-BOIS
Représentée par Me Denis RATTAIRE substitué par Me Ahmed MINE de la SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, avocats au barreau de NANCY
INTIMÉS :
Monsieur [Y] [R]
né le 17 Août 1939 à GELACOURT (54)
domicilié 7 Grande Rue - 54120 GELACOURT
Représenté par Me Aubin LEBON substitué par Me Sarah LE JUNTER de la SCP LEBON & ASSOCIÉS, avocats au barreau de NANCY
Monsieur [G] [R], en sa qualité d'ayant-droit de [B] [R], née [M], décédée
né le 21 Février 1972 à BACCARAT (54)
domicilié 14 rue Saint-Georges - 54450 HALLOVILLE
Représenté par Me Aubin LEBON substitué par Me Sarah LE JUNTER de la SCP LEBON & ASSOCIÉS, avocats au barreau de NANCY
Monsieur [C] [R], en sa qualité d'ayant-droit de [B] [R], née [M], décédée
né le 23 Décembre 1973 à RAON L'ETAPE (88)
domicilié 2 rue des Vignes - 54120 GELACOURT
Représenté par Me Aubin LEBON substitué par Me Sarah LE JUNTER de la SCP LEBON & ASSOCIÉS, avocats au barreau de NANCY
--------------------------------------------------------------------------------------------------------
Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
--------------------------------------------------------------------------------------------------------
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2022, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 23 Mai 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur [Y] [R] et [B] [M] épouse [R] sont propriétaires d'une parcelle située 7, Grand rue à Gelacourt (54120) voisine de la parcelle ayant appartenu à Monsieur [E] [S] et Madame [X] [P] épouse [S] située au 11, Grand rue de la même commune.
Par actes délivrés le 7 décembre 2016 à Monsieur [E] [S] et Madame [X] [P] épouse [S], les époux [R] les ont attraits devant le juge des contentieux de la protection de Lunéville pour l'audience du tribunal d'instance de Lunéville du 6 janvier 2017 aux fins de les condamner à l'élagage des branches au-dessus de leur propriété, la taille des arbres et arbustes situés à moins de deux mètres de la ligne séparative et qui s'élèvent à plus de deux mètres, de l'arrachage de l'arbre dont le pied sort du mur des époux [R], sous astreinte de 50 euros par jours de retard après l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement, outre la condamnation à la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par jugement avant dire droit du 30 janvier 2018, le tribunal a ordonné le bornage judiciaire des fonds contigus et désigné Monsieur [V] [H] afin de procéder aux opérations d'expertise préalables.
Par jugement avant-dire droit du 25 mai 2018, le tribunal a complété la mission de l'expert et lui a, notamment, ordonné de se prononcer sur la distance d'implantation des arbres par rapport à la ligne séparative de propriété, ainsi que de faire toute constatation utile sur l'existence et l'importance du trouble d'ensoleillement, de luminosité et de vue allégué par les époux [R].
En raison du décès de [B] [M] épouse [R], ses fils, Monsieur [G] [R] et Monsieur [C] [R] sont intervenus volontairement à la procédure en leur qualité d'héritiers.
Par jugement contradictoire du 9 avril 2021, le tribunal de proximité de Lunéville ainsi saisi, a :
- constaté que le litige oppose Monsieur [Y] [R] et en leurs qualités d'héritiers de [B] [M] épouse [R], décédée le 23 août 2017, Monsieur [G] [R] et Monsieur [C] [R] et Monsieur [E] [S] et Madame [X] [P] épouse [S] ;
- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le bornage judiciaire des fonds objet du litige, en l'absence de demande des parties en ce sens ;
- rejeté la demande de dommages-intérêts présentées par les époux [S] relative à un préjudice moral ;
- rejeté la demande de dommages-intérêts présentée par les époux [S] relative à un « préjudice de désagrément » ;
- rejeté la demande de dommages-intérêts présentées par les époux [S] au titre d'une procédure abusive initiée par les époux [R] ;
- condamné les époux [S] à verser aux époux [R] la somme de 3000 euros au titre des frais non compris dans les dépens, conformément à l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les époux [S] aux dépens, qui comprendront notamment les frais d'assignation (45,06 euros), de signification de la décision et d'expertise judiciaire (6920,30 euros) ;
- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que tant les époux [S] que les consorts [R] ne contestent pas le relevé des bornes séparatives effectué dans le cadre du rapport d'expertise du 15 juillet 2020 ; cependant aucune demande de bornage judiciaire n'est formée après expertise ;
Le tribunal a relevé que les époux [S] n'apportent aucun élément justifiant la teneur de leur préjudice moral ou de désagrément, en précisant que la présence des excréments de « nuisibles » dans le grenier des époux [S] ne peut être reliée à un défaut d'entretien du bâtiment des consorts [R] (sis au n°9) celle-ci n'ayant pas été établie ; il a en outre relevé l'absence de preuve de tout préjudice moral subi par Monsieur et Madame [S] ce qui justifie le rejet de leurs demandes en dommages et intérêts ;
Sur la demande d'indemnisation de la procédure abusive formée contre les consorts [R], il a été relevé que les époux [S] ont abattu deux des trois peupliers litigieux avant l'expertise ; la nécessité de procéder à l'abattage du dernier peuplier restant dans la propriété des époux [S] et à une intervention rapide sur le frêne fragilisé et les arbres plantations buissonnantes en limite de propriété a été retenue par l'expert ;
En revanche aucun abus du droit d'agir des consorts [R] qui initialement ne se plaignaient pas du préjudice d'ensoleillement n'a été relevé par le premier juge ce qui justifie le rejet de la demande de dommages et intérêts ainsi que la condamnation de Monsieur et Madame [S] aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire (6920,30 euros) outre une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 12 mai 2021, Monsieur [E] [S] et Madame [X] [P] épouse [S] ont relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 18 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [E] [S] et Madame [X] [P] épouse [S] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Lunéville le 9 avril 2021 ;
statuant de nouveau,
- débouter l'ensemble des intimés de leurs moyens, fins, conclusions et demandes ;
- 'constater que l'expert mandaté a déposé son rapport et en tirer toutes les conséquences relatives au litige ;
- constater que les consorts [R] ont renoncé à leurs demandes principales ;
- constater que les consorts [R] à titre de l'évolution du contentieux sont irrecevables ;
- dire et juger que le contentieux portant sur la perte d'ensoleillement et de vue sans détermination de demandes est irrecevable devant le tribunal de proximité' ;
Par conséquent,
- condamner les consorts [R] à leur payer 6000 euros de dommages et intérêts, se décomposant comme suit :
- Préjudice moral 3000 euros
- Préjudice de désagrément 3000 euros
- condamner les consorts [R] à leur payer 4000 euros pour procédure abusive ;
En tout état de cause,
- condamner les consorts [R] à 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et par degré de juridiction ;
- condamner les consorts [R] aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise, de signification et du constat d' huissier dressé par Maître [U] le 20 décembre 2016.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 25 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [Y] [R], Monsieur [G] [R], Monsieur [C] [R] demandent à la cour de :
- rejeter l'appel des époux [S],
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 avril 2021 par le tribunal de proximité de Lunéville,
- condamner in solidum Monsieur [E] [S] et Madame [X] [P] épouse [S], au paiement d'une indemnité de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de défense pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 14 mars 2022 et le délibéré au 23 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les écritures déposées le 18 janvier 2022 par Monsieur et Madame [S] et le 25 janvier 2022 par Monsieur [Y] [R], Monsieur [G] [R] et Monsieur [C] [R], auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 1er mars 2022 ;
Sur le bien fondé de l'appel
Il y a lieu de relever que le litige initié par Monsieur et Madame [R] concernait l'implantation des arbres des époux [S] et le trouble de voisinage qu'ils déclaraient en subir ;
lors de l'instance initiale une expertise judiciaire a été ordonnée le 30 janvier 2018 à la demande de Monsieur et Madame [S] ; cependant lors de l'audience du 28 avril 2018 ils se sont finalement 'désistés de leur demande d'expertise en bornage' en faisant valoir que les arbres litigieux avaient été abattus ;
l'expertise a cependant été menée à bien à la demande des consorts [R] qui ont sollicité un complément de la mission de l'expert, ce qui a été fait par décision du 25 mai 2018, la mission portant sur le respect de la distance d'implantation des arbres ainsi que sur l'existence d'un préjudice d'ensoleillement, de vue et de luminosité dont ils se plaignaient ; le rapport était déposé le 15 juillet 2020 ;
compte-tenu de la vente de leur maison par les époux [S], restait en litige l'indemnisation du préjudice d'ensoleillement des consorts [R] ainsi que du caractère manifestement abusif de la procédure initiée par ces derniers, constitutive d'un préjudice moral pour Monsieur et Madame [S] ;
- Sur la demande relative au respect des distances d'implantation des arbres
Monsieur et Madame [S] font valoir que le rapport d'expertise a relevé que les distances de plantation de leurs arbres étaient respectées ; ils indiquent que les arbres en litige existaient lorsqu'ils on acquis leur immeuble en 2004 ; ils affirment qu'ils ont toujours entretenu leurs végétaux et qu'un premier peuplier a été coupé le 17 décembre 2015 avant l'introduction de l'instance alors qu'il se trouvait à une distance réglementaire ; ils rappellent que les travaux d'élagage qu'ils ont commandés le 15 mai 2016, n'ont pas pu être conduits à leur terme du fait de l'opposition des consorts [R] ; ils précisent à cet égard qu'ils se sont vus refuser l'accès à la propriété des voisins pour ces travaux d'élagage ; ils indiquent que deux autres peupliers ont été coupés mais qu'il est établi que leur souche se situait à plus de deux mètres de la limite séparative ;
En réponse les consorts [R] considèrent qu'en abattant des peupliers sans attendre le déroulement des opérations d'expertise, Monsieur et Madame [S] ont passé l'aveu de la légitimité de leur demande sans avoir besoin comme allégué d'une servitude de tour d'échelle ;
ils se fondent sur l'expertise judiciaire et le diagnostic du sapiteur [D], pour conclure à la fragilité des arbres de grande hauteur restant (un peuplier et un frêne) ; ils relèvent que des plantations 'buissonnantes' proches de la limite doivent être régulièrement taillées ;
Il est constant qu'un des peupliers en litige était implanté sur la propriété de Monsieur et Madame [S] à 1.76 mètre de la limite séparative, au lieu des deux mètres réglementaires (souche peuplier n°3 selon l'expert) ;
deux autres peupliers ont été coupés lors de l'instance par Monsieur et Madame [S] alors qu'ils étaient implantés à des distances respectives de 2.20 et 2.70 mètres de la limite séparative ;
le sapiteur dans son rapport a indiqué que deux arbres supplémentaires, le dernier peuplier (arbre 1) et le frêne (arbre 6) devaient être respectivement coupés pour le premier (arbre frêle) et haubané pour le second - rapport annexe page 2 ;
Le constat réalisé à la demande des consorts [R] le 4 octobre 2016 par Maître [Z], huissier de justice (pièce 16 intimés), décrit l'ombre apportée par les peupliers sur leur propriété au n°11 de la Grand Rue, sur le potager et sur la façade ouest outre la présence de feuilles mortes au sol ; en limite de palissade, il est constaté que 'des branches de peuplier surplombent et dépassent', des racines d'un autre arbre ont traversé la maçonnerie, un pêcher et un frêne sont implantés à proximité de la limite des propriétés ;
Il ne résulte que du constat établi le 20 décembre 2016 par Maître [U], huissier de justice produit par les appelants (pièce 4) que la présence d'un peuplier 'implanté environ à 2 m de la palissade, (...) coupé à une hauteur d'environ 3 mètres . Aucune branche ne surplombe la palissade' ainsi que plus bas 'un autre peuplier de grande hauteur est implanté à environ 1.70 m de la palissade ; deux branches surplombent la limite des propriétés d'environ un mètre' ;
La justesse de la limite séparative des propriétés délimitées d'un côté par une palissade, de l'autre par un grillage reculé laissant un passage, a conduit le premier juge à ordonner une expertise aux fins de bornage ; les opérations terminées, aucune demande n'a été faite en justice sur ce point ;
S'agissant du respect de l'implantation des arbres et végétaux, par rapport à la limite de propriété, il y a lieu de constater que le peuplier qui ne respectait pas la distance de deux mètres de recul, a été arasé à 3 mètres de hauteur avant l'introduction de la procédure, puis en cours de première instance à hauteur de souche tout comme les deux autres individus de la même espèce, situés à plus de deux mètres de la limite tout en présentant une grande hauteur ;
Il résulte des mentions du jugement déféré ainsi que des décisions rendues avant dire droit, que initiateurs de la procédure 'en expertise bornage' les époux [S] se sont le 20 avril 2018, désistés de leur demande en indiquant que les arbres en litige avaient été abattus ;
l'expertise a cependant été maintenue, à la demande de Monsieur et Madame [R] qui ont sollicité un complément de mission effectif selon décision du 25 mai 2018, ayant trait à la distance d'implantation des végétaux mais aussi à l'existence ou l'importance d'un trouble d'ensoleillement, de vue et de luminosité ;
Ainsi le litige concernant la distance d'implantation des arbres sur la propriété [S], a été résolu en cours de première instance, tous les arbres à l'exception d'un peuplier haut d'une vingtaine de mètres (expertise p 19) situé cependant à plus de deux mètres de la limite séparative des propriétés, ayant été abattus par les appelants ; ainsi une seule espèce était implantée en infraction avec les règles de distance entre les propriétés, élaguée en cours d'instance ;
Dès lors les opérations d'expertise initialement souhaitées par Monsieur et Madame [S] n'ont pas été suivies d'effet à cet égard ; il a été mis fin au litige concernant l'implantation d'arbres en cours de procédure, par l'élagage du peuplier précédemment arasé à 3 mètres de hauteur ;
- Sur l'indemnisation des préjudices de 'désagrément' et moral des époux [S]
Les appelants affirment après avoir relaté l'historique des relations des voisins, qu'ils ont été contraints, malgré eux, de vendre leur maison à la suite du comportement belliqueux et procédurier des consorts [R], ce qui justifie l'allocation de dommages et intérêts pour préjudice moral et de désagrément ;
En réponse, Monsieur [Y] [R], Monsieur [G] [R] et Monsieur [C] [R] contestent la demande des appelants relative aux nuisances qu'ils indiquent avoir subi de fait de la présence de 'nuisibles' dans l'immeuble inoccupé du n°9 Grand Rue appartenant aux intimés en relevant que le constat établi par Maître [U] n'a pas établi leur présence ; ils contestent toute responsabilité dans la décision de Monsieur et Madame [S] de vendre leur immeuble ;
S'il est constant que les époux [S] ont déploré lors de la première instance, subir des troubles de voisinage du fait de la présence d'animaux nuisibles dans l'immeuble inhabité des consorts [R] sis au n°9 Grand-rue, aucun élément probant ne l'a établi, le constat de Maître [Z] missionné par les intimés n'ayant, à l'évidence, rien démontré, les autres mesures d'instruction ayant été vaines (pièces 20 et 21 intimé) ;
aucune demande n'est maintenue sur ce point ;
S'il est constant que Monsieur et Madame [S] ont vendu leur immeuble en cours de procédure,
-l'acte de vente n'étant au demeurant pas produit- rien ne démontre que cette décision soit imputable au présent litige et antérieurement, aux relations de voisinage difficiles ;
Certes il est établi par nombre de photographies (pièces 18 et 32 intimés) que les peupliers ont des feuilles qui tombent à l'automne et qui, au gré du vent, vont se déposer dans le voisinage, tout comme les fleurs au printemps ;
il n'en résulte pas cependant la preuve d'un climat suffisamment délétère entre les voisins pour motiver une partie à vendre son bien ;
par ailleurs il n'est pas justifié de l'existence d'un préjudice moral ou 'de désagrément' tel qu'allégué par la partie appelante ;
Par conséquent ce chef de demande sera écarté, le jugement déféré étant confirmé à cet égard ;
- Sur le préjudice d'ensoleillement dénoncé par les consorts [R]
Les intimés indiquent sur ce point qu'ils ont construit une extension comportant une baie vitrée avant l'acquisition de leur immeuble par Monsieur et Madame [S], mais précisent que le préjudice résultant de la perte d'ensoleillement n'existait pas lorsque les arbres étaient jeunes ce qui n'était plus le cas en 2014 ; ils ajoutent que le premier arbre situé à 1,76 m de la limite a été élagué le 15 décembre 2015 à 4 mètres de hauteur et a fait des rejets ;
ils affirment également que si les deux autres peupliers ont été coupés en cours de procédure, c'est qu'il était impossible aux époux [S] de les élaguer compte-tenu de leur hauteur imposante ; ils reconnaissent que la perte d'ensoleillement faisait partie des missions de l'expert judiciaire, qui la retient tout en la qualifiant de 'faible' mais 'importante les mois d'hiver' ;
En réponse, Monsieur et Madame [S] considèrent que cette demande a été tardivement formée par les consorts [R], afin 'd'entretenir délibérément une situation conflictuelle en faisant évoluer le litige vers des proportions qu'ils savaient imaginaires' ;
ils se réfèrent aux conclusions expertales qui constatent une perte de luminosité faible sur l'année complète du fait de l'éloignement relatif des arbres en litige, ce qui justifie de l'exclure ; ils contestent en outre tout trouble de vue compte-tenu de la situation des lieux et concluent au mal fondé des demandes relatives à une perte d'ensoleillement ;
Il est constant que la perte d'ensoleillement est indemnisable lorsqu'elle résulte d'un trouble anormal du voisinage ;
En l'espèce, l'expertise ordonnée, indique sur ce point que 'cette perte d'ensoleillement est la plus importante durant les mois dits 'd'hiver' soit d'octobre à mars. Mais même en cette période, l'impact reste faible soit de 3 à 6% -ombre portée réelle- et (il est) surtout positionné dans la majeure partie de la journée sur le jardin, la façade de l'immeuble n'étant impactée qu'en toute fin de journée' et qualifie le trouble occasionné de 'faible' ; il conclut à une perte au maximum de 7,5% de l'espace considéré sur la propriété [R] et concentré du mois d'octobre à mars ; réduit de 2 à 3% en été ;
le même qualificatif est utilisé par l'expert pour qualifier la perte de luminosité ; enfin s'agissant de la perte de vue, il a considéré que ' le panorama perdu n'est constitué que d'un mur aveugle et de diverses constructions à faible distance' ajoutant qu'elle n'est pas constitutive d'un préjudice ;
Faisant suite aux dires des consorts [R] relevant que le préjudice d'ensoleillement n'a été calculé qu'au vu du seul peuplier restant, après abattage des trois autres, l'expert a indiqué avoir effectué ses calculs en ayant 'simulé la présence des quatre peupliers initiaux' ;
Il y a lieu de constater qu'au vu des conclusions de l'expert, des projections et calculs, de la production de photographies (pièce 39 intimés), que le trouble apporté à l'ensoleillement de la propriété [R] située à bonne distance de la propriété [S], résultait de l'existence ancienne de quatre futaies de grande hauteur (peupliers), bien antérieures à la construction de l'extension vitrée des intimés ;
du fait de son caractère limité dans l'espace et réduit en proportion, qui est plus à des périodes précises de l'automne/hiver, il y a lieu de considérer que leur présence n'est pas constitutive d'un trouble anormal de voisinage justifiant l'allocation d'une indemnité au demeurant pas sollicitée par les intimés qui n'ont pas formé d'appel incident ;
- Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Monsieur et Madame [S]
Les appelants indiquent que les consorts [R] ayant renoncé à toutes leurs demandes initiales dans leurs conclusions consécutives au dépôt du rapport d'expertise, les plantations se situant à la distance légale et s'ils se sont prévalus d'un préjudice résultant de la perte d'ensoleillement qui est qualifiée de minime par l'expert, il n'ont cependant pas formé de demande indemnitaire à cet égard ; ils concluent ainsi à la mauvaise foi des consorts [R], dont les demandes initiales n'étaient pas fondées, pas plus que les demandes complémentaires, en l'absence de perte d'ensoleillement avérée et de demande d'indemnisation des troubles prétendument subis ;
ils considèrent qu'en revanche, ils ont personnellement subi un préjudice résultant de l'état de ruine de l'immeuble voisin de leur propriété ; ils ajoutent que les consorts [R] ont entretenu une procédure de manière dilatoire, dans le seul but de leur nuire et de les faire partir, ce qu'ils ont obtenu et justifie leur demande indemnitaire pour procédure abusive ;
Les consorts [R] s'y opposent en faisant valoir qu'en agissant en justice, ils n'ont pas commis d'erreur, la coupe des arbres était nécessaire et le trouble anormal du voisinage établi ; ils contestent l'existence d'un préjudice moral des appelants, aucunement démontré et indiquent que ce sont eux qui ont dû subir 'la désinvolture des époux [S]', indiquant que le litige aurait pu se résoudre amiablement ; ils réclament par conséquent la confirmation du jugement entrepris ;
ils relèvent que l'expert a constaté le non respect des distances de plantations pour le premier arbre coupé et relevé la fragilité de ceux restant en dernier lieu en place ;
Il est admis que des dommages et intérêts peuvent être alloués au plaideur, qui a saisi une juridiction sans motif sérieux, dans le dessein de nuire à la partie opposée ; c'est l'affirmation des appelants ;
Il y a cependant lieu de rappeler que la saisine du tribunal d'instance est intervenue à la demande de Monsieur et Madame [S], certes après l'échec d'une tentative de conciliation avec Monsieur et Madame [R] ;
la demande portait sur la détermination des limites entre les deux propriétés, ordonnée par le premier juge le 30 janvier 2018 ;
cependant il est établi que ce sont les consorts [R] qui provoquant la réouverture des débats ont sollicité l'extension de la mission de l'expert relativement aux troubles de voisinage avancés ;
en revanche les demandeurs initiaux, ont déclaré le 20 avril 2018, se désister de leur demande d'expertise de bornage, alors que les consorts [R] ont entendu obtenir la poursuite de la mesure d'instruction, dont l'utilité n'était plus avérée selon eux, s'agissant du respect de la distance des plantations, dès lors que le peuplier mal implanté a été élagué puis coupé en cours de procédure ;
enfin les consorts [R] ont vu leurs demandes accueillies par le premier juge dans sa décision du 25 mai 2018, l'expertise étant ordonnée à leurs frais avancés ;
Il n'en résulte pas dès lors, la preuve d'un usage abusif par les intimés de leur droit de saisir la justice, quand bien même ils n'obtiennent pas satisfaction notamment au titre des troubles de voisinage ;
Par conséquent la demande indemnitaire des appelants sur le fondement d'une procédure abusive sera écartée ;
Enfin, il n'appartient pas à la cour de statuer sur les demandes de 'constatation' ou de 'donner acte' qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les consorts [R], partie intimée, n'ont pas fait d'appel incident ;
dès lors les appelants qui n'ont pas vu leur recours prospérer devront supporter les dépens d'appel et de première instance à l'exclusion des frais d'expertise ; de même la condamnation de Monsieur et Madame [S], au titre des frais irrépétibles, prononcée en première instance sera maintenue ;
Monsieur [E] [S] et Madame [X] [S] née [P] étant intégralement déboutés de leurs demandes présentées en appel seront condamnés à payer à Monsieur [Y] [R], Monsieur [G] [R] et Monsieur [C] [R] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur d'appel et seront déboutés de leur propre demande présentée sur ce même fondement.
En revanche, les frais d'expertise initiée par les appelants mais poursuivie sans en tirer de conséquences procédurales par les consorts [R], seront partagés entre les parties, les appelants en subissant le coût à hauteur d'un tiers, les intimés à hauteur des deux tiers restant ;
le jugement déféré sera dès lors infirmé à cet égard ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne les frais d'expertise judiciaire ;
Statuant à nouveau sur les chefs de décision infirmés et y ajoutant,
Dit que la charge de l'expertise judiciaire sera supportée, à hauteur d'un tiers par Monsieur et Madame [S] et de deux-tiers par Monsieur [Y] [R], Monsieur [G] [R] et Monsieur [C] [R] ;
Condamne in solidum Monsieur [E] [S] et Madame [X] [S] née [P] à payer à Monsieur [Y] [R], Monsieur [G] [R] et Monsieur [C] [R] la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Monsieur [E] [S] et Madame [X] [S] née [P] de leur
demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Monsieur [E] [S] et Madame [X] [S] née [P] aux dépens d'appel à l'exclusion des frais d'expertise.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en douze pages.