République Française
Au nom du peuple français
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Cour d'appel de Nancy
Chambre de l'Exécution - Surendettement
Arrêt n° /22 du 23 mai 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00798 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EXXV
Décision déférée à la Cour : jugement du juge des contentieux de la protection statuant en matière de surendettement du tribunal judicaire d'EPINAL, R.G.n° 11.20.0316, en date du 12 mars 2021,
APPELANTS :
Monsieur [O] [T]
né le 11 Novembre 1961 à REMIREMONT (88200), sis au 16 chemin de prégoutte - 88360 RUPT SUR MOSELLE
représenté Me Hervé MERLINGE de la SCP JOUBERT, DEMAREST & MERLINGE, avocat au barreau de NANCY
Avocat plaidant Me Valérie KREBS avocat au barreau d'Epinal
Madame [U] [X]
née le 27 janvier 1973 à NANCYsise au 16 chemin de Prégoutte - 88360 RUPT SUR MOSELLE
représentée Me Hervé MERLINGE de la SCP JOUBERT, DEMAREST & MERLINGE, avocat au barreau de NANCY
Avocat plaidant Me Valérie KREBS avocat au barreau d'Epinal
INTIMÉES :
S.A. EDF SERVICE CLIENT, dont le siège social se situe au Chez EOS France 1 rue Molinel CS 80125 - 59445 WASQUEHAL CEDEX
non représentée
MMA, dont le siège social se situe au Chez IQERA - 2 rue Isaac Newton - 18021 BOURGES CEDEX
non représentée
TRESORERIE LE THILLOT, dont le siège social situe au 37 Rue Charles de Gaulle - BP 49 - 88162 LE THILLOT CEDEX
non représentée
BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, dont le siège social situe au 3 rue François Curel - BP 166 - 57000 METZ
non représentée
CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE, dont le siège social situe au 91 Cour Charlemagne - Imm Factory 6ème étage CS 60308 - 69286 LYON CEDEX 02
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Fabienne GIRARDOT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère,
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;
ARRÊT : réputé contradictoire, prononcé publiquement le 23 mai 2022, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Le 28 mars 2019, la commission de surendettement des particuliers des Vosges a déclaré recevable la demande de M. [O] [T] et Mme [U] [X] tendant au bénéfice de la procédure de surendettement, qui ont bénéficié de précédentes mesures de désendettement d'une durée de 24 mois.
Les mesures imposées par la commission de surendettement ont été élaborées le 30 avril 2020, tendant à la suspension de l'exigibilité des créances pour une durée de 24 mois, subordonnée à la vente amiable de leur bien immobilier d'une valeur estimée à 100 000 euros.
M. [O] [T] et Mme [U] [X] ont contesté les mesures imposées afin de conserver la propriété du bien immobilier constituant leur résidence principale.
Par jugement en date du 12 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Epinal a arrêté les créances et ordonné la suspension d'exigibilité des créances subordonnée à la vente amiable du bien immobilier, telle qu'imposée par la commission de surendettement.
Le premier juge a constaté la baisse des ressources de M. [O] [T] et Mme [U] [X] à hauteur de 1 152,45 euros (le débiteur bénéficiant d'une rente accident -100€- et d'ALS -523,59€- et la débitrice percevant le RSA -226,86€- outre les APL -302€-) et a retenu des charges forfaitaires à hauteur de 1264 euros, déterminant l'existence d'une capacité de remboursement négative de 111,55 euros pour faire face à un endettement de 87 152,34 euros.
Le jugement a été notifié à M. [O] [T] et Mme [U] [X] suivant courriers recommandés avec avis de réception signés le 13 mars 2021.
Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 26 mars 2021, M. [O] [T] et Mme [U] [X] ont interjeté appel du jugement du 12 mars 2021 tendant à son infirmation en ce qu'il a arrêté les créances et ordonné la suspension d'exigibilité des créances subordonnée à la vente amiable du bien immobilier, telle qu'imposée par la commission de surendettement.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 10 janvier 2022 qui a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 4 avril 2022 à la demande du conseil de M. [O] [T] et Mme [U] [X].
M. [O] [T] et Mme [U] [X] ne comparaissent pas mais sont représentés par leur conseil.
Par conclusions reprises oralement par le conseil de M. [O] [T] et Mme [U] [X], auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, il est demandé à cour sur le fondement de l'article L. 712-6 du code de la consommation :
- de juger leur appel recevable et bien fondé,
- de réformer la décision entreprise,
Par conséquent,
- de constater que leur situation financière s'est améliorée au regard de leurs ressources, depuis la décision de la banque de France en date du 30 avril 2020 et la décision du tribunal judiciaire d'Épinal en date du 12 mars 2021,
- de juger qu'ils disposent d'un revenu disponible suffisant d'un montant de 2016,55 euros par mois pour leur permettre désormais de reprendre le paiement de la totalité de leurs dettes en ce compris le prêt immobilier, dans le cadre de leur plan de surendettement sans être obligés de vendre leur maison,
- de juger qu'ils sont recevables à bénéficier du plan surendettement,
- de juger qu'un nouveau plan surendettement devra être établi sur la base de leur nouvelle situation,
A titre subsidiaire,
- de juger que la commission de surendettement devra rechercher toute information utile sur l'estimation actuelle du bien immobilier dont ils sont propriétaires aux fins de comparaison avec la première estimation retenue par la Banque de France et l'estimation nouvelle versée au débat, ce afin d'en tirer toutes conséquences de droit à l'égard des débiteurs et de leur plan surendettement,
En tout état de cause,
- de renvoyer le dossier à la Banque de France,
- de statuer ce que de droit sur les dépens qui seront mis à la charge du trésor public.
Au soutien de leurs prétentions, M. [O] [T] et Mme [U] [X] font valoir en substance :
- qu'ils n'ont pu honorer l'échéance mensuelle de leur prêt immobilier quand son montant est passé de 471 euros à 610 euros et que le créancier a refusé de renégocier le crédit ;
- qu'ils s'opposent à la vente de leur bien immobilier ; que le montant de l'estimation de la maison a baissé suite à des dégâts subis de sorte qu'elle peut être évaluée entre 65 000 euros et 70 000 euros au 2 novembre 2020, et que le prix de vente ne couvrira pas la totalité de l'endettement évalué à 87 512 euros ; que leur fils reconnu travailleur handicapé par la MDPH (étant atteint du syndrome d'Asperger) vit actuellement à leur domicile (percevant des ressources mensuelles de 903 euros au titre de l'allocation adulte handicapé pour faire face à des charges de 70 euros mensuels) dans la mesure où il ne peut résider dans le logement dont il est propriétaire, attenant à la maison de ses parents, en raison de travaux à entreprendre et de ses faibles ressources ; qu'il devrait déménager si la maison de ses parents était vendue ;
- que l'évolution favorable de leur situation financière leur permet de conserver leur maison tout en apurant leur endettement ; que le débiteur bénéficie depuis janvier 2022 d'une pension de retraite de 1 307,91 euros augmentée de la complémentaire de 574,39 euros et de la rente maladie professionnelle de 134,25 euros mensuels, de sorte qu'il dispose au titre de ses ressources mensuelles d'une somme totale de 2 016,55 euros ; que la débitrice ne perçoit plus de ressources depuis le début de l'année 2022 mais qu'elle a été reconnue travailleur handicapé par la MDPH le 20 décembre 2021 ; que le montant de l'allocation logement a baissé à 91 euros ; que leurs charges fixes incompressibles sont évaluées à 484 euros mensuels, de sorte qu'ils bénéficient d'une somme disponible de 1 552 euros par mois et que leur fils leur verse une pension de 150 euros par mois.
Par courriers reçus au greffe les 3 décembre 2021 et 27 janvier 2022, la Banque Populaire ALC a fait état du montant de sa créance sans formuler d'observations sur la procédure en cours (262,83 euros).
Par courrier reçu au greffe le 25 mars 2022, la trésorerie de Le Thillot a fait du montant de sa créance, sans formuler d'observations sur la procédure en cours.
Les autres créanciers n'ont pas formulé d'observations. Aucun créancier n'a comparu.
L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 23 mai 2022.
MOTIFS
1) sur la fixation du montant de la capacité de remboursement
L'article L. 711-1 du Code de la Consommation dispose que la procédure de surendettement est destinée à traiter la situation de surendettement des personnes physiques de bonne foi caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles ou à échoir ainsi qu'à l'engagement qu'il a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société.
Il résulte des pièces du dossier que M. [O] [T] et Mme [U] [X] perçoivent des ressources évaluées à 2 166,55 euros (pension de retraite sécurité sociale -1307,91€-, retraite complémentaire -574,39€-, rente maladie professionnelle -134,25€- et participation aux charges de leur fils hébergé -150€-) et doivent faire face à des charges fixées à hauteur de 1 227,15 euros (forfait charges courantes pour deux personnes - 904€-, forfait charges de chauffage -112€-, assurance crédit immobilier -34,69€-, supplément charges électricité -80€-, assurance copropriété -20,52€-, ordures ménagères -13,19€-, protection juridique -7,75€-, redevance audiovisuelle -13€-, taxes foncières -42€-). L'endettement de M.[O] [T] et Mme [U] [X] est de l'ordre de 87 222,50 euros à ce jour.
Il résulte de ces éléments que M. [O] [T] et Mme [U] [X] se trouvent dans l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de leurs dettes non professionnelles exigibles et à échoir, et qu'aucun élément ne permet de remettre en cause la bonne foi des débiteurs.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
2) sur la fixation du montant des créances
En vertu de l'article L. 733-12 alinéa 3 du code de la consommation, il convient de s'assurer de la validité et du montant des titres de créance.
La trésorerie de Le Thillot a fait état d'une augmentation de sa créance compte tenu à la fois d'un prélèvement revenu impayé à hauteur de 51,28 euros (déduit de la déclaration de créance initiale), mais aussi de nouveaux impayés correspondant à une facture d'eau (184,55 euros), d'assainissement (256,84 euros) et d'ordures ménagères (79,13 euros).
Ainsi, au vu des renseignements recueillis par la commission, ainsi que des courriers adressés par certains créanciers, il y a lieu de retenir les montants suivants :
3) sur les mesures de traitement de la situation de surendettement
L'article L. 733-3 du code de la consommation précise que la durée totale du rééchelonnement ne peut excéder sept ans (84 mois), à l'exception des prêts contractés lors d'achat d'un bien immobilier constituant la résidence principale, dans le but d'éviter la cession.
Par ailleurs, l'article L. 731-2 dernier alinéa du code de la consommation dispose qu'en vue d'éviter la cession de la résidence principale, le montant des remboursements peut, avec l'accord du débiteur et dans des limites raisonnables, excéder la somme calculée par référence à la quotité saisissable, telle qu'elle résulte des dispositions des articles L. 3252-2 et L. 3252-3 du code du travail.
En l'espèce, il convient de constater que dans la mesure où le plan de rééchelonnement des dettes, dont la dette immobilière, a pour but d'éviter la cession de la résidence principale de M. [O] [T] et Mme [U] [X], sa durée totale ne saurait être limitée à 60 mois.
En outre, le montant des remboursements peut, avec l'accord des débiteurs et dans des limites raisonnables, excéder la somme calculée par référence à la quotité saisissable évaluée à 653 euros.
Aussi, dans le contexte personnel et financier évoqué, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 733-3 du même code, en prévoyant un rééchelonnement des créances sur la durée de 97 mois (avec une capacité de remboursement évaluée à 939 euros). En outre, la réduction des taux d'intérêts à zéro s'impose afin de permettre l'apurement des créances en leur principal et le redressement de la situation financière de M. [O] [T] et Mme [U] [X], à l'exception du prêt immobilier qui sera remboursé au taux légal évalué à 0,87%.
La capacité de remboursement, retenue à hauteur de 939 euros, sera répartie entre tous les créanciers, en prenant notamment en considération l'ancienneté de la créance, la connaissance que pouvait avoir chacun des prêteurs, lors de la conclusion des contrats, de la situation de surendettement de M. [O] [T] et Mme [U] [X], de la nature des différentes créances et de la volonté de conciliation de chacun des créanciers.
Il convient de se reporter au dispositif du présent jugement pour les modalités de répartition de la capacité de remboursement.
Pour permettre la réalisation de la présente décision, il convient de suspendre toutes les voies d'exécution en cours et de rappeler qu'aucune nouvelle mesure d'exécution ne pourra être mise en oeuvre.
Pendant l'exécution des mesures de redressement, il ne sera pas permis à M. [O] [T] et Mme [U] [X] de contracter de nouvelles dettes, ni d'accomplir des actes de dispositions relatifs au patrimoine, sous peine de déchéance des dispositions de la présente décision.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique et par arrêt réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME partiellement le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
FIXE la capacité de remboursement de M. [O] [T] et Mme [U] [X] à la somme de 939 € (neuf cent trente neuf euros),
DIT que M. [O] [T] et Mme [U] [X] s'acquitteront de leurs dettes selon les modalités suivantes :
DIT que ces dettes ne produiront pas d'intérêts, à l'exception du prêt immobilier qui sera remboursé au taux légal évalué à 0,87%,
DIT que les premiers versements devront intervenir avant le 15 de chaque mois et pour la première fois le 15 du mois suivant la notification du présent arrêt,
DIT qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité et après une mise en demeure restée infructueuse, la totalité de la dette deviendra exigible selon les stipulations contractuelles,
DIT que les débiteurs sont tenus :
- d'affecter entièrement toute augmentation de ressources au paiement des dettes dans les proportions définies par le plan,
- de s'abstenir jusqu'à la fin du règlement des dettes visées par le présent arrêt d'effectuer des actes qui aggraveraient sa situation financière et notamment de recourir à un nouvel emprunt ou achat à crédit,
- de ne pas exécuter d'actes de disposition étrangers à la gestion normale de son patrimoine,
RAPPELLE que le présente décision s'impose tant aux créanciers qu'aux débiteurs, et qu'ainsi toutes autres modalités de paiement, tant amiables que forcées, sont suspendues pendant l'exécution de ce plan,
DIT qu'en cas de retour à meilleure fortune, M. [O] [T] et Mme [U] [X] devront saisir impérativement la commission de surendettement,
DIT qu'en cas de changement significatif de situation nécessitant une révision des mesures ordonnées, les débiteurs pourront déposer, à tout moment, un nouveau dossier devant la commission de surendettement,
CONFIRME le jugement pour le surplus en ses dispositions relatives aux dépens,
Y ajoutant,
LAISSE les dépens d'appel à la charge du Trésor Public.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur ADJAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Minute en huit pages.