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19/05/2022 | FRANCE | N°21/01156

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 19 mai 2022, 21/01156


ARRÊT N° /2022

PH



DU 19 Mai 2022



N° RG 21/01156 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EYQJ







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F 19/00503

15 avril 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A. CARROSSERIE FARNIER prise en la pers

onne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Denis RATTAIRE de la SAS SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



Madame [D] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Fabrice GOSSIN de la SCP FABRICE GOSS...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 19 Mai 2022

N° RG 21/01156 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EYQJ

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F 19/00503

15 avril 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A. CARROSSERIE FARNIER prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Denis RATTAIRE de la SAS SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [D] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Fabrice GOSSIN de la SCP FABRICE GOSSIN ET ERIC HORBER, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président :BRUNEAU Dominique

Siégeant comme magistrat chargé d'instruire l'affaire

Greffier :RIVORY Laurène (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 25 Février 2022 tenue par BRUNEAU Dominique, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 28 Avril 2022 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 19 Mai 2022 ;

Le 19 Mai 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.

Madame [D] [O] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société Carrosserie Farnier (CARFAR), à compter du 17 décembre 2012, en qualité d'assistante de direction.

Par courrier du 15 octobre 2019, Madame [D] [O] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 octobre 2019, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 29 octobre 2019, Madame [D] [O] a été licenciée pour faute grave, son employeur lui reprochant :

- d'avoir utilisé la carte carburant de l'entreprise le 02 août 2019 alors qu'elle était en congés à cette date et utilisait une voiture de service excluant toute utilisation privative, et d'avoir utilisé 2 400 litres de carburant à titre personnel depuis 2016 ;

- d'avoir commis deux actes d'insubordination le 11 octobre 2019 ;

- d'avoir le même jour dénigré et insulté son employeur ;

- d'avoir le même jour abandonné son poste ;

- de ne pas avoir transmis à son employeur les fichiers excel d'ébauches d'une station de lavage.

Par requête du 20 novembre 2019, Madame [D] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy aux fins de contestation de son licenciement pour faute grave.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 15 avril 2021, lequel a :

- dit que le licenciement pour faute de Madame [D] [O] est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Carrosserie Farnier à verser à Madame [D] [O] les sommes suivantes :

- six mille quatre cent vingt euros (6 420 euros) à titre d'indemnité de préavis ;

- six cent quarante-deux euros (642 euros) à titre des congés payés sur préavis ;

- cinq mille six cent dix-sept euros (5 617 euros) à titre de l'indemnité de licenciement ;

- huit mille quarante-six euros (8 046 euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- dit que le présent jugement est exécutoire de droit par provision dans la limite de l'article R 1454-28 du code du travail, étant précisé que la moyenne des salaires calculée sur les trois derniers mois est de 2 346,88 euros brut ;

- débouté la société Carrosserie Farnier de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté Madame [D] [O] du surplus de ses demandes ;

- condamné la société Carrosserie Farnier à verser la somme de mille euros (1 000 euros) à Madame [D] [O] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Carrosserie Farnier aux entiers dépens.

Vu l'appel formé par la société Carrosserie Farnier le 05 mai 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société Carrosserie Farnier reçues au greffe 11 février 2022, et celles de Madame [D] [O] reçues au greffe le 14 février 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 09 février 2022,

La société Carrosserie Farnier demande :

- de dire recevable et fondé l'appel de société Carrosserie Farnier;

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [D] [O] de sa demande à voir la société Carrosserie Farnier à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de préjudice moral distinct ;

- d'infirmer pour le surplus le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 15 avril 2021 dans toutes ses dispositions ;

- de débouter Madame [D] [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- de condamner Madame [D] [O] à verser à la société Carrosserie Farnier une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers frais et dépens de l'instance.

Madame [D] [O] demande :

- de dire dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [D] [O] ;

- de condamner la société Carrosserie Farnier à payer à Madame [D] [O]:

- 6 420 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- 642 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- 5 617 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 25 680 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct ;

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner la société Carrosserie Farnier en tous frais et dépens.

SUR CE, LA COUR ;

Sur les motifs de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier d'en rapporter la preuve.

Par lettre du 29 octobre 2019, la société Carrosserie Farnier a notifié à Mme [D] [O] son licenciement pour faute grave ;

Ce courrier est ainsi rédigé :

« Madame,

Suite à notre lettre de remise en propre du 15 octobre 2019 de convocation et à notre entretien du 23 octobre à 17h00 nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.

Notre décision est motivée par les faits suivants :

1 er point : Le 28 aout 2019, lors d'un contrôle ponctuel aléatoire des notes de frais j'ai eu la surprise de constater que vous ayez utilisé la carte de carburant de l'entreprise le 2 aout alors que vous étiez en congés à cette période).

Je vous ai donc envoyé un mail le même jour en vous demandant des explications. Pour toute réponse vous m'avez répondu par un mail surprenant du même jour : « i'ai fait le plein car le réservoir était vide » !.

Or vous savez qu'il s'agit d'un véhicule de service qui ne doit être utilisé qu'uniquement pour vous rendre sur votre lieu de travail ou pour des déplacements professionnels.

Ainsi non seulement vous avez utilisé ce véhicule de service de l'entreprise pendant vos conqés mais en plus vous avez à cette occasion aussi utilisé à titre personnel la carte carburant de l'entreprise I

Le mercredi 4 septembre lorsque je me suis rendu à [Localité 4] votre lieu de travail, pour procéder à des vérifications à cet égard vous m'avez interpellé pour me dire que « j'arrête mes vérifications qu'il s'agissait d'un malentendu et que vous pensiez que c'était un véhicule de fonction »

Or vous ne pouviez ignorer que cette affirmation était totalement inexacte puisque la mise à disposition de ce véhicule de service a fait l'objet d'un avenant à contrat de travail négocié lors de votre affectation sur le site de [Localité 4]:

Un véhicule de service et une carte carburant seront confiés à Madame [D] [O], ceux-ci devront être utilisés uniquement dans le cadre des déplacements professionnels.

Vous m'avez donc volontairement menti à deux reprises pour tenter de couvrir votre fraude volontaire au préjudice de l'entreprise et votre non-respect des consignes de sécurité et d'assurance.

J'ai donc décidé de poursuivre l'examen de vos notes de frais sur une période plus longue pour vérifier s'il s'agissait d'un événement ponctuel ou d'une attitude délibérée et répétée.

2ème point : Alors que pour des raisons d'organisation et de fonctionnement du service depuis la rentrée (dernière semaine d'aout) et suite au départ de votre collègue [L] [U], je vous avais ,demandé à plusieurs reprises de changer de bureau pour vous installer à sa place sur le poste de travail identique en face de vous de façon à voir les clients quand ils arrivent et de ne pas leur tourner le dos mais également pour votre confort, car ce changement bénéficiait d'une vue plus agréable sur l'extérieur plutôt que face au mur, pour toute réponse vous avez répondu à plusieurs reprises : « que vous n'aviez pas le temps de déménager les dossiers dont vous vous occupez »

Le jeudi 10 octobre après-midi puisque vous étiez en congé, je suis venue dans ce bureau pour assurer l'accueil et à cette occasion j'ai constaté que vous n'aviez toujours pas transférer vos dossiers, nous avons donc procédé avec votre responsable de site à ces transferts afin de remettre votre poste de travail à l'endroit souhaité prévu.

Ce refus de respecter les consignes d'organisation du travail donné et de mlobliger à assurer avec votre responsable ce transfert demandé depuis plusieurs semaines est inadmissible et relève de l'insubordination.

3ème point : Plus encore le vendredi 11 octobre à votre reprise de travail lors de votre arrivée sur votre lieu de travail en constatant que ce transfert avait été effectué, vous vous êtes emportée, violemment vous m'avez insulté et dénigré devant plusieurs autres salariés et témoins notamment en usant à mon encontre des expressions suivantes : « mais pour qui elle se prend celle-là, c'est un Tyran ! Elle fait ses coups en douce elle se fout de ma gueule».

Cette attitude et ses propos s'agissant de dénigrement et insultes envers votre employeur devant témoins est inadmissible, surtout que vous les avez réitérés à votre retour de votre abandon de poste.

4ème point : Puis après m'avoir insulté en public vous êtes sortie du bureau en claquant la porte et vous avez abandonné votre poste de travail et quitté l'établissement avec le véhicule de service.

Là encore vous saviez que ne pouviez abandonner votre poste de travail sans motif, ni utiliser le véhicule de l'entreprise en dehors des règles qui venaient de vous être rappelées quelques jours avant ne serait-ce que pour des raisons de sécurité et d'assurance.

5ème point : Lorsque vous êtes reparue dans l'établissement quelques minutes plus tard vous avez au mépris des consignes données décidé de retransférer vos dossier sur un autre votre poste de travail que celui qui vous avait été demandé d'occuper et lequel vous vous êtes installée cachée derrière votre ordinateur et .... une lampe de luminothérapie que vous avez sans autorisation décidé d'introduire dans l'entreprise.

Cette nouvelle insubordination délibérée relève de la provocation et remet en cause votre respect du lien de subordination envers votre employeur elle ne saurait pas plus être tolérée.

Vous avez à la suite de ces faits été placée en mise à pied conservatoire par lettre du 15 octobre 2019 et convoquée à un entretien en vue d'un éventuel licenciement auquel il vous a été précisé que vous aviez la faculté de vous y faire accompagner.

Vous vous êtes présentée le 23 octobre 2019 à cet entretien et vous avez tenté pour votre défense d'invoquer les éléments suivants :

Concernant l'usage du véhicule de service, il s'agissait selon vous d'un malentendu et une incompréhension de votre part, vous pensiez avoir le droit de l'utiliser à titre personnel mais vous m'avez précisé que vous remettiez à vos frais du carburant après chaque utilisation personnelle et que vous avez des tickets pour le prouver.

Vous avez été incapable de produire ces tickets lesquels ne nous ont toujours pas été transmis à ce jour alors que je vous en avais laissé la faculté.

Je vous ai rappelé nos entretiens et le fait que le vendredi 11 octobre quand vous avez quitté l'établissement vous ne pouviez pas prétendre ignorer que ce véhicule de service n'était que pour votre usage professionnel.

Afin de vérifier vos affirmations nous avons procédé à un examen de l'ensemble de vos notes de frais depuis sept 2016 or nous avons eu la surprise de constater que si vous aviez réalisé environ 67000 kms à usage professionnel vous aviez aussi utilisé le véhicule de service pour plus de 45 000 kms à titre personnel.

Nous avons également constaté

- qu'à plusieurs reprises vous aviez fait des pleins de carburant avec la carte de l'entreprise les samedis et dimanches.

- que ces pleins ont été faits à des endroits différents éloignés de votre domicile notamment à plusieurs reprises dans le 54 alors que ce véhicule était censé être à votre domicile tout le week-end.

-que certains pleins de carburant ont été faits avec la carte de l'entreprise pendant vos congés.

Après analyse des pièces en notre possession il s'agit donc de près de 2400 litres de carburant utilisé à titre personnel

Cette attitude d'utilisation à des fins personnelles et de détournement de l'usage de la carte de carburant de l'entreprise à votre profit constitue une atteinte grave aux intérêts de l'entreprise elle est en tant que telle inacceptable.

En outre le fait d'utiliser un véhicule de service en dehors de l'usage prévu faisait courir un risque grave à notre société en cas d'accident.

Mais plus encore votre persistance à vouloir d'abord dissimuler vos fautes, puis à prétendre à un « malentendu » ne saurait être acceptée au regard de l'avenant à contrat dont vous ne pouviez ignorer le contenu qui est sans ambiguïté.

En ce qui concerne votre comportement de dénigrement et d'insultes. publiques envers votre employeur, votre seule explication a été « c'est normal, vous n'avez pas à déplacer mes affaires

Or vous ne pouviez prétendre ignorer que vous aviez reçu plusieurs fois des instructions à cet égard que vous n'aviez pas exécutées ce qui constitue des actes répétés d'insubordination.

En outre le déplacement des dossiers sur un autre bureau ou vous aviez reçu ordre de vous installer ne saurait excuser des insultes envers votre employeur pas plus que n'est excusable le fait que vous ayez décidé à votre retour de votre abandon de poste de ne pas rester sur le bureau qui vous avait été affecté par votre employeur.

Enfin malgré mes demandes répétées concernant la station de lavage, vous n'avez jamais transmis les fichiers Excel d'ébauches que je vous avais demandé et les personnes qui était en réunion sur ce sujet m'ont confirmé qu'à la conclusion de la réunion nous attendons tous ces tableurs pour avancer. Cette non réalisation des travaux demandés ne saurait pas non plus être acceptable d'autant que vous prétendez par ailleurs ne pas avoir assez de travail !

Les faits et les observations dont vous nous avez fait part lors de notre entretien du 22 octobre 2019 ne nous permettent pas de modifier notre appréciation de la situation et nous contraignent à vous notifier par la présente, votre licenciement pour faute grave, sans indemnité ni préavis.

Votre attitude délibérément déloyale a dés lors par ailleurs rompu le lien de confiance indispensable à la poursuite de votre contrat de travail et ne permet pas vu sa gravité la poursuite de votre contrat de travail même pendant la durée limite du préavis Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement. »

Sur le grief relatif à l'utilisation à titre personnel du véhicule professionnel.

La société CARFAR reproche à Mme [D] [O] d'avoir utilisé la carte carburant de l'entreprise le 2 août 2019, alors qu'elle était en congés à cette date et utilisait une voiture de service excluant toute utilisation privative, et plus largement d'avoir utilisé ce véhicule à titre personnel depuis 2016, et ainsi d'avoir détourné une quantité importante de carburant au préjudice de l'entreprise.

Mme [D] [O] ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés, mais expose qu'elle a bénéficié d'une tolérance de la part de la dirigeant de la société, ce que celle-ci conteste.

Il ressort d'un avenant au contrat de travail du 18 avril 2017, dont Mme [D] [O] ne conteste pas le contenu, qu'aux termes des dispositions de l'article 5 « Déplacements professionnels » de ce document, il est convenu que « lors de ses déplacements professionnels, un véhicule de service et une carte de carburant seront confiés (à la salariée) ; ceux-ci devront être utilisés uniquement dans le cadre de déplacements professionnels ».

Il ressort d'une attestation, régulière en la forme, établie par Mme [P] [V], salariée de la société, indiquant qu'elle a été « témoin d'une conversation entre [E] [Y] [ dirigeante de la société CARFAR] et [D] [O], durant laquelle [E] [Y] autorisait [D] [O] à utiliser la voiture de l'entreprise et la carte carburant à des fins personnelles les week-ends et vacances, mais qu'il ne fallait pas l'ébruiter dans l'entreprise. ».

La société CARFAR soutient que Mme [O] apporte elle-même au dossier une attestation établie par M. [T] [R] aux termes de laquelle il apparaît que le véhicule de la société ne lui avait été confié qu'à titre professionnel, et qu'elle apporte pour sa part une attestation rédigée par M. [Z], directeur général de la société, faisant état de ce que celle-ci n'a jamais autorisé Mme [O] à utiliser le véhicule à titre personnel.

Toutefois, l'attestation de M. [T] [R] est ainsi rédigée : ' « De mémoire, Madame [O] utilisait un véhicule autorisé par la direction, les frais de carburant étaient pris en charge par la société avec l'accord de la direction du groupe » ; ces termes ne permettent pas d'établir que Mme [O] n'avait pas obtenu l'autorisation d'utiliser le véhicule de l'entreprise à titre privé.

L'attestation établie par M. [M] [Z] indique que « Mme [O] avait à sa disposition pour ses trajets professionnels uniquement, conformément à son contrat de travail. Ce véhicule ne devait servir qu'à ses déplacements professionnels » ;

Cependant, cette attestation se borne à rappeler les dispositions contractuelles sur ce point, et n'est pas incompatible avec un accord donné de façon informelle à la salariée par la présidente de la société concernant une utilisation personnelle du véhicule.

Par ailleurs, Mme [D] [O] apporte au dossier un avis de contravention à la lecture duquel il apparaît qu'elle en a fait l'objet le 27 mai 2017 alors qu'elle conduisait le véhicule de la société ; il n'est pas contesté que ce jour était un samedi ; de plus, il apparaît que Mme [O] a reçu cet avis sur la base d'une désignation à l'autorité publique par la société, de telle façon que celle-ci ne pouvait ignorer que le véhicule avait été utilisé durant un week-end, et qu'il n'est pas soutenu qu'à la suite de ce fait Mme [O] a fait l'objet ne serait-ce que d'un rappel à l'ordre de la part de son employeur.

Enfin, alors que la société soutient que Mme [O] a parcouru durant trois ans une distance d'au minimum 50 000 kilomètres à titre personnel, elle ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'a jamais durant cette période procédé, au regard de l'importance des sommes totales cumulées relatives au budget de carburant exposé par Mme [O], à un contrôle de l'utilisation du véhicule et de la carte d'achat de carburant confiée à la salariée.

Enfin, le seul fait que Mme [D] [O] a proposé de prendre à sa charge le montant d'un plein d'essence ne permet pas de démontrer qu'elle ne disposait pas de l'autorisation d'utilisation personnelle du véhicule dont elle se prévaut.

Dès lors, il convient de considérer que le grief n'est pas démontré.

Sur le grief relatif à l'insubordination.

La société CARFAR expose que sa dirigeante a demandé à plusieurs reprises à Mme [O] de changer de bureau, ce que la salariée a constamment refusé ;

Mme [D] [O] soutient pour sa part qu'aucun ordre de ce type ne lui a été formulé, et qu'en tout état de cause la modification d'emplacement dont il s'agit était inadéquate quant aux fonctions remplies par la salariée.

Il ressort des attestations établies par MM. [M] [Z] et [X] [S] que la dirigeant de la société a demandé à plusieurs reprises à Mme [D] [O] de changer de bureau et que la salariée a refusé ce changement ;

En dehors de toute allégation relative à une éventuelle mise en cause de la sécurité physique de la salariée, il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la pertinence de l'emplacement du bureau occupé par Mme [O], ce point relevant du pouvoir de direction de l'employeur.

Dès lors, il convient de constater que le grief est établi.

Sur le grief relatif aux propos tenus par Mme [O] à l'encontre de la dirigeante de la société.

La société CARFAR reproche à Mme [D] [O] d'avoir, le 11 octobre 2019, en réaction au changement de bureau évoqué précédemment, d'avoir usé à l'encontre de la dirigeante de la société des mots suivants : : « mais pour qui elle se prend celle-là, c'est un Tyran! Elle fait ses coups en douce elle se fout de ma gueule» ;

Mme [D] [O] soutient qu'elle a exprimé son mécontentement alors qu'elle était seule dans son bureau, et que ses propos n'avaient aucun caractère injurieux ou diffamatoire.

Il ressort des attestations établies par MM. [M] [Z] et [A] [W] que, le 11 octobre 2019 en début de matinée, Mme [O] a, dans un accès de colère, usé de propos « inappropriés » vis-à-vis de la dirigeante de la société ; que la teneur des propos figurant dans la lettre de licenciement est confirmée par M. [Z].

Il importe peu que ces propos n'aient pas été tenus en la présence de leur destinataire, dans la mesure où ils ont pu être entendus par d'autres salariés de l'entreprise.

Le grief est donc établi.

Sur le grief relatif à un abandon de poste.

La société CARFAR reproche à Mme [O] d'avoir,à la suite des faits évoqués pour le précédent grief, quitté l'entreprise.

Mme [O] soutient que si elle a certes quitté les lieux, elle est revenue avant le début de son service à 8 heures du matin.

Toutefois, il ressort des attestations établies par MM. [Z] et [N] [F] que si Mme [D] [O] a bien quitté le siège de l'entreprise vers 7 h45, elle est revenue sur les lieux peu avant 8 heures pour sa prise de service.

Le grief n'est pas établi.

Sur le grief relatif à l'acte d'insubordination du 11 octobre 2019.

La société CARFAR reproche à Mme [O] d'avoir fait preuve d'insubordination en reprenant d'autorité l'emplacement qu'elle occupait la veille, alors qu'il lui avait été assigné un autre emplacement.

Mme [D] [O] ne conteste pas ce grief ; il sera donc retenu.

Sur le défaut de remise de travail.

La société CARFAR reproche à Mme [D] [O] de n'avoir pas remis des tableaux « Excel » qui lui avaient été demandés.

Mme [D] [O] soutient que, pour réaliser ce travail, l'employeur devait lui communiquer des données, ce qu'il n'a pas fait.

Il ressort d'une attestation établie par M. [M] [Z] qu'elle devait, en vue d'une réunion, préparer un tableau Excel relatif aux tarifs proposés par la concurrence s'agissant d'une station de lavage et que, le jour de ladite réunion, Mme [O] n'a pas préparé ce travail.

Le grief sera donc retenu.

Il ressort de ce qui précède que Mme [O] a commis des faits de nature fautive.

Toutefois, il ressort tant de l'évaluation professionnelle de Mme [D] [O] que des attestations de M. [T] [R], ancien responsable de site, et de Mme [L] [U], collègue de Mme [O], que celle-ci était reconnue comme étant investie dans son travail et appréciée en tant que collègue ;

Par ailleurs, elle n'a pas fait l'objet avant le 11 octobre 2019 de sanction disciplinaire.

Dès lors, la cour estime que les griefs retenus, dont trois sur quatre se placent dans un trait de temps restreint et concernent les mêmes circonstances, n'étaient pas de nature à justifier une mesure de licenciement.

Dès lors, il y a lieu de dire le licenciement pour faute grave de Mme [D] [O] sans cause réelle et sérieuse, et en conséquence de confirmer la décision entreprise.

Sur l'indemnisation.

Mme [D] [O] avait 6 ans et 10 mois d'ancienneté dans l'entreprise, et sa rémunération mensuelle moyenne bru était de 2346,88 euros brut.

Sur cette base, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société CARFAR à lui payer la somme de 6420 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre la somme de 642 euros au titre des congés payés afférents.

C'est également par une exacte appréciation de l'ancienneté et de la rémunération de Mme [O] que les premiers juges ont condamné la société CARFAR à lui payer la somme de 5617 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Il ressort du dossier que Mme [D] [O] a été demandeur d'emploi du mois d'octobre 2019 au mois de septembre 2021 ; qu'elle a retrouvé à cette date un emploi en contrat à durée indéterminée rémunéré à hauteur de 2100 euros brut ;

Compte tenu de ces éléments, conformément aux dispositions de l'article 1235-3 du code du travail, il sera fait droit à la demande sur ce point à hauteur de 5 mois de salaire, soit la somme de 11740 euros ; la décision entreprise sera réformée sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Mme [D] [O] sollicite l'octroi de la somme de 10 000 euros à titre de préjudice moral en raison du retentissement du licenciement sur sa santé.

Toutefois, elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité allouée sur le fondement des dispositions de l'article 1235-3 du code du travail.

La demande sera rejetée et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

La société Carrosserie Farnier, qui succombe, supportera les dépens de l'instance.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [D] [O] l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a exposés ; il sera fait droit à cette demande à hauteur de 2500 euros.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement rendu le 15 avril 2021 par le conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a condamné la société Carrosserie Farnier à payer à Mme [D] [O] la somme de 8046 euros (huit mille quarante six euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

STATUANT A NOUVEAU sur ce seul point ;

CONDAMNE la société Carrosserie Farnier à payer à Mme [D] [O] la somme de 11 740 euros (onze mille sept cent quarante euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

Y AJOUTANT ,

DIT que la société Carrosserie Farnier supportera les dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la société Carrosserie Farnier à payer à Mme [D] [O] la somme de 2500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en douze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01156
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.01156 ?
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