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19/05/2022 | FRANCE | N°21/00472

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 19 mai 2022, 21/00472


ARRÊT N° /2022

PH



DU 19 MAI 2022



N° RG 21/00472 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EXBM







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de nancy

19/00185

04 février 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2







APPELANTS :



Maître [Y] [V] Es qualité de « Mandataire judiciaire » de la

« sasu Boni Colliard construction » prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Didier LANOTTE substitué par Me JUPILLE, avocats au barreau de NANCY,



C.G.E.A. NANCY prise en la personne de son représentant lé...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 19 MAI 2022

N° RG 21/00472 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EXBM

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de nancy

19/00185

04 février 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTS :

Maître [Y] [V] Es qualité de « Mandataire judiciaire » de la « sasu Boni Colliard construction » prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Didier LANOTTE substitué par Me JUPILLE, avocats au barreau de NANCY,

C.G.E.A. NANCY prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Eric SEGAUD substitué par Me NAUDIN, de la SELARL FILOR AVOCATS, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur [X] [N]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Monsieur [P] [T], défenseur syndical, régulièrement muni d'un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 10 Mars 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 12 Mai 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 19 mai 2022;

Le 19 Mai 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [X] [N] a été engagé en qualité d'apprenti maçon le 1er juillet 1998, puis par contrat de travail à durée indéterminée, par la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION (BCC), à compter du 01 juillet 2000, en qualité de maçon.

Par avis du médecin du travail en date du 30 mars 2017 puis du 10 avril 2017, Monsieur [X] [N] a été déclaré inapte à son poste.

Par courrier du 20 avril 2017, Monsieur [X] [N] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 03 mai 2017.

Par courrier du 05 mai 2017, Monsieur [X] [N] a été licencié pour inaptitude non professionnelle avec impossibilité de reclassement.

Par requête du 15 avril 2019, Monsieur [X] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins de contestation de son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

La société BCC a été placée en redressement judiciaire par jugement en date du 16 avril 2019.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 04 février 2021, lequel a :

- déclaré les demandes adressées au cours de l'instance irrecevables ;

- dit et jugé le licenciement pour inaptitude de Monsieur [X] [N] fondé ;

- dit et jugé le licenciement pour inaptitude de Monsieur [X] [N] d'origine professionnelle ;

- fixé la créance de Monsieur [X] [N] à la liquidation judiciaire de la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION aux sommes de :

- 6033,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 603,34 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 10 038,87 euros au titre du doublement de l'indemnité de licenciement ;

- 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile ;

- débouté Monsieur [X] [N] de ses autres demandes ;

- déclaré le présent jugement opposable au CGEA-AGS de Nancy dans les limites de sa garantie légale ;

- débouté la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION de sa demande reconventionnelle sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire de la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION.

Vu l'appel formé par Maître [Y] [V] ès qualité de mandataire judiciaire de la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION le 22 février 2021,

Vu l'appel formé par Monsieur [X] [N] le 01 mars 2021,

Vu l'ordonnance de jonction des deux affaires rendue le 06 octobre 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [X] [N] reçues au greffe le 15 septembre 2021, celles de Maître [Y] [V] ès qualités de mandataire judiciaire de la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION déposées sur le RPVA le 17 novembre 2021, et celles de la CGEA [Localité 3] déposées sur le RPVA le 08 novembre 2021,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 février 2022,

Maître [Y] [V] ès qualités de mandataire judiciaire de la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION (BCC), demande :

- de dire le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle de Monsieur [X] [N], en date du 05 mai 2017, justifié ;

- de débouter Monsieur [X] [N] en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- de le condamner au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [X] [N] demande :

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a :

- dit et jugé le licenciement pour inaptitude de Monsieur [X] [N] d'origine professionnelle ;

- fixé la créance de Monsieur [X] [N] à la liquidation judiciaire de la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION aux sommes de :

- 6033,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 603,34 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 10 038,87 euros au titre du doublement de l'indemnité de licenciement ;

- 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile ;

- déclaré le présent jugement opposable au CGEA-AGS de Nancy dans les limites de sa garantie légale ;

- débouté la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION de sa demande reconventionnelle sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire de la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION ;

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a :

- dit et jugé le licenciement pour inaptitude de Monsieur [X] [N] fondé ;

- débouté Monsieur [X] [N] de sa demande de fixer au passif de la procédure collective les sommes suivantes :

- 25 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 872,50 euros de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de l'indemnité temporaire d'inaptitude ;

- 15 000 euros au titre des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice d'anxiété ;

- de dire et juger recevables les demandes avant dire droit de Monsieur [X] [N] ;

- statuant à nouveau et y ajoutant :

- dire et juger le licenciement de Monsieur [X] [N] sans cause réelle et sérieuse ;

- fixer au passif de la procédure collective les sommes suivantes :

- 25 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 872,50 euros de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de l'indemnité temporaire d'inaptitude ;

- 15 000 euros au titre des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- 10 000 euros au titre de dommage et intérêts pour préjudice d'anxiété ;

- de rappeler que les sommes dues au titre des créances contractuelles porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la lettre de convocation à la séance de conciliation conformément à l'article 1231-6 du code civil ;

- de rappeler que les sommes à caractère indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt intervenir conformément à l'article 1231-7 du code civil ;

- d'ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- au titre de la seconde instance, de fixer au passif de la liquidation la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de fixer les dépens de la procédure d'appel en frais privilégiés de la procédure collective ;

- de débouter les parties adverses de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions contraires ;

- de dire le jugement opposable au CGEA de Nancy dans les limites de sa garantie légale.

Le CGEA Nancy demande :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en date du 4 février 2021 en ce qu'il a :

- dit et jugé le licenciement pour inaptitude de Monsieur [X] [N] d'origine professionnelle ;

- fixé la créance de Monsieur [X] [N] à la liquidation judiciaire de la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION aux sommes de :

- 6033,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 603,34 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 10 038,87 euros au titre du doublement de l'indemnité de licenciement ;

- 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en date du 4 février 2021 en ce qu'il a :

- déclaré les demandes adressées au cours de l'instance irrecevables ;

- dit et jugé le licenciement pour inaptitude de Monsieur [X] [N] fondé ;

- débouté Monsieur [X] [N] de ses autres demandes ;

- statuant à nouveau, de débouter Monsieur [X] [N] de l'ensemble de ses demandes ;

- En tout état de cause, de constater que l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION est intervenue antérieurement à l'éventuel classement de la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION sur la liste des établissements ACAATA et en conséquence :

- de déclarer inopposable à la CGEA Nancy la somme qui serait fixée au passif de la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION à titre de dommages et intérêts pour préjudice d'anxiété,

- sur les limites de la garantie de la CGEA [Localité 3],

- de juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale ;

- de juger que la garantie prévue aux dispositions de l'article L.143-11-1 ancien du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.143-11-1 ancien du code du travail, les astreintes et article 700 étant ainsi exclus de la garantie ;

- de juger que les intérêts ont nécessairement été arrêtés au jour de l'ouverture de la procédure collective en application des dispositions de l'article L.622-28 du code de commerce, sans avoir pu courir avant mise en demeure régulière au sens de l'article 1153 du code civil ;

- de juger que la garantie de la CGEA [Localité 3] est nécessairement plafonnée, conformément aux articles L.3253- 17 et D.3253-5 du code du travail ;

- de statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de Maître [V] ès qualités le 17 novembre 2021, en ce qui concerne l'AGS le 08 novembre 2021, et déposées au greffe le 15 septembre 2021 en ce qui concerne M. [N].

Sur l'origine de l'inaptitude

M. [X] [N] demande que le jugement soit confirmé en ce qu'il a dit que l'inaptitude ayant entraîné le licenciement a une origine professionnelle et a fixé en conséquence des indemnités au passif de la liquidation.

Il fait valoir que la reconnaissance de la maladie professionnelle au moment du licenciement n'était pas nécessaire pour qu'il y ait reconnaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude. Il ajoute la société BCC connaissait de longue date ses pathologies, typiques du métier de maçon, et que les restrictions formulées par la médecine du travail établissaient clairement le lien entre son métier et ses pathologies.

Maître [V], ès qualités, fait valoir que la fiche d'aptitude médicale qui parlait de reprise après maladie n'a jamais fait état d'une pathologie d'origine professionnelle. Elle ajoute que, depuis, M. [X] [N] s'est vu notifier le 06 mai 2019 le refus de prise en charge d'une maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels. Elle souligne également que la maladie professionnelle pour laquelle il a formé une demande de reconnaissance est relative à une tendinopathie de l'épaule sans lien avec l'avis d'inaptitude prononcé par le médecin du travail.

L'AGS fait valoir qu'au jour de son licenciement, M. [X] [N] n'avait pas formé de demande de reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie, et que c'est donc à juste titre que l'employeur lui a notifié son licenciement pour inaptitude non professionnelle ; qu'au jour du licenciement la société BCC n'avait aucun moyen d'avoir connaissance du caractère possiblement professionnel de la maladie du salarié.

L'inaptitude qui a entraîné le licenciement du salarié peut se voir reconnaître une origine professionnelle si sont établis d'une part un lien, même partiel, entre l'exercice professionnel et la maladie, et d'autre part la connaissance par l'employeur de ce lien.

En l'espèce, il ne résulte d'aucune des pièces produites aux débats ni un lien avec le poste de M. [X] [N], ni la connaissance de ce lien ; ainsi les parties ne produisent aucun arrêt de travail antérieur à la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail ; les avis d'inaptitude du médecin du travail, en date des 30 mars 2017 et 10 avril 2017, produits en pièces 2 et 3 par le salarié, n'évoquent pas de lien entre l'inaptitude et les fonctions exercées par M.[X] [N].

Le seul certificat d'arrêt de travail produit par M. [X] [N], certificat médical « accident du travail ' maladie professionnelle », en pièce 12, a été établi le 24 août 2017, soit postérieurement à son licenciement. Sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle (pièce 13) est en date du 25 juillet 2017, donc postérieure à son licenciement.

Le fait pour M. [X] [N] d'alléguer que les restrictions formulées par la médecine du travail établissaient clairement le lien entre son métier et ses pathologies ne peut valoir connaissance par l'employeur de l'origine professionnelle revendiquée de l'inaptitude, en l'absence d'indication par des éléments objectifs de l'origine de la pathologie ou des pathologies du salarié.

Dans ces conditions, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que l'inaptitude de M.[X] [N] avait une origine professionnelle, et en ce qu'il a en conséquence fixé la créance de M. [X] [N] au passif de l'entreprise au titre du doublement de l'indemnité de licenciement.

Sur le licenciement

M. [X] [N] affirme qu'il aurait pu être reclassé sur un poste de grutier, pour lequel il possède l'expérience et les diplômes requis. Il soutient que l'avis d'inaptitude vise les fonctions de maçon et non celles de grutier.

Il affirme qu'il aurait pu se voir proposer un poste de chef de chantier, poste sur lequel il remplaçait un collègue pendant les vacances d'été de ce dernier, ou un poste de nettoyage sur lequel un autre salarié a été reclassé peu après son licenciement.

Maître [V], ès qualités, fait valoir que l'avis d'inaptitude vise les fonctions de maçon et de grutier, et qu'il n'avait pas les compétences pour occuper un poste de conducteur de travaux ou de chef de chantier.

Elle ajoute qu'il ne justifie pas d'un préjudice à hauteur de 10 mois de salaire.

L'AGS estime que la société BCC a exécuté de façon loyale son obligation de recherche de reclassement. 

Aux termes des dispositions de l'article L1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail en application de l'article L. 4624-4 à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités» du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations,  aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

 

L'article L1226-2-1 dispose quant à lui que lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel.

En l'espèce, alors que M. [X] [N] fait valoir qu'il aurait pu occuper un poste de chef de chantier, sur lequel il remplaçait un collègue pendant ses congés, ou un poste affecté au nettoyage des matériels, Maître [V], ès qualités, ne justifie pas des postes disponibles au jour de la procédure de reclassement, se contentant de renvoyer à son courrier du 20 avril 2017, en pièce 2, dans lequel l'employeur énumère des secteurs sur lesquels il ne pouvait reclasser l'intéressé : « Après avoir examiné les postes disponibles dans l'entreprise (') Nous sommes au regret de vous informer que nous sommes dans l'impossibilité de vous reclasser pour les raisons suivantes :

- chantiers bâtiment ou travaux publics : par rapport à la restriction « sans port de charges supérieures à 5 kg » figurant sur l'avis d'aptitude médicale du 10 avril 2017, aucun poste ne peut convenir.

- Ferraillage : Port de charges ' poste inadapté

- Serrurerie : Port de charges ' poste inadapté

(...) »

A défaut pour l'employeur de justifier d'avoir respecté loyalement son obligation de recherche de poste de reclassement, le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Les demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents n'étant pas discutées quant à leur quantum, il sera fait droit aux demandes de M.[X] [N] sur ces points, le jugement étant confirmé en conséquence.

A la lecture de son bulletin de paie pour le mois d'avril 2017, l'ancienneté de M.[X] [N] était de 18 ans et 10 mois, au jour du licenciement.

A la lecture des bulletins de paie de M. [X] [N], qu'il produit en pièces 45, son salaire était de 2011 euros.

M. [X] [N] ne fait valoir aucun argument quant à sa situation personnelle.

Il n'est pas allégué par Maître [V], ès qualité que l'entreprise comprenait moins de 11 salariés.

Aux termes des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au licenciement de l'espèce, le salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise de onze salariés et plus ont droit à une indemnité au moins égale à leurs six derniers mois de salaire.

En conséquence, la créance de M. [X] [N] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée à 12 066 euros.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [X] [N] de cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

M. [X] [N] expose qu'il travaillait la plupart du temps sans machines, et souvent sans équipement de sécurité. Il indique également qu'il travaillait sur des chantiers contenant de l'amiante.

Il indique connaître de nombreuses pathologies physiques causées par ces conditions de travail, ainsi qu'un syndrome dépressif sévère, justifiant de son préjudice.

Maître [V], ès qualités, conteste les attestations produites par M. [X] [N], et indique que les salariées étaient tenus de porter leurs éléments de protection individuelle.

L'AGS fait valoir que M. [X] [N] ne démontre aucun manquement, ne produisant que des photographies illisibles et non datées, ainsi que des attestations vagues et imprécises ; elle ajoute qu'il ne produit aucun élément justifiant d'un préjudice.

En l'espèce, M. [X] [N] invoque des préjudices de nature physique ou psychologique, consécutifs à des manquements allégués de l'employeur à son obligation de sécurité, qui sont de la compétence exclusive de la juridiction statuant en matière de sécurité sociale.

En conséquence, la cour se déclarera incompétente s'agissant des demandes présentées à ce titre.

Sur la demande au titre d'un préjudice d'anxiété

M. [X] [N] indique avoir été plusieurs fois exposé à l'amiante, sur les chantiers du CPN de [Localité 6], du CFA de [Localité 7], du CPN de [Localité 8].

Il précise que, non qualifiée pour intervenir sur l'amiante, la société BCC la dissimulait quand elle en trouvait sur certains chantiers, pour en éviter l'arrêt; elle faisait cacher l'amiante par ses salariés.

M. [X] [N] ajoute qu'il ne pourra jamais cesser de s'interroger sur les conséquences des multiples expositions à l'amiante, redoutant toujours l'évolution vers une pathologie pulmonaire fatale. ; il indique démontrer son anxiété par son état dépressif actuel.

Maître [V], ès qualités, fait valoir que la société BCC n'était pas classée sur la liste des établissements qui ouvrent droit à une allocation ACAATA. Elle ajoute que l'entreprise ne faisait pas travailler ses salariés dans des conditions d'exposition à l'amiante, puisqu'elle travaillait essentiellement sur appels d'offres et que ceux-ci sont spécifiques lorsqu'il s'agit de chantiers amiante.

L'AGS fait valoir que la société BCC n'étant pas classée sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation ACAATA, M. [X] [N] n'est pas fondé à solliciter des dommages et intérêts pour préjudice d'anxiété.

Il ajoute qu'en tout état de cause, cette demande devrait lui être déclarée inopposable, sa garantie ne couvrant que les créances du contrat de travail nées antérieurement à l'ouverture d'une procédure collective.

L'AGS indique également qu'une demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'obligation de sécurité serait une demande nouvelle et donc irrecevable, et qu'il appartiendrait à M. [X] [N] de démontrer un risque élevé de développer une maladie grave.

M. [X] [N], pour justifier de son exposition à l'amiante, renvoie à des attestations dont celles de M. [Z] [O] (pièce 36), M. [U] [I] (pièce 47), M. [H] [K] (pièce 50), M. [A] [S] (pièce 51) et M. [M] [G] (pièce 58) qui indiquent qu'il a travaillé au contact de l'amiante, et notamment de la poussière d'amiante par dégradation de matériaux, sur de nombreux chantiers, sans protection.

Ces seules attestations, en l'absence d'élément technique démontrant la présence effective d'amiante sur les chantiers où il a été amené à travailler, sont insuffisantes pour démontrer l'exposition à ce produit.

Dans ces conditions, M. [X] [N] sera débouté de sa demande au titre d'un préjudice d'anxiété.

Sur la demande de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de l'ITI

M. [X] [N] fait valoir qu'en refusant de reconnaître l'origine professionnelle de son inaptitude, son employeur l'a privé de l'indemnité temporaire d'inaptitude.

Il estime que cette demande porte sur un préjudice distinct, non soumis à la prescription salariale, et qu'elle constitue l'accessoire ou le complément de la demande initialement formulée devant le conseil des prud'hommes.

Maître [V], ès qualités, ne conclut pas sur cette demande.

L'AGS fait valoir qu'il s'agit d'une demande nouvelle, irrecevable en application de l'article 70 du code de procédure civile, et qu'en tout état de cause elle serait prescrite en application de l'article L1471-1 du code du travail.

Aux termes des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l'espèce, il apparaît à la lecture du jugement entrepris que la demande a été formulée initialement devant le conseil des prud'hommes, mais que sa recevabilité semble avoir été remise en cause en première instance, l'exposé des prétentions n'étant pas clair sur ce point dans le jugement.

Dans la requête de M. [X] [N] de saisine du conseil des prud'hommes, cette demande ne figure pas. Il demande cependant le doublement de l'indemnité de licenciement, et les motifs de la requête qu'il y a joint indiquent qu'il reprochait à son employeur son inaptitude.

Dès lors la demande de réparation d'une perte de chance de percevoir l'ITI apparaît accessoire à la demande de reconnaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude.

Elle sera donc déclarée recevable.

Aux termes de l'article D. 433-3 du code de la sécurité sociale, pour bénéficier de l'indemnité temporaire d'inaptitude, la victime adresse sans délai à la caisse primaire d'assurance maladie dont elle relève un formulaire de demande portant notamment mention, portée par le médecin du travail, d'un lien susceptible d'être établi entre l'inaptitude et l'accident du travail ou la maladie professionnelle, dans les conditions prévues à l'article D. 4624-47 du code du travail et comportant un cadre dans lequel elle atteste sur l'honneur de l'impossibilité de percevoir, pendant la période mentionnée à l'article D. 433-5, une quelconque rémunération liée au poste de travail pour lequel elle a été déclarée inapte.

Il résulte des développements qui précèdent que l'inaptitude de M. [X] [N] n'est pas d'origine professionnelle ; dès lors, la perte de chance de percevoir l'indemnité temporaire d'inaptitude, reposant sur le caractère professionnel de l'inaptitude, n'est pas fondée.

M. [X] [N] sera donc débouté de sa demande.

Sur la demande de voir dire les demandes avant-dire droit recevables

A défaut d'être précisée dans le dispositif des conclusions, la cour n'est pas saisie de cette demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Maître [V], ès qualités, sera condamnée à payer à M. [X] [N] 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 04 février 2021, sauf en ce qu'il a :

- dit et jugé le licenciement pour inaptitude de Monsieur [X] [N] d'origine professionnelle ;

- dit et jugé le licenciement pour inaptitude de Monsieur [X] [N] fondé ;

- fixé la créance de Monsieur [X] [N] à la liquidation judiciaire de la société BONI COLLIARD CONSTRUCTION à 10 038,87 euros (dix mille trente huit euros et quatre vingt sept centimes) au titre du doublement de l'indemnité de licenciement ;

statuant à nouveau dans ces limites,

Déclare recevable la demande de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir l'indemnité temporaire d'inaptitude ;

Déboute M. [X] [N] de cette demande ;

Se déclare incompétente pour statuer sur la demande au titre du préjudice allégué pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Fixe la créance de M. [X] [N] au passif de la société BCC à la somme de 12 066 euros (douze mille soixante six euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Déclare le présent arrêt opposable à Maître [V], ès qualités de mandataire liquidateur de la société BCC et à l'Unedic, délégation Ags;

Dit que l'Unedic, délégation Ags est tenu à garantie des créances fixées au passif de la société BCC au profit de M. [X] [N], en ce compris les dommages et intérêts pour préjudice d'anxiété, à l'exclusion des frais irrépétibles, et dans les limites légales de sa garantie;

Y ajoutant,

Condamne Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BCC, à payer à M. [X] [N] 1000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BCC, aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/00472
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.00472 ?
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