La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/05/2022 | FRANCE | N°21/01814

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 12 mai 2022, 21/01814


ARRÊT N° /2022

PH



DU 12 MAI 2022



N° RG 21/01814 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZ44







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nancy

20/00051

25 juin 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2







APPELANTE :



Madame [Y] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représe

ntée par Me Hélène JUPILLE de la SELARL JURI'ACT, avocat au barreau de NANCY





INTIMÉS :



Maître [I] [N] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la société « LE DOMAINE DE SATURNIN », dont le nom commercial est LA FERME BLANCHE, inscrite sous le RCS 841 133 242

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non comparan...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 12 MAI 2022

N° RG 21/01814 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZ44

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nancy

20/00051

25 juin 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Madame [Y] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Hélène JUPILLE de la SELARL JURI'ACT, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉS :

Maître [I] [N] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la société « LE DOMAINE DE SATURNIN », dont le nom commercial est LA FERME BLANCHE, inscrite sous le RCS 841 133 242

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non comparante, ni représentée

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS, CGEA DE [Localité 4] Association déclarée, représentée par sa Directrice nationale, Madame [D] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Eric FILLIATRE substitué par Me NAUDIN de la SELARL FILOR AVOCATS, avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 10 Mars 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 12 Mai 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 12 Mai 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Mme [Y] [S] a été engagée sous contrat de professionnalisation à durée déterminée par la société LE DOMAINE DE SATURNIN, pour la période du 8 décembre 2008 au 30 avril 2010, en qualité d'adjoint de direction avec une qualification proposée de gestionnaire unité hôtelière.

La relation de travail s'est poursuivie sous contrat de travail à durée indéterminée.

Le 1er juillet 2018, la société DOMAINE DE SATURNIN, exploitant sous le nom commercial et l'enseigne LA FERME BLANCHE, a acquis le fonds de commerce de la société LE DOMAINE DE SATURNIN.

Par jugement du 4 février 2020, le tribunal de commerce de Nancy a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la société DOMAINE DE SATURNIN, transformée en liquidation judiciaire de droit commun.

Maître [I] [N] a été désignée en qualité de liquidateur de la société DOMAINE DE SATURNIN.

Par requête réceptionnée le 12 février 2020, Mme [Y] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy aux fins de condamnation de l'employeur pour un rappel d'heures supplémentaires, pour des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, pour défaut de suivi médical et pour harcèlement moral.

Mme [Y] [S] a été licenciée pour motif économique le 18 février 2020.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 25 juin 2021, lequel a :

- dit que Mme [Y] [S] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [Y] [S] aux dépens ;

Vu les appels formés par Mme [Y] [S] le 15 juillet 2021 et le 10 août 2021 ;

Vu l'ordonnance de jonction du 23 février 2022 ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de Mme [Y] [S] déposées sur le RPVA le 11 octobre 2021, et celles de l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] déposées sur le RPVA le 22 octobre 2021 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 février 2022 ;

Mme [Y] [S] demande :

- d'infirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par le conseil de prud'hommes,

- de fixer sa créance au passif de la société DOMAINE DE SATURNIN (FERME BLANCHE), aux sommes suivantes :

. 1 986,76 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires de juillet 2018 à mai 2019,

. 198,68 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

le tout avec intérêt au taux légal à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation,

. 3 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

. 1 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour défaut de suivi médical,

. 15 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et à titre subsidiaire pour exécution déloyale et non-respect de l'obligation de sécurité,

. 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

le tout avec intérêt au taux légal à compter de la décision à venir,

- de prononcer l'exécution provisoire sur la totalité des condamnations à venir à titre principal et, à titre subsidiaire, fixer à la somme de 2 007,92 euros bruts de la moyenne des trois derniers mois de rémunération en application de l'article R.1454-28 du code du travail,

- de dire et juger opposable à l'Association UNEDIC Délégation AGS (CGEA de [Localité 4]) la décision à venir,

- d'ordonner à Maître [I] [N], es qualité de mandataire liquidateur de la SAS LA FERME BLANCHE, de transmettre, sous quinze jours après le prononcé de la décision rendue, des documents sociaux rectifiés (fiche de paie et attestation Pôle emploi), conformes à la décision à venir,

- de condamner Maître [I] [N], es qualité de mandataire liquidateur de la SAS LA FERME BLANCHE, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] demande :

A titre principal, de :

- confirmer le jugement entrepris rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 25 juin 2021,

- débouter Mme [Y] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, de prendre acte des limites de sa garantie,

En tout état de cause, de mettre à la charge de tout autre qu'elle les entiers frais et dépens de l'instance.

Maître [I] [N], es qualité de mandataire liquidateur de la société DOMAINE DE SATURNIN, n'a pas conclu à l'instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de Mme [Y] [S] le 11 octobre 2021, et de l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] le 22 octobre 2021.

Par ailleurs, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs.

I. Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et les congés payés afférents

Mme [Y] [S] sollicite une somme de 1 986,76 euros à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires qu'elle soutient avoir effectuées du 2 juillet 2018 au 31 mai 2019, et les congés payés afférents. Elle renvoie à sa pièce N°11 qu'elle mentionne être constituée de fiches d'horaires de travail pour la période considérée qu'elle indique avoir remises à l'employeur, se référant à cet effet au témoignage de Mme [A] [U] (pièce salariée N°15). Elle verse également en pièce N°13 un tableau intitulé « calcul des heures supplémentaires 2018 ». Elle fait en outre valoir que l'annualisation du temps de travail ne lui est pas opposable dans la mesure où le contrat de travail la prévoyant n'a jamais été signé.

En défense, l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] s'oppose à toute heure supplémentaire, soutenant que les éléments produits par Mme [Y] [S] ne sont pas de nature à étayer sa demande, et rappelant que le temps de travail faisait l'objet d'une annualisation.

Motivation :

Il ressort des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. Ces principes valent en cas de litige portant sur les heures complémentaires.

En l'espèce, il est constaté :

- que les fiches horaires produites par Mme [Y] [S] en pièce N°11 ne portent pas mention de l'année à laquelle elles correspondent,

- que les tableaux versés par la salariée en pièce N°13 sont constitués de totaux d'heures hebdomadaires qui sont inscrites comme ayant été effectuées de manière supplémentaire,

- que le témoignage de Mme [A] [U] est sans rapport avec les heures supplémentaires invoquées par la salariée.

Les éléments présentés par Mme [Y] [S] ne sont donc pas suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu'elle dit avoir effectuées pour la période du 2 juillet 2018 au 31 mai 2019 pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

II. Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [Y] [S] sollicite une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] rappelle qu'en première instance, la salariée réclamait une somme de 15 000 euros à ce titre, et fait valoir que les allégations formulées ne sont corroborées par aucun élément.

Motivation :

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, Mme [Y] [S] n'invoque, dans la motivation de ses conclusions, aucun moyen au soutien de ses prétentions à hauteur de 3 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

III. Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de suivi médical

Mme [Y] [S] indique n'avoir pu bénéficier du service de la médecine du travail qu'entre le 18 juillet 2019 et le 16 décembre 2019 dans la mesure où son adhésion n'a été souscrite par l'employeur que le 18 juillet 2019. Elle rappelle qu'elle a été arrêtée pendant plusieurs mois et sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 1 000 euros pour absence de suivi médical.

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] conclut au débouté de la demande au motif que Mme [Y] [S] ne justifie pas de la réalité et de l'étendue de son préjudice, indiquant en outre avoir régularisé la situation et produisant une convocation de la salariée à une visite médicale pour le 18 septembre 2019 (pièce UNEDIC N°16).

Motivation :

S'il n'est pas contesté que l'employeur n'a adhéré à la médecine du travail que le 18 juillet 2019, Mme [Y] [S] ne produit aucun élément justifiant du préjudice qui en serait résulté pour elle.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

IV. Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Aux termes des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3, le salarié présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [Y] [S] rappelle avoir formé deux demandes distinctes en première instance, et indique qu'il apparaît désormais pour elle plus logique de les regrouper.

Elle fait en premier lieu valoir qu'elle avait au départ bénéficié d'un poste d'adjoint de direction, et qu'elle pouvait également assurer, à côté de cette fonction qui ne l'occupait pas totalement, le service ou le dressage d'assiettes, ainsi que des tâches de ménage et de préparation des repas. Elle explique que n'ayant plus exercé les tâches pour lesquelles elle s'était formée et qu'elle avait accomplies durant 10 ans, elle a fait l'objet d'une modification unilatérale de son contrat de travail sans respect de la procédure. Elle renvoie à cet effet aux témoignes produits en pièces 18, 19 et 15 et considère qu'il s'agit là d'un premier manquement de l'employeur.

Il est constaté que la pièce N°18 est une attestation de Mme [K] [H], mère au foyer, qui indique que « cette serveuse ([S] [Y]) était seul a tout faire ce jour la, alors que présentait beaucoup de personnes venu manger, je trouve ça scandaleux, elle ma paru fatiguer stresser et triste' ».

La pièce N°19 est un témoignage de M. [X] [R], sans emploi, qui déclare : « Nous avions tous était déçus de cette accueil droid de la gérante et du temps d'attente de tout le moment du repas. Nous étions 30 personnes au restaurant et une seule serveuse qui courait partout, très aimable au passage mes depasser et débordée de travaille (céline). Nous lui avons demandé d'appeler la gérante qui na daidégniée à ce déplacer. Donc j'y suis aller de moi-même elle a était tres agressif envers moi et ma compagne et ce n'était pas de sa faute. Alors pourquoi gérer un tel établissement ci ce n'est pas pour acceuillir sa clientel et la servir correctement. Quand nous sommes partie la serveuse était a bout en larme et fatiguée ».

La pièce N°15 est le témoignage de Mme [A] [U], vendeuse, qui atteste « également que Mme [S] était en cuisine à la suite du démissionnement de Mr [M] [G] en octobre 2019 ».

Ces éléments n'établissent pas la modification unilatérale du contrat de travail pour motif disciplinaire invoquée par Mme [Y] [S].

En second lieu, Mme [Y] [S] fait valoir qu'elle a perçu sa rémunération à des dates éloignées de la date légale de la paie et parfois de manière morcelée. Elle cite comme exemple le salaire du mois de novembre 2018 qui a été versé pour un tiers le 19 décembre 2018, pour un tiers le 3 janvier 2019 et pour un tiers le 22 janvier 2019, renvoyant à sa pièce N°20. Elle produit également des attestations de membres de sa famille pour établir qu'elle a souffert de cette situation (pièces N°21, 22, 23 et 15), et indique que l'employeur lui a reproché de l'avoir harcelé moralement après qu'elle ait dénoncé le non-paiement de son salaire du mois de mai 2019 au procureur de la République. Elle renvoie à ses pièces N°29 à 42 pour établir les réclamations qu'elle a faites à l'employeur avant que celui-ci ne soit en liquidation judiciaire. Elle soutient que les manquements de l'employeur ont altéré sa santé et renvoie à sa pièce N°28 pour justifier des arrêts maladie dont elle a bénéficié au cours de la période du 1er juin 2019 au 2 mars 2020.

Il est constaté que la pièce N°20 est un tableau récapitulatif des règlements des salaires pour la période de juillet 2018 à août 2019 et il y est mentionné :

- que le salaire du mois de novembre 2018 à hauteur de 1 558,35 euros a été réglé le 19 décembre 2019 pour 500 euros, le 3 janvier 2019 pour 500 euros et le 22 janvier 2019 pour 558,35 euros,

- que le salaire du mois de décembre 2018 (1 541,21 euros) a été payé le 10 janvier 2019,

- que le salaire de janvier 2019 (1 057,78 euros) a été payé le 22 février 2019,

- que le salaire de février 2019 (1 576,81 euros) a été payé le 11 mars 2019,

- que le salaire de mars 2019 (1 554,51 euros) a été payé les 24 et 26 avril 2019 (1 000 et 554,51 euros),

- que le salaire d'avril 2019 (1 561,45 euros) a été payé le 13 mai 2019,

- que le salaire de mai 2019 (1 560,69 euros) a été payé le 30 mai (200 euros) et le 19 juin 2019 (1 360,69 euros),

- que le salaire de juin 2019 (630,78 euros) a été payé le 24 juillet 2019,

- que le salaire de juillet 2019 (501,90 euros) a été payé le 13 août 2019,

- que le salaire d'août 2019 (191,13 euros) a été payé le 1er octobre 2019.

La pièce N°21 est un témoignage de M. [B] [F], concubin de Mme [Y] [S], qui atteste avoir « effectué des virements d'un montant de 200 euros à Mme [S] [Y] à plusieurs reprise car Mme [S] était en difficulté financière à cause des échelonnements de ses salaires' ».

La pièce N°22 est un témoignage de M. [T] [S], frère de Mme [Y] [S], et il est observé que celui-ci ne déclare rien qui soit en rapport avec un problème de règlement des salaires.

La pièce N°23 est le témoignage d'un autre frère de Mme [Y] [S], M. [P] [S], qui indique : « cela fait déjà plus d'un an que j'aide ma s'ur'financièrement en lui donnant de l'argent ou en lui faisant des courses régulièrement. Elle se retrouve en grosse difficulté due à de nombreux retards dans le paiement de ses salaires, et lorsque c'est fait, à leur fragmentation. Ma s'ur est comme tout le monde, elle a des prélèvements à des dates fixes qui « tombe » sur son compte ce qui n'était pas le cas de ses paies' ».

La pièce N°25 est le témoignage de la mère de Mme [Y] [S], et il est constaté que rien n'est mentionné au sujet du règlement tardif des salaires.

La pièce N°15 est le témoignage de Mme [A] [U] et ses déclarations son sans rapport avec un problème de retard de salaire.

La pièce N°29 est un courrier en date du 12 juin 2019 adressé par Mme [Y] [S] à l'employeur aux termes duquel elle écrit : « Depuis plusieurs mois, vous avez pris le principe de me payer au compte goute, mes heures de travail à des dates différentes. Ce qui m'a mise dans une situation précaire sur mes obligations de paiement de ma vie privée, avec des intérêts bancaires et autres'Tout travail mérite salaire e si vous n'êtes pas en mesure de les payer, votre société n'est pas viable. Par conséquent en liquidation judiciaire' ».

La pièce N°30 est une plainte déposée par Mme [Y] [S] le 1er septembre 2019 dans laquelle elle indique, s'agissant des salaires : « quand j'ai envoyé le courrier « au procureur de la République) je n'avais pas été payé mais à l'heure actuelle, la situation a été régularisée (') Mme [C]'est sensée s'appuyer sur mon ancien contrat. Doc elle est sensée me payer le 5 de chaque mois. Je précise que j'ai un crédit à la consommation en cours. Je payer 380 euros le 15 de chaque mois. Le fait que Mme [C] ne me paye pas à la date prévue, me met dans l'embarras ».

La pièce N°31 est un mail de Mme [Y] [S] à l'employeur relatif à la transmission d'attestations d'indemnités journalières ; la pièce N°32 est une convocation de la salariée à une visite de santé au travail pour le 18 septembre 2019 ; la pièce N°33 est un courrier de Mme [S] à l'employeur dans lequel elle mentionne : « De plus, vous avez effectué sur mon compte courant la somme de 191,13 € le 1er octobre 2019. Or sur ma fiche de paie d'août 2019, le net à payer est de 217,97 €. Donc vous me devez encore la somme de 26,84 €. Pour finir, je n'ai toujours pas en ma possession les fiches de paies de JUIN et de JUILLET, ni mes feuilles d'heures' » ; la pièce N°34 est un courrier de l'employeur à la salariée en date du 17 octobre 2019 lui demandant de lui transmettre les relevés d'indemnités journalières ; la pièce N°35 est un courrier de la salariée du 13 novembre 2019 adressant à l'employeur une attestation à renvoyer à la CPAM de [Localité 4] ; la pièce N°36 est une lettre de rappel du 1er décembre 2019 relative à la demande d'attestation à retourner à la CPAM ; la pièce N°37 est une réponse de la CPAM à la salariée en date du 9 décembre 2019 relative à la réception de ses bulletins de salaire ; la pièce N°38 est un courrier de la salariée à l'employeur en date du 16 décembre 2019 sollicitant les bulletins de salaire de juin et juillet 2019, le règlement d'une somme de 26,84 euros sur le salaire d'août 2019 et l'attestation de salaire en retour ; la pièce N°39 est un courrier de l'employeur du 23 décembre 2019 précisant notamment que les bulletins de salaire de juin et juillet 2019 « ont bien été établis. Comme Mme [S] était en arrêt maladie, les bulletins de salaires lui ont été envoyés individuellement par la poste, en lettre simple. Me PRDHON a prétendu ne pas les avoir. Ceux-ci lui ont été envoyé par la poste avec la mention « DUPICATA » en même tant que la feuille de salaire du mois d'août, apparemment en sa possession', ainsi qu'à l'inspection du travail et au président du tribunal de commerce de Nancy » ; la pièce N°40 est un courrier du conseil de l'employeur du 9 janvier 2020 à la CGT du Toulois mentionnant notamment avoir « invité ma cliente à procéder au paiement de la somme de 26,84 € restant due au titre du salaire du mois d'août 2019 ('). Pour ce qui concerne les bulletins de salaire des mois de juin et juillet 2019, Madame [C] les a déjà transmis à deux reprises à Madame [S], je vous les envoie à nouveau' » ; la pièce N°41 est un mail de Mme [Y] [S] à l'employeur en date du 10 janvier 2020 accusant réception du courrier du 9 janvier 2020, et la pièce N°42 est un mail de la salariée du 26 janvier 2020 adressé à l'employeur demandant de régulariser sa situation relative à la prévoyance sur le salaire de février.

Ces éléments établissent le reproche fait à l'employeur au titre du retard dans le paiement de salaires.

En troisième lieu, Mme [Y] [S] se prévaut, sans toutefois les citer, d'attestations de clients du restaurant pour établir que l'employeur pouvait être désagréable à son égard et qu'il s'agissait là encore d'agissements répétés altérant sa santé.

Elle renvoie en outre à ses pièces N°22, 23 et 24 pour justifier de remarques faites par l'employeur sur son habillement, sa corpulence, son air fatigué et son absence de maquillage.

Il est constaté que la pièce N°22 (témoignage de M. [T] [S], frère de Mme [Y] [S]) ne fait mention ni de la date relative aux faits retracés, ni des propos qui auraient été tenus par l'employeur à l'égard de la salariée.

La pièce N°23, qui est le témoignage de M. [P] [S], frère de Mme [Y] [S], est rédigé en termes généraux et non circonstanciés : « les réflexions répétées de sa patronne, sur son look, sa coupe ou bien son poids ont commencé à la toucher' », et il en est de même de l'attestation versée en pièce N°24 : « j'ai vu ma fille pleurer au travaille, ce renfermer sur elle-même ».

Ces éléments n'établissent pas les agissements répétés de l'employeur tirés des propos qu'il aurait tenus à l'égard de la salariée.

En quatrième lieu, Mme [Y] [S] évoque une charge de travail et s'appuie à cet effet sur des commentaires (pièce N°25) qu'elle indique comme provenant d'internautes disant qu'elle assurait seule le service et la préparation de plats et que l'employeur ne lui venait pas en aide.

Elle soutient que les agissements répétés de l'employeur à son égard ont conduit à des arrêts maladie, et elle produit un certificat de son médecin généraliste (pièce N°26) ainsi qu'un courrier du médecin du travail du 18 septembre 2019 évoquant l'éventualité d'une inaptitude (pièce N°27).

Elle fait en conséquence valoir « l'existence d'un harcèlement et à tout le moins une exécution déloyale des conditions de travail », sollicitant à ce titre des dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros, expliquant former cette demande à titre principal pour harcèlement moral et à titre subsidiaire pour non-respect par l'employeur de ses obligations, pour manquement à l'obligation de sécurité et pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail.

Il est constaté que la pièce N°25 est constituée de copies qui sont présentées comme retraçant des commentaires internet desquels il est cependant impossible de vérifier s'ils se rattachent à l'employeur de Mme [Y] [S].

Par ailleurs, en pièce N°6, le docteur [L] [V], médecin traitant de Mme [Y] [S], constate, le 28 octobre 2019, « quelle présente des troubles anxio-dépressifs réactionnels qui selon ses dires et d'après l'avis de la médecine du travail ne lui permettent pas de reprendre ses activités professionnelles dans ces conditions », et en pièce N°27, le médecin du travail mentionne au docteur [V], le 18 septembre 2019, revoir « ce jour votre patiente Madame [S] [Y] en visite dite de pré-reprise. En résumé, l'état clinique de la salariée n'est pas compatible avec une reprise de l'activité professionnelle. Une reprise de l'activité professionnelle me paraît difficilement concevable. Nous évoquons donc l'éventualité d'une inaptitude avec la salariée ».

Il est observé que ces deux avis médicaux ne font le constat d'aucun lien entre les « troubles anxio dépressifs réactionnels » et les conditions de travail de la salariée.

Sur ce :

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [Y] [S] ne produit aucun élément établissant la matérialité de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement, les pièces médicales ne pouvant y suppléer, étant relevé que le grief relatif au versement avec retard de salaires relève en fait de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.

Dès lors, en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.

Dans ces conditions, Mme [Y] [S] sera déboutée de sa demande au titre du harcèlement moral, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

IV. Sur la demande de dommages et intérêts formée à titre subsidiaire pour non-respect de l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail

Mme [Y] [S] fait valoir qu'elle justifie de l'existence d'un harcèlement et à tout le moins d'une exécution déloyale par l'employeur des conditions de travail. Elle sollicite en conséquence, subsidiairement à sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, une somme de 15 000 euros pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité et pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail.

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] indique qu'il n'y a jamais eu d'intention de nuire à la salariée, et que le retard dans le paiement des salaires ou les irrégularités de versement des salaires s'expliquent par les difficultés économiques rencontrées par l'employeur.

Sur l'obligation de sécurité

En plus que d'interdire le harcèlement moral à l'article L.1152-1 du code du travail, la loi oblige, à l'article L.1152-4 du même code, l'employeur à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir des agissements de harcèlement moral et que ces deux obligations sont distinctes.

En l'espèce, Mme [Y] [S] n'a pas été victime de harcèlement moral et elle ne motive pas sa demande subsidiaire relative au manquement par l'employeur à l'obligation de sécurité.

Le non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité n'est en conséquence pas établi.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Il a été constaté que Mme [Y] [S] a justifié du grief tenant au retard par l'employeur dans le règlement des salaires, et l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4], contrairement à ce qu'elle soutient dans ses conclusions, n'établit pas que les retards de paiement du salaire étaient exclusivement dus aux difficultés économiques de l'employeur.

Le grief, qui est donc établi, constitue un manquement de l'employeur à une obligation essentielle du contrat de travail.

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] ne contestant pas à titre subsidiaire le quantum de la somme demandée par Mme [Y] [S] au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, soit 15 000 euros, elle lui sera en conséquence accordée et fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société DOMAINE DE SATURNIN, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

V. Sur la demande d'exécution provisoire sur la totalité des condamnations

Les arrêts d'appel pouvant être exécutés immédiatement, la demande formée par Mme [Y] [S] est en conséquence sans objet.

VI. Sur la demande de transmission des documents sociaux rectifiés (fiche de paie et attestation Pôle emploi) conformes à la décision à venir

Mme [Y] [S] ayant indiqué dans ses conclusions avoir « saisi le conseil de prud'hommes de Nancy pour former différentes demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail mais n'a pas remis en cause son licenciement », sa demande de transmission des documents sociaux rectifiée est donc sans objet.

Elle en sera déboutée.

VII. Sur les limites de la garantie de l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4]

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4], et il sera donné acte à celle-ci des limites légales et réglementaires de son intervention.

VIII. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Mme [Y] [S] sera déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître [I] [N], es qualité de mandataire liquidateur de la société DOMAINE DE SATURNIN, sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 25 juin 2021 en ce qu'il a débouté Mme [Y] [S] de sa demande de dommages et intérêts formée à titre subsidiaire pour exécution déloyale du contrat de travail ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de de Nancy du 25 juin 2021 pour le surplus ;

STATUANT A NOUVEAU

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société DOMAINE DE SATURNIN, la somme de 15 000 euros (quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Déboute Mme [Y] [S] de sa demande de transmission des documents sociaux rectifiés ;

Dit que le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] ;

Donne acte à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] des limites légales et réglementaires de son intervention ;

Y AJOUTANT

Déboute Mme [Y] [S] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Maître [I] [N], es qualité de mandataire liquidateur de la société DOMAINE DE SATURNIN, aux dépens de l'instance d'appel ;

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01814
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.01814 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award