RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /22 DU 12 MAI 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/00477 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EXBW
Décision déférée à la Cour :
jugement du tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G. n° 19/01125, en date du 28 janvier 2021,
APPELANTE :
Madame [Y] [G] épouse [T]
née le 20 Janvier 1965 à VANNES, demeurant 9 Chemin des Israelites - 88200 REMIREMONT
Représentée par Me Carine DESCHAMPS de la SCP DESCHAMPS-FAIVRE, avocat au barreau d'EPINAL
INTIMÉS :
Monsieur [X] [T]
né le 14 Décembre 1966 à RAMBERVILLERS, demeurant 385 rue des Fusillés - 88600 LA CHAPELLE-DEVANT-BRUYERES
régulièrement saisi par exploit d'huissier à personne le 12 avril 2021 et n'ayant pas constitué avocat
S.A. CREDIT LOGEMENT, ayant son siège 50, boulevard de Sébastopol - 75155 PARIS CEDEX inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro B 302 493 275
Représentée par Me Violaine GUIDOT de la SELARL BGBJ, avocat au barreau d'EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 31 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, Président chargé du rapport, et Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Francis MARTIN, Président de chambre,
Madame Fabienne GIRARDOT, Conseillère
Madame Nathalie BRETILLOT Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Mégane LEGARDINIER
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 12 Mai 2022, par Monsieur Ali ADJAL, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de la deuxième chambre civile, Président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 30 mai 2006, la BNP Paribas a accordé aux époux [X] [T] et [Y] [G] un prêt (M06046196001) d'un montant de 35 000 euros en principal, remboursable en 240 mois. Ce prêt était garanti par le cautionnement de la société Crédit Logement (suivant acte du 18 mai 2006).
Par acte sous seing privé en date du 5 novembre 2008, la BNP Paribas a accordé aux époux [T] un deuxième prêt (M08075467701) d'un montant de 70 480 euros en principal, remboursable en 300 mois, également garanti par le cautionnement de la société Crédit Logement (acte du 18 juillet 2008). Ce prêt a fait l'objet d'un avenant le 6 avril 2010, mais sans modification quant au cautionnement de la société Crédit Logement.
Les époux [T] s'étant montrés défaillants dans le remboursement des deux prêts, la déchéance du terme du premier a été prononcée le 27 septembre 2018 et du second le 29 octobre 2018.
La BNP Paribas a mis en oeuvre la garantie de la société Crédit Logement, qui lui a réglé aux lieu et place des époux [T] les sommes de :
- 19 785,87 euros au titre du prêt M06046196001,
- 58 788,89 euros au titre du prêt M08075467701.
La société Crédit Logement a mis en demeure les époux [T] de lui rembourser les sommes ainsi payées, mais en vain, hormis un versement de 200 euros au titre du prêt M08075467701.
Par actes d'huissier de justice en date des 21 et 22 mai 2021, la société Crédit Logement a fait assigner les époux [T] devant le tribunal judiciaire d'Epinal, afin de les voir condamner solidairement à lui payer les sommes de :
- 19 861,29 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2019 sur la somme de 19 785,87 euros, au titre du premier prêt,
- 58 588,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2018 sur 788,03 euros et à compter du 11 février 2019 sur 58 588,89 euros (sic), au titre du second prêt,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
M. [X] [T] n'a pas constitué avocat. Mme [Y] [G] a constitué avocat, mais ce dernier n'a pas conclu.
Par jugement rendu le 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Epinal a condamné solidairement M. [X] [T] et Mme [Y] [G] à payer à la société Crédit Logement les sommes de :
- 19 861,29 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2019 sur la somme de 19 785,87 euros, au titre du premier prêt,
- 58 588,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2019 sur 788,03 euros et à compter du 11 février 2019 sur 58 588,89 euros (sic).
Le tribunal a débouté la société Crédit Logement de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et il a condamné solidairement les époux [T] aux dépens, en ce compris les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire.
Par déclaration enregistrée le 23 février 2021, Mme [Y] [G] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions déposées le 17 novembre 2021, Mme [Y] [G] demande à la cour :
- de constater qu'elle a réglé le 30 juillet 2021 la somme de 20 493,97 euros au titre du prêt M06046196001, de sorte que la société Crédit Logement est remplie de ses droits et doit être déboutée de toute demande au titre dudit prêt,
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement les époux [T] à payer solidairement à la société Crédit Logement la somme de 58 588,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2019 sur 788,03 euros et à compter du 11 février 2019 sur 58 588,89 euros et en ce qu'il a condamné les époux [T] aux dépens (y compris les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire) et, statuant à nouveau :
- de dire que le prêt M08075467701 est nul ou, en tout état de cause, qu'il lui est inopposable,
- de dire que le prêt M08075467701 ne l'oblige pas solidairement ou, en tout état de cause, qu'il n'entre pas dans le passif de la communauté des époux [T],
- de dire que le contrat de caution sur le prêt M08075467701 est nul et, en tout état de cause, qu'il lui est inopposable,
- de dire que la dette née du cautionnement sur le prêt M08075467701 ne l'oblige pas solidairement et, en tout état de cause, qu'elle n'entre pas dans le passif de la communauté des époux [T],
- de débouter la société Crédit Logement de sa demande de condamnation formée contre elle au titre du prêt M08075467701,
- de débouter la société Crédit Logement de sa demande de condamnation solidaire formée contre elle aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'inscription judiciaire,
- de condamner M. [X] [T] aux dépens, en ce compris les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire.
A l'appui des son appel, Mme [Y] [G] expose notamment :
- que suite à la vente de sa maison, elle a pu régler la somme de 20 493,97 euros correspondant à la condamnation prononcée par le tribunal judiciaire au titre du prêt M06046196001,
- que son consentement pour la conclusion du contrat de prêt M08075467701 a été vicié, car elle a été victime de violences physiques et psychologiques exercées par M. [X] [T] et n'a eu d'autre choix que de signer ce prêt,
- que M. [X] [T] lui présentait régulièrement des documents à signer sans qu'elle ait même le droit de les lire,
- que le vice affectant le prêt le rend nul, de sorte que le cautionnement de la société Crédit Logement lui est inopposable,
- que la prescription ne peut lui être opposée, puisque les violences se sont poursuivies jusqu'en 2018 selon le jugement rendu par le tribunal correctionnel,
- que le prêt litigieux a été contracté dans le seul intérêt personnel de M. [X] [T], puisqu'il a servi à l'acquisition par ce dernier d'un appartement à Nancy dont il est le seul propriétaire,
- que le contrat de prêt ne lui étant pas opposable, le contrat de cautionnement ne lui est pas opposable non plus.
Par conclusions déposées le 18 août 2021, la société Crédit Logement demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et, en conséquence, après correction de l'erreur matérielle (concernant la date de départ des intérêts du second prêt) figurant au dispositif du jugement, de condamner solidairement M. [X] [T] et Mme [Y] [G] à lui payer :
- au titre du prêt M06046196001 la somme de 19 861,29 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2019 sur la somme de 19 785,87 euros,
- au titre du prêt M08075467701, la somme de 58 588,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2018 sur 788,03 euros et à compter du 11 février 2019 sur 58 588,89 euros.
Elle demande également à la cour de condamner solidairement les époux [T] à :
- lui payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros pour les frais de première instance et celle de 3 000 euros pour la procédure d'appel,
- payer les dépens, avec distraction au profit de son avocat.
La société Crédit Logement fait valoir notamment :
- qu'elle fonde son action sur l'article 2305 du code civil, de sorte que le débiteur ne peut lui opposer des exceptions tirées de la conclusion ou de l'exécution du contrat de prêt, qu'il ne peut opposer qu'au créancier principal,
- qu'au surplus, Mme [Y] [G] serait irrecevable à soulever la nullité du contrat de prêt, pour cause de prescription,
- que le prêt M08075467701 stipulait expressément que son objet était l'acquisition d'un bien à Nancy, de sorte que Mme [Y] [G] ne peut soutenir qu'elle l'ignorait.
Bien qu'ayant été régulièrement assigné devant la cour d'appel par acte d'huissier du 12 avril 2021 (signifié à sa personne), M. [X] [T] n'a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'opposabilité du cautionnement à Mme [Y] [G]
Suivant l'article 2305 du code civil, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur.
En l'espèce, la société Crédit Logement précise exercer non pas l'action subrogatoire mais son recours personnel contre les époux [T], recours régi par l'article 2305 du code civil précité.
Exerçant son recours personnel, la société Crédit Logement dispose contre les époux [T] d'un recours qui trouve sa cause dans le seul fait du paiement qu'elle a fait au créancier, générateur d'une obligation nouvelle, de sorte les époux [T] ne peuvent lui opposer des exceptions qu'ils auraient pu opposer au créancier (la BNP Paribas).
Par conséquent, Mme [Y] [G] ne peut opposer à la société Crédit Logement la nullité potentielle du contrat de prêt, nullité tirée du vice de son consentement. Elle ne peut, pour le même motif, opposer à la société Crédit Logement l'utilisation à des fins personnelles par M. [X] [T] du capital prêté par la BNP Paribas.
En revanche, Mme [Y] [G] justifie du virement d'une somme de 20 493,97 euros effectué le 30 juillet 2021 au profit de la société Crédit Logement au titre du prêt M06046196001. Il n'y a donc plus lieu de prononcer aucune condamnation au titre du cautionnement de ce prêt qui est désormais entièrement remboursé. Le jugement déféré sera réformé sur ce point
Dès lors, au vu des deux quittances subrogatives produites, il convient de condamner Mme [Y] [G], solidairement avec M. [T], à payer à la société Crédit Logement, au titre du seul prêt M08075467701, les sommes de :
-788,03 euros en principal (soit 988,03 euros moins le versement d'une somme de 200 euros), avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2018,
- 57 800,86 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2019.
Le jugement déféré sera donc également réformé sur ces montants.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [Y] [G], qui est la partie perdante en appel, supportera les dépens d'appel, les dépens de première instance étant mis à la charge de M. [X] [T] et de Mme [Y] [G] solidairement (le jugement déféré sera confirmé à cet égard). Elle sera également déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a fait une juste appréciation de la situation respective des parties en rejetant la demande formée par la société Crédit Logement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La demande ainsi formée par cette dernière pour ses frais de justice irrépétibles d'appel sera également rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,
DIT n'y avoir plus lieu à condamnation de M. [X] [T] ou de Mme [Y] [G] au titre du prêt du 30 mai 2006 (prêt M06046196001),
CONDAMNE solidairement M. [X] [T] et Mme [Y] [G] à payer à la société Crédit Logement, au titre du prêt du 5 novembre 2008 (prêt M08075467701), les sommes de :
-788,03 € (sept cent quatre vingt hui euros et trois centimes) en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2018,
- 57 800,86 € (cinquante sept mille huit cents euros et quatre vingt six centimes) en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2019,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [Y] [G] aux dépens et autorise Me Guidot, avocate, à faire application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de Chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en sept pages.