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12/05/2022 | FRANCE | N°21/00059

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 12 mai 2022, 21/00059


ARRÊT N° /2022

PH



DU 12 MAI 2022



N° RG 21/00059 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EWFR







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

19/00373

09 décembre 2020











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2











APPELANTE :



Madame [M] [S]

[Adresse 1]

[Local

ité 5]

Représentée par Me Sophie GODFRIN-RUIZ de la SCP VAISSIER-CATARAME GODFRIN-RUIZ WISNIEWSKI, avocate au barreau de NANCY





INTIMÉS :



Me [Y] [Z] pris en qualité de mandataire judiciaire de la selarl Docteur [P] [W]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Non comparant, ni représenté



S.E.L.A.R.L. DR [P] [W] prise...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 12 MAI 2022

N° RG 21/00059 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EWFR

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

19/00373

09 décembre 2020

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Madame [M] [S]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Sophie GODFRIN-RUIZ de la SCP VAISSIER-CATARAME GODFRIN-RUIZ WISNIEWSKI, avocate au barreau de NANCY

INTIMÉS :

Me [Y] [Z] pris en qualité de mandataire judiciaire de la selarl Docteur [P] [W]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Non comparant, ni représenté

S.E.L.A.R.L. DR [P] [W] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvain CALLET de la SELARL AVOCATS EXPERTS CONSEILS, substitué par Me KOSNISKY LORDIER, avocats au barreau de NANCY

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS (CGEA DE [Localité 4]) représentée par sa Directrice nationale, Madame [H] [C]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Eric SEGAUD de la SELARL FILOR AVOCATS substitué par Me PERROT, avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 17 Mars 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 12 Mai 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 12 Mai 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Mme [M] [S] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 février 2018 par la société Docteur [P] [W] à compter du 4 janvier 2018 en qualité de collaboratrice salariée, statut non cadre.

Par courrier daté du 12 mars 2019 remis en main propre, Mme [M] [S] a mis fin à son contrat de travail.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Docteur [P] [W] par jugement du tribunal de grande instance de Nancy du 3 septembre 2019.

Par requête du 19 août 2019, Mme [M] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy aux fins de requalification de la prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 9 décembre 2020, lequel a :

- dit que la demande de Mme [M] [S] est recevable,

- dit que la démission de Mme [M] [S] est confirmée,

- débouté Mme [M] [S] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [M] [S] à payer à Maître [Y] [Z] es qualité de mandataire judiciaire la SELARL Docteur [P] [W], la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chacune des partes la charge des dépens respectifs.

Vu l'appel formé par Mme [M] [S] le 7 janvier 2021 ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de Mme [M] [S] déposées sur le RPVA le 2 avril 2021, celles de Maître [Y] [Z] es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W] déposées sur le RPVA le 28 mai 2021, et celles de l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de Nancy déposées sur le RPVA le 8 novembre 2021 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 9 mars 2022 ;

Mme [M] [S] demande :

- de déclarer recevable et bien fondé son appel et, l'y accueillant, y faire droit,

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 9 décembre 2020 et statuant à nouveau :

- requalifier la prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, condamner, pour les causes sus énoncées, la société SELARL [W] au paiement des sommes suivantes (salaire de référence 4 444 euros) :

- 2 222 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (sauf à parfaire) (2 mois selon barème Macron),

- 1 922 euros au titre des congés payés (solde)

- 426 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire sur préavis,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif du solde de tout compte,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de sortie,

- 856 euros au titre du paiement du financement formation,

- 1 500 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile de première journée,

-2 500 euros à titre à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel,

- ordonner la rectification des documents de sortie, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

- inscrire la créance au passif du Docteur [W],

- déclarer commune et opposable au CGEA la décision à intervenir,

- condamner la société [W] aux entiers dépens, qui comprendront les éventuels frais et honoraires d'exécution de l'arrêt à intervenir.

Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], demande :

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 9 décembre 2020 dans toutes ses dispositions,

- et statuant à nouveau,

- à titre principal :

- qualifier la rupture du contrat de travail de Mme [M] [S], notifiée le 12 mars 2019, de démission,

- constater que le CGEA-AGS de [Localité 4] a procédé au règlement du salaire du mois de mai 2019 et au paiement du solde de tout compte,

- constater que [N] [M] [S] ne justifie pas de l'existence d'un préjudice distinct du retard de paiement et causé par la mauvaise foi de l'employeur,

- constater que Mme [M] [S] ne justifie pas de l'existence d'un préjudice résultant de la remise tardive de ses documents de fin de contrat,

- constater l'absence d'accord formalisé entre les parties visant à ce que la SELARL Docteur [P] [W] prenne en charge des frais de formation de Mme [S] à hauteur de 856 euros,

Par conséquent,

- débouter Mme [M] [S] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [M] [S] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de la première instance et 2 500 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

A titre subsidiaire, en cas de requalification de la démission en prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- dire et juger que le salaire mensuel de référence moyen des 3 derniers mois précédents la notification de la rupture s'élève à 4 141,97 euros bruts,

- réduire le quantum des dommages et intérêts sollicités à hauteur de 0,5 mois de salaire, correspondant à 2 135,50 euros nets (article L.1235-3 du code du travail),

- réduire le quantum de l'indemnité légale de licenciement à hauteur de 1 682,67 euros nets.

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] demande :

A titre principal,

- la mettre hors de cause,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en date du 9 décembre 2021,

- débouter Mme [M] [S] de l'ensemble de ses prétentions,

A titre infiniment subsidiaire,

- lui donner acte des limites légales et jurisprudentielles de sa garantie,

En tout état de cause,

- mettre à la charge de tout autre que le CGEA les dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de Mme [M] [S] le 2 avril 2021, de Maître [Y] [Z] es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W] le 28 mai 2021, et de l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] le 8 novembre 2021.

I. Sur la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [M] [S] fait valoir qu'elle a décidé de prendre acte de la rupture de son contrat de travail suite au non-paiement par l'employeur des salaires dans leur intégralité et au préjudice qu'elle a subi en raison de ce retard. Elle indique que cette situation a perduré au cours du préavis. Elle demande que sa démission soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En défense, Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], s'oppose à la demande et rappelle que Mme [M] [S] a notifié sa démission « à regrets » et sans formuler aucun grief. Il précise que les difficultés financières du docteur [W] évoquées par la salariée sont survenues après sa démission, et qu'elles ont eu pour conséquence de provoquer un retard dans le paiement des salaires des mois de mars et avril 2019, soit durant l'exécution du préavis.

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] fait également valoir que Mme [M] [S] a démissionné sans émettre la moindre réserve et que si les salaires lui ont été réglés avec retard, c'est en raison des difficultés financières de l'employeur nées postérieurement à la démission.

Motivation :

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, les effets d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

En l'espèce, la lettre de Mme [M] [S] du 12 mars 2019 est ainsi rédigée (pièce salariée N°3) :

« Je soussignée, [M] [S], déclare par la présente, et à regrets, mettre fin dès ce jour au contrat à durée indéterminée qui me lie à la SELARL Dr [P] [W] depuis le 4 janvier 2018.

D'après les termes dudit contrat, en qualité de non cadre, mon délai de préavis s'élève à un mois. Cependant, et avec votre accord, j'aimerais fixer la date de mon départ au 1er juin 2019, afin de préparer au mieux la transition au sein de votre cabinet.

Dans cette attente, je vous serai grée de bien vouloir me fournir à cette date, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, et un reçu pour solde de tout compte' »

Il est constaté que la lettre de prise d'acte n'articule pas de griefs relatifs au non-paiement des salaires.

A ce titre, il résulte des conclusions écrites de Mme [M] [S] qu'elle reproche à l'employeur de ne pas avoir réglé les salaires dans leur intégralité et qu'il lui a de ce fait causé un préjudice.

Sur ce point, Mme [M] [S] produit en pièce N°12 la copie des chèques qui lui ont été remis par l'employeur notamment pour le paiement des salaires des mois d'octobre, novembre, décembre 2018, janvier, février et mars 2019.

Il en ressort :

- que le salaire du mois d'octobre 2018 (4 828 euros net) a été réglé par deux chèques du 18 novembre 2018 respectivement de 2000 euros et de 2 828 euros,

- que le salaire du mois de novembre 2018 (2 934 euros net) a été réglé par un chèque du 20 décembre 2018,

- que le salaire du mois de décembre 2018 (2 466 euros net) a été réglé par un chèque du 18 janvier 2019,

- que le salaire du mois de janvier 2019 (3 747 euros net) a été réglé par trois chèques respectivement du 20 février 2019 (2 000 euros), du 28 février 2019 (1 000 euros) et du 25 mars 2019 (747 euros),

- que le salaire du mois de février 2019 (3 450 euros net) a été réglé par trois chèques du 25 mars 2019,

- que le salaire du mois de mars 2019 (3 359 euros net) a été réglé par un chèque du 21 avril 2019 (2 000 euros) et par un chèque de 1 359 euros retourné impayé le 15 mai 2019, régularisé par virement le 25 mai 2019.

Il est en outre observé que postérieurement à l'envoi du courrier de rupture :

- le salaire du mois d'avril 2019 (3 310 euros net) a été réglé par virement de 1 500 euros le 5 juin 2019 et par virement de 1 810 euros le 27 juillet 2019,

- le salaire du mois de mai 2019 n'a pas été réglé au moment du départ de la salariée.

Il ressort de ces éléments que contrairement aux indications portées sur les bulletins de paie, les salaires ont été systématiquement réglés dans leur intégralité avec retard, et ce sur une période consécutive de 6 mois.

Les griefs exposés par la salariée sont en conséquence établis et ils constituent un manquement de l'employeur à une obligation essentielle du contrat de travail suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La rupture du contrat de travail à l'initiative de la salariée présente dès lors la nature d'une prise d'acte, et elle comporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point.

II. Sur les conséquences financières de la rupture

Sur l'indemnité légale de licenciement

Mme [M] [S] sollicite une somme de 2 222 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], fait valoir que le calcul de la salariée est erroné. Il explique que le salaire mensuel de référence moyen à retenir est de 4 141,97 euros bruts, que l'ancienneté correspond à 1 an et 7 mois et demi d'ancienneté, et que dans cette situation, l'indemnité légale de licenciement ne pourrait être que de 1 682,67 euros nets.

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] ne conclut pas sur ce point.

Motivation :

Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail.

En l'espèce, Mme [M] [S] ne donne aucune explication sur le salaire mensuel de référence moyen qu'elle fixe dans le dispositif de ses conclusions à la somme de 4 444 euros.

Elle n'explique pas plus le montant qu'elle réclame au titre de l'indemnité sollicitée, et elle n'émet aucune critique sur le calcul présenté par Maître [Y] [Z], qu'elle ne conteste pas.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de Mme [M] [S], mais à hauteur de la somme de 1 682,67 euros.

Ce montant sera fixé au passif du redressement judiciaire de la société Docteur [P] [W], et le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [M] [S] sollicite une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 10 000 euros, qu'elle indique comme correspondant à 2 mois et demi de salaire, se fondant, dans le dispositif de ses conclusions, sur le barème Macron.

En défense, Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], soutient que Mme [M] [S] ne justifie d'aucun préjudice et que sa situation professionnelle actuelle démontre l'absence de préjudice. Il indique que dans ce contexte, la salariée ne pourrait prétendre qu'à une indemnisation minimale de 2 135,50 euros nets de dommages et intérêts, soit 0,5 mois de salaire.

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] conclut au débouté de la demande ou à la réduction du montant de l'indemnité à la somme plancher du barème indemnitaire de 0,5 mois de salaire, indiquant que Mme [M] [S] ne justifie d'aucun préjudice.

Motivation :

Si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié avec maintien des avantages acquis. Employeur et salarié sont libres de la refuser.

S'il ne propose pas la réintégration ou si l'une ou l'autre des parties la refuse, le juge doit accorder au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau mentionné à l'article L.1235-3 du code du travail, en fonction de l'ancienneté dans l'entreprise.

En l'espèce, Mme [M] [S] ne conteste pas que son ancienneté était d'un an et 7 mois lors de la rupture du contrat de travail et que la société du Docteur [P] [W] employait moins de 11 salariés.

Il est constaté qu'elle a été inscrite au tableau de l'Ordre des chirurgiens-dentistes de Seine-Maritime le 6 juin 2019 (pièce salariée N°15), et il est justifié de son activité au sein de la SELARL DENTALZEN depuis le 14 juin 2019 (pièces Me [Z] N°4-1 à 4-3).

Mme [M] [S] établit par ailleurs que le règlement intégral du salaire du mois de mars 2019 n'a été effectué que fin mai 2019 à la suite du rejet d'un chèque de 1 359,66 euros pour défaut de provision (pièce salariée N°4), et que le 25 mai 2019, elle a sollicité de son employeur le règlement de ses salaires impayés, regrettant devoir signaler la situation au conseil de l'Ordre des chirugiens-dentistes «devant le constat de votre brutale coupure de toute communication depuis le Mercredi 22 Mai, en conséquence de mon inquiétude face à la non régularisation salariale du mois de Mars' » (pièce salariée N°9).

Il est cependant observé que Mme [M] [S] ne contredit pas Maître [Z] lorsqu'il explique qu'elle ne pourrait prétendre qu'à une indemnisation minimale de 2 135,50 euros.

Compte tenu de ces éléments, il sera fait droit à la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais à hauteur de 2 135,50 euros.

Ce montant sera fixé au passif du redressement judiciaire de la société Docteur [P] [W], et le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point.

III. Sur la demande au titre des congés payés sans solde

Mme [M] [S] fait valoir que les rares fois où elle a pris des congés, ils ne lui ont pas été rémunérés. Elle renvoie à ce titre aux bulletins de salaire des mois de mai, juillet et août 2018, expliquant que la somme correspondant aux congés payés n'est jamais comptabilisée dans le montant brut final. Elle sollicite en conséquence une somme de 1 922 euros qu'elle explique comme résultant de la différence entre les 6 833 euros du montant brut final et les 4 911 euros qu'elle a perçus dans le solde de tout compte au titre des congés payés.

Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], explique que les bulletins de paie des mois de mai, juillet et août 2018 montrent que la salariée a pris des congés payés du 7 au 12 mai 2018, du 2 au 7 juillet 2018 et du 20 au 25 août 2018, et que son salaire a été intégralement maintenu sur ces périodes. Il rappelle que le montant du salaire mensuel brut de base est toujours inscrit au bulletin de paie sous l'intitulé « SALAIRE DE BASE », et qu'il en est de même s'agissant de la période des congés payés et du montant du salaire de base en rapport avec cette période. Il explique également que le montant correspondant aux congés ne s'ajoute jamais au salaire mensuel de base.

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de Nancy rappelle avoir procédé à une avance de fonds au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de 4 911,12 euros et indique que le solde réclamé par Mme [M] [S] a bien été réglé sur les salaires de mai, juillet et août 2018.

Motivation :

L'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, sans toutefois pouvoir être inférieure à la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé pendant sa période de congés.

Elle est calculée en fonction du salaire pendant la période précédant le congé et de la durée du travail effectif.

En l'espèce, il est constaté, à l'examen des bulletins de paie (pièce salariée N°11), que les salaires des mois de mai, juillet et août 2018 ont été intégralement maintenus durant les périodes de congés de la salariée.

Mme [M] [S] sera en conséquence déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

IV. Sur la demande de congés payés afférents au rappel de salaire sur préavis

Mme [M] [S] fait valoir que lors de sa saisine du conseil de prud'hommes, l'employeur n'avait pas procédé au paiement du salaire du mois de mai 2019, soit 4 265 euros. Elle indique que la régularisation n'est intervenue que le 23 septembre 2019, et que les congés payés sur cette somme ne lui ont jamais été réglés.

En défense, Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], explique que les congés payés acquis durant le préavis du mois de mai 2019 ont été intégrés dans l'indemnité compensatrice de congés qui a été versée dans le cadre du solde de tout compte, ce que soutient également l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4].

Motivation :

L'indemnité compensatrice de congés payés est calculée selon les mêmes modalités que l'indemnité proprement dite, et elle doit être versée au moment où le salarié quitte effectivement son travail.

La charge de la preuve du paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés incombe à l'employeur.

En l'espèce, il est constaté que si le reçu pour solde de tout compte fait mention d'une indemnité compensatrice de congés payés de 4 911,12 euros (pièce salariée N°7), la composition de ce montant ne ressort ni du bulletin de salaire établi à cette fin en juin 2019, ni d'aucun autre élément.

En outre, Maître [Y] [Z] et l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] ne donnent, dans leurs conclusions, aucune indication sur la part des congés payés acquis durant le préavis du mois de mai 2019 qu'ils présentent comme ayant été intégrée dans l'indemnité compensatrice de congés mentionnée au solde de tout compte.

Le paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés sollicitée par la salariée pour le mois de mai 2019 n'étant pas justifié, il sera fait droit à la demande de congés payés afférents au rappel de salaire sur préavis, et le montant de 426 euros sera fixé au passif du redressement judiciaire de la société Docteur [P] [W], le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

V. Sur la demande de dommages et intérêts pour paiement tardif du solde de tout compte

Mme [M] [S] rappelle que le paiement du salaire et des indemnités dues est intervenu plus de 5 mois après sa prestation, et que l'employeur n'a jamais répondu à ses demandes et celles de son conseil sur ce point. Elle indique que le retard dans le versement du salaire ou de toutes autres indemnités dues engage la responsabilité de l'employeur qui peut être condamné à des dommages et intérêts compensant le retard de paiement sur le fondement de l'article 1231-6 du code civil et le préjudice causé par la mauvaise foi de l'employeur.

En défense, Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], fait valoir que Mme [M] [S] ne justifie pas d'un préjudice distinct du retard de paiement qui aurait été causé par la mauvaise foi de l'employeur. Il soutient en outre que le retard dans le paiement des salaires résulte de l'état de cessation des paiements de l'employeur.

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] ajoute qu'il n'y a eu aucune déloyauté et aucune mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail.

Motivation :

L'application de dommages et intérêts en sus des intérêts moratoires est subordonnée à la constatation de la mauvaise foi du débiteur et à l'existence d'un préjudice distinct du simple retard dans le paiement.

En l'espèce, il ressort du jugement du tribunal de grande instance de Nancy du 3 septembre 2019 que la SELARL Docteur [P] [W] a saisi cette juridiction par acte du 27 juin 2019 déposé le 9 juillet 2019, et que la cessation des paiements est intervenue le 15 mai 2019 (pièce employeur N°1).

Il résulte par ailleurs du courrier du 25 mai 2019 adressé par Mme [M] [S] à l'employeur qu'elle avait connaissance de la « santé financière difficile » du cabinet, et qu'elle était « prête à faire preuve de flexibilité au sujet des sommes non négligeables » qui lui étaient dues (pièce salariée N°9).

Il est en outre observé que le règlement des sommes visées au reçu pour solde de tout compte est intervenu le 23 septembre 2019, soit 20 jours après le prononcé du jugement du tribunal de grande instance de Nancy.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'existence d'un préjudice dû à la mauvaise foi de l'employeur dans le règlement tardif à la salariée du solde de tout compte n'est pas caractérisé.

Mme [M] [S] sera en conséquence déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

VI. Sur la demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de sortie

Mme [M] [S] fait valoir que le manquement par l'employeur de lui avoir délivré l'ensemble des documents de fin de contrat plus d'un mois et demi après sa sortie, justifie le paiement de dommages et intérêts.

Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], et l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] font valoir l'absence de mauvaise foi de l'employeur ainsi que l'absence de justification, par Mme [M] [S], de son préjudice.

Motivation :

Outre les éléments exposés ci-dessus à l'appui de la demande de dommages et intérêts pour paiement tardif du solde de tout compte, lesquels ne sont pas établis, Mme [M] [S] n'en produit pas d'autres à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de sortie.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

VII. Sur la demande au titre du paiement du financement d'une formation

Mme [M] [S] indique que par courrier du 18 juillet 2019, la Direction Générale des Finances Publiques l'a informée du rejet d'un paiement effectué par l'employeur pour une formation à laquelle elle avait été inscrite. Elle considère que le non-paiement de cette formation est constitutif d'une déloyauté contractuelle de l'employeur, et sollicite en conséquence son remboursement.

Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de société Docteur [P] [W], soutient que le courrier du 18 juillet 2018 ne permet pas d'identifier un intitulé de formation, et que la prise en charge de cette formation par l'employeur n'est pas établie.

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] s'en rapporte aux observations du mandataire judiciaire.

Motivation :

Il ressort du courrier du 18 juillet 2019 de la Direction Générale des Finances Publiques qu'un chèque d'un montant de 856 euros émis le 4 septembre 2018 par le Docteur [P] [W] a été rejeté le 17 juillet 2019 pour provision insuffisante (pièce salariée N°5).

Il est constaté que ce chèque est libellé à l'ordre d'Unistra, et Mme [M] [S] ne justifie d'aucun élément qui pourrait rattacher ce titre à une formation qu'elle aurait réalisée et qu'elle aurait été amenée à financer à la place de l'employeur.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

VIII. Sur la demande de rectification des documents de sortie sous astreinte

Mme [M] [S] sollicite la rectification des documents de fin de contrat sous astreinte.

Motivation :

La prise d'acte de la rupture s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il sera fait droit à la demande, l'astreinte ne s'avérant pas nécessaire.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point.

IX. Sur la mise hors de cause de l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4]

L'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] fait valoir qu'un plan de redressement a été arrêté au profit de la SELARL [P] [W] en date du 11 octobre 2021, de sorte qu'il a été mis fin à la procédure de redressement judiciaire ouverte le 3 septembre 2019, ainsi qu'à la mission du mandataire judiciaire. Elle soutient en conséquence que la procédure ne peut que conduire à la condamnation de la société redevenue in bonis par l'effet du plan, de sorte qu'elle doit être mise hors de cause.

Ni Mme [M] [S], ni Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], ne concluent sur ce point.

Motivation :

Les sommes dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restant soumises, même après un plan de redressement par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective, l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] sera en conséquence déboutée de sa demande de mise hors de cause.

X. Sur les limites de la garantie de l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4]

Il sera donné acte à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] des limites légales et réglementaires de son intervention.

XI. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé en ce qu'il a condamné Mme [M] [S] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [M] [S] et Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], seront déboutés de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles de première instance.

Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], sera condamné à payer à Mme [M] [S] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de seconde instance et il sera débouté de sa demande formée à ce titre.

Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], sera condamné aux dépens de l'appel, et il sera débouté de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 9 décembre 2020 en ce qu'il a :

- dit que la demande de Mme [M] [S] est recevable,

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens respectifs ;

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 9 décembre 2020 en ce qu'il a :

- dit que la démission de Mme [M] [S] est confirmée,

- débouté Mme [M] [S] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [M] [S] à payer à Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT A NOUVEAU

Requalifie la prise d'acte de la rupture du contrat du 12 mars 2019 en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Fixe au passif du redressement judiciaire de la société Docteur [P] [W] représentée par Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire :

- la somme de 1 682,67 euros (mille six cetn quatre vingt deux euros et soixante sept centimes) à titre d'indemnité légale de licenciement,

- la somme de 2 135,50 euros (deux mille cent trente cinq euros et cinquante centimes) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la somme de 426 euros (quatre cent vingt six euros)au titre des congés payés afférents au rappel de salaire sur préavis ;

Déboute Mme [M] [S] de sa demande au titre des congés payés sans solde ;

Déboute Mme [M] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour paiement tardif du solde de tout compte ;

Déboute Mme [M] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de sortie ;

Déboute Mme [M] [S] de sa demande au titre du financement de formation ;

Déboute l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] de sa demande de mise hors de cause ;

Dit que le présent arrêt est commun à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] ;

Donne acte à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] des limites légales et réglementaires de son intervention ;

Ordonne la rectification des documents de sortie, l'astreinte ne s'avérant pas nécessaire ;

Déboute Mme [M] [S] et Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de société Docteur [P] [W], de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Y AJOUTANT

Condamne Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], à payer à Mme [M] [S] la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre des frais irrépétibles de seconde instance ;

Condamne Maître [Y] [Z], es qualité de mandataire judiciaire de la société Docteur [P] [W], aux dépens de l'appel ;

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en quinze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/00059
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.00059 ?
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