La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2022 | FRANCE | N°21/01580

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 28 avril 2022, 21/01580


ARRÊT N° /2022

PH



DU 28 AVRIL 2022



N° RG 21/01580 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZNT







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BAR LE DUC

20/00043

27 mai 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [D] [I]

[Adresse 2]


[Adresse 2]

Représenté par Monsieur [V] [E], défenseur syndical, régulièrement muni d'un pouvoir de représentation









INTIMÉE :



S.A.S. COLLINET prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Denis RATTAIRE substitué par Me GALLAIR...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 28 AVRIL 2022

N° RG 21/01580 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZNT

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BAR LE DUC

20/00043

27 mai 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [D] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Monsieur [V] [E], défenseur syndical, régulièrement muni d'un pouvoir de représentation

INTIMÉE :

S.A.S. COLLINET prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Denis RATTAIRE substitué par Me GALLAIRE de la SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président :BRUNEAU Dominique

Siégeant comme magistrat chargé d'instruire l'affaire

Greffier :RIVORY Laurène (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 04 Février 2022 tenue par BRUNEAU Dominique, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK , conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 31 Mars 2022 ; date à laquelle le délibéré a été prorogé au 28 Avril 2022 ;

Le 28 Avril 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.

M. [D] [I] a été engagé par la société Collinet suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 23 août 1983, en qualité de tapissier.

Il a été placé en arrêt de travail à compter du 3 mars 2016.

Il a repris son poste dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à compter du 3 janvier 2017.

Il s'est de nouveau trouvé en arrêt de travail à compter du 21 août 2017.

Suivant avis du médecin du travail du 12 mai 2020, il a été déclaré inapte à son poste mais apte à un poste ne nécessitant pas d'écarter les bras de plus de 45° du corps.

Par courrier du 22 mai 2020, la société Collinet a proposé un poste de métreur tissu, que le salarié a refusé par courrier du 28 mai 2020.

Par courrier du 16 juin 2020, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête du 29 octobre 2020, M. [D] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc aux fins d'obtenir une indemnité spéciale de licenciement motif pris de l'origine professionnelle de son inaptitude, une revalorisation de son indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour défaut d'entretien d'évaluation professionnelle et absence de formation.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc rendu le 27 mai 2021 qui a:

- débouté M. [D] [I] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Collinet de ses demandes reconventionnelles,

- condamné M. [D] [I] aux entiers dépens,

Vu l'appel formé par M. [D] [I] le 23 juin 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de M. [D] [I] déposées sur le RPVA le 21 septembre 2021 et celles de la société Collinet déposées sur le RPVA le 7 décembre 2021,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 26 janvier 2022,

M. [D] [I] demande à la cour:

- d'infirmer dans son intégralité le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- de condamner la société Collinet à lui verser les sommes suivantes :

- 2 746,55 euros à titre de revalorisation de l'indemnité légale de licenciement en fonction de son ancienneté réelle,

- 36 803,45 euros à titre de doublement de l'indemnité légale de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle,

- 5 896,92 euros à titre d'indemnité compensatrice égale à l'indemnité de préavis,

- 22 562,96 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'entretien d'évaluation professionnelle et absence de formation,

- de rectifier les documents afférents à la fin du contrat,

- de condamner la société Collinet à lui payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens,

- de rejeter toutes fins et conclusions contraires.

*

La société Collinet demande :

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc le 27 mai 2021,

- de condamner M. [D] [I] au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de le condamner aux entiers dépens.

La cour renvoie, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions déposées et soutenues à l'audience du 4 février 2022.

SUR CE, LA COUR ;

-Sur la demande relative au calcul de l'indemnité de licenciement.

Il ressort des dispositions de l'article L 122-18 du code du travail applicables aux faits de la cause que, lorsque le salarié était appelé au service national obligatoire dans sa forme en vigueur jusqu'à sa suspension par la loi no 97-1019 du 28 octobre 1997, le contrat de travail était suspendu pendant toute la durée du service national actif ; qu'à l'issue de cette période, la réintégration dans l'entreprise était de droit, avec tous les avantages que le salarié avait acquis lors de son départ.

Il ressort des dispositions de l'article L 1234-8 du même code que lorsque le contrat de travail est interrompu par une obligation légale, l'ancienneté du salarié est décomptée à partir de la date de la conclusion du contrat sous déduction de la période concernée par l'accomplissement de cette obligation.

La société Collinet expose que le salarié, embauché avant son départ pour le service national, a quitté l'entreprise pour effectuer cette obligation et a été de nouveau embauché lors de sa libération, un nouveau contrat ayant alors été conclu ; qu'en conséquence l'ancienneté servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement doit être appréciée à compter de la date à laquelle le salarié a été réembauché.

Il ressort des pièces du dossier, et notamment du contrat de travail liant la société Collinet à M. [D] [I], du certificat de service militaire concernant ce dernier, et du livre du personnel de la société, que :

- M. [D] [I] a été engagé par la société Collinet à compter du 5 juin 1979, et a travaillé au sein de la société jusqu 'au 23 juillet 1982 ;

- Le salarié a effectué son Service National du 1° août 1982 au 31 juillet 1983 ;

Il n'est pas contesté que M. [D] [I] a de nouveau travaillé pour la société Collinet dès la fin de sa période de Service National.

La société Collinet ne produit ni lettre de démission ni procédure de licenciement justifiant d'une rupture du contrat de travail au 23 juillet 1982, la mention « entré de nouveau » portée dans le livre du personnel au dessus de cette date n'étant pas suffisante pour démontrer que le contrat de travail a été rompu à cette date.

Il convient de dire que la période du 5 juin 1979 au 23 juillet 1982 sera prise en compte au titre de l'ancienneté pour le calcul de l'indemnité de licenciement ; la décision entreprise sera donc infirmée sur ce point.

M. [D] [I] a perçu au titre de l'indemnité de licenciement la somme de 34 273 euros ;

Au regard de son ancienneté telle que définie précédemment, d'une période de suspension du contrat de travail pour arrêt maladie du 3 mars au 9 septembre 2016, et son salaire mensuel brut moyen, il lui est dû la somme de 36 312,04 euros.

Il sera fait droit à la demande à hauteur de 2039,04 euros.

La décision entreprise sera infirmée sur ce point.

Sur l'obligation de reclassement.

L'article L 1226-10 du code du travail dispose que :

Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

'

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé.

M. [D] [I] expose que le poste proposé ne correspond pas aux préconisations du médecin du travail, qu'il a été crée uniquement pour ne pas régler l'indemnité spéciale, qu'il ne disposait pas des compétences pour l'exercer, et que la procédure de consultation du comité social et économique n'a pas été respectée.

Il ressort du dossier que, le 12 mai 2020, le médecin du travail a estimé M. [D] [I] inapte au poste de tapissier, et apte à un poste « ne nécessitant pas d'écart des bras de plus de 45° du corps ».

La société Collinet a proposé à M. [D] [I] un poste de »métreur tissus » ainsi défini :

Descriptif du poste :

Création du dossier « plan de coupe « constitué à partir de la commande client et contenant les références et quantité de sièges, les répartitions des revêtements choisis par le client et ses caractéristiques dimensionnelles à préciser'

Réalisation du plan de coupe, en prenant compte les quantités de sièges. Echanges si nécessaire avec les couturières et tapissiers. Les dimensions des sièges sont spécifiées sur nos plans à disposition.

Calcul des métrages nécessaires pour chaque référence tissu en fonction du plan de coupe.

Validation par le chef de tapisserie.

Transmission du dossier aux achats tissus.

Conditions de travail :

Travail de bureau. Plan de coupe réalisé à la main (feuille et crayon) et calcul à la calculatrice.

Evolution possible vers une informatisation future avec formation à l'appui.

Compétences nécessaires :

Formation et expérience de tapissier en sièges.

'

Classification :

AP 42.

Il n'est pas contesté qu'antérieurement à la déclaration d'inaptitude, M. [D] [I] exerçait les fonctions de tapissier et bénéficiait de la classification AP 42.

La société Collinet apporte au dossier deux attestations établies par MM. [T] [U] et [K] [S], respectivement Responsable tapissier et tapissier d'ameublement au sein de la société ; ces attestations contiennent chacune la mention manuscrite prévue par les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et sont accompagnées de la pièce d'identité de chacun des rédacteurs.

M. [D] [I] soutient que ces attestations doivent être écartées dans la mesure où leurs rédacteurs ont indiqué qu'ils n'avaient pas de lien de subordination avec les parties alors qu'ils sont encore salariés de la société.

Toutefois, cette mention n'a pas, compte tenu de la présence de la mention manuscrite rappelée, pour effet d'invalider ces attestations.

M. [K] [S] indique que :

« J'atteste que j'occupe le poste de métreur tissus depuis le mois de juin 2020. J'étais auparavant tapissier dans l'atelier'Actuellement ce poste m'occupe pleinement' ».

M. [T] [U] déclare que :

« J'atteste que les calculs des métrages de tissus nécessaire pour la réalisation des commandes est réalisé par une seule personne et que cela représente un poste à part entière actuellement'La direction a crée un poste complet pour la réalisation des métrages'Je sais que ce poste a été proposé à M. [D] [I] qui était tapissier et qui avait à mon sens toutes les compétences puisque cela fait partie du métier de tapissier. De plus M. [I] aurait été rapidement opérationnel puisqu'il connaissait parfaitement nos produits . ».

Il ne ressort pas de la fiche de poste que celui-ci n'était pas conforme aux préconisations du médecin du travail, et il ressort de ce qui précède que M. [I] pouvait exercer le poste qui lui a été proposé.

Par ailleurs, il ressort du document intitulé « Compte-rendu de CES extraordinaire reclassement » qu'a été présenté à cette instance l'avis du médecin du travail, et la fiche de poste ; il est également indiqué que le médecin du travail a été consulté sur ce poste et a estimé que ce poste permettait le reclassement de M. [I] et était conforme aux restrictions d'aptitude de l'intéressé ; au vu de ces éléments, le comité a émis un avis favorable au reclassement de M.[I] dans le poste proposé.

Ce document est signé par le président du comité et un membre de celui-ci ; en conséquence, il convient de dire que la consultation du CSE était régulière et que cet organisme s'est régulièrement prononcé sur le reclassement proposé.

Dès lors, il convient de constater que le refus par M. [D] [I] du poste qui lui a été proposé en reclassement est abusif ;

Dès lors, la demande au titre de l'indemnité spéciale sera rejetée, et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut d'entretien d'évaluation professionnelle et absence de formation.

L'article L 6321-1 du code du travail dispose que :

« L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations ».

Il ressort de ce texte que cette obligation pèse sur l'employeur en dehors de toute demande de la part des salariés.

M. [D] [I] expose qu'il n'a bénéficié d'aucune formation durant sa carrière, ni d'entretien d'évaluation professionnelle conformément aux dispositions de l'article L 6315-1 du code du travail ;

La société Collinet soutient que M. [D] [I] a constamment été formé durant sa carrière, tel qu'il ressort de l'attestation de M. [T] [U] qui précise que « [M. [D] [I]] a toujours suivi l'évolution de gamme et a toujours été formé sur nos nouveautés ».

Toutefois, cette attestation est insuffisante pour démontrer que la société Collinet, sur qui repose la preuve du respect de l'obligation de formation, a rempli celle-ci, le seul fait pour le salarié d'acquérir une expérience professionnelle sur son poste ne raison de son ancienneté ne pouvant suppléer l'obligation pesant sur l'employeur.

Dès lors, il y a lieu de constater que l'employeur a manqué à son obligation de veiller au maintien de la capacité du salarié à occuper un emploi ; que ce manquement a causé à M. [D] [I] un préjudice qu'il convient de fixer, au regard de l'ancienneté de celui-ci dans son poste, à la somme de 20 000 euros.

La décision entreprise sera infirmée sur ce point.

La société Collinet, qui succombe partiellement, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [D] [I] l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a supportés ; il sera fait droit à la demande à hauteur de 750 euros.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu le 27 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc en ce qu'il a débouté M. [D] [I] de sa demande relative au refus de la proposition de reclassement et au doublement des indemnités de licenciement et de préavis ;

L'INFIRME pour le surplus ;

CONDAMNE la société Collinet à payer à M. [D] [I] la somme de 2039,04 euros (deux mille trente neuf euros et quatre centimes) au titre du complèment de licenciement ;

CONDAMNE la société Collinet à payer à M. [D] [I] la somme de 20000 euros (vingt mille euros) au titre du manquement à l'obligation de formation ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

DIT que la société Collinet supportera les dépens de première instance et'appel ;

CONDAMNE la société Collinet à payer à M. [D] [I] la somme de 750 euros (sept cent cinquante euros )sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en huit pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01580
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;21.01580 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award