La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2022 | FRANCE | N°21/00585

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 28 avril 2022, 21/00585


ARRÊT N° /2022

PH



DU 28 AVRIL 2022



N° RG 21/00585 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EXJJ







Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANCY

20/00053

08 février 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2









APPELANTE :



Madame [F] [D]

[Adresse 1]

[LocalitÃ

© 2]

Représentée par Me Aude BLANDIN de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY







INTIMÉE :



S.A.S.U. COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST prise en la personne de son président du conseil d'administration et tous représentants légaux pour ce domiciliés au dit siège

[Adresse 3]...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 28 AVRIL 2022

N° RG 21/00585 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EXJJ

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANCY

20/00053

08 février 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Madame [F] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Aude BLANDIN de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A.S.U. COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST prise en la personne de son président du conseil d'administration et tous représentants légaux pour ce domiciliés au dit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Joëlle FONTAINE de l'AARPI MILLOT-LOGIER FONTAINE, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 24 Février 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK , conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU, et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 28 avril 2022;

Le 28 avril 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Mme [F] [D] a été engagée par la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST sous contrat de travail à durée déterminée, à compter du 1er juillet 2004, en qualité d'infirmière de santé au travail.

A compter du 28 avril 2005, la relation contractuelle s'est poursuivie sous contrat de travail à durée indéterminée.

Par courrier du 10 avril 2017 remis en mains propres, Mme [F] [D] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 26 avril 2017, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 5 mai 2017, elle a été licenciée pour faute grave.

Par requête du 11 septembre 2017, Mme [F] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy aux fins de voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec toutes les conséquences de droit en découlant, et de voir condamner la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST pour exécution déloyale du contrat de travail.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 8 février 2021, lequel a :

- dit que le licenciement de Mme [F] [D] est fondé sur une faute grave,

- débouté Mme [F] [D] de ses demandes,

- dit n'avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST,

- condamné Mme [F] [D] aux entiers dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Vu l'appel formé par Mme [F] [D] le 8 mars 2021 ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de Mme [F] [D] déposées sur le RPVA le 15 novembre 2021 et celles de la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST déposées sur le RPVA le 16 août 2021 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 12 janvier 2022,

Mme [F] [D] demande :

- d'infirmer le jugement du 8 février 2021 du conseil de prud'hommes de Nancy statuant en départage dans toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau, de :

- condamner la SAS COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI à lui verser la somme de 20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- juger que son licenciement du 5 mai 2017 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

- de condamner la SAS COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI à lui verser les sommes suivantes :

. 1662,58 euros brut à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 10 avril 2017 au 5 mai 2017 outre la somme de 166,25 euros brut au titre des congés payés y afférents,

. 5 690 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 569 euros brut au titre des congés payés y afférents,

. 11 616 euros net à titre d'indemnité de licenciement,

. 35 000 euros soit 15 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner la rectification des documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour et

par document à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- se réserver la faculté de liquider l'astreinte,

- de condamner la SAS COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner l'employeur aux entiers frais et dépens de la présente procédure.

La société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST demande :

- de confirmer le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud'hommes de Nancy en date du 8 février 2021,

Y ajoutant :

- de condamner Mme [F] [D] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Mme [F] [D] aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de Mme [F] [D] le 15 novembre 2021 et de la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST le 16 août 2021.

I. Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée en ces termes (pièce employeur N°4) :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable du 26 avril 2°17, au cours duquel vous vous êtes présentée assistée de Monsieur [H], élu du personnel et vous informons de notre décision de procéder à votre licenciement pour faute grave sans préavis, ni indemnité pour les faits qui vous ont été exposés au cours de cet entretien et qui sont les suivants :

- Le 8 mars 2017, nous avons constaté votre absence au dernier CHSCT sans autorisation préalable alors que vous étiez dûment convoquée. Vous avez seulement informé Monsieur [E] [C] 15 minutes avant le début de la réunion, le mettant ainsi devant le fait accompli.

Nous vous rappelons que votre présence à ces réunions est obligatoire en votre qualité d'infirmière chargée des aspects d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail au côté du Responsable sécurité de l'établissement, Monsieur [P] [I].

Ceci est d'autant plus grave que de manière plus générale, nous constatons l'absence de collaboration avec le service sécurité de l'établissement dans ces domaines alors que nous sommes tenus, en notre qualité d'employeur, à une obligation de sécurité de résultat à laquelle vous devez contribuer compte tenu de vos fonctions.

- Le 22 mars 2017, une action anti-tabac était organisée avec les salariés suivants : Mme [B], Messieurs [G], [S], [M] et [N]. Cette action devait se réaliser de 11 heures à 12 heures, soit durant une heure, comme vous en aviez d'ailleurs informé la direction.

Or, de votre propre initiative, et sans en référer à personne, vous avez modifié la durée de la réunion initialement prévue au mépris des informations formelles que vous aviez transmises à la direction. En effet, cette réunion a duré plus de 2 heures au lieu de 1 heure.

Ces faits sont d'une extrême gravité dans la mesure où ils ont provoqué une désorganisation du travail.

- Par courrier du 7 avril 2017, Monsieur [L] nous a interpelés sur votre comportement inacceptable du 23 mars 2017. En effet, le 23 mars dernier, il s'est rendu à l'infirmerie pour déposer un courrier à l'attention du Docteur [Z]. Vous avez pris l'initiative d'ausculter ce salarié et à l'issue de cet examen, vous lui avez demandé de consulter en urgence son médecin traitant. Aussi, conformément à votre demande, l'intéressé a pris un rendez-vous avec son médecin généraliste depuis l'infirmerie et en votre présence.

Ensuite, vous lui avez donné pour ferme instruction de ne pas prendre son poste de travail, et ce, contre son gré et sans concertation préalable avec sa hiérarchie.

Cette décision est gravement préjudiciable dans la mesure où elle a occasionné un arrêt de la ligne de production de pastille et une perte de production de 40 tonnes.

De plus, ce salarié nous a fait part de son sentiment d'anxiété compte tenu de votre comportement.

- Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous avons notifié, en date du 10 avril 2017, votre mise à pied à titre de mesure conservatoire concomitamment à l'engagement d'une procédure de licenciement pour faute grave.

Afin de pallier à votre absence temporaire dans le cadre de la procédure engagée à votre encontre, nous avons conclu un contrat de mise à disposition avec une entreprise de travail temporaire afin d'assurer votre remplacement temporaire. Aussi, le 12 avril 2017, Mme [A] [O], travailleur temporaire, a débuté sa mission au sein de notre établissement.

En sa qualité d'infirmière, elle a inventorié immédiatement, lors de sa prise de fonction, l'ensemble des moyens mis à sa disposition. Elle a alors constaté qu'un nombre important de médicaments disponibles et en cours d'utilisation, présentaient des dates de péremption dépassées.

Elle en a alors notamment référé au Directeur d'établissement, Monsieur [E] [C].

Compte tenu de la gravité des informations communiquées par Mme [A] [O], Monsieur [E] [C] a demandé l'intervention d'un huissier afin d'établir un état détaillé de la situation. Cet état a été établi par constat d'huissier le 13 avril 2017, en présence de Monsieur [E] [C], de Madame [W] [Y] et de Madame [A] [O].

Lors de ce constat, il a notamment été relevé ce qui suit :

- des médicaments, des produits de santé et des matériels en très grand nombre dont les dates de péremption ou d'utilisation étaient dépassées ;

- l'absence de contrôles périodiques des médicaments et des produits de santé ainsi que du matériel depuis novembre 2015.

Or, comme vous le savez, le contrôle périodique notamment des dates de péremption et/ou d'utilisation est impératif. Le non-respect de votre part de ces prescriptions de sécurité élémentaire dans le cadre de l'exécution de vos fonctions est susceptible d'être gravement dommageable pour la santé physique de nos salariés et des tiers intervenant au sein de notre établissement.

- Nous avons également constaté que le registre de déclaration des accidents du travail bénins n'avait pas été rempli par vos soins depuis le 1er janvier 2017.

Comme vous le savez, ce registre permet d'inscrire les accidents de travail ou de trajet bénins survenus aux salariés de notre l'établissement.

En votre qualité d'infirmière, vous êtes tenue de les inscrire, dans les 48 heures après en avoir eu connaissance. Or, après vérification, vous avez omis de déclarer, sur ce registre, un accident du travail entre le 1er janvier et le 10 avril 2017.

Votre carence est d'une extrême gravité dans la mesure où la tenue incorrecte de ce registre peut entraîner le retrait, par l'organisme de sécurité sociale, de l'autorisation de son utilisation au sein de notre établissement et le remboursement de la totalité des dépenses faites à l'occasion de l'accident qui n'a pas été inscrit sur ledit registre.

En outre, le défaut de déclaration d'un accident du travail est passible de sanctions pénales.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de l'entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet' »

Mme [F] [D] soutient que son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse, ajoutant que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a retenu que le licenciement reposait sur une faute grave en ne se basant que sur le motif de la présence de médicaments périmés.

La société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement repose sur une faute grave.

Motivation :

L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légalité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les faits reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave privative du préavis prévu à l'article L.1234-1 du code du travail est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve et le doute profite au salarié.

Les juges du fond apprécient, dans le cadre de leur pouvoir souverain, la valeur probante des éléments de faits qui leur sont soumis et si les faits imputés au salarié sont ou non établis.

Le juge doit rechercher si les faits, à défaut de caractériser une faute grave, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l'espèce, l'employeur articule cinq griefs, reprochant à la salariée :

- d'avoir été absente au dernier CHSCT sans autorisation préalable et de ne pas collaborer avec le service sécurité de l'établissement dans les domaines de l'hygiène, de la sécurité et des conditions de travail,

- d'avoir modifié la durée d'une réunion « action anti-tabac » de sa propre initiative et sans en référer à personne, provoquant une désorganisation du travail,

- d'avoir pris l'initiative d'ausculter un salarié, de lui avoir fait prendre un rendez-vous avec son médecin généraliste et de lui avoir ordonné de ne pas prendre son poste de travail contre son gré et sans concertation préalable avec sa hiérarchie, occasionnant un arrêt de la ligne de production de pastille et une perte de production de 40 tonnes et générant un sentiment d'anxiété du salarié,

- de ne pas avoir contrôlé les dates de péremption ou d'utilisation des médicaments, des produits de santé et des matériels depuis novembre 2015,

- de ne pas avoir rempli le registre de déclaration des accidents du travail bénins depuis le 1er janvier 2017 et d'avoir omis de déclarer, sur ce registre, un accident du travail entre le 1er janvier et le 10 avril 2017.

Sur le grief de ne pas avoir contrôlé les dates de péremption ou d'utilisation des médicaments, des produits de santé et des matériels depuis novembre 2015

La société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST renvoie à une liste de médicaments et matériels périmés établie par l'infirmière qui l'a remplacée (pièce N°10) ainsi qu'à un constat d'huissier qu'elle a fait réaliser le 13 avril 2017 (pièce N°11) faisant ressortir des médicaments, des produits de santé et des matériels en très grand nombre présentant des dates de péremption ou d'utilisation dépassées depuis près de deux années. Elle fait valoir que ce manquement aux prescriptions de sécurité peut être gravement dommageable pour la santé physique des salariés et des tiers intervenant en son sein. Elle relève que Mme [F] [D] se contredit lorsqu'elle soutient d'une part qu'après son départ de l'entreprise, n'importe qui aurait pu se rendre à l'infirmerie pour modifier le contenu de l'armoire, et qu'elle indique d'autre part que personne n'aurait pu utiliser les médicaments périmés puisque l'armoire à médicaments se trouve sous clé.

Mme [F] [D] fait valoir qu'elle a été mise à pied à titre conservatoire le 10 avril 2017 et que de ce fait, elle a quitté l'entreprise sans pouvoir ranger son bureau, ni fermer l'armoire de prévention. Elle indique qu'à compter de cette date, n'importe qui a pu se rendre dans l'infirmerie et que la direction a donc pu avoir tout loisir de tout bouger. Elle précise que l'infirmerie est sous clé, que l'armoire à médicaments est également sous clé, et se réfère à la section 4 du code de déontologie des infirmiers pour indiquer que son rôle était limité à de la prévention et que la délivrance de médicaments se faisait de manière très exceptionnelle. Elle mentionne que si elle a reconnu, lors de l'entretien préalable, avoir délivré de façon très exceptionnelle des médicaments, elle a toujours, conformément à ses obligations, vérifié la prescription et la date de péremption. Elle ne conteste pas la présence de certains médicaments périmés, mais précise qu'ils se trouvaient dans une zone de stockage en attente d'évacuation. Elle renvoie à des attestations (pièces N°40 à 48) pour témoigner de son professionnalisme.

Sur ce :

Il ressort de la « liste des médicaments et matériel périmés à l'infirmerie des Salines de [Localité 5] » dressée le 13 avril 2017 par Mme [A] [O], infirmière intérimaire, que se trouvaient dans une trousse noire et un sac d'urgence des médicaments et produits périmés depuis 2013 (pièce employeur N°10).

Le procès-verbal de constat établi par Maître [U] [K], huissier de justice en date du 13 avril 2017, confirme la présence au sein de l'infirmerie du site de 12 médicaments périmés dans une trousse noire, de 16 médicaments périmés dans le sac d'urgence parmi lesquels un masque à oxygène périmé depuis septembre 2009 et un kit inhalateur d'oxygène valable 5 ans et rempli le 29 juin 2006, et de 24 médicaments ou matériels périmés dans une armoire, ajoutant que « dans le sac d'urgence est également annexé un tableau récapitulatif d'inventaire dudit sac. Cet inventaire porte une date de mise à jour au 06 novembre 2015 », et que sur la porte de l'armoire « est apposé un inventaire du sac d'urgence, identique à l'inventaire précédemment identifié dans le sac d'urgence, mais également un inventaire des médicaments composants cette armoire à pharmacie à la date du 06 novembre 2015 » (pièce employeur N°11).

Si Mme [F] [D] renvoie à la section 4 du Code de Déontologie des Infirmiers (pièce N°20) pour indiquer que l'infirmier n'est qu'un exécutant des médicaments prescrits par le médecin, cette même section mentionne cependant que l'infirmier « vérifie que le médicament, produit ou dispositif médical délivré est conforme à la prescription. Il contrôle également son dosage ainsi que sa date de péremption », et la section 5 énonce, en référence à l'article R.4312-63 du code de la santé publique, que « quel que soit le lieu où il exerce », l'infirmier « doit toujours agir en priorité dans l'intérêt de la santé publique, des personnes et de leur sécurité ».

En outre, si Mme [F] [D] soutient que n'importe qui a pu se rendre dans l'infirmerie entre le prononcé de sa mise à pied et le constat d'huissier pour déplacer les médicaments périmés de la zone de stockage, elle ne donne aucune information sur l'emplacement de cette zone de stockage au sein de l'infirmerie, celle-ci n'ayant été identifiée ni par l'infirmière intérimaire (pièce employeur N°10), ni par l'huissier lors de son constat du 13 avril 2017 (pièce employeur N°11).

Il résulte ainsi de ces éléments que le grief de ne pas avoir contrôlé les dates de péremption ou d'utilisation des médicaments, des produits de santé et des matériels est en conséquence établi.

Au regard de la qualité d'infirmière de santé au travail de Mme [F] [D], de la nature de ses responsabilités et du risque encouru par les salariés de l'entreprise sur leur santé et leur sécurité du fait de l'absence de contrôle réalisé sur les dates de péremption des médicaments et des matériels présents à l'infirmerie dont elle avait la charge et tout particulièrement dans la trousse (biafine, dacryo serum, betadine rouge, arnican gel, alcool modifié, lumbalgine, coussin hémostatique, adrénaline, chlorexidine) et dans le sac d'urgence (refridol, leukosan, lasilix, adrenaline, colagan, spray chlorerhexidine, coussin hémostatique, kit inhalateur, masque oxygène, etc'), le manquement reproché constitue à lui seul, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, une faute grave justifiant le licenciement et rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la période de préavis.

Le jugement du conseil de prud'homme est en conséquence confirmé sur ce point.

II. Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [F] [D] fait valoir que ses conditions de travail se sont dégradées à compter de février 2013 à l'arrivée d'une nouvelle responsable des ressources humaines qui a exercé sur elle une importante pression, qui a eu tendance à l'infantiliser, à lui demander des informations de nature médicale et à lui ajouter sans cesse des tâches supplémentaires. Elle précise que ces faits ont donné lieu à une première alerte par le médecin du travail par un courrier du 10 avril 2014, qu'elle a été placée en arrêt maladie le 2 avril 2014 pour un « syndrome anxio dépressif secondaire à pressions ressenties au travail », qu'une seconde alerte a eu lieu le 8 juillet 2016 et qu'elle a été à nouveau placée en arrêt maladie en octobre et en novembre 2016.

La société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST rétorque que la mention portée sur l'arrêt de travail du 2 avril 2014 fait état d'éléments qui n'ont pu être personnellement constatés par le médecin traitant sur le lieu de travail et que le médecin du travail, dans son courrier du 8 juillet 2016, n'a été que le relai des propos de la salariée. Elle soutient que les faits invoqués ne permettent pas de mettre en évidence un exercice anormal de son pouvoir de direction.

Motivation :

Aux termes de l'article L.1221-1 du code du travail : « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ».

La bonne foi contractuelle est présumée.

En l'espèce, les faits relatifs aux conditions de travail dégradées de Mme [F] [D] (pression importante, infantilisation, demande d'informations de nature médicale, ajout de tâches supplémentaires) liées à la nouvelle responsable des ressources humaines en la personne de Mme [J] sont formulés de manière très générale et sans le moindre exemple.

En outre, si l'avis d'arrêt de travail du 2 avril 2014 porte mention d'un « syndrome anxio-dépressif » (pièce salariée N°23) et l'avis d'arrêt de travail du 12 avril 2014 indique «  anxio dépressif secondaire à pressions ressenties au travail » (pièce salariée N°24), ni le courrier du 10 avril 2014 et le mail du 29 avril 2014 que Mme [D] a transmis au médecin du travail (pièces salariée N°22 et 31) ne mettent en cause la responsable des ressources humaines.

De la même manière, si l'avis d'arrêt de travail du 22 avril 2016 indique « angoisses liées à 1 harcèlement au travail d'après la patiente » (pièce salariée N°26) et l'avis d'arrêt de travail du 17 novembre 2016 mentionne un état « anxio dépressif lié à des problèmes professionnels » (pièce salariée N°27), le mail du médecin du travail du 8 juillet 2016 au directeur d'établissement (pièce salariée N°25) ne met pas en cause la responsable des ressources humaines, et il est établi qu'une commission d'enquête interne a été mise en 'uvre par le directeur d'établissement suite à l'alerte du médecin du travail du 8 juillet 2016 (pièce salariée N°25) et que la restitution de cette enquête a été faite par l'employeur à ce médecin le 16 novembre 2016 (pièce salariée N°29).

Par ailleurs, les deux courriers versés par Mme [F] [D] en pièces N°38 et 39 adressés par le secrétaire du CHSCT au directeur d'établissement les 11 avril et 30 mai 2016 ne la concernent pas.

Mme [F] [D] ne produisant aucune autre pièce établissant que l'employeur aurait exécuté le contrat de travail de mauvaise foi, elle sera déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

III. Sur la demande de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire et les congés payés afférents

Le licenciement reposant sur la faute grave, Mme [F] [D] sera déboutée de cette demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

IV. Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents

Le licenciement reposant sur la faute grave, Mme [F] [D] sera déboutée de cette demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

V. Sur l'indemnité de licenciement

Le licenciement ayant été prononcé en raison d'une faute grave de la salariée, elle sera déboutée de sa demande d'indemnité de licenciement, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

VI. Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le licenciement ayant une cause réelle et sérieuse, Mme [F] [D] sera déboutée de cette demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

VII. Sur la demande de rectification des documents de fin de contrat sous astreinte

Le licenciement prononcé en raison d'une faute grave de la salariée étant confirmé, elle sera déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

VIII. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles.

Mme [F] [D] sera condamnée aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 8 février 2021 en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT

Déboute Mme [F] [D] et la société COMPAGNIE DES SALINS DU MIDI ET DES SALINES DE L'EST de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [F] [D] aux dépens de l'instance ;

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/00585
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;21.00585 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award