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28/04/2022 | FRANCE | N°20/02548

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 28 avril 2022, 20/02548


ARRÊT N° /2022

PH



DU 28 AVRIL 2022



N° RG 20/02548 - N° Portalis DBVR-V-B7E-EVYG







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nancy

18/00079

20 novembre 2020











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.S. COLRUYT RETAIL FRANCE Représen

tée par son représentant légal, poursuites et diligences, pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



Madame [N] [R] divorcée [P]

Chez Monsieur [D] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Rep...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 28 AVRIL 2022

N° RG 20/02548 - N° Portalis DBVR-V-B7E-EVYG

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nancy

18/00079

20 novembre 2020

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.S. COLRUYT RETAIL FRANCE Représentée par son représentant légal, poursuites et diligences, pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [N] [R] divorcée [P]

Chez Monsieur [D] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Gérard WELZER substitué par Me Sylvie LEUVREY de la SELARL WELZER, avocats au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 24 Février 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK , conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU, et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 28 avril 2022;

Le 28 avril 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Mme [N] [R] divorcée [P] a été engagée par la société COLRUYT RETAIL FRANCE sous contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er novembre 1999.

A compter de septembre 2014, elle a été promue au poste de responsable boucherie niveau IV.

Au jour de son licenciement, elle était responsable de boucherie, agent de maîtrise niveau V.

Par courrier du 29 septembre 2017, Madame [P] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 07 octobre 2017.

Par courrier du 17 octobre 2017, Mme [N] [R] a été licenciée pour faute grave.

Par requête du 15 février 2018, Mme [N] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy aux fins de contestation de son licenciement pour faute grave.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 20 novembre 2020, lequel a :

- dit que le licenciement de Mme [N] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société COLRUYT RETAIL FRANCE à lui verser les sommes suivantes :

. 40 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 5 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

. 14 852,80 euros d'indemnité de licenciement,

. 5 749,48 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

. 574,95 euros de congés payés sur préavis,

. 4 000 euros de dommages et intérêts pour non respect des seuils horaires,

- débouté la société COLRUYT RETAIL FRANCE de l'ensemble de ses demandes,

- ordonné à la société COLRUYT RETAIL FRANCE de rembourser aux organismes intéressés tout ou parties des indemnités de chômage versées éventuellement à Mme [N] [R] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

- condamné la société COLRUYT RETAIL FRANCE à verser à Mme [N] [R] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société COLRUYT RETAIL FRANCE aux entiers dépens.

Vu l'appel formé par la société COLRUYT RETAIL FRANCE le 15 décembre 2020 ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société COLRUYT RETAIL FRANCE déposées sur le RPVA le 30 novembre 2021, et celles de Mme [N] [R] déposées sur le RPVA le 25 novembre 2021 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 9 février 2022 ;

La société COLRUYT RETAIL FRANCE demande :

- d'infirmer le jugement entrepris,

A titre principal :

- dire le licenciement de Mme [R] fondé sur une faute grave,

- la débouter de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tant au titre de la procédure de première instance que d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens,

A titre subsidiaire :

- réduire à de plus justes proportions le quantum des dommages et intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et du licenciement vexatoire, ainsi qu'au titre du non-respect des seuils horaires.

Mme [N] [R] demande :

- de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy en date du 20 novembre 2020 ;

- de débouter la société COLRUYT RETAIL FRANCE de toutes ses demandes,

- y ajoutant de condamner la société COLRUYT RETAIL FRANCE à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de la société COLRUYT RETAIL FRANCE le 30 novembre 2021, et de Mme [N] [R] le 25 novembre 2021.

I. Sur le licenciement pour faute grave

La lettre de licenciement du 17 octobre 2017, qui fixe les limites du litige, fait état des griefs suivants (pièce employeur N°9) :

«  Par la présente, nous avons le regret de vous informer que nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.

Les faits motivant cette décision, lesquels vous ont été clairement exposés lors de l'entretien, sont les suivants :

1) Sur vos manquements graves aux régales d'hygiène et de sécurité

Nous vous rappelons que vous exercez actuellement les fonctions de Responsable Boucherie au sein de notre établissement de LANEUVEVILLE.

A ce titre vous devez notamment veiller au respect des règles d'hygiène et de sécurité (HACCP).

Le livret HACCP Boucherie précise d'ailleurs expressément que « le respect des normes et procédures est sous la responsabilité du chef boucher. »

Or, nous avons malheureusement été contraints de constater de graves manquements à vos obligations professionnelles en la matière.

a) Sur la remballe

Le 28 septembre 2017, nous avons été informés que vous pratiquiez de la « remballe ». Ainsi, vous-même et/ou votre équipe, sur vos directives, n'enregistrez pas tous les déchets de la boucherie et en réutilisez une partie pour fabriquer d'autres produits, dont notamment des saucisses et de la chair. Vous reportez également les DLC des produits et le ré-étiquetant.

Ainsi, pour exemples non exhaustifs :

o Le lundi 25 septembre 2017, 32 kilos d'épaule de porc périmés, qui auraient dû être jetés, ont disparu. Ce même jour ont été fabriqués 15 kilos de farce à légume et 10 kilos de chipolatas avec de la viande non tracée. Dans ces conditions et au regard des stocks il apparaît plus que probable que les 32 kilos d'épaule de porc périmés aient été utilisés pour la fabrication de ces préparations. Au regard du doute suscité, l'ensemble des fabrications susvisées a été jeté.

Lors de l'entretien, vous avez reconnu que vous n'avez pas suivi la procédure en saisissant ces déchets dans le PDT car vous ne saviez pas comment les traiter. Dans l'attente d'obtenir, selon vos dires, les renseignements nécessaires auprès de [X] [V], Promoteur produit, qui devait venir au sein du magasin le 4 octobre 2017, vous avez inscrit ces déchets dans un carnet qui vous est personnel.

Vous avez également tenu à préciser que la viande utilisée pour les préparations était parfaitement saine, preuve en étant que vous l'aviez vous-même goutée pendant que vous procédiez aux fabrications et que vous en aviez consommé entre 100 et 200 grammes.

De tels arguments ne sont bien évidemment pas acceptables.

D'une part, l'utilisation du PDT pour l'enregistrement des déchets est impérative. En effet, votre carnet n'a strictement aucune valeur en cas de contrôle des services vétérinaires. En outre, dans le carnet en cause, nous n'avons trouvé que la mention suivante : «  Lundi 25/10: Casse viande / Chute de porc : 15 kg ». La date et les quantités ne correspondent donc pas.

D'autre part, il n'est pas admissible que vous preniez le parti d'attendre une semaine et demi la venue du promoteur produit pour traiter vos déchets. Ce n'est en effet pas acceptable en terme d'hygiène.

Vous n'avez par ailleurs pas su expliquer la disparition de ces kilos de viande.

Enfin, nous vous rappelons que s'il est admis que vous goutiez les préparations pour vous assurer de leur qualité, il n'est pas acceptable que vous en consommiez entre 100 et 200 grammes.

De surcroît, dans la mesure où vous avez admis avoir procédé vous-mêmes aux fabrications, que vous avez goûtées, vous auriez dû compléter le cahier de fabrication qui nous aurait permis d'établir avec certitudes que la viande utilisée ne correspondait pas à la viande qui aurait dû passer en déchet. Malheureusement, en raison de votre carence et de votre manque de professionnalisme, le principe de précaution nous a contraints à jeter l'ensemble des préparations suspicieuses, représentant un coût pour la société d'environ 65€.

o le mardi 26 septembre 2017, vous avez demandé à l'un de vos collaborateurs de préparer et de mettre en libre-service des filets de poulet ayant une DLC au 30/09/17. Le cahier de fabrication démontre que ces filets ont été marinés, emballés et étiquetés pour le libre-service avec une DLC au 01/10/17 . Il y a donc manifestement bien eu remballe avec prolongation de date.

o Le 26 septembre 2017 vous avez également demandé à l'un de vos collaborateurs de retravailler une pièce d'agneau qui était de toute évidence avariée. Celui-ci a cependant décidé de s'opposer, cette fois-ci, à votre ordre et l'a donc passé en déchet.

Lors de l'entretien, vous avez affirmé que la responsabilité incombait à votre équipe qui avait mal compris vos consignes, qui ne savait pas travailler et qui mentait pour vous nuire.

Outre que cette affirmation soit contradictoire avec les dires des membres de votre équipe, il n'en reste pas moins qu'en tout état de cause vous n'avez procédé à aucun contrôle et n'avez rien mis en oeuvre pour remédier à cette situation (formation, recadrage, sanction disciplinaire,....).

Nous vous rappelons pourtant qu'en votre qualité de Responsable Boucherie, c'est bien vous qui avez la responsabilité de votre rayon et du travail de votre équipe.

Vous avez également évoqué le fait que tout s'était bien passé à [Localité 3], où vous exerciez précédemment vos fonctions de Responsable boucherie.

Or, suite à la découverte de ces faits, l'équipe de Vaudreching nous a également informés que vous leur imposiez de pratiquer la « remballe », en leur demandant de défilmer puis de refilmer les barquettes libre-service pour reporter les DLC et de réutiliser de la viande qui aurait de passer en déchet pour réaliser certaines préparations.

Lors de l'entretien, vous avez nié ces faits en précisant que beaucoup de collaborateurs voulaient vous nuire et que vous n'aviez jamais reconditionné de produits en dehors de ce qui était autorisé par l'entreprise.

Il est cependant pour le moins curieux que les membres de deux équipes de magasins différents aient la même version et profèrent tous des mensonges à votre égard.

En outre, sous votre direction à [Localité 3], les déchets correspondaient à 4.5% du chiffre d'affaire du rayon. Depuis la reprise du rayon par un nouveau responsable boucherie, les déchets représentent 6.7 % du chiffre d'affaire, alors que ce dernier n'a pas été impacté à la baisse.

Cette différence vient ainsi corroborer l'existence de « remballe », qui conduit à réduire significativement le pourcentage de déchet.

Vous n'êtes pourtant pas sans savoir qu'une telle pratique est strictement interdite au sein de notre entreprise.

En effet, elle contrevient aux valeurs de notre enseigne qui est d'offrir satisfaction et qualité à notre clientèle.

De par votre attitude, vous affectez ainsi gravement l'image de marque de la société.

En outre, vous faites courir un risque pour la santé de nos clients et engagez la responsabilité notre entreprise, ce qui est inacceptable.

-

b) Absence de traçabilité

La traçabilité des produits et des préparations est impérative afin d'être en mesure de retrouver, pour un produit donné, la trace de toutes les étapes de sa fabrication et de la provenance de tous ses composants.

Cette traçabilité est obligatoire en cas de contrôle sanitaire.

Afin de respecter cette obligation réglementaire, des cahiers de fabrications sont mis à votre disposition dans le laboratoire. Ce cahier doit être complété et mis à jour pour chaque fabrication, préparations, plateau de viandes, en mentionnant les informations concernant les différents ingrédients.

De plus les fabrications mis au rayon traditionnel doivent être accompagnées d'une étiquette reprenant la date de fabrication, le nom de la fabrication et la DLV.

Ces étiquettes sont à glisser derrière les étiquettes prix du rayon Traditionnel.

Concernant plus particulièrement la charcuterie, le cahier de traçabilité doit mentionner la date d'ouverture du produit et il est nécessaire de coller l'étiquette de traçabilité fournisseur dans ce cahier.

De plus pour les produits mis au rayon traditionnel, il convient de sortir une étiquette produit PLU traditionnel et d'inscrire dessus : la date de déconditionnement du produit (correspondant au « jour d'emballage »), la dénomination du produit et la date limite de vente à ajouter manuellement.

Ces étiquettes sont à glisser derrière les étiquettes prix du produit.

Malgré ces consignes claires et dont vous deviez avoir parfaitement connaissance, force est de constater que les cahiers au sein de votre rayon sont très incomplets, ceux-ci n'étant pas systématiquement mis à jour, et ce depuis l'ouverture du magasin de Laneuveville fin mai 2017.

Nous vous rappelons cependant qu'un tel manquement pourrait être lourd de conséquence pour la société en cas de problème sanitaire qui nécessiterait par exemple le rappel d'un produit et met donc en danger la santé de nos clients, ce qui n'est pas acceptable.

De le même manière, l'entreprise risquerait dans ces conditions d'être lourdement sanctionnée en cas de contrôle par les services vétérinaires, lors d'un contrôle d'hygiène.

Nous ne pouvons donc tolérer un tel manquement de votre part, d'autant qu'au regard des faits découverts ultérieurement, nous sommes amenés à penser que de telles carences peuvent malheureusement être sciemment commises afin de dissimuler des pratiques interdites.

Par ailleurs, dans le cadre de votre remplacement temporaire, [Y] [L], responsable boucherie, a également constaté que la date limite de vente (DLV) de certains jambons était indiquée au 08/08/2018 au dos du pique prix et qu'il n'y avait aucune traçabilité depuis l'ouverture du magasin de Laneuveville fin mai 2017, alors que l'archivage est obligatoire.

Lors de l'entretien, vous avez indiqué que vous conserviez toujours les étiquettes à côté de la balance, en demandant la confirmation de [O]. Celle-ci a pourtant répondu ne pas avoir eu connaissance de cette information.

Après recherche, il s'avère qu'aucune traçabilité n'a pu être retrouvée.

c) Sur le non-respect des délais de vente

Des jarrets de porc, cuits le 22 septembre 2017 ont été retrouvés dans votre frigo le 26 septembre 2017.

Or, conformément aux règles en vigueur, ces produits auraient dû être consommés chaud le jour de la cuisson ou froid le lendemain après avoir suivi la procédure de refroidissement.

Tel n'a manifestement pas été le cas en l'espèce et ces jarrets n'ont pas été traités.

Dans le cadre de votre remplacement temporaire, [Y] [L] a également trouvé des saucisses perche à la vente depuis plus de 1 mois et demi, alors que ce produit est limité normalement à 30 jours de vente.

Lors de l'entretien, vous avez à nouveau tenté de faire peser la responsabilité de ces manquements sur votre équipe qu'il faudrait, selon vous, changer intégralement.

2) Sur votre comportement inapproprié à l'égard de vos collaborateurs

Vous vous permettez de dénigrer ouvertement votre équipe, en utilisant des propos déplacés, blessants et dévalorisants tels que, pour exemples non exhaustifs, « bons à rien », « fouteurs de merde »,'à leur égard.

Vous critiquez également certains de vos collaborateurs auprès d'autres membres de l'équipe.

Vous adoptez par ailleurs une attitude lunatique à l'égard du personnel placé sous votre responsabilité, en les valorisant à certaines périodes avant finalement de les rabaisser ou de les dénigrer.

Tel a par exemple été le cas avec [B] [U], Intérimaire boucher, que vous vouliez dans un premier temps embaucher en qualité d'Adjoint au responsable boucherie avant finalement de rompre complètement votre collaboration, étant par ailleurs précisé que c'est [W] [A], responsable du magasin, qui a dû se charger de lui annoncer la fin de sa mission.

Vous êtes très exigeante avec les membres de votre équipe, considérant fréquemment qu'ils ne sont pas au niveau, critiquant leur travail, alors même que vous ne leur donnez pas de consignes claires, n'avez pas mis en place les formations nécessaires et ne les assistez pas dans l'exécution de leurs tâches, alors que vos fonctions impliquent nécessairement la réalisation d'un travail opérationnel.

Enfin, vous ne faites pas preuve d'équité entre les membres de votre équipe, notamment dans l'établissement des plannings.

Un tel mode de fonctionnement crée des tensions importantes et entraine une dégradation de l'ambiance au sein du rayon boucherie, alors que vous devriez au contraire fédérer votre équipe.

Lors de l'entretien, vous avez contesté ces affirmations en indiquant que vos collaborateurs mentaient tous, qu'ils vous en voulaient et cherchaient à vous nuire en proférant de telles allégations.

3) Sur le non-respect des règles relatives à la durée du travail

Vous avez notamment fait travailler votre vendeuse boucherie de 7h à 15h31, sans respecter les règles légales relatives au temps de pause.

En effet, sur ces horaires, votre collaboratrice a été en pause de 10h28 à 10h42 puis de 11h44 à 11h59.

Nous vous rappelons néanmoins qu'il est impératif de respecter à minima les dispositions légales imposant d'octroyer une pause de 20 minutes consécutives dès que le collaborateur travaille 6 heures consécutives.

En outre, il est de pratique courante dans l'entreprise de faire bénéficier nos salariés de 30 minutes de pause lorsque leurs horaires de travail impliquent de déjeuner sur place.

Lors de l'entretien, vous avez reconnu ce dernier fait en indiquant que votre vendeuse avait un compte de compensation négatif alors que le vôtre est positif. Ainsi, dans la mesure où c'est vous qui travailliez avec elle à cette date, vous avez préféré, plutôt que rester dans le rayon pour lui permettre de prendre sa pause déjeuner, partir afin de ne pas augmenter votre compteur d'heures.

Une telle justification n'est bien évidemment pas acceptable.

Outre le fait qu'un tel management de votre part ne corresponde en aucun cas aux valeurs de l'entreprise et ne contribue pas au bien être de votre collaborateur, il aurait pu porter préjudice au salarié ainsi qu'à l'entreprise en cas de survenance d'un accident du travail. En effet, les règles relatives à la durée légale de travail n'étant pas respectées, la responsabilité de l'entreprise aurait dans cette hypothèse nécessairement été engagée.

4) Sur le non-respect de la règlementation en vigueur

En votre qualité de Responsable boucherie, vous devez également veiller à ce que les marchandises mises en vente soient conformes â la réglementation en vigueur (affichage des prix, publicité, poids et mesures, répression des fraudes, traçabilité viande et fabrications...).

Le mardi 26 septembre, une cliente s'est plaint d'une viande immangeable achetée au rayon boucherie. Outre la viande de mauvaise qualité vendue et l'insatisfaction des clients que cela a engendré, il s'est avéré que le produit était mal étiqueté. En effet, la viande était étiquetée « Entrecôte » à 19,93 euros le kilo alors qu'il s'agissait en réalité de « Boeuf bourguignon » à 8,30 euros le kilo... En outre, il ne s'agissait pas de la seule barquette mal étiquetée.

Lors de l'entretien, vous avez indiqué que ce n'est pas vous qui aviez géré ce produit mais [S] [J], ce qui est contradictoire avec les déclarations de ce dernier qui affirme que vous l'avez chargé de préparer et couper la viande mais que c'est bien vous qui avez procédé à l'emballage de ces barquettes et à leur mise en vente.

Vous avez alors essayé de prendre [O] [H] à témoin, qui a pourtant répondu ne pas savoir. Dans ces conditions, vous avez finalement indiqué qu'une erreur pouvait arriver.

Cette erreur ne constitue par ailleurs malheureusement pas un fait isolé.

En effet, à titre d'exemples non exhaustifs, il a été porté à notre connaissance que nous avions retrouvé en rayon, en juin 2017, une barquette étiquetée « veau à griller escalope », alors que sur la même étiquette, la catégorie de viande indiquée était « génisse charolaise », ce qui est manifestement incompatible.

De la même manière, une étiquette de barquette emballée le 30 juin 2017 indiquait « brochette de viande bovine », alors que son contenu ne correspondait en aucun cas à une brochette.

Une fois encore, votre manque de vigilance aurait pu être lourd de conséquences pour l'entreprise en cas de contrôle et affecte l'image de l'enseigne, ce que nous ne pouvons tolérer.

De manière générale, tout au long de l'entretien, vous avez cherché à vous décharger de votre responsabilité en la faisant peser sur les autres, et notamment sur les membres de votre équipe.

Il est ainsi manifeste que vous n'assumez nullement vos responsabilités afférentes à vos fonctions et que vous ne vous remettez en aucun cas en question, ce qui n'est pas acceptable.

En outre, il est indéniable que les faits qui vous sont reprochés vous sont directement imputables.

Concernant plus particulièrement la remballe, vous ne sauriez mettre en cause votre équipe alors que vous leur donniez vous-même l'ordre de procéder de la sorte.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère donc impossible. En conséquence, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave. Dans ces conditions, votre période de mise à pied conservatoire ne vous sera pas rémunérée.

Le licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date d'envol de la présente lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement. »

Mme [N] [R] conteste les griefs formulés à son encontre et considère que les seules pièces produites par l'employeur sont des attestations sans valeur probante, expliquant avoir été victime de la relation difficile avec son nouveau manager.

La société COLRUYT RETAIL FRANCE rappelle que Mme [N] [R] avait été nommée au poste de responsable boucherie à compter du 17 mars 2015, d'abord au sein du magasin de [Localité 3] puis à celui de Laneuveville et qu'à ce titre, son contrat de travail prévoyait expressément, outre plusieurs obligations, son autonomie quant à l'assortiment et/ou les achats et/ou la fixation des prix de vente et la gestion humaine et sociale de son équipe. Elle indique qu'elle avait la responsabilité du rayon boucherie-charcuterie-volaille-traiteur et qu'elle bénéficiait à ce titre d'une délégation de pouvoirs. Elle fait valoir que Mme [N] [R] a gravement manqué à ses obligations contractuelles.

Motivation :

L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légalité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les faits reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave privative du préavis prévu à l'article L.1234-1 du code du travail est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve et le doute profite au salarié.

Les juges du fond apprécient, dans le cadre de leur pouvoir souverain, la valeur probante des éléments de faits qui leur sont soumis et si les faits imputés au salarié sont ou non établis.

Le juge doit rechercher si les faits, à défaut de caractériser une faute grave, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l'espèce, l'employeur articule quatre griefs, reprochant à la salariée :

- d'avoir gravement manqué aux règles d'hygiène et de sécurité en pratiquant de la « remballe », en ne respectant pas les règles de traçabilité des produits et des préparations et les délais de vente,

- d'avoir eu un comportement inapproprié à l'égard de ses collaborateurs,

- de n'avoir pas respecté les règles relatives à la durée du travail,

- de n'avoir pas respecté la règlementation en vigueur sur l'affichage et l'étiquetage des produits.

Sur le grief du manquement grave aux règles d'hygiène et de sécurité en pratiquant de la remballe, en ne respectant pas les règles de traçabilité des produits et des préparations et les délais de vente

La société COLRUYT RETAIL FRANCE fait valoir que Mme [N] [R] a déconditionné et reconditionné des aliments, et n'a pas respecté les règles de traçabilité des produits ainsi que les délais de vente notamment en prolongeant la date limite de consommation de pièces de viande. Elle renvoie aux témoignages de collaborateurs de Mme [R] (pièces N°15 et 16) et de salariés qu'elle mentionne comme ayant travaillé avec elle au sein de l'établissement de [Localité 3] (pièces N°17 et 18). Elle indique que ces pratiques auraient pu entraîner de graves conséquences sur la santé des consommateurs et engager sa responsabilité pénale, rappelant que le respect des règles était imposé par le règlement intérieur.

Mme [N] [R] fait valoir ses 18 années d'expérience et d'appréciations positives de sa direction, et mentionne que si les actes reprochés avaient été réels, les analyses des prélèvements aléatoires effectués sur les produits n'auraient pas manqué de les mettre en évidence. Elle relève que l'employeur ne justifie d'aucune preuve objective des griefs et se réfère aux témoignages qu'elle produit (pièces N°7 à 12) pour contester les attestations versées à son encontre. Elle précise que le livret « HACCP BOUCHERIE » produit pour la première fois en appel par la société COLRUYT RETAIL FRANCE n'avait jamais été porté à sa connaissance.

Sur ce :

Sur la « remballe »

Si les faits relatés par les anciens collègues de Mme [N] [R] alors qu'elle travaillait sur un autre site (pièces 17, 18 et 20) n'ont jamais fait l'objet de sanctions et sont contredits par M. [I] [G], manager de 2010 à 2012 (pièce salariée N°10), et par M. [E] [C], manager régional pour la société CODIFRANCE de 2012 à 2015 (pièce salariée N°11).

En revanche, le témoignage de M. [B] [U], intérimaire boucher, fait état des faits suivants à l'égard de Mme [N] [R] :« remballe de viande arrivée à date », « produits périmés mis dans les chutes pour faire de la chair, farce, chipolata, merguez, « elle met de la viande au libre-service avec une date conseillée par le fournisseur allant jusqu'au 28/09, mais l'étiquette indique le 1/10 », « ses erreurs se produise quotidiennement depuis que je suis arrivé c'est-à-dire un peu plus de 3 mois » (pièce employeur N°15).

M. [K] [Z], boucher-vendeur, confirme les faits des 25 et 26 septembre 2017 énoncés dans la lettre de licenciement : « 32 kilos de porc périmés qui auraient dû être jeté ont disparu. Ce même jour ont été fabriqués 15 kilos de farce à légumes et 10 kilos de chipolatas (') des filets de poulet ayant pour DLC le 30/09/17 ont servi à confectionner de l'émincé de poulet mariné. Ces derniers ont été emballé et étiqueté pour le libre-service avec pour DLC le 01/10/17 sur ordre de [N] [P] (') la liste de travail qui m'étais confié pour l'après-midi par [N] [P], comprenait de s'occuper des côtes d'agneau, pour le libre-service, qui n'étaient plus propres à la consommation de par l'aspect et l'odeur de ces dernières. J'ai donc pris la responsabilité de les jeter » (pièce employeur N°16).

Mme [N] [R] ne conteste pas les propos de l'employeur selon lesquels elle a reconnu, au cours de l'entretien préalable, pour ces journées précises, n'avoir pas suivi la procédure de saisie des déchets, avoir estimé que la viande était saine pour l'avoir goûtée et n'avoir pu expliquer la disparition de plusieurs kilos de viande.

Or, il ressort du contrat de travail de Mme [N] [R] que celle-ci devait « apporter une attention stricte au respect des règles d'hygiènes nécessitées par son activité », « respecter rigoureusement les consignes de sécurité qui lui auront été communiquées », « surveiller ses stocks au regard notamment des dates de péremption de consommation et d'assurer un réassort en conséquence », et la délégation de pouvoir dont elle bénéficiait et dont l'application n'est pas remise en cause figurant au contrat de travail lui imposait de « veiller à la bonne conservation des produits et denrées mis en vente dans le rayon « Boucherie Charcuterie Volaille Traiteur » du magasin », de « retirer immédiatement à la vente, et en faire la déclaration à la Société, les marchandises qui auraient subi une altération visible les rendant impropres à la consommation ou plus généralement à l'usage auquel elles sont destinées », ainsi que de « veiller à ce que les marchandises mises en vente ne subissent, depuis leur réception, aucune modification ou transformation d'aucune sorte dans leur substance, leur quantité ou leur conditionnement, sauf prescription spéciale de la Société » (pièce salariée N°2).

Il résulte en outre du règlement intérieur de la société CODIFRANCE dont l'application à la salariée n'est pas discutée, que « la méconnaissance de l'une quelconque des règles, mesures ou consignes résultant du dispositif d'hygiène et de sécurité applicable, constitue une faute disciplinaire passible des sanctions définies au titre V » (pièce employeur N°21, page 18).

Sur l'absence de traçabilité

Il est constaté que la société COLRUYT RETAIL FRANCE, qui reproche à Mme [N] [R] de ne pas avoir mis à jour les cahiers de traçabilité de son rayon depuis l'ouverture du magasin fin mai 2017, ne produit aucun élément pour en justifier.

Sur le non-respect des délais de vente

La société COLRUYT RETAIL FRANCE soutient que des jarrets de porc, cuits le 22 septembre 2017, ont été retrouvés dans le frigo le 26 septembre 2017, alors qu'ils auraient dû être consommés chaud le jour de la cuisson ou froid le lendemain, et que la personne qui a temporairement remplacé Mme [N] [R] le temps de sa mise à pied a également trouvé des saucisses perche à la vente depuis plus d'un mois et demi.

Il est cependant constaté que la société COLRUYT RETAIL FRANCE ne produit aucun élément justifiant de ce grief.

La cour constate que la pratique de la « remballe » par la salariée est donc établie.

Sur le grief d'avoir eu un comportement inapproprié à l'égard de ses collaborateurs

La société COLRUYT RETAIL FRANCE fait valoir que Mme [N] [R] a adopté un comportement inapproprié à l'encontre de ses collaborateurs, et que cela a eu notamment pour conséquence de créer des tensions et une dégradation de l'ambiance et des conditions de travail au sein du rayon boucherie. Elle renvoie à ce titre aux attestations de M. [U] (pièce N°15) et de Mme [A] (pièce N°19).

Mme [N] [R] soutient que les reproches de l'employeur ne sont pas démontrés et que s'ils l'étaient, ils ne constitueraient pas un motif légitime de licenciement pour faute grave. Elle explique qu'elle travaillait dans le cadre de l'ouverture d'un nouveau magasin, qu'elle était assistée d'un personnel débutant et qu'elle ne ménageait pas ses heures pour faire réussir ce projet.

Sur ce :

Le témoignage de M. [B] [U] fait état des éléments suivants à l'égard de Mme [N] [R] : « elle reproche à l'équipe de ne pas savoir faire son travail, mais elle est incapable de faire ce qu'on fait », « elle commande plus que ce qu'il faut, quand on lui fait la remarque elle nous répond : quesque sa peu te foutre », « elle m'a fait la remarque que quand elle est absente plus que 3 jours que c'est un vrai bordel, qu'on ne ses pas gérer », « n'a pas l'esprit d'équipe, selon ses mots nous sommes tous des fouteurs de merde »  (pièce employeur N°15),

Mme [W] [A], responsable de magasin, indique qu'elle s'est « toujours substitué au chef boucher non de plein grès mais parce que les bouchers et vendeuses boucherie ne trouvait pas de réponse ou de l'absence de la part de leur chef » [N] [R].

Ces deux témoignages, trop généraux et non circonstanciés ne permettent pas de démontrer les tensions et la dégradation de l'ambiance et des conditions de travail invoquées par l'employeur au sein du rayon boucherie (pièce employeur N°19).

Ce grief n'est en conséquence pas établi.

Sur le grief de n'avoir pas respecté les règles relatives à la durée du travail

La société COLRUYT RETAIL FRANCE soutient que Mme [N] [R] a imposé à une vendeuse du rayon boucherie de travailler le 26 septembre 2017 sans respecter les règles légales relatives aux temps de pause, et renvoie à ce titre au témoignage de Mme [A] (pièce N°19) ainsi qu'au fait que cette situation a été reconnue par Mme [R] au cours de l'entretien préalable.

Mme [N] [R] reprend, sur ce point, sa motivation développée au titre du précédent grief et observe que l'employeur ne produit pas les relevés d'heures de la salariée concernée.

Sur ce :

Aux termes de son attestation, Mme [A], responsable magasin, déclare que le « mardi 26 septembre 2017 je constate que [O] [H] vendeuse boucherie a effectué les horaires suivants sans pause déjeuner 07h 15H » (pièce employeur N°19).

Si l'employeur ne produit certes pas les relevés d'heures de Mme [H], rien au dossier ne permet de remettre en cause les constatations de Mme [A] relativement aux heures qui ont été effectuées par cette salariée le 26 septembre 2017.

Aussi, Mme [N] [R], dont le contrat de travail lui imposait notamment d'assurer l'emploi « dans les conditions les plus convenables en se conformant à toutes les prescriptions législatives, réglementaires et conventionnelles concernant l'emploi de personnel salarié », a enfreint les règles relatives à la durée du travail.

Le grief est dès lors établi.

Sur le grief de n'avoir pas respecté la règlementation en vigueur sur l'affichage et l'étiquetage des produits

La société COLRUYT RETAIL FRANCE fait valoir que Mme [N] [R], en sa qualité de responsable boucherie, a manqué de veiller à ce que les marchandises mises en vente soient conformes à la réglementation relative à l'affichage des prix, la publicité et les poids et mesures le 26 septembre 2017 pour avoir vendu à une cliente une viande étiquetée « entrecôte » alors qu'il s'agissait de « b'uf bourguignon ». Elle renvoie à ce titre au témoignage de Mme [A] (pièce N°19), ainsi qu'à l'attestation de M. [F], responsable du magasin de [Localité 3] (pièce N°20).

Mme [N] [R] ne conclut pas sur ce point.

Sur ce :

Il ressort du témoignage de Mme [W] [A] : « mardi 26 septembre 2017, une cliente me contacte par téléphone pour m'informer qu'après l'achat d'entrecôte à griller m'annonce que la viande est immangeable, je l'invite à passer au magasin avec tout élément qui pourrait m'aiguiller à lui fournir une explication, elle me ramène l'étiquette produit et me parle de viande en cube, après recherche, la barquette qu'elle a acheté était mal étiquetée, il s'agissait de viande b'uf bourguignon à 8,30 € étiqueté entrecôte à 19,93 euros le kilo d'autres barquettes étaient encore en rayon » (pièce employeur N°19).

Sur ce point, il résulte de la lettre de licenciement que lors de l'entretien préalable, Mme [N] [R] a admis qu'elle n'avait pas géré le produit et qu'une « erreur pouvait arriver ».

Or, à ce sujet, il est observé que l'attention de la salariée avait déjà été attirée par l'employeur sur un problème d'étiquetage le 16 juin 2017 ainsi qu'il ressort de sa pièce N°14 : « Petit point à reprendre suite à ma visite ; Prend un grande attention a l'affiche des morceaux dans ton trad, j'ai relever Rumsteack sur l'aiguillette de rumsteack ', jumeau sur le nerveux de gite ' (qui n'est pas valorisé en braisé)' ; Cela mais ton rayon en défaut d'étiquetage (tromperie en vers les clients) ».

La salariée, dont le contrat de travail lui imposait notamment de « veiller à la correspondance de l'étiquetage du produit quant à sa nature et à son prix », a en conséquence manqué à son obligation.

Le grief est dès lors établi.

Motivation :

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les griefs établis contre la salariée, relatifs au manquement aux règles d'hygiène et de sécurité en pratiquant de la « remballe », au non-respect des règles relatives à la durée du travail et à la règlementation sur l'affichage et l'étiquetage des produits, justifient un licenciement pour faute grave.

Aussi, en reconditionnant des viandes périmées, en prolongeant les dates limites de consommation et en ne respectant pas la règlementation sur l'affichage et l'étiquetage des produits alors qu'elle avait déjà été reprise sur ce point, Mme [N] [R] a contrevenu à ses obligations contractuelles et a de plus mis en danger la santé des consommateurs et fait courir un risque pénal à l'employeur.

Ces agissements caractérisent une faute grave justifiant le licenciement et rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la période de préavis.

Le jugement du conseil de prud'hommes est dès lors infirmé.

II. Sur les demandes indemnitaires

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le licenciement de Mme [N] [R] reposant sur une faute grave, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur la demande d'indemnité de licenciement

Le licenciement ayant été prononcé en raison d'une faute grave de la salariée, elle sera déboutée de sa demande d'indemnité de licenciement, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents

Le licenciement ayant été prononcé en raison d'une faute grave de la salariée, elle sera déboutée de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

III. Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Mme [N] [R] sollicite une indemnisation pour licenciement vexatoire sans toutefois motiver sa demande.

La société COLRUYT RETAIL FRANCE fait valoir que la salariée ne démontre ni l'existence de circonstances brusques, humiliantes ou vexatoires qui lui sont imputables dans lesquelles le licenciement serait intervenu, ni la réalité d'un préjudice distinct de celui occasionné par la perte de l'emploi.

Motivation :

Mme [N] [R] ne justifiant d'aucun élément permettant de constater qu'elle a été licencié dans des conditions vexatoires ou brutales, et qu'elle subit, de ce fait, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, elle sera déboutée de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

VI. Sur la demande de dommages et intérêts au titre du non respect des seuils horaires

Mme [N] [R] fait valoir qu'elle a été contrainte, certains mois, de réaliser des heures supplémentaires allant au-delà de la durée maximum hebdomadaire de travail. Elle renvoie à ce titre à l'attestation destinée à Pôle emploi faisant ressortir les heures déclarées par l'employeur (pièce salariée N°6), indiquant que le non-respect des seuils et plafonds horaires porte atteinte à sa santé.

La société COLRUYT RETAIL FRANCE mentionne que si le seuil de 151 heures a été dépassé, c'est parce que la salariée a accompli des heures supplémentaires qui lui ont été rémunérées, renvoyant à ce titre aux bulletins de salaire produits en pièce N°7.

Motivation :

L'attestation Pôle emploi sur laquelle se fonde la salariée dans le cadre de sa demande de dommages et intérêts permet à l'employeur d'y répondre utilement.

Il est constaté que l'attestation Pôle emploi fait état d'heures supplémentaires effectuées par la salariée, et la société COLRUYT RETAIL FRANCE établit, par les bulletins de paie qu'elle produit en réponse (pièce N°7), les avoir réglées dans leur totalité, ce qui n'est pas contredit par la salariée.

Mme [N] [R] ne justifie d'aucun préjudice sur le plan de sa santé qu'elle aurait subi au titre des heures supplémentaires réalisées.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

VII. Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé en ce qu'il a condamné la société COLRUYT RETAIL FRANCE au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront par ailleurs déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé en ce qu'il a condamné la société COLRUYT RETAIL FRANCE aux dépens.

Mme [N] [R] sera condamnée aux dépens de seconde instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 20 novembre 2020 en toutes ses dispositions ;

STATUANT A NOUVEAU

Dit que le licenciement de Mme [N] [R] repose sur une faute grave ;

Déboute Mme [N] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute Mme [N] [R] de sa demande d'indemnité de licenciement ;

Déboute Mme [N] [R] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;

Déboute Mme [N] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

Déboute Mme [N] [R] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect des seuils horaires ;

Y AJOUTANT

Déboute Mme [N] [R] et la société COLRUYT RETAIL FRANCE de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [N] [R] aux dépens d'appel ;

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en dix huit pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 20/02548
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;20.02548 ?
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