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28/04/2022 | FRANCE | N°20/02202

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 28 avril 2022, 20/02202


ARRÊT N° /2022

PH



DU 28 AVRIL 2022



N° RG 20/02202 - N° Portalis DBVR-V-B7E-EU7Y







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

17/00206

30 septembre 2020











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [B] [T]

[Adresse 2]>
[Localité 1]

Représenté par Me Denis RATTAIRE de la SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, substitué par Me MINE, avocats au barreau de NANCY









INTIMÉE :



S.A.S. [S] agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Clarisse MOUTON...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 28 AVRIL 2022

N° RG 20/02202 - N° Portalis DBVR-V-B7E-EU7Y

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

17/00206

30 septembre 2020

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [B] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Denis RATTAIRE de la SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, substitué par Me MINE, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A.S. [S] agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substituée par Me JEANNEY MADRIAS, avocate au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 24 Février 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK , conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU, et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 28 avril 2022;

Le 28 avril 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [B] [T] a été engagé par la société [S] sous contrat à durée indéterminée à compter du 04 janvier 2010, en qualité de responsable commercial, statut cadre.

Par courrier du 09 mars 2017, Monsieur [T] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 mars 2017, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 31 mars 2017, Monsieur [T] a été licencié pour faute grave, son employeur lui reprochant son comportement et la tenue de propos « intolérables et choquants » à connotations sexuelles tenus à l'égard de certaines salariées de la société [S] et de la société JOLIVAL, outre son attitude à l'égard d'une salariée de la société [S] placée sous son autorité, Madame [J], la non réalisation de tâches relevant de ses missions et des problèmes avec le responsable de production.

Par requête du 16 octobre 2017, Monsieur [T] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal aux fins de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 30 septembre 2020, lequel a :

- dit et jugé que le licenciement pour faute grave est bien-fondé ;

- débouté Monsieur [T] sur sa demande de requalification de son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté Monsieur [T] de sa demande d'indemnités de préavis ;

- débouté Monsieur [T] de sa demande au titre des congés payés afférents ;

- débouté Monsieur [T] de sa demande d'indemnités de licenciement ;

- débouté Monsieur [T] de sa demande d'indemnités pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- condamné la Société [S] à payer à Monsieur [T] :

- 23 777,00 euros à titre de rappel sur avantages en nature ;

- 2 377,70 euros au titre des congés payés afférents ;

- ordonné à la Société PERRAT d'établir un bulletin de paye rectificatif concernant les sommes précitées sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé le délai de soixante jours suivant la notification du jugement ;

- ordonné la remise d'une attestation Pôle Emploi et d'un solde de tout compte rectifiés sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé le délai de soixante jours suivants la notification du jugement à intervenir ;

- s'est réservé le pouvoir de liquider ladite astreinte sur simple demande de Monsieur [T] ;

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article R 1454-28 du Code du travail, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de 9 mois de salaires pour les sommes visées à l'article R 1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des trois derniers mois (6 869,43 euros x 9 = 61 824,87 euros) et est fixée à 26 154,70 euros (23 777,00 euros + 2 377,70 euros) ;

- ordonné à la société [S] de consigner les sommes visées ci-dessus auprès de la caisse des dépôts et consignations au plus tard à l'échéance du délai imparti à la partie succombant, ajoutant que la consignation devient sans objet dès la présente décision acquiert l'autorité de la chose jugée ;

- fixé la moyenne des salaires de Monsieur [T] à 6 869,43 euros ;

- débouté Monsieur [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société [S] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné chacune des deux parties à supporter 50% des dépens.

Vu l'appel formé par Monsieur [T] le 02 novembre 2020,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [T] déposées sur le RPVA le 30 novembre 2021 et celles de la société [S] déposées sur le RPVA le 13 octobre 2021,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 09 février 2022,

Monsieur [T] demande :

- de dire recevable et fondé son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal, et faire droit à l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société [S] à lui verser la somme de 23 777 euros à titre de rappel sur avantage en nature et la somme de 2 377,70 euros au titre des congés payés afférents ;

- d'infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau de :

- requalifier le licenciement pour faute grave de Monsieur [T] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- de constater que le salaire moyen de Monsieur [T] était de 6869,43 euros par mois ;

- de condamner la société [S] à verser à Monsieur [T] les sommes de :

- 82 048,20 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 20 608,29 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 2 060,82euros au titre des congés payés afférents ;

- 12 300,08 euros nets à titre d'indemnité de licenciement ;

- 20 512,07 euros nets au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens de l'instance ;

- d'ordonner la remise à Monsieur [T] de ses bulletins rectifiés sur la période de janvier 2014 au 01 avril 2015, et de ses documents de fin de contrat rectifiés, sous astreinte de 10euros par jour par document ;

- de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- de débouter la société [S] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [S] demande :

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur [B] [T] est bien- fondé ;

- débouté Monsieur [B] [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis ;

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal en ce qu'il a condamné la société [S] à payer une somme de 23.777 euros bruts à titre d'avantage en nature outre 2.377,70 euros bruts de congés payés afférents ;

- de débouter Monsieur [B] [T] de l'ensemble de ses demandes ;

- de condamner Monsieur [B] [T] au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner Monsieur [B] [T] aux entiers dépens avec autorisation de recouvrement direct au bénéfice de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 13 octobre 2021, et en ce qui concerne le salarié le 30 novembre 2021.

Sur le licenciement

L'article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave privative du préavis prévu à l'article L 1234-1 du même code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l'employeur.

La lettre de licenciement du 31 mars 2017 (pièce 8 du salarié) reproche à M. [B] [T] :

- « votre comportement et les propos intolérables et choquants à connotations sexuelles que vous tenez à l'égard de certains salariés de la société [S] et de la société JOLIVAL »

La lettre de licenciement fait sur ce point état de propos tenus à l'égard de Mesdames [G] [M], [H] [W], [V] [N], [D] [I] sur leur physique, d'un « comportement tyrannique » à l'égard de plusieurs salariés, « avec des reproches incessants et votre volonté de les rabaisser et les humilier y compris devant des tiers ». « Plusieurs de ces salariés nous ont dit avoir envisagé de quitter l'entreprise à cause de votre attitude. Certains salariés qui ont quitté la société nous ont indiqué que vous étiez à l'origine de leur départ. »

- « votre attitude à l'égard de Madame [E] [J] » :

« L'une des commerciales de la société, Madame [E] [J], nous a indiqué le 3 mars 2017 vouloir quitter la société en raison de votre attitude.

(')

Vous refusez ainsi, sans aucune raison, de lui valider ses offres commerciales, de lui communiquer les documents indispensables à son activité,(exemple : accords avec distribution ou tarifs) ou même simplement de répondre à ses questions.

Le 24 février 2017, devant son insistance, vous lui avez accordé un entretien afin d'étudier avec elle les dossiers en cours, entretien que vous avez écourté pour des raisons personnelles.

Elle nous a également indiqué que vous pratiquiez délibérément de la rétention d'informations, la mettant ainsi dans une situation délicate vis-à-vis des clients.

(')

Madame [E] [J] n'était pas informée de toutes les informations tarifaires. Elle avait simplement réussi à obtenir, après de nombreuses demandes, quelques tarifs .

(...) »

- « Certaines tâches qui vous incombaient n'étaient pas réalisées :

Outre les dossiers de Madame [E] [J] qui n'étaient pas validés, nous avons constaté que des missions qui vous incombaient n'étaient pas réalisées.

Ainsi, certains contrats avec des clients distributeurs n'ont pas été retournés dans les délais (contrats cadres alliances locales magasin LECLERC, plans d'affaires annuels 2017 CARREFOUR, LEADER PRICE, COLRUYT).

Dans votre réponse, vous reconnaissez que certains contrats n'étaient pas signés en faisant état, pour vous justifier, de « problématiques ».

Or, il vous appartenait précisément de gérer ces difficultés dont, pour certaines, vous étiez informé depuis plusieurs mois.

Votre mission de Directeur Commercial implique que vous relisiez et validiez les contrats. (...) »

« 4- Problèmes avec le responsable de la production

Le responsable de la production nous a également fait part des difficultés à travailler avec vous à la fois du fait de votre comportement agressif mais aussi de l'absence de communication.

Vous ne lui donnez pas les renseignements nécessaires (exemples : commandes reçues directement par le Responsable de Production sur sa boîte mails sans indications des volumes ou demande de produits spécifiques par exemple sur le salon Scapalsace au dernier moment).

Ces faits ne permettent pas une gestion optimale de la production et nuisent à la productivité de l'entreprise.

(...) »

M. [B] [T] indique au préalable qu'il conteste chacun des quatre griefs, et ajoute que « le fait qu'aucun des agissements soit disant reproché à Monsieur [T] ne soit daté est crucial. En effet, l'absence de datation fait échec à la contradiction en ne permettant pas au concluant de vérifier la véracité de ces faits notamment en prouvant qu'il n'était pas là aux dates éventuelles ou de rechercher d'éventuels témoins, et enfin de prouver la date à laquelle ils auraient été portés à la connaissance de l'employeur. (') Elle ne permet pas non plus à Monsieur [T] et à la cour de vérifier une éventuelle prescription. »

S'agissant des faits reprochés, la date n'a pas à être précisée, si l'exigence d'avoir des motifs précis est par ailleurs respectée.

En ce qui concerne la date à laquelle les faits ont été portés à la connaissance de l'employeur, il convient de souligner que M. [B] [T] n'en tire aucun argument, ne soutenant pas de façon explicite que les faits reprochés seraient prescrits.

En ce qui concerne les propos et le comportement à l'égard de salariés, la société [S] indique que la société JOLIVAL vend ses produits et est également dirigée par sa gérante, Mme [L] [S] ; elle précise que la société JOLIVAL se situe sur le même site, et le magasin de la société JOLIVAL sert de vitrine commerciale pour les produits fabriqués par la charcuterie, et tous les clients ou prospects étaient reçus par M. [B] [T] dans ce magasin.

L'intimée explique que suite aux révélations de Mme [E] [J], Mme [L] [S] a décidé d'interroger d'autres salariés de la société ou du magasin LE VOSGIEN GOURMET dépendant de la société JOLI VAL.

La société [S] rapporte plusieurs propos et vise diverses pièces :

- pièce 20, l'attestation de Mme [G] [M] qui dit « je suis employée de vente au vosgien gourmet depuis février 2010. Le comportement de Mr [B] [T] a toujours été très aléatoire. A plusieurs reprises il s'est permis de me dire « je t'aime mon amour » et n'hésitait pas à avoir les mains baladeuses ' (') Dernièrement j'ai eu droit à « Tu as de belles fesses médaille d'or » (...) »

- pièce 23, autre attestation de Mme [M] qui reprend ce qu'elle dit en pièce 20

- pièce 24, attestation de Mme [H] [W], qui explique : « (') atteste être salariée au vosgien gourmet depuis avril 2014. J'ai constaté à plusieurs reprises des comportements anormaux de Monsieur [B] [T] en vers moi. Il me fait régulièrement des avances et des gestes déplacés à mon égard. (') A plusieurs reprises dont dernièrement il m'a déclaré : alors tu n'es toujours pas décidée à céder à mes avances ' Tu n'évolueras donc jamais tu resteras toujours une petite vendeuse ! De toute façon tu finiras par céder ! Il m'a demandé plusieurs fois d'aller en boîte avec lui en Allemagne et de finir la soirée chez lui. Sinon dès qu'il vient au Vosgien Gourmet il me prend dans ses bras (même devant les clients) il me dit t'es belle, ma chérie, mon amour tu as de des belles fesses. (') L'unique fois où je me suis défendue verbalement, Monsieur [B] [T] était dans un état d'hystérie. Depuis comme beaucoup, je n'ose plus me défendre. (...) »

- en pièce 25, la même attestation établie sur formulaire, avec la copie de la pièce d'identité

- en pièces 26 et 27, l'attestation de Mme [D] [I] : « Je viens par ce courrier vous signaler le comportement de Mr [T] [B], mon responsable hiérarchique. Je suis rentrée dans la société [S] en avril 2016. Je suis restée en formation avec lui pendant 1 mois 1/2 environ. Durant toute cette période, j'ai dû subir ses assauts, ses remarques salasses, ses propositions que j'ai bien évidemment repoussés et que j'ai accentué en lui disant que JAMAIS JAMAIS JAMAIS il ne se passerait quelque chose (...) »

- en pièce 28, l'attestation de Mme [C] [Z], qui fait d'abord état notamment de difficultés relatives à des informations commerciales ; elle indique également : « M. [T] avait des gestes inappropriés, en effet en rentrant dans le bureau commercial, ce dernier posait sa main sur l'épaule de Mme [F] [Y], qui était en train de faire une saisie informatique »

M. [B] [T] estime que ces attestations ne font état d'aucun fait précis et vérifiable. Il estime que les attestations produites sont l'instrument de Mme [S] qui a cherché à lui faire quitter l'entreprise à moindres frais.

En ce qui concerne l'attestation de Mme [M], il fait valoir qu'elle est salariée d'une autre société. Il explique qu'elle l'a invité à plusieurs reprises à prendre un verre chez elle, et que leurs relations sont restées amicales. Il conteste le contenu de l'attestation.

Il conteste le contenu des autres attestations ; s'agissant de celle de Mme [K] [Z] épouse [A], qui fait état d'un comportement à l'égard de Mme [Y] [F], il fait valoir que cette dernière, dans son attestation, n'en fait pas état.

Aux termes des dispositions de l'article L1153-1 du code du travail, aucun salarié en doit subir des faits de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Les attestations précitées, auxquelles renvoie M. [B] [T], décrivant un comportement habituel, ne peuvent encourir le reproche de ne pas dater les faits qu'elles évoquent, dès lors qu'elle décrivent un comportement habituel et récurrent, et ne portent pas sur des faits limités dans le temps.

M. [B] [T] ne produit aucun élément susceptible de contredire les attestations précitées en ce qu'elles décrivent de sa part un comportement de harcèlement sexuel.

Dans son attestation produite en pièce 43 par la société [S], mais à laquelle l'intimée ne renvoie pas pour justifier du grief de comportement, Mme [Y] [F] n'évoque pas cette attitude, son attestation ne portant que sur la chute de l'appelant sur son lieu de travail le 06 février 2017, et le fait qu'il a refusé arrêt de travail et congés.

Ceci n'enlève cependant pas aux autres attestations, concordantes sur l'attitude de M.[B] [T], leur force probante.

Ces faits, démontrés, sont suffisamment graves pour justifier le licenciement prononcé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs contenus dans la lettre de licenciement.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point et sur les demandes indemnitaires qui s'y rattachent.

Sur la demande au titre des avantages en nature

La société [S] expose que jusqu'en décembre 2013, un avantage en nature apparaissait sur les bulletins de salaire de M. [B] [T] dès lors qu'elle prenait en charge le loyer du logement qu'il occupait ; il a ensuite volontairement quitté son logement de fonction ; il n'y avait donc plus lieu de maintenir cet avantage sur les bulletins de salaire.

La société [S] souligne que l'avantage en nature n'est pas un complément de salaire, mais est déduit du salaire net.

M. [B] [T] fait valoir que l'avenant rémunération à son contrat de travail prévoyait le bénéfice d'un logement de fonction ; il explique que Mme [L] [S] est venue habiter avec lui dans ce logement de fonction, et qu'à leur séparation elle s'y est maintenue, l'obligeant à le quitter ; la société ne lui en a pas attribué un nouveau.

Il ressort de la lecture de l'avenant au contrat de travail en pièce 2 de M. [B] [T] que l'avantage en nature consistant en un logement de fonction lui a été attribué à compter du 1er octobre 2011.

Il n'est pas contesté qu'il a bénéficié de cet avantage jusqu'en décembre 2013 ; le bulletin de salaire de décembre 2013 produit par M. [B] [T] aux débats en pièce 14 le fait apparaître, pour un montant de 767 euros.

A l'examen de ce bulletin de paie, cet avantage n'apparaît pas comme un élément du salaire de base, qui aurait été servi en nature, mais comme un complément de salaire, celui-ci servant au calcul du salaire brut et du salaire imposable. Il n'est pas déduit du salaire net imposable, mais en est bien une composante, tel que cela apparaît sur le bulletin de paie de décembre 2013.

Il n'est ni soutenu ni démontré que M. [B] [T] aurait renoncé à cet avantage par un nouvel avenant à son contrat de travail ; il n'est pas non plus soutenu qu'il y aurait eu une renonciation tacite de la part de l'appelant.

Dès lors, le paiement de cet avantage lui est dû.

La société [S] ne critique pas le calcul qui en est fait par le salarié.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [B] [T] reproche à son employeur de ne pas avoir procédé à des déclarations d'accidents du travail, survenus 10 juin 2016 et le 06 février 2017.

Il estime qu'au moins une déclaration de travail aurait dû être faite pour chacun des deux jours d'hospitalisation qu'il a connu à ces occasions.

Il explique que s'il ne s'est pas vu prescrire d'arrêt de travail, c'est parce que Mme [S] le lui a demandé.

M. [B] [T] précise avoir été finalement placé en arrêt de travail à compter du 09 mars 2017, après que son employeur a tenté de lui imposer une rupture conventionnelle.

La société [S] fait valoir que l'accident de travail allégué du 10 juin 2016 n'est pas démontré, le fait que M. [B] [T] se soit rendu au centre hospitalier ne peut constituer une preuve ; en ce qui concerne l'accident du 06 février 2017, elle indique que M. [B] [T] a effectivement chuté dans les escaliers de l'entreprise, mais qu'il n'a pas voulu faire intervenir les secours, ce qui a cependant été fait ; il n'a remis aucun arrêt de travail ni document médical, cet accident a donc été inscrit sur le registre des accidents bénins.

La société [S] affirme que c'est M. [B] [T] qui n' a pas souhaité se voir prescrire d'arrêt de travail.

S'agissant de l'accident allégué du 10 juin 2016, M. [B] [T] renvoie à ses pièces 20, 5 et 9.

La pièce 20 est un certificat de passage du centre hospitalier de [Localité 5], sans autre mention que le fait que M. [B] [T] est venu le 10 juin 2016 à 15h07 ; la pièce 5 est un courrier de M. [B] [T] adressé à la société [S], daté du 16 mars 2017, dans lequel il fait état de ce que « le 9 mars 2017 vous m'avez agressé parce que je vous avais demandé pourquoi vous n'aviez pas déclaré les deux accidents de travail et les burn out dont j'ai été victime » ; la pièce 9 est un courrier de l'appelant adressé à l'intimée, dans lequel il demande que l'employeur lui envoie ses documents de fin de contrat et précise qu'il entend contester son licenciement.

Ces éléments ne démontre pas l'existence de l'accident de travail allégué.

M. [B] [T] sera donc débouté de sa demande pour celui-ci.

S'agissant de l'accident du 06 février 2017, la société [S] produit :

- en pièce 28 l'attestation de Mme [C] [Z] épouse [A], qui explique que « le 6 février 2017, M. [T] a été victime d'un accident, qu'il a été pris en charge par les sauveteurs secouristes du travail ,de l'entreprise puis par les pompiers à la demande de notre secouriste et de Mme [S], car M. [T] ne voulait pas qu'on les appelle. Les faits ont été consignés dans le tableau accident mineur avec ou sans AT de l'entreprise. A la sortie de l'hôpital, M. [T] ne nous a pas remis de document d'accident ou d'arrêt de travail. (...) »

- en pièce 35 un extrait du « tableau accident mineur » sur lequel est mentionné à la date du 06 février 2017 l'accident de M. [B] [T] ; il est précisé qu'il a été transféré aux urgences par les secours

- en pièce 43, l'attestation de Mme [Y] [F] qui indique que « (') M. [T] suite à sa chute du 6 février 2017 a été emmené à l'hôpital d'[Localité 4] par les pompiers et en est ressorti l'après-midi même, sans arrêt de travail. Il m'a expliqué que les médecins ne lui en avait pas proposé, et qu'il ne souhaitait pas être arrêté. (...) ».

M. [B] [T], qui reproche à l'employeur de ne pas avoir déclaré cet accident, renvoie à ses pièces 5 et 9 ; il s'agit d'un courrier du 16 mars 2017, adressé à la société [S], dans lequel il indique notamment « Je réitère donc ma demande de régularisation de mes accidents de travail ('), et d'un courrier du 08 avril 2017, adressé à l'intimée, dans lequel il écrit notamment : « Je vous mets une nouvelle fois en demeure de justifier que vous avez bien procédé à la déclaration des accidents du travail dont j'ai été victime. »

En application des dispositions de l'article L.441-2 du code de la sécurité sociale, l'employeur qui a connaissance d'un accident du travail doit le déclarer.

Il résulte des pièces précitées que, même si dans un premier temps l'attitude de M.[B] [T] pouvait laisser à penser qu'il ne souhaitait pas que son accident fasse l'objet d'une déclaration, ses courriers précités manifestaient la position inverse, de sorte que l'employeur aurait dû alors procéder à la déclaration.

M. [B] [T] ne précise pas quel est son préjudice.

Dans ces conditions, il sera fait droit à sa demande à hauteur de 1500 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal le 30 septembre 2020, sauf en ce qu'il a débouté M. [B] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Statuant à nouveau dans cette seule limite,

Condamne la société [S] à payer à M. [B] [T] 1500 euros (mille cinq cents euros) pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 20/02202
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;20.02202 ?
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