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26/04/2022 | FRANCE | N°21/00905

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 26 avril 2022, 21/00905


ARRÊT N° /2022

SS



DU 26 AVRIL 2022



N° RG 21/00905 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EX64







Pole social du TJ de CHARLEVILLE MEZIERES

19/00269

09 mars 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1









APPELANT :



Monsieur [K] [B]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparant, assisté de Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS









INTIMÉE :



[10] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie PAILLER de la SELEURL CABINET STEPHANIE PAILLER AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, sub...

ARRÊT N° /2022

SS

DU 26 AVRIL 2022

N° RG 21/00905 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EX64

Pole social du TJ de CHARLEVILLE MEZIERES

19/00269

09 mars 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANT :

Monsieur [K] [B]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparant, assisté de Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

[10] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie PAILLER de la SELEURL CABINET STEPHANIE PAILLER AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Sandrine BOUDET, avocat au barreau de NANCY

EN PRESENCE DE :

DÉFENSEUR DES DROITS prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 13]

[Localité 5]

Représenté par Mme [C] [H], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président :M. HENON

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier :Madame TRICHOT-BURTE (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 15 Mars 2022 tenue par M. HENON, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 26 Avril 2022 ;

Le 26 Avril 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

Faits, procédure, prétentions et moyens :

M. [K] [B] exerce une activité indépendante de conseil en informatique depuis le mois de juin 1994, avec une période d'interruption du 1er avril 2002 au 30 juin 2004.

En mai 2018, la [8] ([10]) a notifié à M. [B] une attestation d'affiliation à compter du 1er janvier 2017.

Le 18 décembre 2018, M. [K] [B] a saisi la commission de recours amiable de la [10] aux fins d'obtenir la validation gratuite des trimestres et points de retraite sur les régimes de retraite de base et de retraite complémentaire depuis 1994 et la transmission d'un relevé de situation individuelle conforme accessible en ligne.

Par lettre recommandée du 4 juillet 2019, M. [K] [B] a saisi le pôle social du Tribunal de Grande Instance de Charleville, devenu le pôle social du Tribunal judiciaire de Charleville.

Par jugement du 9 mars 2021, le Tribunal a :

- déclaré recevable l'action de M. [K] [B] comme non prescrite,

- décidé de la mise hors de cause de l'URSSAF,

- débouté M. [K] [B] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmé la décision de rejet implicite de la Commission de recours amiable,

- débouté la [10] et la [11] de leurs demandes en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. [K] [B] aux entiers dépens.

Par acte du 8 avril 2021, M. [K] [B] a interjeté appel total de ce jugement.

Selon une décision du 7 décembre 2021, le défenseur des droits a présenté des observations en vertu de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 insistant sur la défaillance des caisses de retraite dans leur mission de service public et soulignant la nécessité de réparer le préjudice de retraite de M. [B].

Suivant ses conclusions déposées à l'audience du 15 mars 2022, M. [K] [B] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement rendu le 9 mars 2021 par le Pôle Social du Tribunal judiciaire de Charleville Mézières sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. [B] comme non prescrite,

Et statuant à nouveau :

- annuler la décision implicite de rejet de la Commission de recours amiable,

A titre principal sur l'indemnisation du préjudice financier :

- condamner la [10] à lui valider gratuitement les trimestres d'assurance, points du régime de base et points de retraite complémentaire sur les périodes 1994-2002 et 2004-2017 et sur la base des revenus régulièrement déclarés par le demandeur,

A titre subsidiaire sur l'indemnisation du préjudice financier :

- condamner la [10] à lui verser une somme de 130.000 euros de dommages intérêts au titre du préjudice de perte de capital retraite résultant du défaut d'affiliation sur les périodes 1994-2002 et 2004-2016,

A titre encore plus subsidiaire, sur l'indemnisation de la perte de chance :

- condamner la [10] à lui verser une somme de 117.000 euros de dommages intérêts en réparation de la perte de chance de ne pas cotiser sur un régime de retraite obligatoire sur les périodes 1994-2002 et 2004-2016 ;

En tout état de cause,

- condamner la [10] à lui verser la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral,

- condamner la [10] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la [10] aux dépens.

Selon conclusions du 15 mars 2022, la [10] demande à la cour de :

A titre liminaire et principal,

-JUGER irrecevable la demande de condamnation de la [10] à verser à Monsieur [K] [B] une somme de 130.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice de perte de capital retraite résultant du défaut d'affiliation sur les périodes 1994- 2002 et 2004-2016, comme étant une demande nouvelle en cause d'appel,

A titre liminaire et subsidiaire,

·DIRE ET JUGER qu'il n'est pas démontré que la [10] ait manqué à ses obligations ou ait commis une faute à l'égard de Monsieur [B] ;

·DIRE ET JUGER qu'il n'est pas démontré que les prétendus manquements reprochés la [10] aient privé Monsieur [B] d'une chance de percevoir un capital retraite résultant du défaut d'affiliation;

·DIRE ET JUGER que les fautes alléguées à l'encontre de la [10] et les préjudices argués par Monsieur [B] ne sont pas démontrés et qu'ils sont sans lien avec les fautes alléguées;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour d'appel de céans devait juger fondée la demande indemnitaire de Monsieur [B], au visa des pièces communiquées:

·REDUIRE les préjudices allégués à leur plus simple expression,

En tout état de cause

-CONFIRMER le jugement entrepris ;

Et, en conséquence,

-CONFIRMER la décision implicite de rejet de la [12] ;

-DEBOUTER Monsieur [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

-CONDAMNER Monsieur [B] à régler à la [7] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.

Le Défenseur des droits a développé ses observations à l'audience du 15 mars 2022 auxquelles il convient de faire référence pour plus ample exposé.

Motifs :

1/ Sur la demande principale de validation gratuite de trimestres d'assurances :

Il convient de constater que les parties s'accordent à voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. [K] [B] comme non prescrite.

Il résulte des articles L. 622-5 et R. 641-1, 11°, du code de la sécurité sociale que les architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, géomètres, experts et conseils, artistes auteurs ne relevant pas de l'article L. 382-1, enseignants, professionnels du sport, du tourisme et des relations publiques, et membres de toute profession libérale non rattachée à une autre section relevant de l'organisation autonome de l'assurance vieillesse des professions libérales, sont obligatoirement affiliés à la [10] (2e Civ., 4 mai 2016, pourvoi n° 15-18.204).

Il résulte de l'article 2 du décret n° 79-263 du 21 mars 1979 que le régime d'assurance invalidité-décès est financé par des cotisations dont les architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, géomètres, experts et conseils, artistes auteurs ne relevant pas de l' article L. 382-1 du code de la sécurité sociale , enseignants, professionnels du sport, du tourisme et des relations publiques affiliés à la section professionnelle des professions libérales sont obligatoirement redevables en sus de la cotisation du régime d'assurance vieillesse de base des professions libérales et de la cotisation du régime d'assurance vieillesse complémentaire, sans que cette obligation ne soit subordonnée à la notification préalable d'une décision d'affiliation par l'organisme de sécurité sociale (2e Civ., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-22.220, Bull. 2017, II, n° 177).

Selon les articles D. 642-1 et R. 643-10 du code de la sécurité sociale, les cotisations sont exigibles annuellement d'avance et celles non acquittées dans le délai de cinq suivant la date de leur exigibilité ne peuvent plus être prises en considérations pour le calcul de la pension de retraite.

Il résulte des textes précités que les droits à prestations sont déterminés par les cotisations acquittées par les affiliés à ce régime.

A supposer même l'existence d'une faute de la part de la [10] comme l'intéressé l'invoque, il reste qu'un tel manquement se résout en allocation de dommages intérêts mais ne saurait être de nature à lui conférer de droit à voir valider des trimestres d'assurance et points du régime de retraite de base de la [10] dès lors qu'une telle validation de droits suppose d'avoir corrélativement cotisé dans les conditions rappelées par les textes sus mentionnés, ce qui n'a pas été le cas comme la caisse le fait valoir.

Il convient dans ces conditions de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

2/ Sur la demande tendant à l'allocation de dommages intérêts :

A/ Sur la recevabilité de la demande :

Il résulte des dispositions des articles 564 et 565 du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait et que ne sont pas nouvelles les prétentions tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Selon la jurisprudence, une demande de réparation par équivalent tend aux mêmes fins qu'une demande tendant à l'exécution en nature d'une obligation (en ce sens et rapprocher, 2e Civ., 10 mars 2004, pourvoi n° 02-15.062, Bulletin civil 2004, II, n° 99, 3e Civ., 10 novembre 2009, pourvoi n° 08-17.526, Bull. 2009, III, n° 248; 3e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-12.291, Bull. 2016, III, n° 35°).

La [10] qui rappelle que l'intéressé forme pour la première fois en appel une demande indemnitaire, soutient que celle-ci est irrecevable car ne tendant pas aux mêmes demandes quelles formulées en première instance. En première instance et au début de l'instance d'appel, l'intéressé sollicitait la validation gratuite de trimestres d'assurance et points de retraite alors qu'il demande à titre subsidiaire une somme à titre de dommages intérêts.

Cependant, il convient de constater que tant en première instance qu'à hauteur d'appel, l'intéressé fait état de fautes de l'organisme de sécurité sociale l'ayant privé de ses droits à retraite en sorte que la demande initialement formée tendant par une exécution en nature à la validation gratuite de trimestre et points d'assurance retraite tend à la même fin que la demande tendant à voir réparer par équivalent les conséquences des manquements imputés par l'intéressé à la [10] en sollicitant l'allocation de dommages intérêts, en sorte que les demandes indemnitaires ainsi formées sont recevables.

B/ Sur le bien-fondé de la demande indemnitaire :

Il résulte des dispositions des articles R. 641-1, R. 641-2, R. 641-3 et R641-4 du code de sécurité sociale dont le dispositions ont été reprises par l'effet de la loi n° 2003-775 du 21 aout 2003 aux articles L. 641-1, L. 641-2 et L 641-5 du code de sécurité sociale que l'Organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales comprend une caisse nationale, la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales chargée d'assurer la gestion de ce régime et des sections professionnelles, dotées de la personnalité juridique et de l'autonomie financière instituées par décret en Conseil d'Etat.

Selon l'article R. 643-1 du code de sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret 85-1353 applicable au litige, toute personne qui commence ou cesse d'exercer une profession libérale est tenue de le déclarer dans le délai d'un mois à la section professionnelle dont elle relève, en vue de son immatriculation ou de sa radiation. La date d'effet de l'immatriculation ou de la radiation est le premier jour du trimestre civil suivant le début ou la fin de l'activité professionnelle.

Il résulte des dispositions de l'article L. 642-1 du code de sécurité sociale que toute personne exerçant une activité professionnelle relevant de l'Organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales est tenue de verser des cotisations destinées à financer le régime, les prestations d'assurance vieillesse et les charges énumérées par ce texte et ce dans les conditions et charges qui ont été précédemment rappelées pour ce qui concerne les personnes relevant de la [10].

Aux termes des articles L. 131-6-2 et L. 642-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction applicable aux cotisations et majorations de retard litigieuses, le second alors applicable, rendus applicables par l'article 3 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié aux cotisations dues au titre du régime d'assurance vieillesse complémentaire des architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, experts et conseils, et 3.12 des statuts de la [8] approuvés sur ce point par l'arrêté du 3 octobre 2006, les cotisations au régime d'assurance vieillesse complémentaire des architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, experts et conseils sont calculées, chaque année, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu professionnel de l'avant-dernière année ou des revenus forfaitaires, et font l'objet, lorsque le revenu professionnel est définitivement connu, d'une régularisation.

*

Il résulte des dispositions des articles 2 et 3 du décret n°81-257 du 18 mars 1981 que des centres de formalités permettent aux entreprises de souscrire en un même lieu et sur un même document les déclarations auxquelles elles sont tenues par les lois et règlements dans les domaines juridique, administratif, social, fiscal et statistique, afférentes à leur création, à la modification de leur situation et à la cessation de leur activité notamment par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (U.R.S.S.A.F.) et des caisses générales de sécurité sociale pour les membres des professions libérales.

Selon l'annexe 1 de ce décret les organismes destinataires des formalités des entreprises chargées de transmettre les informations recueillies par ces centres comprennent notamment les U.R.S.S.A.F. ou caisses générales de sécurité sociale ; les organismes du régime général chargés de la gestion de l'assurance vieillesse ainsi que de la tarification et de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles; les organismes d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles, commerciales et libérales et les caisses départementales ou pluri-départementales de mutualité sociale agricole.

La loi n° 94-126 du 11 février 1994, qui a eu pour objet de donner « une base légale au système de déclaration et de guichet unique institué par la décret n° 81-257 du 18 mars 1981 sur les centres de formalités des entreprises ([9]) » comme le soulignait le rapport du Sénat (Cf. RTD Com. 1994 p.242), a énoncé en son article 2, dans sa version applicable à l'espèce, que l'obligation pour une entreprise de déclarer sa création, la modification de sa situation ou la cessation de ses activités auprès d'une administration, personne ou organisme visés à l'article 1er est légalement satisfaite par le dépôt d'un seul dossier comportant les diverses déclarations que ladite entreprise est tenue de remettre aux administrations, personnes ou organismes visés à l'article 1er, à savoir es administrations de l'Etat, les établissements publics de l'Etat à caractère administratif, les collectivités locales, leurs groupements et leurs établissements publics à caractère administratif, les personnes privées chargées d'un service public administratif, à l'exception des ordres professionnels, les organismes gérant des régimes de protection sociale relevant du code de la sécurité sociale et du code rural ou visés aux articles L. 223-16 et L. 351-21 du code du travail et les organismes chargés de la tenue d'un registre de publicité légale, y compris les greffes.

Les dispositions du décret n°96-650 du 19 juillet 1996 relatif aux centres de formalités des entreprises, pris pour l'application de la loi du 11 février 1994, ont repris en leurs substances les dispositions susmentionnées du décret du 18 mars 1981 en particulier pour la désignation des destinataires des informations recueillies à l'occasion des déclarations faites par les entreprises et membres des professions libérales et celles des organismes compétents pour les fonctions de [9].

*

L'intéressé qui fait état d'une faute de la [10] à l'occasion du processus d'affiliation, soutient que le tribunal a procédé par un interprétation erronée en considérant que le [9] n'était pas tenu de transmettre la déclaration de début d'activité à l'organisme d'assurance vieillesse. Il précise que notamment en 2004 lors du dépôt de création d'entreprise, il lui a été indiqué que ce dossier serait transmis à la [11]. Il résulte une faute dans le processus d'affiliation. Et ce d'autant que le propre site de la [10] explique qu'à la suite d'une inscription au [9] les personnes se trouvent automatiquement affiliées. La Cour des comptes et le Défenseur des droits mettent en évidence des manquements de cet organisme de sécurité sociale. Au cours de son activité, la [10] a commis une faute en omettant d'appeler les cotisations alors qu'il respectait son obligation annuelle de déclaration au moyen de la déclaration sociale des indépendants. Il précise qu'il ne saurait lui être reproché de faute tenant au fait qu'il ne se serait pas acquitté spontanément des cotisations dont il ne connaissait cependant ni le montant, ni l'assiette, ni la date d'exigibilité. Le Défenseur des droits met en avant le caractère extrêmement complexe du calcul des cotisations et répond à des modalités évolutives. Il fait valoir qu'il a été privé de la possibilité de cotiser et de régulariser sa situation. Sa situation étant analogue à celle d'un employeur fautif n'ayant pas cotisé, il est fondé à obtenir la réparation de son préjudice résultant de la perte financière. En tout état de cause il a subi une perte de chance.

La [10] qui conteste toute faute sa part, fait substantiellement état de l'absence d'information d'un défaut d'activité de l'intéressé alors qu'il avait l'obligation de se déclarer auprès de l'organisme. Elle précise que les cotisations étant portables et non quérables, il incombe exclusivement au cotisant de s'assurer du bon règlement de celle-ci, et le fait que l'adhérant ait déclaré son activité auprès du [9] ne l'exonère en rien de son obligation de se déclarer auprès des services de la caisse. Le défaut d'affiliation de l'intéressé résultant de sa carence et ce dernier n'ayant réglé aucune cotisation pendant 25 ans, ce qui a majoré son revenu, celui-ci ne peut obtenir de reconstitution de carrière gratuite.

*

Au cas présent, il convient de relever que le différend entre les parties porte sur les périodes d'activité de l'intéressé en qualité de conseil en informatique entre le mois de juin 1994 et le 1er avril 2002, puis après une période d'interruption, entre le 30 juin 2004 jusqu'au 1er janvier 2017.

Il est établi que l'intéressé a procédé aux démarches auprès du [9] compétent en 1994 quant à la création de son activité, en 2002 quant à la cessation de celle ainsi qu'il résulte des copies de ces formalités produites aux débats et des récépissés délivrés à cette occasion.

Il résulte des dispositions tant législatives que réglementaires issues du décret du 18 mars 1981 et de la loi du 11 février 1994, que l'obligation pour une entreprise de déclarer sa création, la modification de sa situation ou la cessation de ses activités auprès d'une administration, personne ou organisme visés à l'article 1er est légalement satisfaite par le dépôt d'un seul dossier auprès d'un CFE.

Il s'ensuit qu'en procédant aux formalités de création d'activité auprès du [9] compétent, l'intéressé asatisfait aux obligations déclarations qui lui incombent en particulier celles énoncées à l'article R. 643-1 du code de sécurité sociale dès lors qu'il résulte des textes sus mentionnés que la réalisation des déclarations auprès du [9] compétent a également pour objet de transmettre les informations recueillies à cette occasion auprès des organismes désignés par les annexes de ces textes, au nombre desquelles figurent les organismes d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles, commerciales et libérales.

Ainsi la [10] ne saurait soutenir que l'intéressé a manqué à son obligation de se déclarer alors qu'il a procédé aux déclarations nécessaires qui lui incombaient et que les allégations de l'URSSAF devant le premier juge telles qu'elles résultent des conclusions de cet organisme de sécurité sociale produites aux débats devant la cour par l'intéressé selon lesquelles il a été procédé aux démarches liées aux fonctions de cet organisme en tant que [9] en particulier de transmission des informations aux organismes de protection sociale concernés, ne sont pas remises en cause par la [10].

Cette même caisse ne saurait également alléguer de son ignorance de la situation de l'intéressé alors même qu'elle devait être destinataire des informations concernant l'intéressé à la suite des déclarations et formalités réalisés auprès de l'URSSAF en sa qualité de [9], via notamment la [11], sauf à relever que le dysfonctionnement persistant concernant le fonctionnement de la caisse quant à l'affiliation des personnes concernées invoqué par l'intéressé se trouve corroboré non seulement par les explications du Défenseur des droits et les rapports de la Cour des comptes produits aux débats, mais encore par les propres courriers de cette caisse adressés à l'intéressé en 2019. En effet, il convient de relever que dans le cadre d'échanges entre l'intéressé et la [10] portant notamment sur l'affiliation de ce dernier et les cotisations dues en conséquence, le service cotisations de cet organisme de sécurité sociale sous la signature de la même personne, a par une lettre 13 juin 2019 annulé l'affiliation de l'intéressé au vu d'une déclaration faite par l'intéressé dont la nature n'est pas précisée et par une lettre du 14 juin 2019 attester d'une ré-affiliation de ce dernier à compter du 1er janvier 2017 sans qu'aucune explication ne puisse justifier ce brusque changement d'un jour à l'autre.

Par ailleurs, il est établi que l'intéressé a adressé les déclarations communes de revenus propres aux professions indépendantes à compter de 1995 et qui étaient destinées à l'ensemble des organismes de sécurité sociale compétents dont la [11] en application des dispositions de l'articles R. 115-5 du code de sécurité sociale et ayant fait l'objet d'une convention en date du 19 décembre 1996 dans le cadre de laquelle la [11] représente notamment la [10], en sorte que cet organisme devait être réceptionnaire des informations de revenus le concernant et en tirer les conséquences nécessaires en terme d'affiliation et d'appel de cotisations. A cet égard, l'intéressé pouvait légitimement croire que les revenus ainsi déclarés étaient adressés à la caisse de retraite compétente dans la mesure où ces documents comprennent l'indication de la [11].

Il résulte de ce qui précède que la [10], ainsi qu'il a déjà été rappelé qui n'a pas tiré les conséquences des informations dont elle était rendue destinataire en terme d'affiliation et d'appel de cotisations, notamment s'agissant de la régularisation devant être effectuée une fois les revenus définitifs connus, a commis une faute ayant eu pour effet d'affecter les droits de l'intéressé au titre du régime d'assurance vieillesse de base et complémentaire gérée par cette caisse et dont ce dernier dépend du fait de son activité.

Si ce manquement a obéré la connaissance pour l'intéressé quant à sa situation au regard de l'assurance vieillesse et partant sa capacité à prendre ses dispositions pour cotiser et acquérir des droits à retraite, il convient cependant de relever que cette faute ne saurait être considérée comme ayant absolument interdit à l'intéressé de cotiser et partant de voir indemniser son préjudice par l'allocation d'une somme à titre de dommages intérêts équivalente à la perte des droits à retraite.

A cet effet, et contrairement aux allégations de l'intéressé, sa situation n'est pas comparable à celle d'un salarié victime d'un manquement de l'employeur à ses obligations déclaratives et de paiement de cotisations dans la mesure où le règlement de ces cotisations incombe personnellement à l'intéressé. A cet égard, il convient de relever que si la faute de la caisse a pu l'induire en erreur, il n'en reste pas moins que l'intéressé avait cependant la possibilité de vérifier, au cours d'une période litigieuse qui s'étend sur plus de vingt ans marquée par de nombreuses réformes en matière de retraite devant attirer l'attention, que les cotisations versées ne couvraient pas l'assurance vieillesse ce que pouvait relever un examen minutieux des appels de cotisations dont il s'est trouvé réceptionnaire dans la mesure où ceux qu'il produit permettent de mettre en évidence la nature des cotisations et contributions appelées ( CSF, allocations familiales, assurance maladie) lesquels ne comprenaient pas de sommes au titre de l'assurance vieillesse obligatoire et complémentaire.

De surcroit, une indemnisation constituée par l'allocation d'un capital équivalent à la perte des droits à retraite ne saurait être retenue dans la mesure où, comme l'invoque à juste titre la [10], l'intéressé en ne cotisant pas a vu ses revenus majorer tout au long de la période considérée, de sorte qu'une indemnisation par l'allocation d'un capital équivalant aux droits qui auraient dû être acquis par versements de cotisations tout en lui permettant de conserver le fruit de ces revenus majorés serait contraire au principe de réparation intégrale sans perte ni profit.

En revanche, l'intéressé reste bien fondé à se prévaloir d'une perte de chance de ne pas avoir pu prendre ses dispositions pour pouvoir cotiser et constituer des droits complet à retraite au titre de son activité libérale du fait du manquement de la [10].

Compte tenu de la situation actuelle de l'intéressé, de son âge, de son espérance de vie, des revenus déclarés au cours de la période litigieuse et des conséquences telles qu'évaluées par ce dernier au titre de ses droits à retraites qui ne sont pas remis en cause par la [10], il convient de fixer la réparation à ce titre à la somme de 78 000 euros.

3/ Sur la demande à titre de préjudice moral :

L'intéressé fait valoir qu'il a découvert avec effroi qu'il n'avait validé aucun droit à retraite ce qui lui a généré un stress et une angoisse et ce alors même que la caisse n'a jamais pris la peine de lui expliquer les raisons de son omission et a fait preuve d'acharnement à son égard.

Cependant, l'intéressé ne justifie pas de fautes distinctes de celles qui procèdent d'un défaut d'organisation et qui ont déjà été sanctionnées ainsi que d'un préjudice moral distinct de celui réparé par ailleurs, en l'absence de pièces permettant de caractériser les troubles invoqués.

4/ Sur les mesures accessoires :

La [10] qui succombe sera condamnée aux dépens selon les conditions précisées au dispositif du présent arrêt par application combinée des articles 11 et 17 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et 696 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Réforme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Charleville Mézières du 9 mars 2021 sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. [K] [B] comme non prescrite et décidé de la mise hors de cause de l'URSSAF ;

Statuant à nouveau et dans cette limite,

Déclare recevable la demande de dommages intérêts de M. [K] [B] ;

Condamne la [8] à payer à M. [K] [B] la somme de 78 000,00 euros (soixante dix huit mille euros) à titre de dommages intérêts ;

Déboute M. [K] [B] du surplus de ses demandes ;

Condamne la [8] à payer à M. [K] [B] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la [8] aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Guerric Henon, Président de Chambre et par Madame Clara Trichot-Burté, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 21/00905
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;21.00905 ?
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