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15/04/2022 | FRANCE | N°21/01416

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 15 avril 2022, 21/01416


ARRÊT N° /2022

PH



DU 15 AVRIL 2022



N° RG 21/01416 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZCU







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGWY

20/00062

17 mai 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [D] [F]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Denis RATTAIRE substitué par Me GALLAIRE de la SAS SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, avocats au barreau de NANCY









INTIMÉE :



SAS ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY représentée par son représentant légal, pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 15 AVRIL 2022

N° RG 21/01416 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZCU

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGWY

20/00062

17 mai 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [D] [F]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Denis RATTAIRE substitué par Me GALLAIRE de la SAS SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉE :

SAS ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY représentée par son représentant légal, pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY substitué par Me PONCET, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 03 Février 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 31 Mars 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date el délibéré a été prorogé au 15 avril 2022;

Le 15 Avril 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [D] [F] a été engagé par la société LORRAINE TUBES suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 2 janvier 2017, en qualité de directeur des ressources humaines.

Par jugement du tribunal de commerce de Briey du 8 décembre 2017, la société LORRAINE TUBES a été cédée à la société ARCELORMITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY emportant transfert du contrat de travail.

M. [D] [F] était salarié protégé en sa qualité de conseiller prud'homal.

M. [D] [F] a été en arrêt de travail du 1er novembre 2019 au 6 janvier 2020, puis du 20 mars 2020 au 11 juin 2020.

Il a ensuite été en arrêt de travail pour accident du travail du 17 juin 2020 au 6 juillet 2020.

Par requête du 1er juillet 2020, M. [D] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Longwy aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et lui faire produire les effets d'un licenciement nul, obtenir en conséquence, diverses indemnités, outre un rappel de bonus et des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

M. [D] [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 4 juillet 2020.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Longwy rendu le 17 mai 2021, lequel a :

- dit que la demande de M. [D] [F] au titre de l'atteinte à la rémunération et aux fonctions devant s'analyser en une modification imposée de son contrat de travail n'est pas recevable,

- dit qu'il n'est pas apporté la preuve d'un quelconque harcèlement moral dont M. [D] [F] aurait été la victime,

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [D] [F] n'est pas recevable et ne produit pas les effets d'un licenciement nul,

- condamné la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY à verser à M. [D] [F] les sommes suivantes :

- 17 000 euros bruts à titre de bonus pour l'année 2019,

- 1 700 euros bruts au titre des congés payés y afférant,

- dit que ces sommes porteront intérêts de droit au taux égal en vigueur à compter du 1er juillet 2020,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que cette somme portera intérêts de droit au taux légal en vigueur à compter du prononcé du jugement,

- condamné la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY à remettre à M.[D] [F] les documents suivants :

- l'attestation pôle emploi,

- le certificat de travail

sous astreinte de 50 euros par jour et par document passé un délai de 30 jours après la notification du jugement et ce jusqu'à délivrance des documents,

- débouté M. [D] [F] de ses autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire en application de l'article R 1454-28 du code du travail et de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY de toutes ses demandes,

- condamné la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY aux entiers frais et dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile,

Vu l'appel formé par M. [D] [F] le 7 juin 2021 enregistré sous le numéro 21/01416,

Vu l'appel formé par M. [D] [F] le 10 juin 2021 enregistré sous le numéro 21/01453,

Vu l'ordonnance de jonction du 12 janvier 2022 sous le numéro RG 21/01416,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de M. [D] [F] déposées sur le RPVA le 2 septembre 2021 et celles de la société ARCELORMITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY déposées sur le RPVA le 16 novembre 2021,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 12 janvier 2022,

M. [D] [F] demande :

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longwy le 17 mai 2021 en ce qu'il a :

- condamné la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que cette somme portera intérêts de droit au taux légal en vigueur à compter du prononcé du jugement

- condamné la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY à lui remettre les documents suivants : l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail, sous astreinte de 50 euros par jour et par document passé un délai de 30 jours après la notification du jugement et ce jusqu'à délivrance des documents,

- débouté la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY de toutes ses demandes,

- condamné la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY aux entiers frais et dépens en application de l'article 696 code de procédure civile,

- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longwy le 17 mai 2021 pour le surplus,

Et, statuant à nouveau :

- de dire que l'atteinte à sa rémunération et à ses fonctions doit s'analyser en une modification imposée de son contrat de travail,

- de dire qu'il a été victime de harcèlement moral,

- de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur est fondée

- de dire que cette prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul,

En conséquence,

- de condamner la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY à lui payer les sommes de :

- 29 800 euros brut à titre de rappel de bonus ainsi que la somme de 2 980 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- 23 559,75 euros net à titre de dommages et intérêts pour l'exécution déloyale du contrat de travail,

- 95 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 17 772,66 euros net à titre d'indemnité de licenciement,

- 53 317,98 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 5331,80 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 81 393 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 266 590 euros brut à titre de dommages et intérêts pour violation du statut de salarié protégé,

- d'ordonner la remise des bulletins de salaire rectifiés, d'une attestation pôle emploi et d'un certificat de travail rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour et par document à compter de la notification du jugement à intervenir,

- de condamner la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY aux entiers frais et dépens.

La société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY demande :

- de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :

- l'a condamnée à payer à M. [D] [F] les sommes suivantes :

- 17 000euros à titre de rappel de bonus 2019,

- 1 700euros à titre de congés payés afférents,

- 1 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes reconventionnelles de la société,

Sur le rappel de bonus,

- d'infirmer le jugement,

Et statuant à nouveau,

À titre préliminaire,

- de déclarer irrecevable la demande de rappel de bonus formée par M. [D] [F] pour un montant total de 29 800 euros bruts, outre la somme de 2 980 euros bruts à titre de congés payés afférents, s'agissant d'une demande nouvelle,

À titre subsidiaire,

- de constater que les demandes de rappel de bonus pour les années 2017 et 2018 sont infondées,

- de débouter M. [D] [F] de ses demandes,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de rappel de bonus de M. [D] [F] pour les années 2017 et 2018,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [D] [F] un rappel de bonus pour l'année 2019, pour un montant de 17 000 euros (outre les congés payés afférents pour 1700 euros bruts),

Sur les autres demandes,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations à l'égard de M. [D] [F],

- jugé que M. [D] [F] n'a été victime d'aucun agissement relevant du harcèlement moral,

- jugé que la prise d'acte de M. [D] [F] ne peut produire les effets d'un licenciement nul et doit produire les effets d'une démission,

- débouté M. [D] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- a débouté M. [D] [F] de sa demande pour exécution déloyale du contrat de travail,

- débouté M. [D] [F] de l'ensemble des demandes afférentes à la rupture du contrat de travail,

À titre reconventionnel,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes reconventionnelles,

Et statuant à nouveau,

- de condamner M. [D] [F] au versement d'une indemnité conventionnelle de préavis d'un montant de 22 409,46 euros,

- de condamner M. [D] [F] au versement d'une indemnité de 1 euros pour procédure abusive,

- de condamner M. [D] [F] au paiement d'une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 16 novembre 2021, et en ce qui concerne le salarié le 02 septembre 2021.

Sur le harcèlement moral

Aux termes des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [D] [F] expose que M. [G], le dirigeant de la division Tubular Products, pratiquait un management harcelant envers ses collaborateurs et salariés en général, mais plus encore avec ses proches collaborateurs. Il utilisait envers eux les menaces, le dénigrement et les atteintes publiques répétées à la réputation et à l'image en réunion et dans ses échanges avec eux.

M.[D] [F] explique que :

- M. [G] s'est permis de lui dire, lors d'une réunion, en prenant à témoin une collaboratrice, que son enfant de six ans pourrait faire plus efficacement son travail que lui

- il l'a convoqué à plusieurs reprises pour le menacer de licenciement s'il n'exécutait pas les décisions prises par le DG

- M. [G] faisait régulièrement du « french bashing », critiquant les lois et salariés français,

- il lui a imposé à plusieurs reprises de licencier des salariés sans motif valable ; il donne comme exemple celui de M. [V] [O] et celui de M. [J] [E]

- en février 2020 il a exigé, à des fins de sanction, la liste des salariés ayant voté pour un représentant au 3ème collège du CSE.

M. [D] [F] indique que c'est le cas de M. [E] qui a fait qu'il s'est effondré psychologiquement en novembre 2019, puisque ce qu'on le contraignait à faire, en permanence, était en opposition complète avec ses valeurs personnelles, morales et professionnelles.

Il précise s'être trouvé en arrêt de travail de novembre à mai 2020.

L'appelant explique que M. [G] l'a une nouvelle fois agressé et diffamé en public le 19 mars 2020, lors d'une réunion « skype ». Il a alors quitté la réunion ; M. [G] a alors indiqué aux autres participants à la réunion qu'il le pousserait à la démission.

M. [D] [F] souligne avoir été placé en arrêt de travail pour dépression à compter du 20 mars 2020 ; il a ensuite été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle ; par décision du 15 janvier 2021, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de sa maladie.

M. [D] [F] produit les pièces suivantes :

- en pièce 14, l'attestation de M. [P] [N], directeur de site, qui explique que lors de réunions Skype, M. [G] « s'en est pris de manière directe à [D] [F] l'accusant d'incapable, de ne pas avoir les « C... » pour licencier le personnel. Aucune discussion ou argumentation n'étaient possible. Lors d'une réunion Mr [G] a pris à témoin une collaboratrice en lui disant qu'il était certain que son enfant de 6 ans serait capable de faire le travail d'[D] [F] de façon beaucoup plus efficace que lui. A la mi janvier 2019, Mr [G] nous a ordonné (à Mr [F] et moi-même) de procéder au licenciement de Mr [O] -illisible- avait réclamé depuis longtemps ce licenciement mais nous n'avions pas donné suite en l'absence de tout motif. Mr [G] nous a alors dit que c'est lui qui décidait et que si nous n'allions pas dans le sens de l'entreprise, il en tirerait les conséquences sur nos propres contrats de travail. En février 2020, lors d'une réunion sur Lexy, Mr [G] nous a demandé, à fin de sanction, à avoir la liste des électeurs du troisième collège pour savoir qui avait voté pour Mr [I] (délégué syndical CGC) au motif que cette personne lui devait d'être en réunion.

Lors de la réunion skype du 19 mars 2020 Mr [G] a traité Mr [F] de menteur concernant le dossier de Mme [Z]. Il l'a accusé par ailleurs d'avoir dissimulé des pièces. Excédé par ces propos, Mr [F] a alors dit que si des fautes pouvaient être retenues contre lui Mr [G] n'avait donc qu'à le licencier. Puis il a quitté la salle. Mr [G] a alors dit qu'il ne licencierait pas Mr [F] mais qu'il le pousserait à la démission.(...) »

- en pièce 15 un « verbatim extrait des notes de réunions » :

(') Skype meeting 28/10/2019 : JC : « Si quelqu'un fait une offre de rachat de Lexy, vous serez tous virés parce que vous n'avez aucune valeur pour ArcelorMittal ! » « Lexy va devenir un simple site de production et on réduira les cadres » ; skype 4/11/2019 : « les cadres de lexy ont une mauvaise mentalité et manquent totalement de leadership. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous je prendrais des actions drastiques. Je n'ai absolument pas peur de licencier ». « Je prendrai toutes les décisions radicales sans avoir peur des conséquences » (') Meeting Lexy 06/11/19 : JC : « il faut écarter les mauvais. Je suis d'accord pour payer les sorties. Il faut trouver 8 personnes par trimestre. Il y a des actions à venir contre ceux qui ne sont pas dans le plan, notamment les managers. Je connais des noms. Il ne faut plus protéger ceux qui ne répondent pas au téléphone pendant leurs vacances. Il faut trouver 5 personnes sur le froid et virer toutes les autres ». (...) »

- en pièce 17, un mail qu'il a adressé le 28 août 2019 à Mme [B] [T] : « Bonjour, comme suite à notre skype d'hier sur d'éventuelles sanctions à [Localité 6], je confirme que l'analyse objective de la situation peut conduire à retenir un manque de prudence de la part de M. [E] et un défaut de contrôle de la part de M. [U]. Ce sont les conclusions de mon rapport du 13/08. Les sanctions envisageables peuvent être une mise à pied, plus importante pour M. [U] compte tenu de son statut de cadre. (') Une mesure de licenciement apparaît totalement dénuée de fondement.(') Cela ne manquerait pas d'être ultérieurement sanctionné par le tribunal des prud'hommes pour licenciement abusif de la part de l'employeur. (...) »

- en pièce 16, un mail qu'il a adressé à Mme [B] [T] le 25 septembre 2019 dans lequel il dit : « Dans le cadre de l'exécution de l'instruction reçue concernant le licenciement de M. [E], j'étais lundi 23/09 à [Localité 6] pour mener l'entretien préalable à sanction. (') J'ai rappelé les faits conformément à mon enquête du 13/08, en centrant le débat sur le document signé par M. [E]. Ils reconnaissent avoir été abusés, trompés, mais dénient toute faute ou intention malveillante de leur part. (') Ils n'imaginent pas que le niveau de sanction puisse être un licenciement compte tenu de l'absence de motif réel et sérieux. Toutefois ils précisent qu'en cas de licenciement ils ne laisseraient pas faire et agiraient en demandant la réintégration du salarié licencié. Il faut souligner que la solidarité des 26 personnels du site est réelle. J'alerte donc, comme dans mon message du 25/09, sur le fait qu'un licenciement, outre le fait qu'il serait abusif, soulève un risque important de conflit social. L'usine risque fort d'être bloquée. (...) » ; la réponse de Mme [B] [T] est la suivante, le 30 septembre 2019 : « Bonjour, Discuté avec JC, j'ai bien alerté sur les risques potentiels que cette situation pourrait engendrer. La décision est prise, merci de bien vouloir prononcer le licenciement de J. [E]. Cordialement »

- en pièces 9 ses feuilles d'arrêt de travail à compter du 1er novembre 2019, mentionnant un « burn out »

- en pièce 4-3, un mail qu'il a adressé notamment à Mme [B] [T] [DRH groupe] le 02 juin 2020, dans lequel il se plaint d'accusations mensongères concernant le dossier de Mme [L] [Z], accuse le CEO de le « mettre à l'aise quant au respect de [sa] déontologie et à [ses] responsabilités induites » et accuse le CEO de « management par le stress, le mépris, la menace, voir l'insulte comme instrument permanent de son comportement »

- en pièce 7 son certificat d'accident du travail du 17 juin 2020 pour « épuisement professionnel ' burn out - illisible »

- en pièce 43 la lettre de la CPAM du 15 janvier 2021 lui indiquant que sa maladie est reconnue d'origine professionnelle

- en pièce 4-5 un mail qu'il a adressé à Mme [B] [T], le 09 juin 2020, dans lequel il se plaint d'être victime de harcèlement de la part de la direction.

Ces éléments laissent supposer l'existence d'un harcèlement.

S'agissant de la réunion du 19 mars 2020, la société ARCELOR MITTAL conteste tout comportement déplacé ou insultant du dirigeant, et renvoie à ses pièces 23 et 52.

La pièce 23 est l'attestation de M. [W] [H], head of production and supply chain [sic], qui indique : « lors de la réunion du 19/03, sujets : situation du Covid 19 dans l'entreprise et point sur les performances usines. Le sujet s'oriente rapidement sur l'usine Lexychaud où il y a des problèmes de retard de commandes liés à de mauvaises performances industrielles. Notamment une des raisons de ces problèmes est le sabotage et le comportement de certains salariés, ce qui amène à focaliser la discussion sur la partie RH. La discussion porte notamment sur pourquoi les dispositions n'ont pas été prises à temps, ou trop tard. Discussion tendue, vu à la fois le contexte covid, le résultat financier de l'entreprise et les problématiques industrielles du moment. Notre CEO, JC, rappelle et challenge notre RH, M. [F] sur les dispositions à prendre vis à vis des salariés et pousse pour que le sujet avance plus vite. M. [F], ,pas forcément en accord avec les décisions du moment se lève et sort de la salle de réunion. Comportement surprenant, et dépendant de chaque individu, on peut ne pas être d'accord, mais il n'est pas nécessaire de quitter la salle au milieu des réunions. »

La pièce 52 est l'attestation de M. [S] [Y], responsable de production, qui indique : « (') J'étais présent à cette réunion du 19 mars, M. [G], comme d'habitude, interroge les participants sur tous événements passés et il a notamment demandé à M. [F] pourquoi l'information relative à la suppression des mails d'un client ne lui avait pas avoir été prévenu. Mr [F] s'est alors levé et est parti en disant : « si vous n'êtes pas content de moi, vous pouvez me virer ». Les autres participants à cette réunion n'ont pas compris cette réaction qui m'a semblé excessive. (') Pour moi M. [F] ne faisait pas l'objet d'une pression particulière et ne participait d'ailleurs pas régulièrement à ces réunions (...) » .

Si ces attestations ne font pas état des propos que M. [D] [F] reproche à l'employeur, elles ne contredisent pas l'attestation de M. [N] en pièce 14 précitée de M. [D] [F].

La société ARCELOR MITTAL ne répond pas sur les propos attribués à M. [G] à l'occasion d'une précédente réunion (son enfant de six ans ferait mieux que M. [F] ' pièce 14 précitée du salarié).

Elle ne répond pas au sujet du licenciement de M. [E].

En ce qui concerne les propos de réunions en pièce 15 du salarié, la société ARCELOR MITTAL fait valoir qu'il ne s'agit que des affirmations de M. [D] [F].

Au vu de ces éléments et des explications et pièces en réponse de l'employeur, le harcèlement moral est établi.

Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs énoncés par M. [D] [F], sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul.

Sur les demandes de rappels au titre des bonus

Aux termes des dispositions de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

M. [D] [F] rappelle les stipulations de son contrat de travail sur le complément annuel variable. Il explique n'avoir jamais eu d'entretien annuel, qui avait notamment pour objet de fixer ses objectifs. Il estime qu'à défaut d'avoir clairement établi des modalités de détermination des primes en accord avec lui, l'employeur est redevable de l'intégralité du montant des bonus prévus au contrat de travail ; il calcule ce bonus à 17 400 euros.

M. [D] [F] ne répond pas sur la question de la recevabilité de ses demandes au titre des bonus.

La société ARCELOR MITTAL fait valoir que la demande de rappel au titre de bonus est irrecevable, comme étant nouvelle, et ne se rattachant pas à ses prétentions originaires par un lien suffisant.

Sur le fond, elle explique que pour l'année 2019, aucun bonus n'a été versé à M. [D] [F] comme à l'ensemble des salariés, au regard des résultats économiques et financiers de l'entreprise. Elle souligne que le montant du complément variable de rémunération dépend des résultats personnels du salarié et des résultats de l'entreprise. Elle affirme que les objectifs de M. [D] [F] avaient été fixés.

Il ressort de l'examen des pièces de procédure de première instance que si dans sa requête de saisine du conseil des prud'hommes du 1er juillet 2020, M. [D] [F] ne sollicitait pas le paiement de rappel au titre de bonus, il argumentait au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail sur « le refus réitéré pendant plusieurs années de verser les bonus dus » se plaignant d'un refus délibéré de la direction de lui verser son bonus contractuel au titre de 2017, 2018 et 2019.

Dès lors, sa demande de condamnation de l'employeur à lui payer ses bonus pour ces années se rattache de façon suffisante à ses demandes originelles ; elle est donc recevable.

M. [D] [F] réclame au titre des bonus : 12 400 euros pour 2018, déduction faite des 4600 euros déjà perçus, et 17 400 euros pour 2019. Il présente ses calculs dans ses conclusions, sur la base de sa rémunération annuelle brute et d'un taux de 20 %.

La société ARCELOR MITTAL se prévaut d'une note produite en pièce 38, expliquant le mode de calcul de la prime variable, celle-ci étant égale au produit de l'enveloppe de part variable par le coefficient de performance individuelle.

Elle renvoie à ses pièces 4 à 6 pour démontrer que les entretiens EGEDP permettaient de fixer des objectifs.

Les documents produits en pièces 4 à 6 par l'employeur, fixant selon lui les objectifs de M. [D] [F], sont contestés par ce dernier notamment en ce qu'ils ne constitueraient pas une négociation ou une validation des objectifs ou du bonus.

Ces documents présentent les objectifs du salarié « my objectives », et en dernière partie de document l'évaluation de l'année par le salarié et par son supérieur (N+1), en deux sous-parties « mid year » et « end year ».

La partie N+1 apparaît comme l'évaluation du travail de M. [D] [F] par son supérieur hiérarchique, et donc son évaluation.

Il ne résulte en revanche de ces pièces aucune évaluation chiffrée du pourcentage à appliquer pour le calcul du bonus, en fonction de l'appréciation littérale.

La société ARCELOR MITTAL ne produit aucun document justifiant de cette évaluation chiffrée.

La société ARCELOR MITTAL renvoie à ses pièces 11 et 12 pour estimer que la somme de 4600 euros versée à M. [D] [F] au titre du bonus 2018 le désintéresse. Il s'agit d'un courrier du Conseil de la société ARCELOR MITTAL au Conseil de M. [D] [F], en date du 15 juin 2020, et un mail de Mme [B] [T] adressé à M. [D] [F] le 15 juin 2020, présentant chacun un tableau indiquant les bases de calcul du bonus 2019 : « yerealy gross base salary 2018 ' Lexy 2018 bonus multiplier ' performance bonus target ' individual multiplier ».

Aucune pièce ne justifie les chiffres présentés dans ce tableau, et notamment la rubrique « individual multiplier », qui apparaît comme le coefficient multiplicateur individuel, permettant d'aboutir au montant du bonus selon les performances du salarié ; ce coefficient est de 1 dans les pièces produites précitées.

La pièce 4 de la société ARCELOR MITTAL GEDP2018 contient une bonne appréciation de M. [D] [F] par son supérieur : « had succeed in all legal obligations in HR (') [Localité 9] much involved in his job. Good HR competencies and knowledges ».

Le contrat de travail de M. [D] [F] (pièce 1 de la société ARCELOR MITTAL) stipule en son article 4 « rémunération » prévoir que : « Votre rémunération brute forfaitaire, pour une année complète, sera composée :

- d'une base (') - d'un complément annuel, variable et non garanti, dépendant de vos résultats personnels, ceux-ci étant appréciés notamment lors de l'entretien annuel avec votre hiérarchie. Le montant de ce complément personnel sera valorisé en fonction des résultats de l'entreprise. Il variera entre 0 et 20 % de votre rémunération annuelle brute ».

Au regard de la fourchette de 0 à 20 % prévue par le contrat de travail, le coefficient individuel de « 1 » n'est pas cohérent avec la bonne appréciation du travail de M. [D] [F] pour 2018, rappelée supra.

Dès lors, et faute pour l'employeur de justifier dans ces conditions du montant de bonus attribué à M. [D] [F], il sera fait droit à la demande de ce dernier pour 2018, en ce compris la demande au titre des congés payés afférents.

S'agissant du bonus pour 2019, la société ARCELOR MITTAL fait valoir que les résultats déficitaires de la société n'ont pas permis de verser de bonus aux cadres de l'entreprise.

Elle renvoie à sa pièce 57, une attestation du centre de service en charge de l'établissement des paies indiquant qu'aucun bonus n'a été versé au titre de l'exercice 2019.

M. [D] [F] fait valoir qu'en 2018, la société a accusé une perte de 6 millions d'euros et lui a attribué un bonus de 4600 euros ; en 2019 elle a accusé le même déficit, et ne lui a accordé aucun bonus. Il explique que pendant toute la période de travail l'argument du paiement des bonus a été utilisé comme un moyen de pression sur lui.

L'attestation précitée en pièce 57 de la société ARCELOR MITTAL indique ceci : « Je soussignée, [C] [R], Directrice du Centre de Service Ressources Humaines de la société ArcelorMittal France, atteste que : Aucune part variable n'a été versée en 2020 au titre de l'exercice 2019 aux cadres de AMTP Lexy ».

Cette unique pièce ne justifie pas des motifs d'absence de versement de bonus, point qu' elle n'aborde pas, qui impliquerait, selon la formule revendiquée en pièce précitée 38 par la société ARCELOR MITTAL, un bonus de 0 euro.

Le document GEDP 2020 que la société ARCELOR MITTAL produit en pièce 6 ne porte mention d'aucune évaluation, alors que l'évaluation individuelle, sur laquelle l'employeur se base pour le calcul du bonus, lui incombe.

Dans ces conditions, faute de justifier de manière suffisante de l'absence de versement de bonus pour 2019, il sera fait droit à la demande de M. [D] [F], étant précisé que le montant de sa rémunération de 87 000 euros, sur laquelle le salarié appuie son calcul, n'est pas discuté.

Il sera également fait droit à la demande au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes indemnitaires

M. [D] [F] indique au préalable que son salaire moyen était de 7853,25 euros, auquel il convient d'ajouter le montant du bonus qu'il aurait dû percevoir en 2019, soit 12 400 euros supplémentaires, ce qui aboutit à un salaire moyen mensuel de 8 886,33 euros.

La société ARCELOR MITTAL indique que le salaire moyen de M. [D] [F] était de 7 853 euros.

Il résulte des développements précédents que le bonus est dû pour 2019, de sorte que le salaire moyen de M. [D] [F] était de 8 886,33 euros.

- sur l'indemnité de licenciement

M. [D] [F] réclamer une indemnité de 17 772,66 euros, équivalant à deux mois de salaire.

Il indique que la minoration de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective pour les salariés de plus de 60 ans ne s'applique que [sic] si le salarié n'a pas la durée d'assurance requise au sens de l'article L351-1 du code de la sécurité sociale pour bénéficier d'une retraite à taux plein ; or il ne peut bénéficier d'une retraite à taux plein.

La société ARCELOR MITTAL explique que le salarié ne peut bénéficier d'une indemnité de deux mois de salaire, ayant plus de 60 ans au jour de la rupture ; compte tenu de son ancienneté de 3,5 ans, il ne peut prétendre à plus de 6280 euros.

La convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie (pièce 38 de M. [D] [F]) prévoit en son article 29 que :

« En ce qui concerne l'ingénieur ou cadre âgé d'au moins 60 ans, le montant de l'indemnité de licenciement résultant des dispositions ci-dessus, et limité à 18 mois conformément à l'alinéa précédent, sera minoré de :

- 5 %, si l'intéressé est âgé de 61 ans ; (')

La minoration deviendra inapplicable s'il est démontré que , le jour de la cessation du contrat de travail, soit l'intéressé n'a pas la durée d'assurance requise au sens de l'article L351-1 du code de la sécurité sociale pour bénéficier d'une retraite à temps plein (...) ».

M. [D] [F] est né le 09 juin 1959 ; il avait 61 ans au jour de la rupture du contrat de travail.

Il produit en pièce 39 son relevé de carrière établi par la sécurité sociale, et fait valoir qu'il ne pouvait bénéficier d'une retraite à taux plein, ce que ne conteste pas la société ARCELOR MITTAL.

Ayant plus de 60 ans au jour de la rupture, M. [D] [F] ne peut prétendre à l'application des dispositions qu'il invoque ; s'applique le deuxième alinéa de l'article 29 de la convention collective, prévoyant « pour la tranche de 1 à 7 ans d'ancienneté : 1/5 de mois par année d'ancienneté », sans application de la minoration de 5 %.

Le montant invoqué par la société ARCELOR MITTAL n'étant pas inférieur au montant résultant du calcul précité, seront accordés à ce titre à M. [D] [F] 6280 euros.

- sur l'indemnité compensatrice de préavis

M. [D] [F] réclame une indemnité de 6 mois de salaire, en application de la convention collective.

La société ARCELOR MITTAL fait valoir que le salaire de référence serait de 7469,82 euros, l'indemnité étant égale au salaire que le salarié aurait perçu s'il avait effectivement travaillé, et que M. [D] [F] n'était pas en mesure d'accomplir un quelconque préavis, puisqu'il a pris acte de la rupture le jour de son entrée en fonction au sein de la société LINDAL.

En l'espèce, la prise d'acte entraînant la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, le salarié a droit à l'indemnité compensatrice de préavis, nonobstant son engagement auprès d'un nouvel employeur.

Il sera donc fait droit aux demandes de M. [D] [F], sur la base du salaire moyen retenu supra, et en application des dispositions invoquées de la convention collective non critiquées par l'employeur.

En conséquence, la société ARCELOR MITTAL sera déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de la période de préavis.

- sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

M. [D] [F] indique avoir été particulièrement affecté par le contexte de travail harcelant qu'il a subi pendant plusieurs mois, et renvoie à sa prise de référence faite par le cabinet de recrutement au moment de son embauche chez Lorraines Tubes ; il indique avoir accepté un poste déclassé au sein de la société LINDAL puisqu'il n'est plus directeur des ressources humaines mais responsable RH, qu'il perd 9000 euros par an et n'a plus de véhicule de fonction. Il valorise dans ses conclusions sa perte de ressources jusqu'à sa retraite, sa perte relative au véhicule de fonction, et sa perte de cotisations retraite ; il aboutit à un total de 81 393 euros.

La société ARCELOR MITTAL estime que le préjudice de M. [D] [F] est inexistant, notamment parce qu'il a notifié sa prise d'acte le jour de son entrée en fonction au sein de la société LINDAL.

Le chiffrage du préjudice subi par M. [D] [F], exposé en page 36 de ses conclusions n'étant pas discuté par la société ARCELOR MITTAL, et ce préjudice au titre de la perte de revenu, de la perte de droits à retraite et de la perte de l'avantage en nature, découlant directement de la rupture du contrat de travail, il sera fait droit à la demande de M. [D] [F].

- sur la demande de dommages et intérêts pour violation du statut de salarié protégé

M. [D] [F] expose bénéficier d'un statut de salarié protégé au titre de son mandat de conseiller prud'hommes, et être en droit de solliciter une indemnité forfaitaire égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son licenciement jusqu'à l'expiration de sa période de protection ; il précise que les mandats en cours sont prorogés jusqu'au 31 décembre 2022.

Il ajoute qu'il n'y a pas lieu de déduire des revenus pouvant être perçus par ailleurs.

La société ARCELOR MITTAL fait valoir que M. [D] [F] est toujours conseiller prud'hommes, et qu'il omet de déduire les salaires qu'il perçoit de la société LINDAL.

M. [D] [F] réclame une indemnité calculée sur la base de son salaire moyen mensuel, sur une durée de 30 mois. La société ARCELOR MITTAL ne conteste pas que son mandat de conseiller prud'hommes court jusqu'au 31 décembre 2022.

Dans ces conditions, il sera fait droit à sa demande, aucune déduction de la rémunération qu'il perçoit par ailleurs n'ayant à être déduite.

- sur la demande au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail

M. [D] [F] fait valoir que ses fonctions ont été modifiées, sans son accord ; il s'est ainsi vu confier la responsabilité de la coordination RH de plusieurs autres sociétés du groupe, notamment les sites de [Localité 7], [Localité 10], [Localité 5], [Localité 8] ; aucun avenant n'a été établi pour la modification de son périmètre de responsabilité, passant de 200 personnes à plus de 700, de 4 sites à 8 sites ; cette modification du périmètre de ses responsabilités a changé totalement la définition de son poste d'origine, ses fonctions et ses responsabilités, outre la charge de travail décuplée qui lui a été imposée sans la moindre contrepartie ou moyens complémentaires.

La société ARCELORMITTAL fait valoir que le salarié a accepté explicitement le 11 mars 2019 d'assurer la gestion sociale de la société SOCOVA, et renvoie à sa pièce 3.

Elle explique qu'il a accepté d'être le coordinateur RH pour la France et la Division Tubular Products, et renvoie aux compte-rendus de ses entretiens annuels GEDP en pièces 4 et 6. Elle renvoie également à sa pièce 62.

L'intimée estime par ailleurs que la demande à ce titre fait double emploi avec la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Le fait que l'élargissement du périmètre d'intervention de M. [D] [F] constitue une modification de son contrat de travail n'est pas contesté par la société ARCELORMITTAL.

La pièce 3 de la société ARCELORMITTAL est une délégation de pouvoirs en matière de gestion sociale, signée par M. [D] [F] le 11 mars 2019 ; il reçoit délégation de la part du président de la société Acerlor Mittal Socova.

Les pièces 4 et 6 sont les compte-rendus d'évaluation, « GEDP » 2018 et 2020, rédigé en anglais, dans lequel il est indiqué que M. [D] [F] est le coordinateur TH pour plusieurs usines du groupe : « RH coordinator for France for AMTP plants (Lexy, Rettel, Vincey, Fresnoy, Haumont, Chevillon, Vitry, Socova) ».

La pièce 62 est un mail daté du 21 décembre 2018 de Mme [M] [A] à M. [D] [F] et M. [P] [N], leur demandant de « finaliser vos GEDPs documents 2018 d'ici la fin de l'année ».

Si la délégation de pouvoir en pièce 3 précitée pourrait être assimilée à une acceptation de M. [D] [F] de sa fonction de coordinateur en ressources humaines pour la société SOCOVA, les autres pièces invoquées par la société ARCELORMITTAL ne démontrent pas que M. [D] [F] aurait accepté les fonctions de coordinateur RH pour les usines du groupe.

Dès lors, l'exécution déloyale du contrat de travail, par modification du contrat de travail est établie.

En revanche, M. [D] [F] ne produit aucune pièce établissant le préjudice qu'il invoque.

Dans ces conditions, il sera débouté de sa demande à ce titre.

- sur la demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral

M. [D] [F] fonde sa demande sur le même argumentaire qui soutient sa demande de nullité du licenciement.

La société ARCELORMITTAL estime que M. [D] [F] ne produit aucun élément justifiant du préjudice qu'il allègue.

M. [D] [F] ni ne décrit ni ne justifie d'un préjudice au soutien de sa demande de dommages et intérêts, dont il sera donc débouté.

Sur la demande de documents de fin de contrat

M. [D] [F] demande la remise des bulletins de salaires rectifiés, d'une attestation pôle emploi, et du certificat de travail rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jour et par document.

La société ARCELORMITTAL ne répond pas à la demande.

En application des articles L1121-16 et L1234-19 du Code du travail, il sera fait droit à la demande, à l'exception de la demande d'astreinte, celle-ci n'apparaissant pas justifiée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Les prétentions de M. [D] [F] étant accueillies, la société ARCELORMITTAL sera déboutée de sa demande fondée sur un prétendu abus de procédure de la part de l'appelant.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Partie perdante, la société ARCELORMITTAL sera condamnée aux dépens, de première instance et d'appel.

Elle sera également condamnée à payer à M. [D] [F] 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longwy rendu le 17 mai 2021 ;

Statuant à nouveau,

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [D] [F] le 04 juillet 2020 produit les effets d'un licenciement nul ;

Condamne la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY à payer à M. [D] [F] :

- 29 800 euros (vingt neuf mille huit cents euros) à titre de rappel de bonus

- 2 980 euros (deux mille neuf cent quatre vingt euros) brut au titre des congés payés y afférents,

- 6280 euros (six mille deux cent quatre vingt euros) à titre d'indemnité de licenciement,

- 53 317,98 euros (cinquante trois mille trois cent dix sept euros et quatre vingt dix huit centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 5331,80 euros (cinq mille trois cent trente et un euros et quatre vingt centimes) brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 81 393 euros net (quatre vingt et un mille trois cent quatre vingt treize euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 266 590 euros (deux cent soixante six mille cinq cent quatre vingt dix euros) brut à titre de dommages et intérêts pour violation du statut de salarié protégé ;

Condamne la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY à remettre à M. [D] [F] des bulletins de salaire rectifiés, une attestation pôle emploi et d'un certificat de travail rectifiés en conformité avec le présent arrêt ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY à payer à M. [D] [F] 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société ARCELOR MITTAL TUBULAR PRODUCTS LEXY aux entiers frais et dépens, de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en dix sept pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01416
Date de la décision : 15/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-15;21.01416 ?
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