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15/04/2022 | FRANCE | N°21/00824

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 15 avril 2022, 21/00824


ARRÊT N° /2022

PH



DU 15 AVRIL 2022



N° RG 21/00824 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EXZJ







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

19/00060

26 février 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.R.L. STMV agissant poursuites et d

iligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substitué par Me JEANNEY MADRIAS, avocate au barreau d'EPINAL









INTIMÉ :



Monsieur [I] [P]

[...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 15 AVRIL 2022

N° RG 21/00824 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EXZJ

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

19/00060

26 février 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.R.L. STMV agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substitué par Me JEANNEY MADRIAS, avocate au barreau d'EPINAL

INTIMÉ :

Monsieur [I] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Frédéric BLAISE de la SELAFA AUDIT-CONSEIL-DEFENSE, avocat au barreau de METZ substitué par Me Pierre WEIRIG, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 03 Février 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 31 Mars 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; date à laquelle le délibéré a été prorogé au 15 Avril 2022 ;

Le 15 Avril 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [I] [P] a été engagé par la société STMV suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 13 octobre 2013, en qualité de chauffeur livreur.

Il a démissionné le 17 août 2018.

Par requête du 1er avril 2019, M. [I] [P] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal aux fins de voir requalifier sa démission en prise d'acte de la rupture et lui faire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir, en conséquence, diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour harcèlement moral, et divers rappels de salaire pour heures supplémentaires.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 26 février 2021, lequel a :

- dit que la société STMV a commis des manquements graves ayant empêché la poursuite du contrat de travail de M. [I] [P],

- dit que la démission de M. [I] [P] doit prendre les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société STMV à verser à M. [I] [P] les sommes suivantes :

- 7 557,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 022,90 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 302,90 euros bruts à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

- 2279,82 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- dit que les sanctions disciplinaires notifiées à M. [I] [P] sont illicites,

- condamné la société STMV à verser à M. [I] [P] 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanctions illicites,

- dit que M. [I] [P] a fait l'objet de la part de la société STMV d'un harcèlement moral,

- condamné la société STMV à verser à M. [I] [P] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

- condamné la société STMV à verser à M. [I] [P] les sommes de :

- 34,86 euros bruts à titre de rappels de salaire pour jours fériés travaillés en 2016,

- 3,48 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de salaire pour jours fériés travaillés en 2016,

- 251 euros bruts à titre de rappels de salaire pour jours fériés travaillés en 2017,

- 25,10 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de salaire pour jours fériés travaillés en 2017,

- 119,52 euros bruts à titre de rappels de salaire pour jours fériés non travaillés en 2018,

- 11,95 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de salaire pour jours fériés non travaillés en 2018,

- condamné la société STMV à verser à Monsieur [I] [P] les sommes de :

- 639,32 euros bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2016,

- 63,93 euros bruts à titre de congés payés sur rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2016,

- 1 687,77 euros bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2017,

- 168,77 euros bruts à titre des congés payés sur rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2017,

- 280,28 euros bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2018,

- 28,02 euros bruts à titre de congés payés sur rappels des heures supplémentaires pour l'année 2018,

- 33,69 euros bruts à titre de rappels de prime pour heures de nuit pour l'année 2016,

- 3,36 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de prime pout heure de nuit pour l'année 2016,

- 35,00 euros bruts à titre de rappels de prime pour heures de nuit pour l'année 2017,

- 3,50 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de prime pour heures de nuit pour l'année 2017,

- 13,06 euros nets à titre de rappels d'indemnités repas pour l'année 2016,

- 347,28 euros nets à titre de rappels d'indemnités de repas pour l'année 2017,

- 241,20 euros nets à titre d'indemnités de repas pour l'année 2018,

- 145,20 euros nets à titre de rappels d'indemnité casse-croûte pour l'année 2018,

- condamné la société STMV à payer à M. [I] [P] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [I] [P] du surplus de ses demandes,

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, la décision est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf fois de salaire pour les sommes visées à l'article R. 1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des trois derniers mois fixée à 1 511,45 euros,

- débouté la société STMV de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société STMV aux entiers dépens,

Vu l'appel formé par la société STMV le 31 mars 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société STMV déposées sur le RPVA le 17 décembre 2021 et celles de M. [I] [P] déposées sur le RPVA le 23 septembre 2021,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 26 janvier 2022,

La société STMV demande :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- condamné la société STMV au paiement des sommes suivantes à titre de rappel d'heures supplémentaires :

- 639,32 euros bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2016 et 63,93 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- 1687,77 euros bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2017 et 168,77 euros bruts à titre des congés payés afférents,

- 280,28 euros bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2018 et 28,02 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- condamné la société STMV au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanctions pécuniaires illicites,

- condamné la société STMV au paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- requalifié la démission de M. [I] [P] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée au paiement des sommes suivantes :

- 7 557,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 022,90 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 302,90 euros bruts à titre de congés payés afférents,

- 2 279,82 euros à titre d'indemnité de licenciement,

Statuant à nouveau,

- de requalifier en conséquence la prise d'acte en une démission,

- de débouter M. [I] [P] de l'ensemble de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de débouter M. [I] [P] de l'ensemble de ses demandes au titre des heures supplémentaires,

- de débouter M. [I] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sanctions disciplinaires illicites,

- de débouter Monsieur [I] [P] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [I] [P] à lui payer à la société STMV la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [I] [P] aux entiers dépens avec faculté de distraction au bénéfice de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE.

*

M. [I] [P] demande :

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal dans l'intégralité de ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a débouté de la somme de 118,78 euros bruts à titre de rappels de salaire pour les journées des 31 mars et 28 avril 2016, outre 11,87 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

Statuant à nouveau :

Sur la prise d'acte :

- de dire que la société STMV a commis des manquements graves ayant empêché la poursuite du contrat de travail,

- de dire que sa démission doit prendre les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- de condamner la société STMV à lui verser les sommes suivantes à ce titre :

- 7 557,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 022,90 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 302,90 euros brut à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

- 2 279,82 euros à titre d'indemnité de licenciement,

Sur les sanctions disciplinaires illicites :

- de dire que les sanctions disciplinaires notifiée à Monsieur [I] [P] sont illicites, sinon injustifiées,

En conséquence,

- de condamner la société STMV à lui verser 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des sanctions disciplinaires illicites, sinon injustifiées,

Sur le harcèlement moral :

- de dire qu'il a fait l'objet de la part de la société STMV d'un harcèlement moral,

En conséquence,

- de condamner la société STMV à lui verser la somme de 8 000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral subi,

Sur les demandes de rappel de salaire et d'indemnité :

- de condamner la société STMV à verser Monsieur [I] [P] les sommes suivantes :

- 122,54 euros bruts à titre de rappels de salaire pour jours fériés travaillés en 2016n

- 12,25 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de salaire pour jours fériés travaillés en 2016,

- 251 euros bruts à titre de rappels de salaire pour jours fériés travaillés en 2017,

- 25,1 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de salaire pour jours fériés travaillés en 2017,

- 232,39 euros bruts à titre de rappels de salaire pour jours fériés non travaillés en 2018,

- 23,23 euros brut à titre des congés payés sur rappels de salaire pour jours fériés non travaillés en 2018,

- 118,78 euros bruts à titre de rappels de salaire pour les journées des 31 mars et 28 avril 2016,

- 11,87 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 800,92 euros bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2016,

- 80,09 euros bruts à titre de congés payés sur rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2016,

- 1 687,77 euros bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2017,

- 168,77 euros bruts à titre de congés payés sur rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2017,

- 280,28 euros bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2018,

- 28,02 euros bruts à titre de congés payés sur rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2018,

- 33,69 euros bruts à titre de rappels de prime pour heure de nuit pour l'année 2016,

- 3,36 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de prime pour heure de nuit pour l'année 2016,

- 35 euros bruts à titre de rappels de prime pour heure de nuit pour l'année 2017,

- 3,5 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de prime pour heure de nuit pour l'année 2017,

- 13,06 euros nets à titre de rappels d'indemnités repas pour 2016,

- 347,28 euros nets à titre de rappels d'indemnités repas pour 2017,

- 241,20 euros nets à titre de rappels d'indemnités repas pour 2018,

- 145,20 euros nets à titre de rappels d'indemnités casse-croûte pour 2018,

- de condamner la SARL STMV à lui verser :

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure prud'homale,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés pour la présente procédure d'appel,

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de la société STMV déposées, le 17 décembre 2021 et s'agissant de celles de M. [I] [P], le 23 septembre 2021.

Sur le caractère disciplinaire des courriers adressés par l'employeur au salarié :

Monsieur [I] [P] indique avoir reçu plusieurs courriers recommandés de son employeur lui reprochant des temps de tournée trop longs et l'informant qu'en conséquence son temps de travail ne sera plus calculé en application des dispositions conventionnelles, mais sur la base « d'un forfait temps alloué à chacune de (ses) activités » (pièces n° 2,6 et 7).

Il fait valoir que ces courriers constituent des sanctions illégales en ce qu'elles font état de sanctions pécuniaires, sous forme de réduction de sa rémunération, lesquelles sont prohibées par la loi ; que l'employeur indique vouloir lui appliquer un forfait temps correspondant à la moyenne des temps de livraison qu'elle a calculée et donc de ne plus le rémunérer sur la base de ses carnets d'activités et de ne plus lui payer ses heures supplémentaires.

Monsieur [I] [P] demande donc l'annulation de ses sanctions et le versement d'une somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire, il fait valoir que ces sanctions sont injustifiées ; qu'il n'a fait preuve de lenteur dans l'accomplissement de ses tournées de livraison.

La société STMV indique avoir constaté que Monsieur [I] [P] consacrait un temps anormalement long à ses tournées par rapport à ses collègues accomplissant le même circuit et lui a donc demandé de s'expliquer (pièces n° 2 et 3). Elle indique qu'à la demande de Monsieur [I] [P], le gérant Monsieur [C] l'a accompagné pendant une tournée en prenant lui-même le volant et que ce dernier a constaté que, dans un rythme normal de livraison, la durée de la tournée avait été égale à celle des autres salariés et inférieure à celle de Monsieur [I] [P] (pièce n° 4).

L'employeur indique avoir adressé à Monsieur [I] [P] trois autres courriers lui rappelant ses retards dans les délais de livraison et lui proposant notamment un complément de formation (pièces n° 5 à 8).

L'employeur fait valoir qu'il n'a pas sanctionné pécuniairement Monsieur [I] [P] et que sa rémunération n'a pas été modifiée après l'envoi de ses divers courriers (pièces n° 24 et 25). Il a seulement indiqué au salarié qu'il ne lui paierait plus ses heures supplémentaires parce qu'injustifiées.

La société STMV fait valoir ainsi qu'elle n'a procédé à aucune retenue sur salaire mais a refusé le paiement des heures supplémentaires comptabilisées par le salarié dont elle contestait la nécessité.

A titre subsidiaire elle fait valoir que le conseil de prud'hommes l'ayant condamnée à verser des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, le salarié ne subit plus de préjudice et qu'en conséquence elle n'a pas à lui verser les dommages et intérêts demandés.

Motivation :

Il ressort des courriers adressés par l'employeur à Monsieur [I] [P] que le premier a fait à grief au second de ne pas accomplir ses tournées dans les temps requis et l'a expressément menacé de ne plus lui régler ses heures supplémentaires s'il n'accélérait pas ses livraisons (pièce n°2), puis a mis cette menace à exécution (pièces n° 6 et 7).

Cette décision de ne pas régler les heures supplémentaires de Monsieur [I] [P], alors même qu'il n'est pas contesté qu'il les a affectivement accomplies quand bien même il aurait pu théoriquement effectuer ses livraisons sans y recourir, a donc bien pour objet de sanctionner la lenteur supposée d'exécution de son travail,

Or, en application de l'article L. 1331-2 du code du travail, toute sanction pécuniaire est interdite.

En conséquence, la sanction de refus de payer les heures supplémentaires accomplies par Monsieur [I] [P] sera annulée, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

La société STMV devra verser à Monsieur [I] [P] la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêt, une sanction illégale lui causant nécessairement préjudice.

Sur le paiement des heures supplémentaires :

Monsieur [I] [P] produit le relevé des heures supplémentaires qu'il dit avoir accomplies, sur la base de ses carnets d'activité (pièces n° 34 à 36 et 40).

L'employeur fait valoir que Monsieur [I] [P] aurait pu accomplir ses tournées sans recourir à des heures supplémentaires ; que la comparaison de ses durées de tournées avec celles ses collègues de travail, démontre le caractère non nécessaire de ces heures pour accomplir le travail demandé (pièces n° 11 à 14, 15, 17 et 18).

Motivation :

Il ressort des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail en sa rédaction applicable au litige qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, la cour constate que Monsieur [I] [P] fournit un décompte des heures supplémentaires qu'il dit avoir accomplies suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Cependant ce dernier ne fournit aucun décompte permettant d'établir le temps de travail du salarié, alors qu'il a l'obligation d'établir un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chacun de ses salariés.

En fait, l'employeur ne conteste pas l'existence d'heures supplémentaires accomplies par le salarié, mais fait valoir que le salarié aurait pu ne pas y avoir recours s'il avait travaillé avec une vitesse d'exécution normale.

En revanche, il ne prétend pas que durant les heures de travail supplémentaire qu'il a déclarées, le salarié n'était pas sur son lieu de travail et qu'il a effectué de fausses déclarations.

En conséquence, l'employeur ne peut priver le salarié du paiement des heures supplémentaires qu'il a matériellement accomplies, nonobstant l'éventuelle insuffisance professionnelle de ce dernier.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a accordé à Monsieur [I] [P] les sommes de 639,32 euros, outre 63,93 euros au titre de congés payés, à titre de rappels d'heures supplémentaires pour l'année 2016, 1687,77 euros à titre de rappels d'heures supplémentaires, outre 168,77 euros à titre de congés payés pour l'année 2017 et 280,28 euros à titre de rappels d'heures supplémentaires, outre 28,02 euros à titre de congés payés.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de jours fériés travaillés et non travaillés :

- sur les jours fériés travaillés et non travaillés :

Monsieur [I] [P] fait valoir que son employeur ne lui a pas rémunéré les jours fériés travaillés et non travaillés selon les modalités prévues par la convention collective et par la loi.

L'employeur fait valoir qu'il s'est intégralement acquitté de ses obligations de rémunération.

C'est par une juste appréciation des faits et du droit que le conseil de prud'hommes, dont la cour adopte les motifs, a fait droits aux demandes du salarié, sauf en ce qui concerne le paiement de la journée du 1er mai 2018.

Sur la demande reconventionnelle du salarié relative à l'absence de fourniture de travail et le non-paiement de salaire lors des journées de grèves dans les dépôts de presse :

Monsieur [I] [P] indique que son employeur l'a volontairement privé de toute rémunération et de toute fourniture de travail, les 31 mars 2016 et 28 avril 2016.

Il fait valoir que l'employeur ne peut répercuter les conséquences de ces grèves sur ses salariés qui sont pas grévistes, en les privant d'une partie de leur rémunération ; que la société STMV ne justifie en effet d'aucun cas de force majeure ni d'une situation contraignante l'ayant empêché de lui fournir du travail.

Il réclame en conséquence le paiement de ces deux journées de travail.

L'employeur ne concluant pas sur ce point est réputé s'approprier les motifs du jugement attaqué.

Motivation :

L'employeur ne peut être dispensé de payer leur rémunération aux salariés qui se tiennent à sa disposition que s'il démontre qu'une situation contraignante l'empêche de leur fournir du travail.

En l'espèce la société STMV indique dans ses conclusions effectuer des prestations de livraison pour le compte de plusieurs clients, dont la société PORTALIS. Dès lors que cette dernière n'est pas l'unique client de l'employeur, et en l'absence d'autre élément, le seul fait que les salariés de PORTALIS aient été en grève ne suffit pas à démontrer l'impossibilité de fournir du travail à Monsieur [I] [P].

La société STMV devra donc verser à Monsieur [I] [P] la somme de 118,78 euros à titre de rappels de salaire pour les journées des 31 mars et 28 avril 2016, outre 11,87 euros au titre des congés payés y afférents, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Monsieur [I] [P] fait valoir que son employeur n'a cessé de faire pression sur lui en lui reprochant sa lenteur, et en lui imposant de travailler plus vite en réduisant ses temps de trajets lors de ses tournées ; qu'il l'a sanctionné pécuniairement de manière illicite ; qu'il en a résulté une dégradation de son état de santé ayant nécessité son arrêt de travail (pièce n° 56) et finalement son départ de l'entreprise.

Il réclame à ce titre la somme de 8000 euros de dommages et intérêts.

Le salarié produit trois courriers de son employeur lui indiquant que sa rémunération sera baissée en raison de son manque de célérité (pièces n° 2,6 et 7). Il produit également des arrêts de travail, n'indiquant pas leur cause et ne mentionnant pas de maladie professionnelle.

Les faits dénoncés par le salarié sont avérés, comme il l'a été jugé supra.

La menace, à plusieurs reprises, d'une sanction illégale, effectivement mise en 'uvre, est susceptible de créer une situation de stress pour le salarié.

Dès lors, ces faits et les éléments médicaux présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

L'employeur fait valoir que les courriers adressés au salarié étaient justifiés par sa lenteur dans l'accomplissement de son travail et nie toutes sanction, pécuniaire ou non.

L'employeur conteste l'existence de toute sanction pécuniaire et indique que les arrêts de travail de Monsieur [I] [P] ne sont pas postérieurs aux courriers qu'il lui a adressés et sont donc sans lien.

Motivation :

L'employeur a adressé à Monsieur [I] [P] plusieurs courriers le menaçant, puis lui annonçant la baisse de sa rémunération

La société STMV ne justifie pas d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, justifiant la décision illégale, réitérée à plusieurs reprises, de baisser la rémunération du salarié.

En conséquence, l'employeur devra verser à Monsieur [I] [P] la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral subi par ce dernier, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur les rappels des indemnités de repas :

La cour constate que dans le dispositif de ses conclusions l'employeur ne demande ni l'infirmation ni la confirmation de sa condamnation par le conseil de prud'hommes à verser à monsieur [I] [P] les sommes de 13,06 euros nets à titre de rappels d'indemnités de repas pour 2016, 347.28 euros nets à titre de rappels d'indemnités de repas pour 2017, 241.20 euros nets à titre de rappels d'indemnités de repas pour 2018, 145.20 euros nets à titre de rappels d'indemnités de casse-croûte pour l'année 2018.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre des rappels de prime d'heures de nuit :

La cour constate que dans le dispositif de ses conclusions l'employeur ne demande ni l'infirmation ni la confirmation de sa condamnation par le conseil de prud'hommes à verser à monsieur [I] [P] les sommes de 33.69 euros bruts à titre de rappels de prime pour heures de nuit pour l'année 2016, 3.36 euros bruts à titre de congés payés sur rappels de prime pour heures de nuit pour l'année 2016, 35 euros bruts à titre de rappels de prime pour heures de nuit pour l'année 2017, 3.5 euros à titre de congés payés sur rappels de prime pour heures de nuit pour l'année 2017.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail :

Monsieur [I] [P] fait valoir que les sanctions disciplinaires illégales qu'il a subies et la baisse de sa rémunération qui en a été la conséquence constituent des fautes graves de l'employeur justifiant que la rupture du contrat de travail produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur fait valoir que les courriers adressés à Monsieur [I] [P] l'ont été plus d'un an et demi avant sa démission ; que les heures supplémentaires non payées alléguées concernent une somme de 2607,33 euros, sur une période de trois ans ; que dès lors la démission de Monsieur [I] [P] ne peut être requalifiée en prise d'acte.

Motivation :

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Monsieur [I] [P] a démissionné de son emploi le 17 août 2018 (pièce n° 10 de l'intimé).

Le dernier courrier adressé au salarié par l'entreprise lui indiquant qu'il sera sanctionné pécuniairement est du 12 février 2018 (pièce n° 7).

Le fait d'avoir sanctionné illégalement Monsieur [I] [P] pour son manque supposé de diligence en refusant de lui payer ses heures supplémentaires jusqu'en février 2018, ainsi que le harcèlement moral subi par ce dernier, constituent de la part de l'employeur des manquements suffisamment graves à ses obligations contractuelles pour justifier la rupture du contrat de travail par le salarié, la circonstance que cette rupture soit intervenue cinq mois après le dernier fait fautif n'étant pas suffisante pour la dire tardive.

En conséquence la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [I] [P] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- Monsieur [I] [P] réclame la somme de 3022,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 302,90 euros au titre de congés payés.

L'employeur ne contestant pas à titre subsidiaire le quantum de la somme demandée, il sera condamné à la lui verser, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé.

- Monsieur [I] [P] réclame la somme de 2279,82 euros à titre d'indemnité de licenciement.

L'employeur ne contestant pas à titre subsidiaire le quantum de la somme demandée, il sera condamné à la lui verser, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé.

- Monsieur [I] [P] réclame la somme de 7557,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur fait valoir que Monsieur [I] [P] n'ayant au moment de son départ de la société une ancienneté de moins de 3 ans, il ne pouvait prétendre, en vertu du barème édicté à l'article L. 1235-3 du code du Travail qu'à une indemnité maximale de 3,5 mois de salaire, soit une somme de 5735,03 euros (1638,58 euros x 3,5).

Il résulte de l'article L. 1235-3 du code du travail que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue, le montant des dommages et intérêts qu'il peut décider étant compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par l'article visé ci-dessus.

Monsieur [I] [P] ayant une ancienneté de 34 mois au moment de la rupture du contrat de travail, l'employeur devra lui verser la somme de 5735,03 euros, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur le quantum.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

La société STMV sera condamnée à verser à Monsieur [I] [P] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande.

La société STMV sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal du 26 février 2021 en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [I] [P] de sa demande au titre du paiement des salaires dus pour les journées des 31 mars et 28 avril 2016,

- condamné la société STMV à verser à Monsieur [I] [P] la somme de 7557 euros (sept mille cinq cent cinquante sept euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal du 26 février 2021 pour le surplus ;

STATUANT A NOUVEAU :

Condamne la société STMV à verser à Monsieur [I] [P] les sommes de 118,78 euros (cent dix huit euros et soixante dix huit centimes) , outre 11,87 euros (onze euros et quatre vingt sept centimes) de congés payés y afférents, au titres des salaires dus pour les 31 mars et 28 avril 2016,

Condamne la société STMV à verser à Monsieur [I] [P] la somme de 5735,03 euros (cinq mille sept cent trente cinq euros et trois centimes) à titre d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y AJOUTANT

Condamne la société STMV à verser à Monsieur [I] [P] la somme de 2000 euros (deux mille euros ) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société STMV aux entiers dépens de l'instance.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en quatorze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/00824
Date de la décision : 15/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-15;21.00824 ?
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