ARRÊT DU 16 mai 2008
RG : 05 / 00982
Conseil de Prud'hommes d'EPINAL 07 mars 2005
COUR D'APPEL DE NANCY CHAMBRE SOCIALE
APPELANTS :
Monsieur Alain X...... 88000 EPINAL Représenté par Maître Julien FOURAY (Avocat au Barreau d'EPINAL)
GROUPE ALAIN X... pris en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social... 88000 EPINAL Non comparant ni représenté
INTIMÉS :
Monsieur Denis Y...... 88440 NOMEXY Comparant en personne,
et 74 autres personnes
Tous assistés ou représentés par Maître Gérard WELZER (Avocat au Barreau d'EPINAL)
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président de Chambre : Madame SCHMEITZKY Conseillers : Madame MAILLARD Monsieur FERRON
Greffier présent aux débats : Mademoiselle FRESSE
DÉBATS :
En audience publique du 20 décembre 2007 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 28 mars 2008, puis l'affaire a été prorogée au 11 avril, puis au 2 mai puis au 16 mai 2008 ;
A l'audience du 16 mai 2008, la Cour, après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS ET PROCEDURE.
Les 75 personnes dont les noms figurent en tête du présent arrêt ont été salariées de la société BTT placée en redressement judiciaire le 10 juin 1994 et qui a fait l'objet d'un plan de reprise de cession présenté par M. Alain X..., homologué par jugement du Tribunal de commerce d'Epinal du 30 novembre 1994 au profit d'une société à créer devenue la société BTT-GAT.
Le 14 décembre 1994, un protocole d'accord a été signé entre le gérant de la société BTT-GAT et les délégués syndicaux concernant la suppression de la prime d'intéressement de 6 % dont bénéficiaient les salariés par usage.
La société BTT-GAT a été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce d'Epinal du 21 octobre 2003 qui a désigné la SCP Bihr-le Carrer en qualité de liquidateur.
Les salariés ont été licenciés pour motif économique par le liquidateur par lettre du 3 novembre 2003.
Estimant que leur véritable employeur était M. Alain X... en qualité de co-employeur et de gérant de fait et lui reprochant la suppression unilatérale de la prime d'intéressement de 6 % ainsi que de n'avoir effectué aucune recherche de reclassement préalable à leur licenciement au sein du Groupe Alain X..., les salariés ont saisi le Conseil de prud'hommes de demandes dirigées contre M. Alain X... et le Groupe Alain X... aux fins de rappel de prime d'intéressement et de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement.
Par jugement du 7 mars 2005, le Conseil de prud'hommes a déclaré les 75 salariés recevables et bien fondés à agir contre M. Alain X... et le Groupe Alain X... et dit que ces derniers devaient être condamnés solidairement à payer les sommes à fixer par la juridiction. Sur ce point, le Conseil de prud'hommes a renvoyé le dossier pour instruction confiée à deux conseillers rapporteurs sur le quantum des sommes à examiner.
M. Alain X... et Groupe Alain X... ont régulièrement interjeté appel.
M. Alain X... conclut à l'infirmation du jugement, principalement à l'irrecevabilité des demandes et subsidiairement à leur caractère infondé, réclamant 1 000 € in solidum contre les salariés au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les salariés concluent à la confirmation du jugement en son principe et fixent chacun leurs demandes tant en rappel de prime d'intéressement qu'en dommages et intérêts réparant le préjudice subi par suite de la rupture abusive de leur contrat de travail.
Le Groupe Alain X... ne s'est pas présenté, ni fait représenter.
MOTIVATION.
Bien que l'accusé de réception de la lettre de convocation à l'audience adressé au Groupe Alain X... n'ait pas été signé, cette entité doit être considérée comme ayant été nécessairement avisée de la date d'audience dès lors que M. Alain X..., dûment représenté devant la Cour, a interjeté appel en son nom propre et également pour le compte du Groupe Alain X... qu'il dirige, de sorte que l'arrêt sera réputé contradictoire, et ce sans nécessité de signification de conclusions par les salariés, ce qui ne ferait que retarder l'issue du litige, les demandes formulées par ces derniers étant similaires en tous points à celles réclamées à M. Alain X..., eu égard à l'indivisibilité du litige opposant les salariés aux deux appelants.
- Sur l'irrecevabilité des demandes :
Les salariés soutiennent que M. Alain X... doit être considéré comme leur co-employeur avec la société BTT-GAT du fait de son immixtion permanente dans la gestion et la direction de l'entreprise à l'origine notamment de la démission de M. Z... en sa qualité de gérant de droit le 7 novembre 2002. Ils reprochent dès lors à M. Alain X... de n'avoir procédé à aucune recherche préalable de reclassement au sein de son Groupe Alain X....
M. Alain X... a soulevé in limine litis l'irrecevabilité de ces demandes en faisant successivement valoir que le véritable employeur des salariés est demeuré la société BTT-GAT pour le compte duquel ils ont œuvré, que le Groupe Alain X... n'a pas d'existence juridique et qu'en tout état de cause, M. Alain X... est étranger aux licenciements que seul le liquidateur judiciaire avait pouvoir de prononcer.
Il ressort des éléments du dossier que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, les salariés ne peuvent juridiquement invoquer la qualité de co-employeur de M. Alain X..., personne physique, avec la société BTT-GAT, personne de droit morale, dont la création a été une condition nécessaire posée par le Tribunal de commerce dans son jugement du 30 novembre 1994 à la reprise de l'ancienne société BTT.
Cette affirmation est corroborée par l'acte de vente notarié en date des 11 août et 21 septembre 1995, à effet au 1er décembre 1994, stipulant expressément que les 80 salariés de la société BTT seront repris par la nouvelle société BTT-GAT en vertu des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail.
Le fait que M. Alain X... se soit comporté en gérant de fait, ce qui ressort clairement des pièces produites aux débats, ne peut avoir pour effet un transfert des contrats de travail des salariés, les conséquences juridiques attachées à la gérance de fait étant strictement limitées sur le plan légal à la saisine du Tribunal de commerce, soit d'une action en responsabilité pour comblement de l'insuffisance d'actifs, soit en l'état des textes lors de la liquidation judiciaire de la société BTT-GAT, d'une action en faillite personnelle intentée contre M. Alain X... .
S'agissant du Groupe Alain X..., dont les salariés n'invoquent la qualité de co-employeur qu'au visa du dispositif de leurs conclusions sans aucun développement sur ce point dans le corps de leurs écritures, un tel groupe constitué certes de diverses sociétés réunies en départements distincts sous l'égide de M. Alain X... ne peut être considéré comme co-employeur des salariés, à défaut de pièces et éléments démontrant son intervention directe dans la conduite et l'exploitation de la société BTT-GAT.
En tout état de cause, il apparaît que par suite de la liquidation judiciaire de la société BTT-GAT demeurée l'employeur des salariés, seul le mandataire liquidateur avait pouvoir de prononcer le licenciement de ceux-ci qui ne peuvent dès lors invoquer quelque défaut que ce soit de reclassement à l'encontre de personnes ou entités morales autres.
Il en résulte que les salariés ne pourront qu'être déclarés irrecevables à agir à l'encontre de M. Alain X... et du Groupe Alain X....
Le jugement sera donc infirmé.
- Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en les circonstances de la cause.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant en audience publique et par arrêt réputé contradictoire,
INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau,
DECLARE irrecevables les salariés à agir à l'encontre de M. Alain X... et du Groupe Alain X... ;
Ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE les salariés aux entiers dépens.
Ainsi prononcé à l'audience publique ou par la mise à disposition au Greffe du seize mai deux mil huit par Madame SCHMEITZKY, Président,
Assistée de Madame COLETTE, Greffier,
Et Madame le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.