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20/03/2008 | FRANCE | N°772/08

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre civile 2, 20 mars 2008, 772/08


COUR D'APPEL DE NANCY DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No772 / 08 DU 20 MARS 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 03 / 03127
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de BAR LE DUC, R. G. no 03 / 00036, en date du 18 septembre 2003,

APPELANTS :
Monsieur Daniel X... né le 16 Octobre 1943 à JOEUF (54240), demeurant...

Madame Monique Y... épouse X... née le 26 Février 1946 à BAR LE DUC (55000), demeurant...

représentés par la SCP VASSEUR, avoués à la Cour Plaidants par Me GUILLAUME, avocat au bar

reau de la MEUSE,

INTIMÉE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MEUSE SUD- SAINT DIZIER, Sis au 3 Boulevard...

COUR D'APPEL DE NANCY DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No772 / 08 DU 20 MARS 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 03 / 03127
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de BAR LE DUC, R. G. no 03 / 00036, en date du 18 septembre 2003,

APPELANTS :
Monsieur Daniel X... né le 16 Octobre 1943 à JOEUF (54240), demeurant...

Madame Monique Y... épouse X... née le 26 Février 1946 à BAR LE DUC (55000), demeurant...

représentés par la SCP VASSEUR, avoués à la Cour Plaidants par Me GUILLAUME, avocat au barreau de la MEUSE,

INTIMÉE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE MEUSE SUD- SAINT DIZIER, Sis au 3 Boulevard de la Rochelle- 55000 BAR LE DUC représentée par la SCP CHARDON et NAVREZ, avoués à la Cour Plaidant par Me DIETRICH, avocat au barreau de la MEUSE,

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller faisant fonction de Président, Monsieur Hubert CHOPIN, Conseiller, chargés du rapport,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller faisant fonction de Président, Monsieur Bertrand MENAY, Conseiller, Monsieur Hubert CHOPIN, Conseiller,

Greffière, lors des débats : Madame DEANA ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que le délibéré serait prononcé le 20 mars 2008 ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 20 MARS 2008 date indiquée à l'issue des débats, par Monsieur MAGNIN, Conseiller faisant fonction de Président, conformément à l'article 452 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur MAGNIN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Monsieur LAUDET- JACQUEMMOZ, greffier présent lors du prononcé ;

Le 16 octobre 1987, Daniel X..., gérant majoritaire de la Sarl X..., entreprise de confection, s'est retrouvé sans emploi à la suite de la mise en liquidation judiciaire de sa société. Son épouse n'avait pas d'activité professionnelle.

La Caisse de crédit mutuel de Meuse- Sud / Saint- Dizier (le Crédit mutuel) a alors accordé aux époux X... de nombreux prêts et autorisations de découverts pour leur permettre de faire face à leurs dépenses.
Par acte du 20 novembre 2002, Daniel X... et son épouse Monique Y... ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bar- le- Duc la Caisse de crédit mutuel de Meuse- Sud / Saint- Dizier en paiement à titre de dommages et intérêts d'une somme correspondant au montant de la créance de la banque à leur encontre et en compensation de ces dommages et intérêts avec leur dette envers la banque, le tout avec le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par jugement du 18 septembre 2003, le tribunal de grande instance de Bar- le- Duc a rejeté une demande en sursis à statuer formée par le Crédit mutuel et a débouté les époux X... de leurs demandes.
Les époux X... ont interjeté appel de ce jugement le 25 novembre 2003.
PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures du 16 octobre 2006, les époux X... concluent à l'infirmation du jugement, à la condamnation du Crédit mutuel à leur payer, à titre de dommages et intérêts, une somme correspondant très exactement au montant de la créance de la banque à leur encontre, soit la somme de 282 146, 37 euros, à la compensation de ces dommages et intérêts avec leur dette envers la banque et au rejet des demandes du Crédit mutuel.

Ils exposent que, dans la situation où ils se trouvaient après la liquidation judiciaire de la société, ils se sont tournés vers leur banque, le Crédit mutuel, pour solliciter une aide financière. Celle- ci leur a accordé les prêts suivants ; – la somme de 290 000 francs en janvier 1988, – la somme de 100 000 francs en septembre 1988, – la somme de 264 500 francs en octobre 1988, avec le cautionnement de Jean- Marie Y..., – la somme de 800 000 francs en janvier 1990, avec le cautionnement de Jean- Marie Y....

Parallèlement, ils ont bénéficié de nombreuses autorisations de découvert :
– la somme de 60 000 francs en juin 1986, avec le cautionnement de Jean- Marie Y..., – la somme de 100 000 francs en janvier 1987, – la somme de 110 000 francs en avril 1987, avec le cautionnement d'Aline X... et de Jean- Marie Y..., – la somme de 5 000 francs en juillet 1989 sur un compte ouvert au nom de Monique Y..., – la somme de 250 000 francs en mai 1990, avec le cautionnement de Robert Y....

Ainsi, pendant toute cette période, leurs comptes fonctionnaient exclusivement à découvert, les prêts ne servant qu'à combler les découverts, augmentant ainsi sans cesse le montant mensuel de leurs remboursements, de sorte que, selon un état récapitulatif de la banque établi le 22 février 1994, leur dette globale s'élevait à la somme de 1 911 569 francs (soit 291 416, 82 €).
Ils prétendent donc que le Crédit mutuel, en leur octroyant des crédits considérables avec la plus grande légèreté, a commis une faute caractérisée, car les éléments en sa possession démontraient le caractère totalement irréaliste desdits engagements. En effet, alors qu'ils ne disposaient d'aucune ressource et d'aucun patrimoine, la banque, qui connaissait leur situation, leur a accordé ces prêts inconsidérés dont le caractère excessif au regard de leurs facultés de remboursement, qui étaient nulles, ne pouvait lui échapper, car elle était fortement éloignée des usages bancaires. En second lieu, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la banque ne pouvait, sans engager sa responsabilité, transférer dans de telles conditions la charge du risque sur la caution, Jean- Marie Y..., qui n'était pas notoirement solvable. Enfin, c'est à tort que les premiers juges ont retenu, pour écarter la responsabilité du Crédit mutuel, qu'étant ancien chef d'entreprise, M. X... était parfaitement conscient des engagements qu'il prenait, car cela ne pouvait exonérer la banque de l'obligation d'information et de conseil résultant de sa qualité de professionnel du crédit.
Ils poursuivent en soutenant, contrairement aux premiers juges, que l'aggravation du passif par l'octroi de crédits abusifs constitue un préjudice indemnisable. Et ce préjudice est réel car, en raison de l'importance de la dette, dont le montant est actuellement de 282 146, 37 euros, ils ne peuvent espérer assainir un jour leur situation. Enfin, il y a un lien de causalité car, par sa faute, la banque les a laissés s'enfermer dans une situation désormais désespérée.
****
Dans ses dernières écritures du 16 novembre 2007, la Caisse de crédit mutuel de Meuse- Sud / Saint- Dizier conclut à la confirmation du jugement, au rejet des demandes des époux X... et à leur condamnation solidaire, sinon in solidum, à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle soutient tout d'abord n'avoir commis aucune faute, car l'obligation d'information et de conseil, que les époux X... lui reprochent de n'avoir pas respectée, trouve sa raison d'être non pas dans sa qualité de professionnel, mais dans l'inégalité de compétence entre elle et un emprunteur inexpérimenté ou, le cas échéant, dans le fait d'avoir connaissance d'éléments que l'emprunteur lui- même ignore. Or M. X..., dirigeant d'entreprise, est un homme d'affaires expérimenté capable d'apprécier la portée de ses engagements, de sorte qu'elle n'avait pas à se faire juge de l'opportunité des crédits qu'il sollicitait et que, compte tenu de leurs relations, il aurait été indélicat de les lui refuser du jour au lendemain, sachant qu'il était à même d'en apprécier l'incidence sur sa situation personnelle, compte tenu de ses possibilités de rétablissement professionnel et financier. D'ailleurs, les époux X... ne peuvent, sans se contredire, déclarer leur satisfaction d'avoir été ainsi aidés par leur banque, tout en la rendant responsable de leur échec.
Elle prétend ensuite que les époux X... n'apportent nullement la preuve d'un quelconque préjudice, ni d'un lien de causalité entre celui- ci et les prêts litigieux. En effet, ni le fait de disposer de sommes d'argent leur ayant permis de vivre pendant plusieurs années alors qu'ils n'avaient pas d'activité professionnelle, ni le fait de devoir rembourser des sommes qui leur ont été prêtées ne constituent un préjudice.
MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de la banque

Il convient tout d'abord de rappeler que, contrairement à ce que prétendent les parties, un établissement de crédit n'a, à l'égard d'un client emprunteur, aucune obligation d'information ou de conseil – si ce n'est dans le cas particulier où il dispose sur la situation financière de son client d'informations que lui- même ignore –, mais d'un devoir de mise en garde, à l'égard seulement de l'emprunteur profane, lui faisant obligation, avant d'apporter son concours, de vérifier ses capacités financières au regard de l'importance du crédit sollicité et de l'avertir des risques encourus Cass. 1ère civ., 12 juil. 2005 (4 arrêts), Bull. civ. I, no 124 à 127.
En l'espèce, le Crédit mutuel a été amené à répondre à une demande de ses clients, les époux X..., de leur accorder son concours pour leur permettre de continuer à faire face à leurs dépenses dans la situation où ils se trouvaient à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société X..., dont M. X... était le dirigeant et qui assurait l'essentiel des ressources familiales, permettant ainsi à M. X... de tenter de retrouver une situation professionnelle dans de bonnes conditions tout en assurant les besoins de sa famille. Ils ont pu d'ailleurs compter également sur la solidarité familiale puisque plusieurs membres de la famille ont cautionné certains prêts, dont notamment le frère de Mme X..., Jean- Marie Y.... Toutefois, contrairement à ses espoirs, M. X... n'a pu, malgré quelques tentatives infructueuses, retrouver une situation professionnelle convenable dans un délai raisonnable, si bien que la dette des époux X... est devenue très importante, les concours de la banque s'étant prolongés sur plusieurs années.
Les époux X... prétendent que la banque aurait commis une faute en leur accordant dans ces conditions des prêts inconsidérés dont le caractère excessif ne pouvait lui échapper. Cependant, force est de constater que M. X..., qui était auparavant gérant majoritaire de l'entreprise familiale de confection, ne peut être considéré comme un emprunteur profane puisqu'il était rompu aux affaires et qu'il ne peut donc être sérieusement prétendu qu'il n'avait pas conscience des risques qu'il prenait en s'endettant de manière considérable pour se donner les moyens de retrouver une situation professionnelle tout en assurant les besoins de sa famille. En présence d'un emprunteur averti, la banque n'avait donc pas dans ces circonstances de devoir de mise en garde et les époux X... sont bien mal venus, alors que leur banque avait accepté de les accompagner dans cette prise de risque, de le lui reprocher à présent.
Il s'ensuit que, en l'absence de faute qui lui serait imputable, la responsabilité de la banque doit être écartée et les époux X... déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts.
Il convient donc, par ces motifs qui se substituent à ceux des premiers juges, de confirmer le jugement déféré.

Sur les frais et dépens

Les époux X..., qui succombent à l'instance, devront en supporter les dépens et indemniser le Crédit mutuel de ses frais de procédure.

PAR CES MOTIFS

En conséquence, la cour d'appel de Nancy (deuxième chambre civile), Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 18 septembre 2003 ;
Condamne in solidum Daniel X... et Monique Y... épouse X... à payer à la Caisse de crédit mutuel de Meuse- Sud / Saint- Dizier la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Daniel X... et Monique Y... épouse X... aux dépens, avec possibilité de recouvrement direct par la SCP Alain Chardon et Lucile Navrez, avoué, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 772/08
Date de la décision : 20/03/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bar-le-Duc, 18 septembre 2003


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nancy;arret;2008-03-20;772.08 ?
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