COUR D'APPEL DE NANCY deuxième chambre civile JEX ARRÊT No 106 / 08 DU 16 JANVIER 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 02029
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance d'EPINAL, R. G. no 06 / 00402, en date du 06 juillet 2006,
APPELANTE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL SEMOUSE ET COMBEAUTE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce, domiciliés audit siège, demeurant 4 rue Henri Lebrun-70800 ST LOUP SUR SEMOUSE représentée par Me BONET, LEINSTER et WISNIEWSKI, avoué à la Cour assistée par maître SCHMITT, Avocat au Barreau de STRASBOURG
INTIMÉS :
Monsieur Jacky Georges Y... demeurant ...88340 LE VAL D'AJOL représenté par la SCP CHARDON et NAVREZ, avoués à la Cour assisté par Maître FOURAY, Avocat au Barreau d'EPINAL
Madame Viviane Georgette B... épouse Y... (SEPAREE) demeurant ...88340 LE VAL D'AJOL représentée par la SCP CHARDON et NAVREZ, avoués à la Cour assistée par Maître FOURAY, Avocat au Barreau d'EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de procédure Civile l'affaire a été débattue le 03 Décembre 2007, en audience publique les avocats de s'y étant pas opposés, devant Madame POMONTI, Conseiller rapporteur faisant fonction de Président
Greffier, lors des débats : Madame DEVIN ;
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
-Madame POMONTI, Conseiller rapporteur faisant fonction de Président-Madame DELTORT, Conseiller-Monsieur CHOPIN, Conseiller
ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 16 JANVIER 2008date indiquée à l'issue des débats, par Madame POMONTI Conseiller rapporteur faisant fonction de Président, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
BASES CONTRACTUELLES DU LITIGE FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Le 26 janvier 1995, la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE a accordé à Monsieur Jacky Y... un prêt personnel de 208. 600 Francs moyennant l'engagement de caution de Monsieur Henry C....
Par jugement du 8 novembre 2001 rendu par le Tribunal de Grande Instance d'Epinal, Monsieur Jacky Y... et Monsieur C... ont été solidairement condamnés à payer à la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE la somme de 213. 588, 26 Francs avec intérêts au taux contractuel de 9 % à compter du 3 novembre 1998. Cette décision a été confirmée par arrêt du 23 août 2005 rendu par la cour d'appel de Nancy.
Un commandement de payer a été délivré le 27 octobre 2005 à l'encontre de Monsieur C... pour un montant total de 53. 526, 05 € en principal, frais et intérêts
Une saisie-attribution a été pratiquée le 18 janvier 2006 par la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE sur le compte de dépôt détenu conjointement par Monsieur Jacky Y... et Madame Viviane B... épouse Y... à la Banque Populaire de Lorraine Champagne à hauteur de 54. 890, 14 €.
Une saisie-attribution a été pratiquée par la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE le 30 janvier 2006 sur le compte de dépôt détenu conjointement par Monsieur Jacky Y... et Madame Viviane B... épouse Y... au sein de la Banque Populaire de Lorraine Champagne à hauteur de 54. 986, 88 €.
VU la demande introduite par Monsieur Jacky Y... et Madame Viviane B... épouse Y... selon assignation du 8 février 2006 tendant, dans le dernier état de leurs conclusions, à l'irrecevabilité de la saisie pratiquée le 19 janvier 2006, au constat de l'irrégularité de forme et de fond affectant la saisie pratiquée le 30 janvier 2006, à la mainlevée des deux saisies, au paiement de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts liés au caractère abusif des deux saisies et de 1. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
VU les conclusions de la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE tendant à l'irrecevabilité des prétentions de Monsieur Jacky Y... et Madame Viviane B... épouse Y... et à l'attribution du fait de la saisie à son profit de la somme de 5. 358, 31 € avec intérêts au taux de 9 % à compter du 1er avril 2006 et à hauteur de la somme allouée au titre des frais irrépétibles sollicités à hauteur de 1. 500 € ;
VU le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'Epinal le 6 juillet 2006, assorti de l'exécution provisoire, qui a constaté la caducité de la saisie réalisée le 19 janvier 2006, qu'au 30 janvier 2006, la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE n'était créancière d'aucune somme sur Monsieur Jacky Y... et Madame Viviane B... épouse Y..., ordonné la mainlevée des saisies attributions et condamné la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE à payer aux demandeurs les sommes de 2. 500 € à titre de dommages et intérêts et 1. 500 € au titre des frais irrépétibles ;
VU l'appel de ce jugement interjeté par la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE le 18 juillet 2006 ;
VU les moyens et prétentions de la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 21 juin 2007 tendant à voir ordonner que la saisie pratiquée le 30 janvier 2006 emporte attribution à son profit à hauteur de la somme de 5. 358, 31 € avec intérêts au taux de 9 % à compter du 1er avril 2006 et à l'allocation de 2. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, ceci étant précisé que la saisie devra également emporter attribution pour cette somme ;
VU les moyens et prétentions de Monsieur Jacky Y... et Madame Viviane B... épouse Y..., exposés dans leurs dernières conclusions signifiées le 1er octobre 2007 tendant à la confirmation du jugement déféré et à l'allocation de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts au profit de Madame Y... pour saisie abusive et de 2. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
MOYENS DES PARTIES
Au soutien de son appel, la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE fait valoir que :
-seule une tentative de saisie a été pratiquée le 18 janvier 2006 dans la mesure où le compte de dépôt n'était pas créditeur ; elle n'a pas été dénoncée et est donc caduque ; elle ne peut donc pas avoir causé de préjudice ;
-Monsieur C... a payé le 23 octobre 2002 la somme de 40. 119, 11 € ; une remise de trois points sur les intérêts lui a été consentie à condition qu'il effectue le règlement du solde dû en une seule mensualité ; la remise consentie à la caution ne peut pas profiter à Monsieur Jacky Y... qui demeurait redevable des intérêts à 9 % et donc de la somme de 5. 358, 31 €.
Monsieur Jacky Y... et Madame Viviane B... épouse Y... répliquent que :
-la saisie pratiquée le 18 janvier n'a pas été dénoncée, mais a eu pour effet de bloquer le compte joint, ce qui leur a causé un préjudice ;
-la saisie du 30 janvier 2006 a été pratiquée en l'absence de titre exécutoire portant condamnation du concluant et sur un compte joint alors que Madame Y... n'était pas débitrice de la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE ;
-la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE a été désintéressée par le paiement effectué par Monsieur C... à hauteur de 40. 119, 11 € représentant le solde du prêt dû par le concluant ; la banque a donc perdu le droit de poursuivre ce dernier puisque les remises de dettes consenties à la caution profitent au débiteur principal ;
-le décompte produit par la banque ne fait pas apparaître le versement effectué par Monsieur C... ; l'attitude de la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE est constitutive d'un abus de droit dans la mesure où elle n'a pas avisé les parties de ce règlement ;
-la saisie pratiquée par la Caisse de Crédit Mutuel, sans droit, ni titre à l'égard de Madame Y..., est irrégulière car elle devait s'assurer que la concluante consentait à engager ses biens propres et ses revenus pour un cautionnement au profit de son mari ; cet acte a causé un préjudice à cette dernière en raison de l'atteinte portée à son crédit bancaire au regard de sa qualité de gérante de société.
MOTIFS
La saisie attribution du 18 janvier 2006
Par courrier du 18 janvier 2006, Maître D..., huissier, informait Monsieur Jacky Y... de la saisie de son compte bancaire.
Par courrier en date du 30 janvier, Maître D... a informé Monsieur Jacky Y... de l'absence de dénonciation de cette saisie au motif que le compte n'était pas créditeur (pièce no 8 de la Caisse de Crédit Mutuel).
Aucun procès verbal de saisie n'a été versé aux débats, ni aucun acte de dénonciation. En l'absence d'acte établi matériellement par l'huissier, la saisie est nulle puisqu'elle ne répond pas aux conditions exigées par l'article 56 du décret du 31 juillet 1992.
La saisie attribution du 30 janvier 2006
La saisie attribution, effectuée à hauteur de 54. 986, 88 €, a été dénoncée aux époux Y... et est donc régulière en la forme.
Cette saisie vise l'exécution du jugement du 8 novembre 2001 rendu par le Tribunal de Grande Instance d'Epinal qui a condamné solidairement Monsieur Jacky Y... et Monsieur C... à payer à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 213. 588, 26 Francs, cette décision ayant été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 23 août 2005. Contrairement à ce que prétend Monsieur Y..., la banque saisissante dispose bien d'un titre exécutoire.
Le règlement de 40. 119, 11 € effectué 23 octobre 2002 par Monsieur C..., ès qualités de caution, est intervenu dans le cadre d'un accord avec la banque. En effet, par courrier du 6 septembre 2002, la Caisse de Crédit Mutuel avait accepté de consentir une remise de trois points sur le taux d'intérêt du prêt à la seule condition du règlement du solde en une seule mensualité.
En application de l'article 1287 du Code Civil, la remise accordée à la caution ne libère pas le débiteur principal.
En conséquence, le règlement effectué par Monsieur C... n'est pas venu éteindre la créance dont Monsieur Jacky Y... demeurait redevable à l'égard de la Caisse de Crédit Mutuel, puisque la remise n'a pas pu profiter au débiteur principal.
Le décompte versé aux débats par la Caisse de Crédit Mutuel mentionne le capital restant dû et le décompte annuel des intérêts jusqu'au règlement effectué par Monsieur C.... Le versement effectué par ce dernier apparaît très clairement sur le décompte versé aux débats, dont il ressort qu'au 30 mars 2006, Monsieur Jacky Y... était redevable de la somme de 5. 358, 31 €.
Madame Y... invoque l'irrégularité de la saisie pratiquée sur un compte joint en l'absence de titre exécutoire à son égard et sollicite la mainlevée de la saisie ainsi que des dommages et intérêts.
L'article 1415 du Code civil dispose que chacun des époux ne peut engager ses revenus par un emprunt contracté sans le consentement exprès de l'autre conjoint.
Une saisie attribution peut être pratiquée sur un compte bancaire ayant deux titulaires dont l'un des deux n'est pas débiteur. Il appartient alors à celui qui n'est tenu d'aucune solidarité avec le débiteur saisi, d'établir que les sommes figurant au compte joint lui appartiennent. Or, Madame Y... ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier que le compte, objet de la saisie, était alimenté par les revenus de chacun des époux. Les demandes formées par Madame Y... sont donc rejetées.
La saisie a donc été valablement effectuée sur le compte joint et emportera attribution au profit de la Caisse de Crédit Mutuel à hauteur de 5. 358, 31 €.
Le jugement déféré est donc infirmé dans sa totalité.
L'équité justifie de couvrir les frais de procédure de la Caisse de Crédit Mutuel non compris dans les dépens à hauteur de 800 €. La saisie emportera également attribution pour cette somme.
PAR CES MOTIFS
Et adoptant ceux des motifs non contraires des premiers juges,
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré ;
Et statuant à nouveau,
PRONONCE la nullité de la saisie pratiquée le 18 janvier 2006 ;
DIT que la saisie pratiquée le 30 janvier 2006 emporte attribution au profit de la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE de la somme de CINQ MILLE TROIS CENT CINQUANTE HUIT EUROS ET TRENTE ET UN CENTIMES (5. 358, 31 €) avec intérêts au taux de 9 % à compter du 1er avril 2006 ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE Monsieur Jacky Y... et Madame Viviane B... épouse Y... à payer à la Caisse de Crédit Mutuel SEMOUSE et COMBEAUTE la somme de HUIT CENTS EUROS (800 €) au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;
AUTORISE la S. C. P. d'avoués BONET LEINSTER WISNIEWSKI à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.
L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du 16 janvier 2008 par Madame POMONTI, Conseiller rapporteur faisant fonction de Président de la chambre de l'exécution, conformément à l'article 452 du nouveau code de procédure civile, assistée de Madame DEVIN, Greffier.
Et le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.