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30/10/2007 | FRANCE | N°2425/07

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre civile 1, 30 octobre 2007, 2425/07


ARRÊT No2425 / 07 DU 30 OCTOBRE 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 02 / 00691
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de VERDUN, R. G. no 9900462, en date du 31 décembre 2001,
APPELANTS : Madame Marie-Claude X... épouse Y... demeurant... Mademoiselle Marie Madeleine X... demeurant... Monsieur Philippe X... demeurant... Monsieur Christophe X... demeurant... Monsieur François X... demeurant... représentés par Me GRÉTÉRÉ, avoué à la Cour assistés de Me Françoise DEVARENNE-LAMOUR, avocat au barreau de NANCY

INTIM

ÉS : Monsieur René A... né le 06 Avril 1933 à EXERMONT (08250), demeurant... Madame ...

ARRÊT No2425 / 07 DU 30 OCTOBRE 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 02 / 00691
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de VERDUN, R. G. no 9900462, en date du 31 décembre 2001,
APPELANTS : Madame Marie-Claude X... épouse Y... demeurant... Mademoiselle Marie Madeleine X... demeurant... Monsieur Philippe X... demeurant... Monsieur Christophe X... demeurant... Monsieur François X... demeurant... représentés par Me GRÉTÉRÉ, avoué à la Cour assistés de Me Françoise DEVARENNE-LAMOUR, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉS : Monsieur René A... né le 06 Avril 1933 à EXERMONT (08250), demeurant... Madame Claude Henriette D... épouse A... née le 28 Mars 1934 à AUBREVILLE (55120), demeurant... représentée par la SCP LEINSTER-WISNIEWSKI-MOUTON, avoués à la Cour assistée de Me Sébastien LE BRIERO, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 Septembre 2007, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, Madame Pascale TOMASINI-KRIER, Conseiller, en son rapport, qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Laïla CHOUIEB ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 30 OCTOBRE 2007 date indiquée à l'issue des débats, par Monsieur DORY, Président, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Guy DORY, Président, et par Mademoiselle Laïla CHOUIEB, greffier présent lors du prononcé ;

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par exploits des 8 et 9 juin 1999, Monsieur René A... et son épouse née Claude D... ont fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de VERDUN Monsieur Claude X... et sa fille Madame Marie-Claude X... épouse Y... pour voir, vu l'acte rectificatif de vente reçu par la SCP BROCARD-CALONEGOle 17 novembre 1997 :-dire que les époux A... sont propriétaires de la parcelle cadastrée section B n° 152 lieudit " La Forge ", commune de MONTBLAINVILLE, appelée canal de décharge, l'étendue de leur propriété devant être fixée par rapport à la parcelle B n° 456 le long de l'ensemble du haut de la berge rive droite, augmentée des francs-bords, tel que défini par l'acte authentique du 17 novembre 1987, de telle sorte que ladite parcelle B 152 englobe l'intégralité du lit du canal de décharge ainsi que ses berges et francs-bords,-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,-condamner les défendeurs à leur payer la somme de 10. 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens,-débouter les défendeurs de leur demande en dommages-intérêts et de celle fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ils ont exposé qu'ils sont propriétaires de la parcelle en cause, appelée canal de décharge, contiguë à la parcelle appartenant à Monsieur X... et sa fille, cadastrée section B n° 456, lieudit " le pré de la forge ", en nature de pâture, qu'ils sont titulaires d'un droit d'exploitation fondé en titre et ont réalisé la construction d'une centrale hydroélectrique sur le site d'une ancienne usine, en dérivation de la rivière de l'Aire, que l'alimentation en eau de la centrale se fait par un canal d'amenée et que l'eau utilisée comme motrice est rejetée et acheminée grâce à un canal de décharge jusqu'à l'Aire, que la difficulté porte sur la propriété du canal de décharge.
Ils ont précisé que dans le cadre d'une procédure de bornage ayant opposé les mêmes parties, le tribunal d'instance de VERDUN, confirmé par la Cour d'Appel de NANCY selon arrêt du 26 juin 1996, a jugé que la limite de propriété entre la parcelle B 152 et la parcelle B 456 doit être placée dans le lit du canal, mais que n'étant pas saisie du problème de la propriété, la décision fixant la limite est sans emport sur la détermination et la contenance des parcelles contiguës. Ils ont soutenu qu'au vu des pièces produites, seules peuvent être considérées comme limites de propriété les limites naturelles, à savoir la limite topographique de la berge du canal de décharge existante, augmentée des francs-bords.
Sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 26 juin 1996 invoquée par la partie adverse, les demandeurs ont soutenu que l'arrêt a tranché un litige en bornage, portant sur les limites de propriété alors que leur action est une action en revendication de propriété, que la décision fixant les limites de propriété n'a pas autorité de la chose jugée quant au droit de propriété lui-même.
Sur le rapport de Monsieur E..., établi à partir de faits objectifs, Monsieur et Madame A... précisent que contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, il n'y a jamais eu le moindre travail effectué sur la rive droite du canal, côté HENRAT, sur laquelle se trouvent des arbres importants ainsi que des fûts et anciennes clôtures, alors qu'il y a bien eu des travaux de curage rive gauche, qui n'ont en rien modifié la situation de propriété. Ils ont précisé produire l'acte du 17 novembre 1997 qui définit précisément l'assiette du droit de propriété revendiqué.
Ils ont ajouté que la parcelle B 152 est un canal de décharge à usage exclusif de l'ancien lavoir à mine, qui est leur propriété, alors que les défendeurs ne disposent d'aucun titre et ne peuvent invoquer aucune prescription.
Monsieur X... et Madame Y... ont conclu à l'irrecevabilité des demandes formées contre Monsieur X... et à la condamnation solidaire des demandeurs à lui payer 10. 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Ils ont également conclu à l'irrecevabilité des demandes adverses, eu égard à l'autorité de chose jugée et à la condamnation solidaire des époux A... à payer à Madame Y... la somme de 10. 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée outre 10. 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Ils ont exposé que Monsieur X... n'est pas concerné par le litige dès lors que l'immeuble section B 456 a été attribué à Madame Y... en toute propriété selon acte du 17 décembre 1988.
Ils ont rappelé que par jugement du 27 février 1992, le tribunal d'instance de VERDUN a dit que les limites en aval du pont, entre l'immeuble B 456 (Henrat) et B 152 (Lorette) se situe au milieu de canal jusqu'à sa jonction avec la rivière Aire et a débouté les époux A... de leur demande tendant à se voir reconnaître le bénéfice d'aisances le long de la parcelle B 152 sur la parcelle B 456 en aval du pont, que ce jugement a été confirmé et le pourvoi en cassation rejeté.
Ils ont souligné que les époux A... n'ont pas précisé le fondement juridique de leur demande, qu'ils se prévalent d'un rapport E..., établi non contradictoirement et dont ils contestent la valeur probante, ainsi que d'un acte rectificatif de Maître F... du 17 novembre 1997 qui ne leur est pas opposable et qui instaure des francs bords sur le canal d'amenée, qui ne les concerne pas.

Madame Y... a par conséquent opposé une fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée.

Subsidairement sur le fond, elle a soutenu qu'il y a bien eu dégradation du fait de la main de l'homme, dès lors que ce qui est devenu un canal de décharge à la suite des travaux d'élargissement entrepris par les intéressés, était jusqu'en 1986 un simple écoulement destiné à évacuer par intermitence les eaux utilisées par le lavoir à mine appelé " rayère ".
Par jugement du 31 décembre 2001, le Tribunal de Grande Instance de VERDUN a :-déclaré irrecevable l'action en revendication engagée à l'encontre Monsieur Claude X...,-débouté Monsieur X... de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,-dit n'y avoir lieu de retenir la fin de non recevoir tirée de l'exception de la chose jugée et déclaré recevable l'action en revendication engagée à l'encontre de Madame Y... Marie-Claude,-dit que Monsieur et Madame A... sont propriétaires du lit du canal de décharge situé commune de MONTBLAINVILLE, lieudit " La Forge ", cadastré section B n° 152,-dit que la propriété des époux A... ne comprend pas la berge et ne comprend pas de franc-bords situés rive droite parcelle B n° 456 appartenant à Madame Y...,-débouté Madame Y... de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,-débouté les époux A... et Madame Y... de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,-condamné les époux A... aux dépens de l'action engagée à l'encontre de Monsieur X...,-partagé par moitié entre les époux A... et Madame Y..., les dépens de l'action engagée à l'encontre de Madame Y....

Le tribunal, après avoir analysé les titres de propriété et les ventes successives du bien, en a conclu que le lit du canal de décharge appartient aux époux A.... Il a ajouté que s'il ressort du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur H... établi dans le cadre de la procédure de bornage que le canal de décharge a été fortement élargi et que son reprofilage a empiété sur la propriété voisine B 456, il résulte des constatations faites par huissier de justice le 3 mars 1997 et d'un rapport de Monsieur E..., expert géomètre mandaté par les époux A..., pièces qu'il convient de prendre en compte comme éléments de preuve, que le canal de décharge a été partiellement curé mais côté bois, sur la rive gauche appartenant aux A..., que la rive droite appartenant à Madame Y... porte des arbres de taille importante et des fûts plus que séculaires, des piquets de clôture et des vieux fils plus que trentenaires, que Monsieur E... a retiré de ses constatations et de la vérification des limites de propriété que la rive droite du canal de décharge n'a pas été affectée par les travaux d'élargissement, qu'il n'y a eu ni consommation, ni empiétement sur la parcelle B 456.
Le tribunal a ensuite souligné qu'il ne peut être retiré des actes visés précédemment que la propriété des époux A... s'étend à la berge située parcelle B 456 appartenant à Madame Y... et au franc bord situé sur la même parcelle, de sorte qu'il ne sera pas reconnu aux époux A... la propriété de la berge et d'un franc-bord situés rive droite parcelle B 456.
Madame Y... et Monsieur X... ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 1er mars 2002 enregistrée au Greffe le 7 mars 2002.
Monsieur X... est décédé en cours de procédure et ses héritiers sont intervenus à l'instance.
Dans leurs dernières écritures signifiées et déposées le 6 septembre 2007, les appelants ont conclu à l'infirmation de la décision querellée. Ils demandent à la Cour de :-déclarer irrecevable l'action des époux A... compte-tenu de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de céans le 26 juin 1996,-subsidiairement, déclarer cette action non fondée et les en débouter,-les condamner à verser à Madame Y... la somme de 3. 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens d'instance et d'appel.

Les appelants maintiennent la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 26 juin 1996, rappellent qu'une action qui tend au délaissement d'une bande de terrain certaine et déterminée par sa forme, sa situation et sa contenance est une action en revendication même lorsqu'elle est formée entre propriétaires voisins et dont le but est l'abornement des terrains contigüs. Ils soutiennent que l'arrêt de 1996 s'est bien prononcé sur la propriété, qu'étaient évoquées dans leurs conclusions la propriété de la parcelle sur laquelle figurent les aisances avec le lavoir à mine.
Ils soulignent par ailleurs que l'autorité de chose jugée s'attache aux motifs, soutien nécessaire du dispositif, que la Cour, dans son précédent arrêt, a constaté que le canal de décharge avait été considérablement élargi par les travaux effectués par les consorts A..., maintiennent que ce qui est devenu un canal de décharge par suite de travaux entrepris par les consorts A..., était jusqu'en 1986, un simple écoulement non tracé par la main de l'homme destiné à évacuer par intermittence les eaux utilisées par le lavoir à mines, et appelé rayère, que le jugement du tribunal d'instance a noté que les époux A... ne sont pas propriétaires du canal de décharge en aval du petit pont. Ils ajoutent que les photographies versées aux débats confirment que le canal litigieux a été crée par Monsieur A... à l'emplacement de la rayère KL citée dans le rapport de l'ingénieur des Ponts du 1er juin 1837.

Les appelants font valoir que la présente action consiste seulement à remettre en cause les limites de la parcelle B 152, que le litige en cause n'est pas la propriété des parcelles respectives mais la fixation de la limite divisoire, définitivement déterminée par l'arrêt du 26 juin 1996.
Subsidiairement sur le fond, les appelants observent que les intimés reprennent la discussion sur l'article 546 du Code Civil alors que la présomption légale de propriété résultant de cet article a été expressément écartée par le jugement du tribunal d'instance, confirmé par l'arrêt de la Cour d'Appel de NANCY du 26 juin 1996. Ils reprochent à Monsieur A... d'entretenir une confusion entre le canal de fuite initial (sous-bief), rectiligne, creusé par la main de l'homme et dépendant exclusivement de l'usine d'une part et la rayère KL, écoulement naturel au tracé sinueux d'autre part.
Ils précisent que le contrat d'exploitation de Monsieur A... a été suspendu par le préfet de la Meuse le 7 décembre 1999, qu'il a été débouté par le tribunal administratif de ses requêtes tendant à annuler cette décision.
Sur la servitude revendiquée par Monsieur A..., les appelants rappellent que Monsieur A... a implanté sa turbine électrique à un emplacement différent du moulin initial, qu'il a fait établir l'acte rectificatif du 17 novembre 1997, lequel ajoute des francs bords à la parcelle B 152, parce qu'il n'avait pu obtenir la constitution de servitudes lors de l'achat du 30 décembre 1986.
Concernant l'intervention des héritiers de Monsieur X..., les appelants soulignent qu'ils ont été assignés en reprise d'instance par les intimés, qui savaient pertinemment que la parcelle B 456 appartenait à Madame Y... et qu'elle ne pouvait apparaître dans la succession de Monsieur X....
Dans leurs dernières écritures signifiées et déposées le 5 septembre 2007, Monsieur et Madame A... demandent à la Cour de :-confirmer partiellement la décision entreprise,-l'infirmer partiellement en tant que : 1 la propriété des appelants sur la parcelle B 456 n'emporte pas automatiquement propriété sur le franc bord situé le long de la parcelle B 456 et le long de la parcelle B 152. En effet, leur titre de propriété est taisant sur la propriété desdits francs-bords, lesquels sont présumés appartenir aux époux A...,2 en toute hypothèse, les époux A... bénéficient d'une servitude de passage et de dépôt des matériaux de curage sur le franc bord situé du côté de la parcelle 456,-faisant droit à leurs demandes incidentes,-constater le caractère manifestement abusif des appels,-condamner Madame Marie-Claude Y... à leur payer une indemnité de 2. 000 € à titre de dommages-intérêts outre une indemnité de 3. 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,-condamner ensemble Monsieur François X..., Monsieur Philippe X..., Monsieur Christophe X..., mlle Marie-Madeleine X... à leur payer payer une indemnité de 2. 000 € à titre de dommages-intérêts outre une indemnité de 3. 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,-débouter les appelants de toutes demandes, fins et conclusions contraires,-les condamner in solidum aux dépens d'instance et d'appel.

Sur l'autorité de chose jugée issue de l'arrêt du 26 juin 1996, les intimés rappellent que dans l'instance précédente, ils ne contestaient que la délimitation matérielle des héritages, qu'ils n'invoquaient leur possession que pour la fixation des limites.
Ils soulignent que dans le dernier état de leurs écritures, les appelants soutiennent que le litige actuel vise à déterminer la limite divisoire des deux parcelles en cause et non la propriété des ouvrages, que ce point a cependant d'ores et déjà été tranché précédemment. Ils précisent que la décision frappée d'appel concerne exclusivement la parcelle B 152 et ses francs-bords, que les appelants confondent la décision précédente sur le lavoir à mines avec l'actuelle action en revendication sur le canal B 152. Ils maintiennent que leur action est parfaitement recevable.
Sur la propriété et l'existence de " tous temps " du canal de décharge, Monsieur et Madame A... invoquent les dispositions de l'article 546 du Code Civil aux termes duquel le propriétaire d'une usine hydraulique est réputé propriétaire des canaux d'amenée et de fuite, ainsi que des canaux de décharge, si le canal a été creusé par la main de l'homme, pour son service exclusif et sans qu'aucun titre contraire ne vienne s'opposer à cette accession.
Ils contestent, comme l'allègue Madame Y..., qu'aucun canal usinier n'existait avant 1986, rappellent que dans la décision de 1996, la Cour de céans a employé le terme de " rayère " qui signifie canal ou rigole, l'action de l'homme étant implicitement concernée, que déjà en première instance, ils ont produit des documents établissant que le canal de décharge remplissait, avant 1986, toutes les conditions d'un canal creusé par la main de l'homme à l'usage exclusif de l'usine, que les appelants n'ont pas apporté la preuve contraire ni justifié de la possession du canal par la production d'un titre contraire.
Ils précisent produire à hauteur de Cour trois nouveaux documents trouvés aux Archives Nationales (plan des usines et cours d'eau de MONTBLAINVILLE date du 31 janvier 1840, rapport d'ingénieur du 1er juin 1837 mentionnant expressément l'existence de rayères, d'un lavoir à mines, de canaux et d'un bocard, extrait d'un ancien dictionnaire Larousse définissant la " rayère " comme " un conduit étroit, qui projette l'eau sur les aubes supérieures d'une roue ", soit un canal creusé par la main de l'homme dont les formes spécifiques visent à accéler la vitesse de l'eau).
Ils ajoutent que dans l'ancienne matrice cadastrale, le canal de décharge portait le numéro B 915, qu'il est ensuite devenu B 152 et qu'ils ont acquis cette parcelle en 1986. Ils rappellent aussi que les constatations effectuées sur le terrain montrent que ce canal présente un tracé rectiligne et domine la vallée, que sa construction par l'homme ne fait aucun doute. Ils rappellent qu'une action en bornage n'est pas possible pour un cours d'eau.
Ils observent enfin que dans leurs dernières écritures, les appelants admettent leur propriété sur la parcelle B 152 et dénoncent le caractère abusif de la procédure d'appel.
Sur la propriété des bords francs du canal de décharge, Monsieur et Madame A... exposent qu'une distinction doit être opérée entre la partie amont de la parcelle B 152 (en amont du lavoir à mines, les deux francs bords leur appartenant, sur la rive droite, un franc-bord d'environ 1 mètre étant implanté entre le chemin rural et le canal) et la portion aval de la parcelle, eux-mêmes étant propriétaires de toutes les parcelles situées sur la rive gauche (B 155, B 559, B 556, B 574), que cette distinction n'a pas été prise en compte par le tribunal.
Ils maintiennent, notamment au vu du rapport E..., que l'élargissement du canal a été réalisé exclusivement sur le franc-bord leur appartenant et que si la propriété de la famille Y... est incontestable sur la parcelle 456, cela n'emporte aucune propriété particulière sur le franc bord dès lors que la situation du franc bord n'est pas réservée dans l'acte de propriété de la parcelle 456 et qu'en l'absence de titres contraires, les francs-bords sont réputés être la propriété de l'usinier.
Si la Cour repousse cette présomption de propriété sur le franc bord situé le long du canal B 152 et en lisière de la parcelle B 456, les époux A... sollicitent que soit reconnue l'existence d'une servitude de passage et de dépôt des matériaux de curage à leur profit, sur les francs bords de la parcelle B 456.
Ils précisent que la servitude de francs-bords, qui ne profite qu'à l'usinier, s'applique le plus souvent lorsqu'il existe un titre de propriété des riverains sur les francs bords, qu'elle est indispensable en l'espèce, que son objet sera limité à la surveillance et à l'entretien de la voie d'eau.
Enfin, sur la reprise d'instance par les héritiers de Monsieur X..., les intimés soulignent qu'ils ne rapportent pas la preuve de leur préjudice ni ne justifient de leurs droits par rapport à la succession de Monsieur X....
La procédure a été clôturée suivant ordonnance du 11 septembre 2007.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La présente procédure diligentée par les époux A... concerne la propriété de la parcelle B 152 et ses francs bords.
L'appelante soulève la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de l'arrêt rendu par cette Cour le 26 juin 1996.
Aux termes de cette décision, la Cour d'Appel de NANCY a confirmé le jugement du tribunal d'Instance de VERDUN du 27 février 1992 en ce qu'il a statué sur les limites des parcelles appartenant aux consorts X... et des époux A....
Dans son jugement du 27 février 1992, le Tribunal d'Instance de VERDUN a notamment : 1. dit que la limite en aval du pont ci-dessus indiqué, entre l'immeuble B 456 (HENRAT) et B 152 (A..., canal) se trouve au milieu dudit canal jusqu'à sa jonction avec la rivière Aire,2. débouté les époux A... de leur demande tendant à se voir reconnaître le bénéfice d'aisances le long de B 152 sur la parcelle B 456 en aval du pont défini ci-dessus.

Si, en application de l'article 1351 du Code Civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif, la jurisprudence admet que si, en vertu de l'article 480 du Nouveau Code de Procédure Civile, seul ce qui est tranché par le dispositif de l'arrêt peut avoir l'autorité de la chose jugée, il n'est pas interdit d'éclairer la portée de ce dispositif par les motifs de la décision.
En l'espèce, il apparaît de la lecture tant du jugement du tribunal d'instance de VERDUN en date du 27 février 1992 que de l'arrêt confirmatif rendu par la Cour de céans le 26 juin 1996, que la procédure engagée devant le tribunal d'instance avait initialement pour objet le bornage entre les propriétés respectives des parties, soit B 152 (A...) et B 456 (HENRAT), qu'à la suite de l'expertise, la discussion devant le tribunal a porté non seulement sur la limite des deux parcelles mais aussi sur la propriété de la parcelle anciennement dite 1484p contenant le lavoir à mines et une aisance, ainsi que sur la propriété d'aisances le long du canal B 152 en aval du petit pont.
Le tribunal, en page 19 de son jugement du 27 février 1992, a dit que " les limites de propriété, en aval du petit pont et entre 456 et la parcelle de la rive gauche se trouvent dans cette " rayère " ", que la question des aisances se trouve éclairée par le fait que les époux A... ne sont pas propriétaires du canal de décharge en aval du petit pont, que rien au dossier n'établit le bien fondé de leur prétention à ces aisances le long de ce canal de décharge sur la propriété HENRAT no 456 ".
Le tribunal a conclu en précisant que " en conséquence les limites entre les époux A... et les consorts X... seront donc tracées en tenant compte de tout ce qui a été dit ci-dessus au sujet du lavoir à mine, du caractère du canal B 152 en aval du petit pont qui en fait jusque-là une propriété A..., puisqu'il s'agit d'une amenée des eaux créées à l'usage de l'usine, et au sujet du caractère de ce canal de décharge, en aval du petit pont qui le prive de la présomption légale de propriété de l'article 546 du Code Civil ". Il a ensuite tranché dans le dispositif dont les termes sont rappelés ci-dessus.
Il ressort par ailleurs de l'arrêt du 26 juin 1996, que les époux A... demandaient alors à la Cour de " dire et juger également les époux A... propriétaires d'aisances le long de B 152 sur la parcelle P 456 en aval du pont, sur lesquels repose un lavoir à mine, conformément à l'acte de vente du 14 décembre 1912 ", que dans les motifs de sa décision, la Cour a dit que le premier juge a, à bon droit, exclu de lapropriété des époux A... les lavoirs à mines qui se trouvent de façon certaine sur la parcelle B 456.
Elle a mentionné que les époux A... prétendent disposer d'aisances le long du canal de décharge cadastré no 152 actuellement, dit que ce canal est compris dans leur titre de propriété, que l'existence de francs-bords, attachés à la parcelle no 152 selon l'acte rectificatif du 17 novembre 1987, ne peut être reconnue en l'espèce.
Il apparaît ainsi de l'ensemble de ces éléments que la discussion menée lors de la présente procédure a déjà fait l'objet d'un examen lors de l'instance initiée devant le tribunal d'instance de VERDUN ayant donné lieu au jugement du 27 février 1992 et à l'arrêt du 26 juin 1996, de sorte que les demandes des époux A... ne pourront qu'être déclarées irrecevables.
Le jugement du Tribunal de Grande Instance de VERDUN en date du 31 décembre 2001 sera par conséquent infirmé en toutes ses dispositions.

Les époux A... qui succombent, seront condamnés à payer aux consorts Y... X... la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens d'instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant en audience publique et contradictoirement,
Infirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de VERDUN en date du 31 décembre 2001 en toutes ses dispositions ;
Déclare irrecevable l'action des époux A... en application de l'article 1351 du Code Civil et au regard de l'arrêt de la Cour de céans du 26 juin 1996 ;
Condamne Monsieur René A... et Madame née Claude Henriette D... à payer à Madame Marie-Claude X... épouse Y... et aux consorts X... la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1. 500 €) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne Monsieur et Madame A... aux dépens d'instance et d'appel ceux-ci pouvant être directement recouvrés par Me GRETERE, avoué à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du trente Octobre deux mille sept par Monsieur DORY, Président de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Mademoiselle CHOUIEB, Greffier.
Et Monsieur le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 2425/07
Date de la décision : 30/10/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Verdun, 31 décembre 2001


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nancy;arret;2007-10-30;2425.07 ?
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