DU 07 SEPTEMBRE 2007
R. G : 06 / 02406
Conseil de Prud'hommes de SAINT DIE DES VOSGES F05 / 00143 04 septembre 2006
COUR D'APPEL DE NANCY CHAMBRE SOCIALE
APPELANTES :
S. A. FAURECIA NOMPATELIZE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social ZI de Nompatelize-BP 29 88470 SAINT MICHEL SUR MEURTHE Comparante en la personne de Monsieur Marc X..., Responsable des Ressources Humaines, muni d'un pouvoir Assisté de Maître Laurent BENTZ (Avocat au Barreau d'EPINAL)
Société LEADER PERSONNEL ASSISTANCE INTÉRIMAIRE (P. A. I.) prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social 8 rue Antoine de Saint-Exupéry HELLIEULE 2-BP 142 88104 SAINT DIE DES VOSGES CEDEX Représentée par Maître Hervé MONTAUT (Avocat au Barreau d'EPINAL)
INTIMÉE :
Madame Valérie Z...... 88100 SAINT DIE DES VOSGES Représentée par Monsieur Jacques A... (Délégué Syndical Ouvrier), régulièrement muni d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président de Chambre : Madame SCHMEITZKY Conseillers : Madame MAILLARD Madame SUDRE
Greffier présent aux débats : Mademoiselle FRESSE
DÉBATS :
En audience publique du 07 juin 2007 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 07 septembre 2007 ;
A l'audience du 07 septembre 2007, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Madame Valérie Z... a été engagée par la société Leader P. A. I., entreprise de travail temporaire, en vue d'effectuer diverses missions de travail temporaire au sein de la société Faurecia qui se sont déroulées sur une première durée du 8 au 18 mars 2004 suivie d'une mission le 10 mai 2004 puis suivie d'une troisième période du 29 mai 2004 au 25 février 2005 entrecoupée par les périodes de fermeture estivale et hibernale pour congés payés.
Il n'est pas contesté que la moyenne des trois derniers salaires de Madame Z... s'est élevée à 1 802 €.
Considérant que la société Faurecia avait méconnu les dispositions légales en matière de travail temporaire et s'estimant victime d'un acte de discrimination pour ne pas avoir été reconduite dans ses missions et avoir été remplacée par une autre salariée, Madame Z... a fait assigner devant le Conseil de Prud'hommes de Saint Dié des Vosges la société Faurecia et la société Leader P. A. I. aux fins de leur condamnation solidaire à des dommages et intérêts pour discrimination à l'embauche, la salariée sollicitant exclusivement à l'encontre de la société Faurecia la requalification des contrats de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée et sa condamnation à paiement d'une indemnité de requalification, d'une indemnité de préavis, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.
Par jugement du 4 septembre 2006 rendu dans deux procédures distinctes, le Conseil de Prud'hommes a requalifié les contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée et condamné la société Faurecia à payer à Madame Z... :
-2 000 € à titre d'indemnité de requalification,-2 000 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,-15 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1 982,20 € à titre d'indemnité de préavis,-500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le Conseil de Prud'hommes a par ailleurs condamné la société Leader P. A. I. à payer à Madame Z... :
-10 000 € à titre d'indemnité pour discrimination à l'embauche,-500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le Conseil de Prud'hommes a débouté Madame Z... du surplus de ses demandes.
La société Faurecia et la société Leader P. A. I. ont chacune régulièrement interjeté appel de cette décision. La société Faurecia conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de l'intégralité des demandes de Madame Z..., sollicitant 1 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société Leader P. A. I. conclut à la nullité du jugement pour défaut de motivation et, invoquant son pouvoir d'évocation, demande à la Cour de rejeter les réclamations de Madame Z... et de la condamner à lui verser la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Madame Z... conclut à la confirmation du jugement sauf à retenir la condamnation solidaire de la société Faurecia et de la société Leader P. A. I. à versement de la somme de 15 000 € à titre d'indemnité pour discrimination à l'embauche, sollicitant contre ces deux sociétés la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier, du 7 juin 2007, dont elles ont maintenu les termes lors de l'audience.
MOTIVATION
Il convient d'ordonner la jonction des deux procédures sous le numéro le plus ancien 06 / 2406.
-Sur la requalification des contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée
Aux termes du premier alinéa de l'article L. 124-2 du Code du Travail, le contrat de travail temporaire ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; selon le second alinéa de ce texte, un utilisateur ne peut faire appel à des salariés intérimaires que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée « mission », et seulement dans les cas énumérés à l'article L124-2-1, et notamment en cas d'accroissement temporaire d'activité ; il en résulte que, dans ce dernier cas, le recours à des salariés intérimaires ne peut être autorisé que pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire ni que cet accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à la réalisation même de ces tâches.
En l'espèce, la société Faurecia ne fournit aucun élément de nature à établir que les contrats de mission de Madame Z... s'inscrivaient dans un accroissement temporaire d'activité, motif du recours invoqué, aucune pièce n'étant produite sur une augmentation spécifique de commandes ou sur une surcharge inhabituelle de travail résultant de la fabrication ou de la mise sur le marché de nouveaux produits.
La société Faurecia se borne à viser les motifs inscrits sur les contrats de mission sans joindre de correspondances, bulletins de commande ou factures attestant de variations ou circonstances particulières dans le cycle de fabrication de ses produits, étant observé que sur les 23 contrats passés au cours de la troisième période du 29 mai 2004 au 25 février 2005, le motif pris d'augmentation de cadence est utilisé à douze reprises sans justification aucune, trois contrats étant passés pour assurer la constitution du stock en prévision de la fermeture de l'usine, et trois autres missions étant liées au redémarrage de la fabrication de marchandises lors de la réouverture de l'usine, toutes tâchées liées au fonctionnement habituel de la société.
Il apparaît ainsi que les missions d'intérim confiées à Madame Z... à compter du 29 mai 2004 avaient pour effet de pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Il en résulte que ces missions doivent être requalifiées en un contrat à durée indéterminée.
Le jugement devra être réformé en ce sens.
-Sur l'indemnité de requalification
Il convient d'allouer à Madame Z... une indemnité de requalification dont le montant dû par la société Faurecia sera fixé à 1 802 €.
Le jugement sera réformé en ce sens.
-Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail
Du fait de la requalification des contrats de mission temporaire en un contrat à durée indéterminée, la rupture intervenue au terme de la dernière mission s'analyse en un licenciement lequel en l'absence de lettre en énonçant les motifs est sans cause réelle et sérieuse ; le préjudice subi de ce chef sera réparé, compte tenu notamment de l'âge de Madame Z..., de son ancienneté et du fait qu'elle a refusé d'autres missions en mai 2005 et démarré depuis ce même mois une formation financée par le GRETA en vue de présenter le concours d'aide soignante ainsi qu'il ressort des pièces produites au dossier, par l'allocation d'une somme de 6 000 €.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Le montant de l'indemnité de préavis ayant été exactement fixé, le jugement sera confirmé sur ce point.
-Sur l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
A défaut de convocation de Madame Z... à la tenue d'un entretien préalable, il lui sera alloué une indemnité de 500 €.
Le jugement devra être réformé en ce sens.
-Sur l'indemnité pour discrimination à l'embauche
La société Leader P. A. I. sollicite la nullité du jugement pour défaut de motifs et l'évocation par la Cour de ce chef de demande.
Saisie de l'effet dévolutif de l'appel de l'entier litige la Cour est effectivement tenue de statuer sur le fond de sorte que la demande de nullité du jugement est sans intérêt et partant, irrecevable.
Madame Z... ne prouve par aucun élément qu'elle aurait fait l'objet d'une discrimination à l'embauche par suite de l'absence de nouvelles missions et de son remplacement par Madame C... alors qu'il est démontré que l'intéressée s'est vu proposer une nouvelle mission en mai 2005 qu'elle a refusée ainsi qu'il résulte de l'attestation de Madame D... assistante commerciale de la société Leader P. A. I.
Il apparaît de plus que le fait que Madame C..., salariée précédemment embauchée dans le cadre de missions au sein de la société Faurecia, ait pu être affectée sur le poste précédemment occupé par Madame Z... ne peut suffire en soi à caractériser quelque discrimination que ce soit au sens strict de l'article L. 122-45 du Code du Travail.
C'est donc à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande d'indemnité pour discrimination à l'embauche de Madame Z... qui devra en être déboutée, le Conseil de Prud'hommes ayant en revanche justement écarté cette demande vis-à-vis de la société Faurecia.
-Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Il sera alloué une somme globale de 600 € à Madame Z... au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
En revanche, il ne sera pas fait application de cet article dans les circonstances de la cause au profit de la société Faurecia ni de la société Leader P. A. I.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
ORDONNE la jonction des procédures no 06 / 2406 et no 06 / 2552 sous le no unique 06 / 2406 ;
DÉCLARE la demande de nullité de jugement irrecevable ;
CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Madame Valérie Z... de sa demande d'indemnité pour discrimination à l'embauche à l'encontre de la société Faurecia et en ce qu'il a condamné cette dernière à paiement de l'indemnité de préavis à Madame Z... ;
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,
PRONONCE la requalification des missions d'intérim effectuées par Madame Z... au sein de la société Faurecia à compter du 29 mai 2004 en un contrat à durée indéterminée ;
CONDAMNE la société Faurecia à payer à Madame Z... :
-1 802 € (MILLE HUIT CENT DEUX EUROS) à titre d'indemnité de requalification ;
-6 000 € (SIX MILLE EUROS) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-500 € (CINQ CENTS EUROS) à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
-600 € (SIX CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DÉBOUTE Madame Z... de sa demande pour discrimination à l'embauche à l'encontre de la société Leader P. A. I. ;
DÉBOUTE la société Faurecia et la société Leader P. A. I. de leur demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la société Faurecia aux entiers dépens.
Ainsi prononcé à l'audience publique ou par mise à disposition au greffe du sept septembre deux mil sept par Madame SCHMEITZKY, Président, assistée de Mademoiselle FRESSE, Greffier Placé présent lors du prononcé.
Et Madame le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.