ARRET No PH DU 26 SEPTEMBRE 2006 R.G : 05/02556 et 05/2557 Conseil de Prud'hommes de VERDUN 04/00207 01 septembre 2005 COUR D'APPEL DE NANCY CHAMBRE SOCIALE DEMANDEURS AU CONTREDIT Madame Béatrice X... ... Monsieur Georges X... 19, rue Charles de Gaulle 57290 SEREMANGE ERZANGE Représentés par Maître JOURDAN (Avocat au barreau de PARIS) DEFENDERESSE AU CONTREDIT SOCIETE TOTAL FRANCE prise en la personne de son représentant légal 24 Cours Michelet 92800 PUTEAUX Représentée par Maître BAYLE (Avocat au barreau de PARIS) COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats, sans opposition des parties Président : Monsieur GREFF, Président de Chambre Conseillers :
Monsieur Y... Z... en Conseillers rapporteurs Greffier : Madame A... (Lors des débats) Lors du délibéré, B... application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 13 Juin 2006 tenue par Monsieur GREFF, Président et Monsieur Y... C... rapporteurs , qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en ont rendu compte à la Cour composée de Monsieur GREFF, Président, Monsieur Y... et Madame MAILLARD, Conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 26 Septembre 2006; A l'audience du 26 Septembre 2006, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
PH No / 2006 FAITS ET PROCÉDURE : La société X... -SARL- représentée par ses cogérants Monsieur Georges X... et Madame Béatrice X... a conclu le 1er décembre 1983 un contrat de mandat et de location gérance avec la société TOTAL FRANCE pour l'exploitation commerciale d'une station-service de distribution de carburants et lubrifiants sise VERDUN. Ce contrat a été résilié au
mois d'avril 1985 et la société X... ainsi que M. et Mme X... ont assigné le 25 avril 1988 la société TOTAL FRANCE pour faire juger que la situation contractuelle ayant existé entre les parties était nulle et sans effet. Par jugement rendu le 25 novembre 1991, le Tribunal de Commerce de NANCY faisait droit la demande de la société X... et des époux X... et désignait un expert pour établir les comptes entre les parties. Par arr t du 12 février 1997, la Cour d'appel de NANCY infirmait pour partie le jugement entrepris mais désignait le même Expert pour faire les comptes entre les parties. Par un arr t interprétatif du 18 décembre 1997, la Cour complétait la mission de l'expert en le chargeant de présenter un compte séparé pour l'exploitation de l'activité en location-gérance et un compte pour l'exploitation de l'activité sous mandat. Par un arr t en date du 29 février 2000, la Cour de cassation rejetait les deux pourvois formés par la société TOTAL FRANCE l'encontre de ces décisions. Enfin, par un arr t en date du 29 janvier 2003 la Cour de céans condamnait solidairement la société X... et les époux X... payer la compagnie d'assurances L'ETOILE CAUTION, venant aux droits de la COMPAGNIE GENERALE DE GARANTIE, la somme de 15949,55 ç et condamnait la société TOTAL rembourser la Compagnie L'ETOILE CAUTION la somme de 18875,84 ç . Par requ te introductive d'instance enregistrée au greffe le 13 décembre 2004, Monsieur et Madame X... saisissaient le Conseil de Prud'hommes de VERDUN pour obtenir l'application des dispositions de l'article L.781-1 du Code du Travail pour l'exploitation de la station-service, et pour demander un rappel de salaire et d'heures supplémentaires sur la base du coefficient 230, et défaut du coefficient 215, de la Convention collective nationale de l'industrie du pétrole, une indemnité compensatrice de congés payés pour la derni re année de référence , des dommages et intér ts pour non-respect des congés payés annuels et
des repos hebdomadaires, une immatriculation rétroactive au régime général de sécurité sociale, une participation aux fruits de l'expansion de l'entreprise TOTAL FRANCE et une somme pour les frais irrépétibles de procédure. La société TOTAL FRANCE s'est opposée ces demandes en soulevant titre principal l'incompétence matérielle du Conseil de Prud'hommes. PH No / 2006 Par jugement rendu le 1er septembre 2005, le Conseil de Prud'hommes de VERDUN s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître du litige. Monsieur et Madame X... ont formé réguli rement le 5 septembre 2005 un contredit l'encontre de cette décision. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES : M.et Mme X... déposent des conclusions en date du 23 février et du 13 juin 2006 tendant la réformation des deux jugements identiques rendus leur encontre le 1 er septembre 2005. Ils soutiennent que les conditions d'application des dispositions de l'article L. 781-1 du Code du Travail sont réunies et qu'ils doivent bénéficier du statut de travailleur particulier prévu par cet article, nonobstant l'existence d'une S.A.R.L formant écran entre eux et la société TOTAL. Ils ajoutent que l'exclusion prévue par cet article ne vise pas l'incidence financi re du paiement des éléments de la rémunération mais concerne la responsabilité que le chef d'entreprise peut encourir du fait du non-respect de la réglementation du travail, de l'hygi ne et de la sécurité. Sur la prescription soulevée par la société TOTAL FRANCE , ils font valoir que l'argument est prématurée au stade de la discussion sur la compétence et que la prescription de l'article 2277 du Code Civil ne s'applique qu'en mati re de contrat de travail stricto sensu. Enfin, ils sollicitent le paiement d'une somme de 5000 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. En réplique, la société TOTAL FRANCE dépose des conclusions le 13 juin 2006 tendant la confirmation des jugements entrepris et au rejet des contredits
formés par M.et Mme X... En tout état de cause elle demande de déclarer irrecevables les demandes des consorts X... et de les condamner payer une somme de 3000 ç pour les frais irrépétibles de procédure. Elle soutient que le contrat d'exploitation de station-service est intervenu entre deux sociétés commerciales et qu'il est soumis aux dispositions des article 1984 et suivants du Code Civil pour l'activité de distribution des carburantes exercée sous mandat et aux dispositions de la loi du 20 mars 1956 au titre des activités de location-gérance pour la vente des autres produits et les activités annexes. Elle rappelle que des accords interprofessionnels ont été conclus entre les représentants des pétroliers et les représentants des détaillants pour mettre en place ces contrats d'exploitation. Elle ajoute qu'elle n'a jamais exercé de pouvoir de direction l'encontre de M. et Mme X... et n'a versé aucune rémunération. PH No / 2006 Elle fait valoir que ces derniers ne remplissent pas les conditions prévues par l'article L.781-1 du Code du Travail. Elle souligne notamment que la société X... n'achetait pas les carburants mais les vendaient d'ordre et pour le compte du fournisseur et que seul le montant des commissions perçues refl te l'importance de cette activité dans le chiffre d'affaires. Elle précise que les dispositions contractuelles ne permettaient pas d'imposer aux mandataires gérants des conditions d'exploitation au sens de l'article L. 781-1 du Code du Travail. Elle soutient encore que les demandes sont irrecevables puisque la décision de justice prise en mati re commerciale a fixé de mani re définitive la rémunération de M. et Mme X... en les indemnisant des pertes subies et que cette décision l'autorité de la chose jugée. Enfin, elle rappelle que les actions en paiement de salaire se prescrivent par cinq ans. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réf re aux jugements attaqués et
aux conclusions susvisées et reprises oralement l'audience. MOTIVATION : Sur la jonction des procédures : Attendu que pour une bonne administration de la justice, il convient de joindre les procédures répertoriées sous les numéros 05/02556 et 05/02557 opposant respectivement Madame X... et M. X... la société TOTAL et dont les demandes sont identiques ; Sur le contredit de compétence : Sur l'application de l'article L.781-1 du Code du Travail : Attendu que les dispositions du Code du travail sont applicables certaines catégories de travailleurs particuliers et notamment aux personnes dont la profession consiste essentiellement vendre des marchandises qui leurs sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agrée par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise; Attendu qu'il est établi que M.et Mme X..., cogérants de la société X..., concluaient le 1er décembre 1983 un contrat pour l'exploitation d'une station service sise VERDUN appartenant la société TOTAL et comprenant d'une part un mandat pour la distribution au détail des carburants et d'autre part une location gérance pour la vente des autres produits- lubrifiants et accessoires pour les automobiles et pour les automobilistes ; Attendu qu'il n'est pas discuté que M.et Mme X... exerçaient auparavant la m me activité en qualité de locataire-gérants sur une autre station-service TOTAL et que celle-ci était fermée PH No / 2006 sur décision de cette derni re ; Attendu qu'un accord interprofessionnel - AIP- était conclu entre les compagnies pétroli res et les syndicats de détaillants en 1983 pour établir de nouvelles modalités d'exploitation des stations service et pour garantir notamment un revenu minimum aux exploitants ; Attendu que M.et Mme X... constituaient entre eux une société responsabilité limitée pour continuer exploiter une station- service
TOTAL et concluaient alors une nouvelle convention comportant la fois un mandat de vente des carburants pour le compte de la société TOTAL moyennant le paiement d'une commission proportionnelle au quantité vendue et un contrat de location gérance classique pour la vente des autres produits et pour assurer les prestations de service d'entretien et de petite mécanique automobile ; Attendu que ce contrat d'exploitation était conclu avec M. et Mme X... en raison de l'intuitu personae et des liens de confiance déj existants avec la société pétroli re ; Attendu toutefois que si le contrat de mandat et de location gérance était conclu en droit avec la société X..., l'activité professionnelle en résultant était de fait et personnellement exercée par M. et Mme X... comme auparavant ; Attendu qu'il s'évince du dispositif contractuel entre les parties de nombreuses obligations la charge de la société X..., telles que la réception de la marchandise, l'affichage des prix, la tenue de la caisse, l'établissement journalier des comptes carburants et le dépôt des esp ces et des ch ques dans une banque choisie, la surveillance, le nettoyage et le petit entretien de la station qui sont nécessairement exécutés par ses gérants sous le contrôle régulier d'un attaché ou d'un inspecteur commercial de la société TOTAL ; Attendu qu'il existait en réalité un encadrement rigoureux des conditions d'exploitation de la station service- en particulier pour la distribution des carburants- qui demeure l'objet principal d'une station-service ; Qu'il y avait en conséquence un lien direct et régulier entre les exploitants-personnes physiques- et la société pétroli re fournisseur exclusif des carburants et des lubrifiants ; Attendu que la seule constitution d'une S.A.R.L. entre les époux, co-gérants d'office et exploitants ensemble une station service en qualité la fois de mandataire et de locataire gérants ne pouvait exclure de plein droit l'application des dispositions de l'article L.
781-1 du Code du Travail ;en qualité la fois de mandataire et de locataire gérants ne pouvait exclure de plein droit l'application des dispositions de l'article L. 781-1 du Code du Travail ; Attendu que la société TOTAL ne rapportait pas la preuve d'une renonciation claire et non équivoque de M. et Mme X... se prévaloir du statut de salarié ou de travailleur assimilé par le Code du travail ; PH No / 2006 Attendu que l'établissement des comptes commerciaux entre les deux sociétés commerciales l'issue de l'exploitation de la station-service et sa fixation en justice apr s une expertise n'interdisait pas aux exploitants personnes physiques de saisir le Conseil de Prud'hommes en invoquant le bénéfice de l'article L 781-1 2o du Code du travail ; Attendu que les conditions cumulatives d'application de cet article - exercice d'une profession consistant essentiellement vendre des produits fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise dans un local fourni ou agrée par celle-ci , des prix et des conditions d'exploitation imposés- étaient bien réunies ; Attendu en effet que la station-service de VERDUN constituait bien un "local fourni" o le fonds de commerce était exploité par M. et Mme X... qui devaient respecter les marques, les couleurs, l'enseigne et les publicités de la société TOTAL FRANCE ; Que le contrat de mandataire-gérant prévoyait la fourniture exclusive des carburants et des lubrifiants par la société TOTAL FRANCE et que la vente des autres produits - épicerie- ainsi que les activités annexes (lavage, réparation etc...) ne constituaient alors qu'une activité complémentaire de l'activité principale, comme il ressort des comptes établis par l'expert ; Que ces activités annexes n'étaient pas autonomes et restaient liées l'activité de distribution de carburants et lubrifiants ; Que la station-service avait essentiellement une client le d'automobilistes de quartier et de passage ; Que l'activité prépondérante de la
station-service restait la distribution de carburants ; Que déterminer l'activité de la vente des carburants par le seul montant des commissions perçues, comme le soutient la société TOTAL FRANCE , ne reflétait pas l'importance réelle de cette activité dans le chiffre d'affaires global de ce point de vente ; Que la prétendue liberté laissée la société X... pour exploiter la station-service sa convenance, et notamment pour fixer les jours et heures d'ouverture et les tarifs de vente des marchandises autres que les carburants et lubrifiants ainsi que les services n'était qu'apparente, puisque la station-service devait réaliser un minimum de vente de carburants par mois et tenir compte de la zone de chalandise pour fixer ses prix et demeurer rentable ; Que la mise en dépôt des carburants au lieu de leur vente la société X... constituait une modalité commerciale et une facilité financi re sans emport sur l'existence de la fourniture exclusive ou quasi exclusive des produits distribués ; Que les prix de vente des carburants la pompe étaient bien fixés par la seule société TOTAL FRANCE et imposés aux exploitants ; PH No / 2006 Attendu qu'il est établi que les époux X... remplissaient l'ensemble des conditions leur permettant de revendiquer le bénéfice du statut particulier prévu par l'article L.781-1 du Code du Travail ; Attendu que dans ces conditions le Conseil de Prud'hommes de VERDUN est compétent pour connaître du litige opposant les parties ; Attendu qu'il convient en conséquence, en recevant les contredits formés par M. et Mme X..., d'infirmer les jugements entrepris et de renvoyer les parties devant ce Conseil pour qu'il soit statué sur leurs demandes ; Attendu que la société TOTAL FRANCE qui succombe supportera les dépens et sera condamnée payer M. et Mme X... une somme de 2000 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant en audience publique et par arr t contradictoire,
Déclare M. et Mme X... recevables en leurs contredits formés contre les jugements rendus le 1er septembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de VERDUN, Ordonne la jonction des procédures répertoriées sous les numéros 05/02556 et 05/ 02557, Reçoit ces contredits et infirme en toutes leurs dispositions les jugements entrepris, Renvoie la cause devant le Conseil de Prud'hommes de VERDUN pour qu'il soit statué sur les demandes formées par les parties, Condamne la société TOTAL FRANCE payer M.et Mme X... une somme de 2000 ç pour leurs frais irrépétibles de procédure, Déboute les parties de leurs plus amples demandes, fins et conclusions, Condamne la société TOTAL FRANCE aux dépens des contredits. Ainsi prononcé l'audience publique ou par mise la disposition au greffe le vingt six septembre deux mille six par Monsieur C.GREFF, Président, assisté de Madame A..., Greffier; Et Monsieur le Président a signé le présent arr t ainsi que le Greffier. LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT Minute en sept pages