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17/05/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006945773

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre civile 1, 17 mai 2005, JURITEXT000006945773


FAITS ET PROCEDURE

La société EDUCA-JEUX a été placée en redressement judiciaire par arrêt de la Cour d'Appel de NANCY du 6 décembre 1994 , procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de MIRECOURT en date du 13 janvier 1995. La SCP BIHR LE CARRER a été désignée successivement représentant des créanciers puis mandataire liquidateur de cette société . Le 9 février 1995 , un incendie a détruit le stock de marchandises de la société EDUCA-JEUX . Estimant que le mandataire liquidateur avait commis une faute en ne souscrivant pas une

assurance contre le risque incendie , par exploit signifié le 21 avril 1...

FAITS ET PROCEDURE

La société EDUCA-JEUX a été placée en redressement judiciaire par arrêt de la Cour d'Appel de NANCY du 6 décembre 1994 , procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de MIRECOURT en date du 13 janvier 1995. La SCP BIHR LE CARRER a été désignée successivement représentant des créanciers puis mandataire liquidateur de cette société . Le 9 février 1995 , un incendie a détruit le stock de marchandises de la société EDUCA-JEUX . Estimant que le mandataire liquidateur avait commis une faute en ne souscrivant pas une assurance contre le risque incendie , par exploit signifié le 21 avril 1999 , les époux X... et Jacqueline Y..., créanciers de la société , l'ont assignée devant le tribunal de grande instance de NANCY en vue d'obtenir sa condamnation à leur payer la somme de 700 000 F de dommages et intérêts et la somme de 5000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ; La défenderesse a conclu au débouté des demandeurs et a sollicité leur condamnation reconventionnelle à leur payer la somme d'un Franc de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC . Par jugement du 21 février 2001 , le tribunal de grande instance de NANCY a débouté les demandeurs de tous leurs chefs de demande et les a condamnés à payer à la SCP BIHR LE CARRER la somme de 1 F de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 5000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC et à supporter les frais et dépens de la procédure . Le tribunal a

considéré que le mandataire liquidateur de la société EDUCA-JEUX n'avait commis aucune faute parce qu'il avait tenté en vain d'assurer le stock de la société et qu'il avait entamé les démarches nécessaires à son indemnisation . Par déclaration reçue le 4 mai 2001 au secrétariat-greffe de la Cour d'Appel de NANCY , les époux Y... ont interjeté appel de ce jugement . Selon conclusions récapitulatives du 23 septembre 2004 , les appelants ont conclu à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions . Ils ont demandé à la Cour de condamner la SCP BIHR le CARRER à leur payer la somme de 106 714,31 ç de dommages et intérêts , la somme de 800 ç sur le fondement de l'article 700 du NCPC et à supporter les frais et dépens de la procédure . A l'appui de leur recours , les appelants ont fait valoir que : - leur action est recevable car , la liquidation judiciaire de la société EDUCA-JEUX ayant été clôturée le 26 décembre 1998 , les créanciers avaient perdu leur intérêt collectif et retrouvé leur droit de poursuite individuelle , or , leur assignation est postérieure au 26 décembre 1998 , - la SCP BIHR LE CARRER a commis une faute en ne préservant pas l'intérêt des créanciers et du débiteur en ne procédant ni à l'assurance des biens de la société ni à la sauvegarde des locaux et du stock de la société après l'incendie , - elle n'a pas non plus sollicité rapidement du juge-commissaire l'autorisation de vendre les locaux , - le mandataire liquidateur a donné des instructions pour faire annuler l'abonnement téléphonique alors que le système d'alarme était branché dessus et relié au domicile des époux Y... et de deux autres personnes , - elle n'a fait qu'engager une procédure en référé pour obtenir une expertise mais n'a pas entamé une action au fond pour obtenir l'indemnisation du préjudice subi , - le stock détruit dans l'incendie avait une valeur théorique de 10 millions de Francs environ , - ils sont inscrits au passif de la société en qualité de

créanciers chirographaires pour un montant de 445.337,91 F et Madame Y... est notamment titulaire d'une importante créance de salaires , de plus , le mandataire liquidateur ne lui a transmis qu'en 1997 l'attestation ASSEDIC et son certificat de travail de sorte que pendant deux ans , elle n'a pas perçu son allocation de chômage , il s'ensuit que leur demande de dommages et intérêts est parfaitement justifiée . La Cour se réfère au surplus aux prétentions et moyens développés par les appelants dans leurs conclusions récapitulatives du 23 septembre 2004 . Selon conclusions récapitulatives du 7 février 2005 , l'intimée a conclu à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions . Elle a sollicité en outre la condamnation des époux Y... à lui payer la somme de 1 ç de dommages et intérêts, la somme de 3048,98 ç sur le fondement de l'article 700 du NCPC et à supporter les frais et dépens de la procédure . L'intimée a répliqué aux appelants que : - l'action introduite par les époux Y... est irrecevable car ils n'apportent pas la preuve d'avoir subi un préjudice distinct de celui des autres créanciers de la société EDUCA-JEUX , - l'action dans l'intérêt collectif des créanciers ne peut être exercée que par un nouveau mandataire liquidateur désigné dans les conditions fixées par l'article L.622-5 du Code de commerce , - aucune faute ne peut lui être reprochée dans la mesure où dès qu'elle a été nommée en qualité de mandataire liquidateur , elle s'est empressée de demander au juge-commissaire l'autorisation de vendre les actifs de la société et où l'incendie s'est déclaré cinq jours seulement après l'ordonnance d'autorisation , - après l'incendie , elle a entrepris toutes les démarches utiles pour sauvegarder les lieux et le stock restant , d'une part , et pour rechercher les responsabilités , d'autre part , initiative qui n'a pas abouti car aucune responsabilité d'un tiers n'a pu être mise en évidence , - la réalité du préjudice subi par les époux Y... n'est

pas démontrée , - il n'existe pas de lien de cause à effet entre sa prétendue faute et le dommage invoqué par les appelants. La Cour se réfère au surplus aux prétentions et moyens exposés par l'intimée dans ses conclusions récapitulatives du 7 février 2005 . Selon conclusions du 15 février 2005 , le Parquet Général près la Cour d'Appel de NANCY a requis la confirmation du jugement entrepris . MOTIFS

Attendu que l'action engagée par les époux Y... est une action en responsabilité personnelle du mandataire liquidateur dont la recevabilité n'est pas subordonnée à la justification d'un préjudice distinct des autres créanciers ; Attendu en outre qu'il est constant que la liquidation judiciaire de la société EDUCA-JEUX a été clôturée le 26 décembre 1998 tandis que la signification de leur assignation à l'encontre de la SCP BIHR LE CARRER est postérieure à cette date ; Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats que dès le 12 décembre 1994 , soit six jours après l'arrêt d'ouverture du redressement judiciaire , Maître BIHR a écrit aux compagnies d'assurances AGF et CGA afin de " faire le point " sur les contrats d'assurance souscrits par la société EDUCA-JEUX auprès d'elles ; Attendu que par lettre en réponse reçue le 20 décembre 1994 par Maître BIHR , la société AGF l'a informé que les locaux de la société EDUCA-JEUX n'étaient pas assurés , le gérant n'ayant pas donné suite donné suite à une proposition qui lui avait été faite ; Attendu que par une autre lettre du 29 décembre 1994 , la société AGF a informé

Maître BIHR qu'elle refusait d'assurer les locaux à cause du redressement judiciaire de la société EDUCA-JEUX ; Attendu que compte tenu de ce refus , et après le prononcé de la liquidation judiciaire de cette société prononcée le 11 janvier 1995 , le mandataire liquidateur a tenté de vendre au plus vite le matériel et le stock , ce à quoi il a été autorisé par le juge commissaire selon ordonnance du 4 février 1995 ; Attendu toutefois qu'il allait nécessairement exister un délai entre l'autorisation de vente et la vente effective du stock et du matériel ; Attendu qu'il appartenait au mandataire liquidateur d'entreprendre toutes les démarches utiles pour les faire assurer pendant ce laps de temps en prenant attache avec d'autres compagnies d'assurance que la société AGF ; Attendu qu'en s'abstenant de rechercher un assureur susceptible d'assurer le matériel et le stock de la société EDUCA-JEUX jusqu'à sa vente , la SCP BIHR LE CARRER a commis une faute ; Attendu en revanche qu'aucune faute ne peut être reprochée au mandataire liquidateur de la société EDUCA-JEUX quant aux initiatives prises pour obtenir l'indemnisation du préjudice ; Attendu en effet que par exploit signifié le 13 février 1995 , la SCP BIHR LE CARRER a assigné la SARL Z... ROUSSEL et Monsieur Maxime Z... , dans les locaux desquels s'étaient déclarés l'incendie qui s'était propagé à ceux occupés par la société EDUCA-JEUX , afin d'obtenir une expertise judiciaire ayant pour objet de déterminer les causes et les conséquences dudit incendie , ce qu'elle a obtenu par ordonnance du juge des référés du Tribunal de Grande Instance d'EPINAL en date du 15 février 1995 ; Attendu que l'expert désigné a déposé son rapport le 10 juin 1996 et a conclu à un incendie volontaire dans les locaux occupés par la société Z... ROUSSEL qui s'est communiqué aux locaux voisins dont ceux occupés par la société EDUCA-JEUX ; Attendu que la responsabilité de la société Z... ROUSSEL pouvait être engagée vis à vis de la société EDUCA-JEUX

sur le fondement de l'article 1384 alinéa 2 du Code Civil ; Attendu toutefois que cette société a été placée en liquidation judiciaire sans espoir de règlement au moins partiel du passif comme en atteste la lettre que le mandataire liquidateur de la société Z... ROUSSEL , Maître DELATTRE , a envoyée le 27 août 1999 à la SCP BIHR LE CARRER ; Attendu qu'en procédant à la déclaration de la créance de la société EDUCA-JEUX au passif de la société Z... ROUSSEL le 4 avril 1997 , la SCP BIHR LE CARRER a accompli la seule démarche juridiquement possible dans l'intérêt de la société qu'elle représentait et les époux Y... ne peuvent lui reprocher de ne pas avoir fait plus ; Attendu que les époux Y... n'apportent pas la preuve de leur allégation selon laquelle le mandataire liquidateur aurait résilié le contrat d'abonnement téléphonique rendant inopérant le système d'alarme ; Attendu qu'ils n'apportent pas plus la preuve de leur assertion selon laquelle la SCP BIHR LE CARRER n'aurait pas pris toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde des locaux et du matériel après l'incendie ; Attendu que Madame Y... n'établit que le mandataire liquidateur de la société EDUCA-JEUX ait refusé de lui délivrer son certificat de travail et son attestation ASSEDIC jusqu'en 1997 , la privant à ses dires de ses indemnités ASSEDIC pendant deux ans ; Attendu que le seul fait que ces documents aient été remis à Madame Y... deux après l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société EDUCA-JEUX ne suffit pas à apporter la preuve de la faute de la SCP BIHR LE CARRER ; Attendu qu'à défaut pour Madame Y... de justifier qu'elle avait réclamé ces documents de longue date au mandataire liquidateur de la société EDUCA-JEUX , voire de l'avoir mis en demeure de les lui délivrer , aucune faute n'est établie à l'encontre de ce dernier ; Attendu qu'au vu de ce qui précède , une seule faute est justifiée à l'encontre de la SCP BIHR LE CARRER , à savoir le défaut d'accomplissement de toutes les

démarches utiles pour assurer le stock et le matériel de la société EDUCA-JEUX du prononcé de la liquidation judiciaire jusqu'à leur vente; Attendu toutefois que les époux Y... n'apportent pas la preuve du lien de cause à effet entre cette faute et le préjudice allégué ; Attendu qu'il y a lieu de remarquer à cet égard que la liquidation judiciaire de la société EDUCA-JEUX a été clôturée le 18 décembre 1998 pour insuffisance d'actif ; Attendu qu'au regard de l'état des créances établi le 7 juin 1995 , les époux Y... n'étaient que créanciers chirographaires de la société EDUCA-JEUX ; Attendu qu'ils n'apportent pas la preuve de leur allégation selon laquelle le stock détruit avait une valeur de 11 millions de Francs ; Attendu que dans le procès-verbal d'inventaire du 19 décembre 1994 , le stock a été évalué à la somme de 300 000 F en raison de son ancienneté et des difficultés de commercialisation ; Attendu que l'état des créances du 7 juin 1995 révèle que le total des créances privilégiées à l'encontre de la société EDUCA-JEUX s'élevait à la somme de 816 952,96 F ; Attendu qu'il existait en outre des créances superprivilégiées et des créances nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective dont le paiement était prioritaire ; Attendu dans ces conditions qu'il n'existait aucune chance pour qu'une indemnité d'assurance , qui aurait été d'un montant de 300 000 F au mieux , permette le paiement au moins partiel des créances chirographaires des époux Y... ; Attendu en conséquence que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté les époux Y... de tous leurs chefs de demande ; Attendu que le jugement entrepris doit donc être confirmé en toutes ses dispositions ; Attendu que l'intimée n'apporte pas la preuve de la faute que les appelants aurait commise dans l'exercice de leur droit de faire appel si bien qu'elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts ; Attendu en revanche que l'équité commande que les appelants soient condamnés à

payer à l'intimée la somme de 1200 ç sur le fondement de l'article 700 du NCPC ; Attendu que les appelants , partie perdante , supporteront les frais et dépens d'appel ; PAR CES MOTIFS ,

la Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort: - CONFIRME le jugement rendu le 21 février 2001 par le Tribunal de Grande Instance de NANCY en toutes ses dispositions . - DEBOUTE la SCP BIHR LE CARRER de sa demande de dommages et intérêts . - CONDAMNE les époux X... et Jacqueline Y... à payer à la SCP BIHR LE CARRER la somme de 1200 ç sur le fondement de l'article 700 du NCPC . - CONDAMNE les époux X... et Jacqueline Y... aux frais et dépens d'appel et autorise la SCP CHARDON et NAVREZ , avoués associés , à recouvrer ceux dont elle a fait l'avance conformément à l'article 699 du NCPC . SOMMAIRE: Des créanciers chirographaires d'une société en liquidation judiciaire, dont le stock de marchandises a été détruit dans un incendie, reproche au mandataire liquidateur d'avoir commis une faute qui leur a causé un préjudice personnel en n'entreprenant pas les démarches utiles pour assurer ce stock entre la date du prononcé du jugement de liquidation et la vente dudit stock. Toutefois, compte tenu de l'importance du passif et de la faiblesse de la valeur du stock détruit, de l'existence de nombreux créanciers privilégiés, il n'existait aucune chance pour qu'une indemnité d'assurance permette le paiement même partiel des créanciers chirographaires dont les plaignants.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945773
Date de la décision : 17/05/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Organes - Liquidateur - Responsabilité

Des créanciers chirographaires d'une société en liquidation judiciaire, dont le stock de marchandises a été détruit dans un incendie, reprochent au mandataire liquidateur d'avoir commis une faute qui leur a causé un préjudice personnel en n'entreprenant pas les démarches utiles pour assurer ce stock entre la date du prononcé du jugement de liquidation et la vente dudit stock. Toutefois, compte tenu de l'importance du passif et de la faiblesse de la valeur du stock détruit, de l'existence de nombreux créanciers privilégiés, il n'existait aucune chance pour qu'une indemnité d'assurance permette le paiement même partiel des créanciers chirographaires dont les plaignants


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nancy;arret;2005-05-17;juritext000006945773 ?
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