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16/07/2024 | FRANCE | N°22/00997

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 16 juillet 2024, 22/00997


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 16 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00997 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKI5





Décision déférée à la Cour :

J

ugement du 24 JANVIER 2022 DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE

N° RG F 20/00083





APPELANT :



Monsieur [U] [J]

né le 25 Décembre 1960 à [Localité 4] (31)

de nationalité Française

[Adresse 1]

Représenté par Me Alexandra DENJEAN DUHIL DE BENAZE de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de MONTPELLIE...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 16 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00997 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKI5

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 24 JANVIER 2022 DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE

N° RG F 20/00083

APPELANT :

Monsieur [U] [J]

né le 25 Décembre 1960 à [Localité 4] (31)

de nationalité Française

[Adresse 1]

Représenté par Me Alexandra DENJEAN DUHIL DE BENAZE de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me TROCHERIS, avocat au barreau de Montpellier

INTIMEE :

S.A.S.U. JD TRANSPORTS prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean sébastien DEROULEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et sur l'audience par Me LAVIGNE, avocat au barreau de Paris pour le cabinet MAJJ Avocats (plaidant)

Ordonnance de clôture du 24 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 MAI 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

M. Jean-Jacques FRION, Conseiller

Madame Florence FERRANET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue pour le 10 juillet 2024, à celle du 16 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

M. [J] a été embauché par la société Grand Sud Avicole à compter du 24 juillet 2001 en qualité de chauffeur livreur dans le cadre d'un contrat à durée déterminé qui s'est poursuivi le 1er décembre 2001 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Selon convention tripartite signée entre la société les Oeufs du Soleil, venant aux droits de la société Grand Sud Avicole, M. [J] et la société JD Transports, le contrat de travail de M. [J] a été transféré à la société JD Transports à compter du 1er mars 2017 avec reprise d'ancienneté au 24 juillet 2001.

M. [J] était en arrêt de travail pour maladie du 17 avril au 28 juillet 2018 pour tendinopathie calcifiante.

Le 7 mai 2018 la société JD Transports adressait par courrier recommandé à M. [J] sa fiche de poste mise à jour.

Le 28 septembre 2018 la société JD Transports notifiait à M. [J] une mise à pied verbale pour avoir refusé de faire la tournée avec un de ses collègues. Le 2 octobre 2018 M. [J] était convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire prévu le 11 octobre 2018.

M. [J] était placé en arrêt maladie le 9 octobre 2018 au 24 juin 2021.

Le 29 septembre 2020 M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Sète. Il était licencié pour inaptitude le 23 juillet 2021. Au dernier état de la procédure il sollicitait :

La résiliation judiciaire de son contrat de travail et subsidiairement la caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement ;

La condamnation de son employeur à lui verser les sommes suivantes :

- 2 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail ;

- 500 € nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du prononcé d'une sanction abusive ;

- 2 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat incombant à l'employeur ;

- 323,37 € bruts de rappels d'heures supplémentaires et 32,33 € bruts au titre des congés payés afférents ;

- 666,73 € bruts d'indemnité compensatrice de congés payés abusivement décomptés ;

- 6 987,78 € bruts de rappel de complément de salaire au titre des arrêts travail depuis 2018 jusqu'à ce jour ;

- 3 294,02 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 329,40 € bruts à titre de congés payés sur préavis ;

- 29 177,67 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 344,30 € nets à titre de reliquat d'indemnité de licenciement.

Par jugement rendu le 24 janvier 2022 le conseil de prud'hommes a :

Débouté M. [J] de toutes ses demandes ;

Débouté la société JD Transports de ses demandes ;

Condamné M. [J] aux dépens.

**

M. [J] a interjeté appel de ce jugement le 21 février 2022 intimant la société JD Transports.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 20 octobre 2022 M. [J] demande à la cour de :

Réformer le jugement du Conseil de prud'hommes de Sète du 24 janvier 2022 en ce qu'il a débouté M. [J] de ses demandes suivantes visant à voir :

Dire et Juger que la société JD Transports a modifié unilatéralement son contrat de travail, abusé de son pouvoir disciplinaire à son égard,manqué à ses obligations légales en matière de santé et de sécurité, de gestion du temps de travail, de maintien de salaire et de prélèvement de cotisations de mutuelle ;

A titre principal : Prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de son travail et dire et juger que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire, dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence condamner la société JD Transports à lui payer les sommes suivantes :

- 2 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail ;

- 500 € nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du prononcé d'une sanction abusive ;

- 2 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat incombant à l'employeur ;

- 323,37 € bruts de rappels d'heures supplémentaires et 32,33 € bruts au titre des congés payés afférents ;

- 666,73 € bruts d'indemnité compensatrice de congés payés abusivement décomptés ;

- 6 987,78 € bruts de rappel de complément de salaire au titre des arrêts travail depuis 2018 jusqu'à ce jour ;

- 3 294,02 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 329,40 € bruts à titre de congés payés sur préavis ;

- 29 177,67 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 344,30 € nets à titre de reliquat d'indemnité de licenciement.

- 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Et statuant à nouveau dire et juger que la société JD Transports a modifié unilatéralement le contrat de travail de M. [J], abusé de son pouvoir disciplinaire à l'égard de M. [J], manqué à ses obligations légales en matière de santé et de sécurité, de gestion du temps de travail de M. [J], de maintien de salaire et de prélèvement de cotisations de mutuelle ;

A titre principal, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [J] et dire et juger que cette rupture produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire, dire et juger que le licenciement de M. [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence et en tout état de cause :

Au titre de l'exécution du contrat de travail condamner la société JD Transports à payer à M. [J] les sommes suivantes :

- 2 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail de M. [J] ;

- 500 € nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du prononcé d'une sanction abusive ;

- 2 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat incombant à l'employeur ;

- 323,37 € bruts de rappels d'heures supplémentaires et 32,33 € bruts au titre des congés payés afférents ;

- 666,73 € bruts d'indemnité compensatrice de congés payés abusivement décomptés ;

- 6 987,78 € bruts de rappel de complément de salaire au titre des arrêts de travail de M. [J] depuis 2018 jusqu'à ce jour ;

Au titre de la rupture du contrat de travail condamner la société JD Transports à payer à M. [J] les sommes suivantes :

- 3 294,02 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 329,40 € bruts à titre de congés payés sur préavis ;

- 29 177,67 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2344,30 € nets à titre de reliquat d'indemnité de licenciement ;

Dire et Juger que les intérêts légaux afférents aux sommes mises à la charge de la société JD Transports ayant la nature d'un salaire porteront intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure amiable adressée par le Conseil de M. [J] le 6 novembre 2020 ;

Ordonner la capitalisation des intérêts ;

Condamner la société JD Transports à porter et remettre au concluant un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi (mentionnant le motif de la rupture du contrat de travail), un solde de tout compte, ainsi que des bulletins de paye régularisés et conformes à la décision à intervenir, sous astreinte à hauteur de 150 Euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision à intervenir et ce pour une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera, à nouveau, statué;

Condamner la société JD Transports au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

Débouter la société JD Transports de toutes ses demandes.

**

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 5 août 2022 la société JD Transports demande à la cour de :

À titre principal :

- Confirmer le jugement du 24 janvier 2022 rendu par le Conseil de prud'hommes de Sète en ce qu'il a :

' Débouté M. [U] [J] de l'ensemble de ses demandes ;

' Condamné M. [U] [J] aux entiers dépens de l'instance ;

À titre subsidiaire :

- Au titre de la demande de résiliation judiciaire ou à défaut au titre du licenciement s'il est jugé sans cause réelle ni sérieuse, limiter la condamnation de la société JD Transports au titre de la demande de dommages et intérêts de M. [U] [J] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au plancher de trois mois de salaire visé à l'article L. 1235-3 du Code du travail, soit 5579,89 € ;

Pour le surplus confirmer le jugement du 24 janvier 2022 rendu par le Conseil de prud'hommes de Sète en ce qu'il a :

' Déboute M. [U] [J] de l'ensemble de ses autres demandes ;

' Condamné M. [U] [J] aux entiers dépens de l'instance ;

En tout état de cause condamner M. [U] [J] à la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

**

Pour l'exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 24 avril 2024, fixant la date d'audience au 15 mai 2024.

MOTIFS :

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Lorsque le salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour inexécution par l'employeur de ses obligations, il appartient au juge de rechercher si les manquements allégués sont établis et d'une gravité suffisante rendant impossible la continuation du contrat de travail ; la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En l'espèce M. [J] reproche à son employeur d'avoir modifié unilatéralement son contrat de travail, d'avoir abusé de son pouvoir disciplinaire, d'avoir violé son obligation de sécurité, d'avoir géré de façon illégale son temps de travail, de ne pas lui avoir payé son complément de salaire depuis le début de son arrêt maladie et d'avoir réalisé des prélèvements indus de cotisations mutuelle.

Sur la modification unilatérale du contrat de travail :

M. [J] soutient que le 7 mai 2018 son employeur a modifié son contrat de travail car si initialement il ne faisait que des livraisons sur les secteurs Hérault, Bouches du Rhône et Vaucluse, il est mentionné dans sa nouvelle fiche de poste outre les livraisons la collecte d'oeufs dans les élevages dans des zones de montagne (Isère et Drôme), que cette modification de ses fonctions constitue une modification unilatérale du contrat de travail.

La société JD Transports fait valoir que M. [J] a toujours assuré la collecte d'oeufs et leur chargement en vue de la livraison, qu'en outre les zones de livraison n'ont jamais été contractualisées.

Le contrat de travail de M. [J] mentionne que celui-ci est engagé en qualité de chauffeur livreur sans plus de précision et sans qu'aucune zone de livraison ne soit mentionnée. La fiche de poste de chauffeur livreur notifiée le 7 mai 2018 à M. [J] précise que celui-ci a pour fonction de procéder au chargement et déchargement de son camion dans le cadre de livraisons en grande et moyenne surface et en plateforme de distribution ainsi que dans la collecte d'oeufs en élevage.

La pièce n°12 à laquelle M. [J] renvoie dans ses conclusions ne démontre pas que M. [J] n'effectuait pas de collecte d'oeufs en élevage et que ses tournées ont été modifiées en ce qu'il lui a été demandé de se rendre dans des départements et des zones plus éloignées. En tout état de cause, si tel était le cas, ce changement des conditions de travail de M. [J] ne constitue pas une modification d'un élément essentiel du contrat du contrat de travail de M. [J], dès lors que celui exerce les mêmes fonctions de chauffeur livreur avec la même qualification et la même rémunération. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail.

Sur l'usage abusif du pouvoir disciplinaire :

M. [J] reproche à son employeur de lui avoir notifié le 2 octobre 2018 un courrier qui mélange une mise à pied disciplinaire du 28 septembre 2018 et une convocation à entretien préalable à sanction, de ne pas avoir répondu à son courrier de contestation et de lui avoir adressé le 2 septembre 2019 alors qu'il était en arrêt maladie un courrier confirmant les exigences en matière de livraison d'oeufs.

Il a été statué sur le fait que l'employeur n'a pas modifié unilatéralement le contrat de travail de M. [J] en lui demandant de réaliser les livraisons et les collectes, par conséquent il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir rappelé à son salarié dans le courrier du 2 septembre 2019 son obligation de respecter les plannings mis en place.

En ce qui concerne le courrier du 2 octobre 2018, il n'est pas contesté par M. [J] qu'il a refusé le 28 septembre 2018 de faire sa tournée avec un de ses collègues afin d'apprendre cette tournée, et que son supérieur l'a mis à pied à titre conservatoire, le convoquant le 2 octobre pour un entretien préalable à sanction disciplinaire. La société JD Transports justifie que M. [J] a perçu la totalité de son salaire en septembre 2018 ce qui confirme le caractère conservatoire de la mise à pied et explique qu'en raison de l'ancienneté de ce salarié, il a été décidé suite à l'entretien préalable de ne pas prononcer de sanction disciplinaire.

Il en résulte que l'employeur n'a pas abusé de son pouvoir disciplinaire, le jugement sera confirmé en ce sens et M. [J] sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la violation de l'obligation de sécurité :

M. [J] soutient que son camion était vétuste et en surcharge, et que le ramassage des 'ufs dans les sites de haute montagne était dangereux. Il ne produit toutefois aucune pièce à l'appui de ses affirmations.

La société JD Transports répond qu'il n'est pas problématique qu'un camion ait entre 280 000 et 500 000 km au compteur, que le salarié n'a jamais fait remonter un problème de sécurité. Elle produit aux débats les contrôles techniques effectués les 19 et 20 août 2018, 30 juillet et 3 septembre 2019, 28 juillet et 19 août 2020, sur les camions utilisés par M. [J] qui ne font état que de défaillances mineures, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande d'indemnité pour non respect par l'employeur de son obligation de sécurité.

Sur la gestion illégale du temps de travail :

M. [J] soutient d'une part que son employeur a compensé les heures non exécutées certains mois sur les heures supplémentaires effectuées d'autres mois, que si la durée hebdomadaire du travail du personnel roulant peut être calculée sur une période supérieure à la semaine, encore faut-il que le comité d'entreprise ou les délégués du personnel aient donné leur avis et d'autre part qu'il a imposé à son salarié des jours de congés forcés faute de tournées à effectuer.

En ce qui concerne les heures supplémentaires il produit un décompte manuscrit (pièce n°13 e) pour chaque mois des années 2015, 2016, 2017 et 2018 faisant apparaître le nombre d'heures mensuelles travaillées.

La société JD Transports fait valoir que les demandes relatives à la période antérieure au 29 septembre 2017 sont prescrites en application des dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail, et qu' en application des dispositions de l'article D.3312-41 du code des transports « la durée hebdomadaire du travail des personnels roulants peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine, sans pouvoir dépasser trois mois, après avis du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel s'ils existent » et qu'elle n'est dotée d'intances représentatives que depuis l'année 2019, que par conséquent si M. [J] a effectué selon le décompte automatisé qui ressort de la lecture de sa carte chauffeur numérique :

- 0,67 heure supplémentaire (HS) en novembre 2017 ;

- 13,63 HS en janvier 2018 ;

- 12,08 HS en février 2018

- 12,65 HS en septembre 2018 ;

- 0,83 HS en octobre 2018 ;

il n'a effectué aucune heure supplémentaire sur les trimestres d'octobre à décembre 2017, janvier à mars, avril à juin, juillet à septembre puis octobre à décembre 2018.

Toutefois la société JD Transports ne justifie ni de l'absence de représentants du personnel sur la période considérée de 2017 et 2018, ni de l'élection de représentants à compter de l'année 2019. Il en résulte que M. [J] est fondé à solliciter le paiement des heures supplémentaires à hauteur de 0,67 h pour l'année 2017 et 39,19 h pour l'année 2018. Celui-ci ne sollicite le paiement que de la somme de 323,37 € bruts, cette somme lui sera allouée outre les congés payés correspondants de 32,33 €. Le jugement sera infirmé de ce chef.

M. [J] reproche à son employeur de l'avoir obligé à prendre des repos forcés en mars, septembre et octobre 2018, notamment en raison de camions indisponibles et qu'il a ainsi été privé de 9,5 jours de congés pour l'année 2018. Toutefois il ressort des bulletins de paye produits aux débats qu'aucun jour de congés payés n'est mentionné comme pris pour le mois de mars, septembre et octobre 2018. le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande en paiement de la somme de 666,73 € brut outre les congés payés correspondants.

Sur le non paiement du complément de salaire pendant ses arrêts maladie :

M. [J] soutient qu'il a droit eu égard à son ancienneté de 10 ans à un maintien de son salaire à 100 % du 6ème jour au 100ème jour d'arrêt maladie puis à 75 % du 101ème au 190 ème jour, que lui est due :

- pour la période du 17 avril au 28 juillet 2018 : (5 960,30 -3 348 IJSS) + (94,12 ' 33,48 IJSS) ;

- pour la période postérieure au 9 octobre 2018: (5 960,30 ' 3 057 IJSS) + (4 188,34 ' 2 776,80 IJSS)

Soit un total de 6 987,78 € bruts.

La société JD Transports reconnaît que les compléments de salaire ont été payés avec retard à hauteur de 663,17 € en juillet 2018, puis 3 231,92 € en décembre 2020 et 35,51 € le 14 octobre 2021, que les calculs effectués par M. [J] sont erronés car pour la période du 17 avril au 28 juillet 2018, ne restait due que la somme de 2 623,65 € car M. [J] a omis de déduire la deuxième journée d'IJSS qu'il a perçue pour la période indemnisée à 75 %, et que pour la période subséquente, en application de l'article 17 ter de la convention collective, le salarié n'est fondé à solliciter une indemnisation que pour 88 jours à 75 %, ayant épuisé les droits à hauteur de 100 % sur la période précédente du 22 avril au 25 juillet, que n'était donc due que la somme de 1 306,95 €.

Il ressort de la pièce n°11 produite par la société JD Transports qu'effectivement M. [J] a commis des erreurs dans ses calculs notamment en ne faisant pas application des dispositions de l'article 17 ter de la convention collective et en n'effectuant pas ses calculs sur les jours réels du mois , il en résulte que les sommes dues à M. [J] au titre de ses compléments de salaire ont été régularisées par l'employeur mais avec retard.

M. [J] qui ne sollicite que le versement des sommes dues sera débouté de sa demande. Il est toutefois établi que l'employeur a tardé à verser les sommes dues à hauteur de 3 231,92 € pendant plus de deux ans.

Les deux seuls griefs caractérisés à l'encontre de l'employeur, sont donc le non paiement d'heures supplémentaires sur la période de novembre 2017 à octobre 2018 à hauteur de 323,37 €, et le règlement tardif des compléments de salaire sur l'année 2018.

M. [J] soutient que ces agissements ont eu un impact sur sa santé et produit pour en justifier le certificat médical de son médecin traitant en date du 15 octobre 2018 qui atteste que M. [J] présente un syndrome anxieux dépressif réactionnel avec troubles du sommeil, perte d'appétit et cauchemars et celui du docteur [E], psychiatre qui atteste que le 8 novembre 2018 M. [J] présentait un état de stress post traumatique avec syndrome dépressif nécessitant un suivi psychothérapique hebdomadaire et ainsi qu'un traitement antidépresseur et anxiolitique.

Sachant que M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes le 29 septembre 2020 et en l'absence de toute pièce médicale postérieure au mois de novembre 2018, eu égard au deux seuls griefs caractérisés et à leur faible impact financier, il n'est pas justifié de ce que les manquements rendaient impossible la continuation du contrat de travail, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Sur la demande aux fins de voir le licenciement pour inaptitude déclaré sans cause réelle et sérieuse :

M. [J] soutient que son inaptitude est en lien avec le non respect par son employeur de son obligation de sécurité, modification unilatérale de son contrat de travail, usage abusif du pouvoir disciplinaire, fourniture d'un camion vétuste, gestion illégale du temps de travail. Il ne reprend pas dans ses conclusions (page 21) le grief relatif au paiement des compléments de salaire.

Il a été statué sur le fait que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité et n'a pas abusé de son pouvoir disciplinaire et que le seul grief démontré est donc le non paiement d'heures supplémentaires sur la période de novembre 2017 à novembre 2018 à hauteur de 323,37 €.

M. [J] a été placé en arrêt maladie le 9 octobre 2018 jusqu'au 20 juin 2021. Il a perçu à compter du 17 avril 2021 une pension d'invalidité catégorie 2. Le médecin du travail le 23 juillet 2021 l'a déclaré inapte sans possibilité de reclassement, et par courrier du 17 août 2021 la société JD Transports a licencié son salarié pour inaptitude.

Les certificats médicaux établis en octobre et novembre 2018 ne démontrent pas que le syndrome dépressif constaté et que la dégradation subséquente de la santé de M.[J] qui a conduit à son inaptitude prononcée le 23 juillet 2021 est en lien avec le manquement constaté de l'employeur, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande aux fins de voir déclaré son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les dommages et intérêts.

Sur la demande de reliquat d'indemnité de licenciement :

M. [J] fait valoir que lui est due à titre d'indemnité de licenciement la somme de 10 980,84 € eu égard à ses 20 années d'ancienneté et à son salaire de référence de 1 882,48 €, et qu'il ne lui a été versé que la somme de 8 636,54 €.

La société JD Transports fait valoir que l'ancienneté de M. [J] n'est que de 17 ans 1 mois et 9 jours, toutefois il ressort clairement de la convention tripartite que l'ancienneté de M . [J] court à compter du 24 juillet 2001, il en résulte que le salarié avait bien au moment de son licenciement une ancienneté de 20 ans, il sera par conséquent fait droit à la demande de reliquat d'indemnité légale de licenciement à hauteur de 2 344,30 €, le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Il sera fait droit à la demande de remise des documents de fin de contrat et bulletins de paye rectifiés sans que cette condamnation ne soit assortie d'une astreinte,

La société JD Transports qui succombe en partie dans ses prétentions sera tenue aux dépens de première instance et d'appel et condamnée en équité à verser à M. [J] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

Infirme le jugement rendu le 24 janvier 2022 en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande de paiement au titre du rappel des heures supplémentaires et de reliquat d'indemnité légale de licenciement, de communication des documents de fin de contrat et condamné M. [J] aux dépens, et le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la société JD Transports à verser à M. [J] la somme de 323,37 € bruts au titre des heures supplémentaires outre les congés payés correspondants soit 32,33 € ;

Condamne la société JD Transports à verser à M. [J] la somme de 2 344,30 €, à titre de reliquat d'indemnité légale de licenciement ;

Condamne la société JD Transports à porter et remettre à M. [J] un certificat de travail, une attestation France travail, un solde de tout compte, ainsi que des bulletins de paye régularisés conformes à la décision à intervenir, sans que cette condamnation ne soit assortie d'une astreinte ;

Y ajoutant ;

Condamne la société JD Transports à verser à M. [J] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société JD Transports aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00997
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;22.00997 ?
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