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11/07/2024 | FRANCE | N°23/04906

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 11 juillet 2024, 23/04906


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à













COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 11 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/04906 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P7ET





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 29 AOUT 2023

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J.

EXPRO, JCP DE CARCASSONNE

N° RG 21/00671





APPELANTS :



Madame [Z] [R] épouse [O]

née le 29 Novembre 1945 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Localité 1]

et

Monsieur [A] [O]

né le 06 Octobre 1947 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentés par Me Bruno FITA de la SCP FITA-BRUZI, ...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 11 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/04906 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P7ET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 29 AOUT 2023

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARCASSONNE

N° RG 21/00671

APPELANTS :

Madame [Z] [R] épouse [O]

née le 29 Novembre 1945 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Localité 1]

et

Monsieur [A] [O]

né le 06 Octobre 1947 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentés par Me Bruno FITA de la SCP FITA-BRUZI, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Me Sabine NGO, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [Y] [X]

né le 06 Août 1958 à [Localité 9] (Royaume-Uni)

de nationalité Anglaise

[Adresse 2]

[Localité 1]

et

Madame [E] [X]

née le 19 Mai 1960 à [Localité 8] (Royaume-Uni)

de nationalité Anglaise

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentés par Me Sébastien LEGUAY de la SELARL SEBASTIEN LEGUAY, avocat au barreau de CARCASSONNE, substitué par Me Fanny LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 15 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Avril 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant

M. Fabrice DURAND, conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 27 juin 2024 et prorogée au 11 juillet 2024 , les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

M. [A] [O] et Mme [Z] [R] épouse [O] sont propriétaires depuis le 1er juillet 1977 d'un ensemble immobilier à usage d'habitation cadastré section [Cadastre 5] sis [Adresse 3] sur la commune de [Localité 10].

Par actes authentiques des 4 et 16 avril 2014, la commune de [Localité 10] a vendu à M. [Y] [X] et Mme [E] [W] épouse [X] un ancien lavoir communal destiné à être aménagé en habitation cadastré section [Cadastre 6] (anciennement [Cadastre 4]) sis [Adresse 2], cette parcelle de 137 m² étant mitoyenne de la propriété de M. et Mme [O].

Par arrêté du maire de [Localité 10] du 14 janvier 2014, un permis de construire a été délivré à M. et Mme [X] les autorisant à rénover cet ancien lavoir communal et à le transformer en maison à usage d'habitation de 168 m² de surface habitable.

Le recours en annulation formé par M. et Mme [O] contre ce permis de construire a été définitivement rejeté par arrêt confirmatif du 25 novembre 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille.

Ces travaux ont été confiés le 12 février 2014 par M. et Mme [X] à M. [P] [C], architecte titulaire d'une mission complète de maîtrise d''uvre.

Alléguant que ces travaux porteraient atteinte à l'intégrité du mur séparatif leur appartenant, M. et Mme [O] ont assigné M. et Mme [X] par acte d'huissier du 19 février 2015 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Carcassonne aux fins de voir ordonner une expertise.

Par ordonnance du 19 mars 2015, le juge des référés a ordonné une mesure d'expertise qu'il a confiée à M. [F] [G].

L'expert judiciaire M. [G] a déposé son rapport le 8 septembre 2015.

Par acte d'huissier du 2 octobre 2015, M. et Mme [O] ont assigné M. et Mme [X] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Carcassonne aux fins d'obtenir l'arrêt immédiat des travaux de percement du mur séparatif ainsi que la désignation d'un expert judiciaire pour décrire les travaux réalisés et les préjudices en découlant.

Par ordonnance du 3 décembre 2015, le juge des référés a ordonné une nouvelle mesure d'expertise et désigné M. [M] [D] pour y procéder.

L'expert judiciaire M. [D] a déposé son rapport le 5 décembre 2015.

M. et Mme [X] ont déposé le 20 mars 2018 une demande de permis de construire modificatif conforme aux ouvrages réellement réalisés. Ce permis modificatif a été refusé le 23 juillet 2018.

Les services de la préfecture de l'Aude ont informé le 15 décembre 2020 M. et Mme [O] de la situation de leurs voisins « les époux [X], propriétaires de la bâtisse située au [Adresse 2], en raison du non-respect du permis de construire qui leur a été délivré » en précisant : « Je peux vous indiquer que cette affaire a été jugée et que les époux [X] ont été condamnés à une peine d'amende ».

Aucun procès-verbal d'infraction d'urbanisme ni aucun élément afférent à ce dossier correctionnel n'est versé aux débats par les parties.

M. et Mme [O] ont à nouveau saisi le juge des référés de nouvelles demandes d'expertise, de condamnation sous astreinte et de provision qui ont été rejetées par ordonnance en date du 22 novembre 2018.

Par arrêt du 27 juin 2019, la cour d'appel de Montpellier a infirmé l'ordonnance de référé précitée, confié une nouvelle expertise à M. [N] et ordonné l'arrêt des travaux sous astreinte.

L'expert judiciaire M. [N] a rendu son rapport le 19 novembre 2020.

Par acte d'huissier du 29 mars 2021, M. et Mme [O] ont assigné M. et Mme [X] devant le tribunal judiciaire de Carcassonne aux fins d'obtenir notamment la démolition de l'exhaussement réalisé par ces derniers et l'indemnisation des préjudices subis.

Par jugement contradictoire du 29 août 2023, le tribunal judiciaire de Carcassonne a :

' débouté M. et Mme [O] de leurs demandes fondées sur un trouble anormal de voisinage ;

' condamné M. et Mme [O] à laisser à tout entrepreneur mandaté par M. et Mme [X], sous réserve d'un délai de prévenance de quinze jours, la possibilité d'accéder à la toiture de ces derniers par leur terrasse pour permettre l'achèvement des travaux d'étanchéité et de crépissage en façade du mur en parpaings exhaussé, sous astreinte de 500 euros par refus qui serait opposé malgré le respect du délai de prévenance ;

' condamné in solidum M. et Mme [O] à payer à M. et Mme [X] la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' débouté les parties de leurs demandes plus amples, autres ou contraires ;

' condamné in solidum M. et Mme [O] aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de l'expertise judiciaire.

Par déclaration déposée au greffe le 4 octobre 2023, M. et Mme [O] ont relevé appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions de M. et Mme [O] déposées au greffe le 22 novembre 2023 aux termes desquelles ils demandent à la cour :

' d'infirmer le jugement déféré ;

' de dire et juger que les travaux réalisés par les consorts [X] sur leur propriété, ancien lavoir municipal, devenu immeuble à usage d'habitation, sont constitutifs à plusieurs titres d'un trouble anormal du voisinage ;

' de dire et juger que l'exhaussement réalisé au-delà du faitage de l'immeuble des appelants, devra être démoli et les lieux remis en état ;

' de condamner M. et Mme [X] au paiement des sommes suivantes en réparation du préjudice subi :

- 3 931,88 euros TTC correspondant à la reprise des désordres relatifs à l'étanchéité ;

- 3 956,25 euros TTC correspondant à la reprise des désordres acoustiques ;

- 2 637,50 euros TTC concernant la surélévation de la cheminée ;

- 20 000 euros en réparation du préjudice subi par la perte de luminosité ;

- 2 000 euros TTC afin de faire procéder au nettoyage des projections de ciment ;

' de condamner M. et Mme [X] au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce compris notamment les frais d'expertise, ainsi que les frais inhérents à l'établissement des procès-verbaux d'expertises privés et d'huissiers ;

Vu les dernières conclusions de M. et Mme [X] déposées au greffe le 11 décembre 2023 aux termes desquelles ils demandent à la cour :

' de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions en ce compris celles intéressant les frais irrépétibles de première instance et les dépens ;

' de débouter M. et Mme [O] de l'intégralité de leurs demandes et prétentions comme infondées ;

' de condamner solidairement M. et Mme [O] à leur payer 3 000 euros complémentaire sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel outre les entiers dépens incluant les frais d'expertise et les frais de constats d'huissier ;

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 avril 2024.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'existence du trouble anormal de voisinage allégué par M. et Mme [O],

M. et Mme [O] fondent leur demande en suppression des ouvrages réalisés par M. et Mme [X] sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage résultant des faits suivants :

' le caractère illicite de l'ouvrage construit au regard du droit de l'urbanisme ;

' l'existence d'un dommage structurel et d'infiltrations ;

' la perte de luminosité et d'ensoleillement ;

' l'existence de désordres acoustiques.

Sur le caractère illicite de l'ouvrage construit au regard du droit de l'urbanisme,

L'existence d'un trouble anormal de voisinage s'apprécie par une analyse concrète du caractère anormal du trouble de voisinage indépendamment d'une éventuelle violation des règles d'urbanisme par la personne contre laquelle le trouble est allégué.

En l'espèce, il est totalement inopérant de la part de M. et Mme [O] de soutenir que M. et Mme [X] auraient violé les règles d'urbanisme en vigueur ou n'auraient pas respecté le permis de construire du 14 janvier 2014 pour prétendre démontrer l'existence d'un trouble anormal de voisinage.

M. et Mme [O] ne fondent pas leur action sur les dispositions de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme et ne démontrent pas que les conditions strictes d'application de ce texte seraient réunies en l'espèce au soutien d'une demande en démolition des ouvrages.

En conséquence, la demande de démolition des ouvrages sur le fondement d'une violation du droit de l'urbanisme ne peut qu'être rejetée.

Sur l'existence d'un dommage structurel et d'infiltrations,

L'allégation de M. et Mme [O] selon laquelle le mur séparant les parcelles cadastrées [Cadastre 5] et [Cadastre 6] serait privatif est invalidée par les conclusions du rapport d'expertise de M. [G].

En effet, ces opérations d'expertise ont établi que le mur séparatif litigieux d'environ 30 cm était un mur mitoyen. Cette mitoyenneté, déjà mentionnée dans le dossier de permis de construire déposé le 12 juillet 1963 par [P] [R] ayant construit la maison de M. et Mme [O], n'est désormais plus contestée par ces derniers.

Il en résulte en premier lieu que M. et Mme [X] disposaient bien du droit d'utiliser le mur pour appuyer leur ouvrage ou encastrer des poutres, et ce bien qu'ils n'aient aucunement respecté les obligations imposées par l'article 662 du code civil à l'égard de leurs voisins copropriétaires du mur.

M. et Mme [X] ont en outre refusé de procéder préalablement au bornage de leur propriété et sont intervenus sur le mur litigieux alors que sa propriété et son caractère mitoyen étaient discutés. Cette situation a pu légitimement inquiéter M. et Mme [O] et les alerter quant aux conséquences possibles des travaux entrepris par leurs voisins sans aucune concertation avec eux.

M. [G] a constaté que M. et Mme [X] avait creusé trois enfoncements de poutres porteuses du toit dans le mur mitoyen. Deux de ces enfoncements étaient déjà bouchés au ciment lors de la visite de M. [G] tandis que le troisième encore ouvert présentait une profondeur d'environ 20 cm.

Lors de sa visite du 9 mars 2016, l'expert judiciaire M. [D] n'a constaté aucun désordre sur l'immeuble de M. et Mme [O].

M. [D] a constaté que M. et Mme [X] avaient maintenu les trois poutres anciennes existantes avant les travaux et posé 26 nouvelles poutres en bois scellées au mortier dans le mur mitoyen, l'ensemble étant destiné à supporter le plancher créé.

Pour tenir compte des craintes manifestées par leurs voisins mitoyens, M. et Mme [X] ont édifié un mur de doublage privatif et créé une structure reprenant les charges de la surélévation sans prise d'appui sur le mur mitoyen.

Ce choix technique de surélévation assurant l'indépendance de structure a été validé par le bureau d'études techniques GCIS selon note de calcul du 8 mars 2016 prévoyant l'installation de deux poutres horizontales liées à deux poteaux verticaux coulés à l'intérieur des pièces du rez-de-chaussée et de l'étage du bâtiment de M. et Mme [X].

M. [D] n'a constaté aucun désordre (ni fissure, ni éclat d'enduit) affectant les deux immeubles bâtis des parties au litige en 2016, date à laquelle la surélévation n'avait pas été réalisée. L'expert souligne en particulier que les poutres encastrées dans le mur mitoyen ne mettent pas les deux immeubles en péril.

L'expert judiciaire M. [N] a constaté que ces travaux, réalisés conformément au projet précité de la SARL GCIS, englobent la construction de piliers dans la hauteur du rez-de-chaussée et de l'étage contre le mur mitoyen sur un plot de fondation, la réalisation d'une poutre en béton armé en bas de R+2 contre le mur séparatif, l'élévation du pignon de R+2 sur la poutre en béton armée, la charpente et la couverture de la surélévation.

L'expert judiciaire a pris en compte contradictoirement, pour les rejeter à l'issue de ses investigations et constatations personnelles, les conclusions de l'expert privé M. [I] rémunéré par M. et Mme [O].

Il ressort en premier lieu du rapport d'expertise judiciaire qu'aucun des ouvrages litigieux n'empiète sur la propriété [O], quelle que soit la position précisément retenue comme limite entre les deux fonds.

M. [N] n'a constaté la présence d'aucun désordre structurel visible, ce qui correspond à la réalisation de travaux conçus par un bureau d'étude et réalisés par des entreprises et un maître d''uvre compétents.

L'expert judiciaire précise que la fissuration du mur pignon de leur terrasse concerne un ouvrage non structurel et que cette fissuration sans gravité résulte des travaux réalisés par M. et Mme [O] sur cette terrasse en juillet 2019.

Ces travaux ne sont pas de nature à entraîner des pénétrations d'eau au préjudice de l'immeuble [O], sous réserve de la pose de l'enduit nécessaire pour assurer l'efficacité du solin posé à la jonction des deux immeubles mitoyens et des défauts de ce solin (arrêt du solin avant l'égout du toit et finition à parfaire au-dessus du faîtage).

La cour relève que M. et Mme [O] se sont fermement opposés le 23 avril 2021, sans motif sérieux, à la réalisation des travaux sur le solin par M. et Mme [X] alors que M. et Mme [O] avaient été avertis de cette intervention et qu'ils avaient accepté la réalisation de ces travaux lors de l'état des lieux réalisé par huissier de justice le 19 avril 2021.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en sa disposition ayant condamné sous astreinte M. et Mme [O] à accorder l'accès à l'entreprise missionnée par M. et Mme [X] pour les travaux d'étanchéité et de traitement de la façade du mur pignon exhaussé.

En toute hypothèse, il n'est pas établi que ce solin, dont M. et Mme [O] ont eux-mêmes délibérément retardé les travaux de reprise et de finition, serait à l'origine d'une quelconque infiltration.

L'expert judiciaire a étudié l'ensemble des pièces et constats communiqués par M. et Mme [O] (page 19 du rapport).

Le rapport du cabinet Elex du 6 novembre 2017 est imprécis et dépourvu de photographies. Les très rares et très discrètes traces suspectes relevées sont toutes éloignées du mur litigieux et ne sont pas suffisamment probantes pour établir la présence d'infiltrations d'eau.

Enfin, le dernier constat d'huissier établi par M. et Mme [O] le 13 octobre 2022 n'apporte aucun élément factuel précis contredisant les investigations complètes et parfaitement documentées effectuées par M. [N] dans un cadre parfaitement contradictoire entre les parties.

La cour partage donc l'analyse du jugement déféré qui n'a relevé aucun trouble anormal de voisinage lié à des dommages de structure ou d'infiltrations affectant l'immeuble des appelants.

Sur la perte de luminosité et d'ensoleillement,

L'expert judiciaire n'a constaté aucune perte significative d'ensoleillement ou de luminosité dans l'immeuble de M. et Mme [O] qui serait causée par les travaux réalisés par M. et Mme [X].

M. et Mme [O] n'apportent pas la preuve de ce que les ouvrages édifiés par leurs voisins provoqueraient une perte de luminosité ou d'éclairement constituant un trouble anormal de voisinage.

L'étude de M. [S] du 9 septembre 2020 n'a pas été réalisée contradictoirement. En particulier, les paramètres de masque n'ont pas été communiqués à l'expert judiciaire qui n'a donc pas pu valider la méthode et les conclusions de cette étude.

La cour relève que cette preuve est d'autant moins rapportée en l'espèce que pour constituer un trouble anormal de voisinage de cette nature en milieu urbain dense avec continuité totale du bâti sur tous les îlots du quartier, le trouble allégué devrait être grave et patent, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

En effet, il ressort des photographies versées aux débats que l'élévation de l'immeuble [X] d'un étage, conforme à la hauteur moyenne du bâti de ce secteur de la ville de [Localité 10], ne présente aucun caractère exceptionnel et relève au contraire d'un voisinage mitoyen normal et habituel ne générant qu'un trouble de jouissance minime inhérent à la vie en secteur urbain.

Enfin, s'agissant du barbecue de terrasse, il appartient à M. et Mme [O], propriétaires de cet ouvrage, d'en adapter les éléments constitutifs en fonction de l'évolution des ouvrages environnants et le cas échéant de surélever le conduit de cheminée pour évacuer les fumées à la hauteur adéquate.

M. et Mme [O] ne sont donc pas fondés à exiger la prise en charge des travaux du conduit de cheminée de leur barbecue par M. et Mme [X].

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a constaté l'absence de trouble anormal de voisinage de perte de luminosité et d'ensoleillement.

Sur l'existence de désordres acoustiques,

La cour relève en premier lieu que l'arrêté du 30 juin 1999 en matière de transmission acoustique ne concerne que l'isolement par rapport au bruit extérieur ou entre logements d'un même ensemble collectif, mais ne s'applique pas à deux constructions distinctes comme en l'espèce.

M. et Mme [O] affirment que les règles de construction permettant d'éviter les ponts phoniques n'ont pas été respectées mais ils n'ont pas été en mesure d'indiquer à l'expert judiciaire la nature précise des règles qu'ils invoquaient.

Il appartenait à l'expert judiciaire de vérifier l'importance et la réalité des nuisances phoniques alléguées par M. et Mme [O].

En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté un phénomène de transmission phonique inhabituellement important entre ces deux maisons indépendantes.

Cette transmission phonique permet par exemple à de simples bruits de pas générés dans le fonds [X] d'être audibles dans l'immeuble de M. et Mme [O], pourtant distinct de celui de M. et Mme [X] et séparé par un mur mitoyen en rez-de-chaussée.

Cette transmission phonique de tels bruits de comportement entre deux immeubles distincts présente un caractère anormal dont l'expert judiciaire explique la survenue par un traitement peu précautionneux par M. et Mme [X] de l'espace séparant les deux immeubles, notamment entre le mur mitoyen et le nouveau mur construit sur la propriété [X].

L'expert judiciaire préconise en page 24 de son rapport la réalisation de travaux de désolidarisation acoustique de nature à augmenter l'isolation phonique entre les deux immeubles et à mettre ainsi un terme ou du moins atténuer ce trouble anormal de voisinage.

M. et Mme [O] ne demandent cependant pas à la cour d'ordonner sous astreinte à M. et Mme [X] de procéder sur leur immeuble aux travaux d'isolation acoustique et de désolidarisation décrits par l'expert judiciaire en page 24 de son rapport :

' en partie sud-est : désolidarisation de l'angle de l'immeuble [X] (échafaudage ou nacelle, étaiement, démolition de l'angle sur 2,40 ml, coffrage et pose d'un isolant de désolidarisation, reconstruction du poteau et coulage) ;

' en partie nord : dépose du glacis et remplacement par un couloir en zinc.

En l'absence de demande de condamnation sous astreinte, il sera seulement fait droit à la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [O] contre M. et Mme [X] à hauteur de 3 956,25 euros, ce montant correspondant à une juste indemnisation du trouble subi.

Sur la demande de nettoyage des projections de ciment,

Il ne ressort pas des pièces versées aux débats, et notamment des deux constats d'huissier établis le 12 décembre 2018 et le 13 octobre 2022, l'existence de désordres ou de salissures imputables à l'intervention de M. et Mme [X].

Ces demandes de nettoyage seront donc rejetées, ce en quoi le jugement déféré sera confirmé.

Sur les demandes accessoires,

Le jugement déféré est infirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties succombent toutes deux partiellement en cause d'appel.

Au regard du comportement adopté par les parties l'une envers l'autre depuis la naissance du présent litige, comportement ayant constamment nourri et exacerbé le litige, à rebours du comportement raisonnable attendu de tout citoyen confronté à un différend de voisinage, l'équité commande de faire masse des dépens et de les répartir entre les parties à hauteur de la moitié à la charge de chacune.

L'équité commande en outre, pour les mêmes raisons, de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance comme en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. et Mme [O] fondée sur le trouble anormal de voisinage lié aux désordres phoniques et en ses dispositions ayant statué sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Condamne solidairement M. [Y] [X] et Mme [E] [W] épouse [X] à payer à M. [A] [O] et Mme [Z] [R] épouse [O] la somme de 3 956,25 euros en réparation du trouble anormal de voisinage subi du fait des désordres phoniques ;

Fait masse des dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire, et condamne M. [A] [O] et Mme [Z] [R] épouse [O] d'une part, M. [Y] [X] et Mme [E] [W] épouse [X] d'autre parts, à en supporter chacun la moitié ;

Rejette les demandes des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/04906
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;23.04906 ?
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