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11/07/2024 | FRANCE | N°21/02619

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 11 juillet 2024, 21/02619


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à













COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 11 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02619 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O66R



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 25 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE

N° RG F

20/00012



APPELANT :



Monsieur [E] [L]

né le 21 Décembre 1978 à [Localité 7]

de nationalité Française

Domicilié16 [Adresse 5]

[Localité 9]



Représenté par Me Alexandra DENJEAN DUHIL DE BENAZE de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de MONTPELLIER, sub...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 11 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02619 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O66R

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 25 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE

N° RG F 20/00012

APPELANT :

Monsieur [E] [L]

né le 21 Décembre 1978 à [Localité 7]

de nationalité Française

Domicilié16 [Adresse 5]

[Localité 9]

Représenté par Me Alexandra DENJEAN DUHIL DE BENAZE de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Johanna BURTIN, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. ALMA CERSIUS

Domiciliée [Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Assistée par Me Bruno MALVAUD de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES, substitué par Me Caroline BALDACCHINO, avocat au barreau de NIMES

INTERVENANTE :

Syndicat UNION REGIONALE INTERPROFESSIONNELLE CFDT OCCITANIE

Domicilié [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexandra DENJEAN DUHIL DE BENAZE de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Johanna BURTIN, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 02 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement fixée au 04 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Le greffier,

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

M. [L] a été embauché par la société les vignerons de [Localité 6]-[Localité 8]-[Localité 9] selon plusieurs contrats à durée déterminée du 13 au 17 mai 2013, du 21 au 23 mai 2013, du 19 au 21 juin 2013 et du 25 au 26 juin 2013. Il a ensuite été embauché en contrat à durée déterminée du 1er juillet 2013 au 14 février 2014 en qualité de manutentionnaire classification OE régi par la convention collective nationale des caves coopératives et leurs unions du 22 avril 1986.

Le 1er avril 2014, il a signé un contrat à durée déterminée avec la société Alma Cersius, société unissant les caves coopératives de [Localité 6], de [Localité 8] et de [Localité 9], avant d'y être titularisé en contrat à durée indéterminée le 1er décembre 2014 au poste de préparateur des vins, catégorie II OEQ échelon maîtrisé niveau 1.

Par courrier du 25 septembre 2017, M. [L] a informé l'inspection du travail de difficultés rencontrées dans l'exécution de son contrat relatives aux heures supplémentaires et à sa rémunération.

En janvier 2018 M. [L] était élu conseiller prud'homal à [Localité 4].

Par déclaration au greffe du 19 juillet 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Narbonne afin de voir :

Condamner la société Alma Cersius à lui verser :

- 10 497,02 € bruts à titre de rappel de salaire de juillet 2015 à décembre 2018 correspondant à une classification d'ouvrier hautement qualifié catégorie III niveau 1 puis niveau 2 depuis avril 2017 ;

- 1 049,70 € au titre des congés payés afférents ;

- 490,88 € bruts à titre de rappel de salaire de juillet 2015 à décembre 2018 sur la base d'heures supplémentaires réalisées et payées ;

- 49,08 € bruts à titre de congés payés afférents ;

- 1 301,42 € bruts au titre des heures supplémentaires ;

- 130,14 € de congés payés afférents ;

- 2 000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au non-respect par l'employeur des durées quotidiennes et hebdomadaires de travail ;

- A compter de janvier 2019, une rémunération conforme à une classification d'ouvrier hautement qualifié catégorie III niveau 2 ;

Condamner la société Alma Cersius à lui remettre les bulletins de paie rectifiés et conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard qui commencera à courir passé un délai de 15 jours suivant la date de notification du jugement à intervenir, et se réserver la compétence pour liquider cette astreinte ;

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Dire que les sommes allouées porteront intérêt, à compter de la réception par la défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, celle-ci valant sommation de payer au sens de l'article 1153 du code civil ;

Condamner la société Alma Cersius au paiement de la somme de 1 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

 

Par jugement rendu le 25 mars 2021, le conseil de prud'hommes a :

Dit et jugé que M. [L] est aide caviste OEQ niveau 1 échelon maîtrisé ;

Débouté M. [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Débouté la société Alma Cersius de sa demande reconventionnelle au titre de la remise des vacations prud'homales de M. [L] ;

Condamné M. [L] à payer à la société Alma Cersius la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

**

M. [L] a interjeté appel de ce jugement le 22 avril 2021, intimant la société Alma Cersius.

L'Union Régionale Interprofessionnelle CFDT Occitanie est intervenue volontairement à l'instance.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 29 décembre 2021, M. [L] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

Dire et juger que M. [L] exerce les fonctions de caviste ;

Dire et juger que M. [L] relève de la classification Ouvrier Hautement Qualifié, catégorie III, niveau 1, puis niveau 2 depuis le mois d'avril 2017 ;

Dire et juger irrecevables les demandes reconventionnelles formulées par la SAS Alma Cersius en cause d'appel ;

Condamner la société Alma Cersius à payer à M. [L] les sommes suivantes :

- 10 497,02 € bruts à titre de rappel de salaire de juillet 2015 à décembre 2018, conformément à une classification d'Ouvrier Hautement Qualifié, catégorie III, niveau 1, puis niveau 2 depuis le mois d'avril 2017 ;

- 1 049,70 € au titre de congés payés afférents ;

- 490,88 € bruts à titre de rappel de salaire de juillet 2015 à décembre 2018 sur la base des heures supplémentaires réalisées et payées ;

- 49,08 € au titre de congés payés afférents ;

- 1 301,42 € bruts au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées ;

- 130,14 € au titre des congés payés afférents ;

- 2 000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au non-respect par l'employeur des durées quotidiennes et hebdomadaires de travail ;

Condamner la société Alma Cersius à lui verser à compter du mois de janvier 2019, une rémunération conformément à une classification Ouvrier Hautement Qualifié catégorie III, niveau 2, confirmé ;

Condamner la société Alma Cersius à lui remettre des bulletins de paie rectifiés et conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard qui commencera à courir passé un délai de 15 jours suivant la date de notification de la décision à intervenir ;

Dire et juger que les sommes allouées porteront intérêts, à compter de la réception par la défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Narbonne, celle-ci valant sommation de payer au sens de l'article 1153 du Code civil ;

Condamner la société Alma Cersius au paiement de la somme de 1 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société Alma Cersius aux entiers dépens.

**

La société Alma Cersius, dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 19 juin 2023, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle tendant à ce que M. [L] soit condamné à lui communiquer ses relevés d'audience depuis le mois d'octobre 2018 dans le cadre de son mandat prud'homal.

Formant appel incident, elle demande à la cour de condamner M. [L] à lui communiquer ses relevés d'audience depuis le mois d'octobre 2018 dans le cadre de son mandat prud'homal, et à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

**

L'Union Régionale Interprofessionnelle CFDT Occitanie, dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 3 mars 2022, demande de juger recevable son intervention volontaire au soutien des prétentions de M. [L] et de :

Juger qu'au regard du bien-fondé des demandes de M. [L], l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession est caractérisée ;

Juger que dans la mesure où la société Alma Cersius n'a pas donné de suite favorable à l'intervention de la CFDT aux intérêts de M. [L] à l'époque où celui-ci était confronté aux difficultés dont il demande la régularisation dans le cadre de la présente instance, le syndicat a subi un préjudice qu'il convient de réparer à hauteur de 2 500 € de dommages et intérêts ;

Condamner la société Alma Cersius à payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

**

Pour l'exposé des moyens, il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été fixée au 2 avril 2024 et la date d'audience au 13 mai 2024.

MOTIFS :

Sur la demande de classification :

M. [L] sollicite le paiement de la somme de 10 497,02 € bruts à titre de rappel de salaire de juillet 2015 à décembre 2018, conformément à une classification d'Ouvrier Hautement Qualifié, catégorie III, niveau 1, puis niveau 2 depuis le mois d'avril 2017, ainsi que la somme de 1 049,70 € au titre des congés payés afférents, la somme de 490,88 € au titre des heures supplémentaires payées et les congés payés correspondants. Il sollicite également la condamnation de l'employeur à lui verser à compter du mois de janvier 2019, une rémunération conformément à cette même classification. Il soutient que la rémunération versée par son employeur, qui correspond à celle du poste d'aide caviste sur lequel il était officiellement positionné, ne correspond pas à celle du poste qu'il occupait en réalité à savoir celui de caviste.

La société Alma Cersius fait valoir que M. [L], recruté en contrat à durée indéterminée le 1er décembre 2014 en qualité de préparateur des vins, occupait des fonctions d'aide caviste et percevait dès lors la rémunération correspondante ; que le poste de caviste revendiqué par M. [L] exige un niveau de qualification et de responsabilités qu'il ne justifie pas, pas plus qu'il ne justifie de la réalisation des travaux de caviste décrits dans la convention collective.

Le juge, saisi d'une contestation sur la qualification attribuée à un salarié doit se prononcer au vu des fonctions réellement exercées et doit les comparer à la grille de la convention collective pour vérifier dans quelle catégorie se place l'emploi. Les mentions portées sur le bulletin de paie, l'attribution d'un salaire nettement supérieur au salaire minimum correspondant à l'emploi exercé ou même les mentions du contrat de travail, ne sont que des indices, insuffisants à contrebalancer la comparaison des fonctions réellement exercées avec la classification de la convention collective. Il incombe au salarié qui revendique une classification différente de celle qui lui est reconnue, et à lui-seul, de rapporter la preuve de la réalité des fonctions qu'il exerce. La Cour de cassation vient de le rappeler opportunément.

Selon la convention collective, les ouvriers et employés hautement qualifiés de catégorie III dont les cavistes effectuent un travail « caractérisé par l'exécution de travaux très qualifiés impliquant autonomie et prise d'initiative et exigeant la mise en 'uvre des connaissances particulières du produit fabriqué et du cycle de production, des équipements ou des procédures techniques et administratives. Le métier est complètement maîtrisé et le salarié choisit le mode d'exécution, la succession des opérations et contrôle le résultat. Le travail est également caractérisé par l'établissement ou la rédaction de documents sous la forme requise par la spécialité ».

Pour justifier qu'il relève de cette catégorie M. [L] fait valoir qu'avant son embauche la société fonctionnait avec 3 cavistes (Mrs [T], [X] et [A]), et qu'eu égard aux volumes de production, elle ne pouvait fonctionner qu'avec trois cavistes, que bien qu'ayant été recruté avec le titre de préparateur de vin, il exerçait en réalité les fonctions de caviste.

Toutefois ces affirmations qui sont contredites par les organigrammes produits aux débats par la société Alma Cersius n'apportent aucun élément sur les fonctions réellement exercées par M. [L], pas plus que le fait que sur le livret d'accueil destiné à la clientèle, édité en février 2017 il est mentionné que M. [L] est caviste, alors que sur celui édité le 12 février 2018 qu'il est porté en qualité d'aide caviste.

M. [L] soutient que les tâches qu'il effectuait en vertu de ses fiches de travail (assemblage, filtrage, relogement, préparation, réajustage) et notamment l'assemblage, le filtrage et le soutirage relèvent des compétences d'un caviste, ce qui est confirmé par les attestations de Mrs [U], [J] et [G] [S] et le courriel de l'inspecteur du travail qui indique « je vous ai vu travailler comme caviste, il ne pourra le nier ».

Les attestations de M. [J] et de M. [U], salariés de la société Rodet, prestataire pour la mise en bouteille, qui affirment que M. [L] exerçait le poste de caviste n'ont pas de valeur probante dès lors que les témoins ne donnent aucune information sur les fonctions réellement exercées par M. [L].

M. [S] [O] atteste avoir effectué un stage du 1er septembre au 10 octobre 2014 et avoir observé que M. [L] occupait le poste de caviste de l'équipe de nuit et effectuait les tirages au clair des jus, le refroidissement, les relogements, les enrichissements, les soutirages, les pressurages de raisin le traitement des jus, cadrait les saisonniers pour le nettoyage des quais, et qu'il l'a formé pour les opérations à effectuer sur les vins vieux avant mise en bouteille (collages, filtration tangentielle, assemblages, réglage des gaz et traitements oenoliqiques prescrits par l'oenologue).

Toutefois l'employeur produit l'attestation de M. [Y], directeur technique qui atteste que lors des vendanges 2014, [O] [S] qui effectuait un stage était dans l'équipe du matin et n'a jamais travaillé avec M. [L], et celle de M. [A], chef de cave qui indique qu'il était seul responsable de l'équipe de l'après midi et du soir et que lui seul encadrait les titulaires et les saisonniers de la cave, ce qui est en contradiction avec les affirmations de M. [S]. Le témoignage du stagiaire ne sera pas pris en compte.

Mme [I] agent de contrôle de l'inspection du travail de [Localité 4] qui a bien écrit dans le courriel du 24 novembre 2017 adressé à M. [L] : « pour le qualification, il conviendra de demander à nouveau le changement, mais j'en discuterai avec le responsable puisque je vous ai vu travailler comme caviste, il ne pourra pas le nier ». Toutefois celle-ci a reconnu dans le courrier 17 septembre 2020 que la question de la classification ne relève pas de la compétence des agents de contrôle de l'inspection du travail, qu'au mieux dans le cadre de sa mission d'information l'agent de contrôle peut après un examen approfondi des dispositions conventionnelles et une enquête précise sur le poste et l'ensemble des tâches réellement effectuées par le salarié, inviter l'employeur à vérifier l'adéquation entre la classification et le travail réel, que tel n'était pas le cas en espèce raison pour laquelle elle a bien mentionné dans cet échange informel : « je vous rappelle que nos échanges y compris celui-ci reste(nt) confidentiel(s). ». Il ne peut donc être tiré aucun argument du courriel du 24 novembre 2017.

En ce qui concerne les fiches de travail produites aux débats par M. [L], celles ci mentionnent effectivement les missions d'échantillonage, réjustage, préparation enlèvement, filtrage, assemblage, relogement, toutefois il ressort de ces fiches que pour chaque journée les missions de M. [L] étaient particulièrement détaillées, indiquant avec une grande précision la liste des opérations et des dosages à effectuer.

M. [L] soutient que les fiches de travail de M. [A] étaient identiques aux siennes et comportaient des précisions quant aux volumes de produits à ajouter dans les vins, tout comme celles de « [N] » l'oenologue. Toutefois il ne produit qu'une seule fiche de travail de M. [A] en date du 19 avril 2019 et une seule fiche au nom de « [N] » en date du 31 juillet 2018, ce qui ne permet pas d'appréhender les missions de ces deux salariés sur la durée, étant précisé par l'employeur que la dénommée [N] était engagée dans le cadre d'un contrat à durée déterminée en qualité d'assistante 'nologue et a très ponctuellement exécuté les missions d'un aide caviste.

Il en résulte que M. [L] ne justifie pas avoir réalisé des travaux très qualifiés impliquant autonomie et prise d'initiative et exigeant la mise en 'uvre des connaissances particulières, avoir choisit le mode d'exécution, la succession des opérations et contrôlé le résultat et établit ou rédigé des documents.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de reclassification au niveau ouvrier et employé hautement qualifié de catégorie III et de ses demandes de rappel de salaire correspondantes.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

Il résulte des dispositions des articles L.3171-2 et L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [L] sollicite un rappel de salaire de 1 301,42 € au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées entre avril 2016 et mai 2018 et produit pour en justifier le décompte de ses relevés quotidiens d'heures et un décompte précis des heures supplémentaires ayant été effectuées.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Toutefois comme le souligne la société Alma Cersius les calculs effectués par M. [L], qui se basent sur la différence entre les sommes versées au titre des heures supplémentaires et les sommes dues, sont erronés car effectués sur un taux horaire surévalué, celui-ci ayant retenu le taux correspondant au poste de caviste de catégorie III et non le taux horaire auquel il a droit d'aide caviste catégorie II.

En outre M. [L] ne répond pas dans ses conclusions à l'argument de la société Alma Cersius qui fait valoir qu'il a bénéficié de journées de repos compensateur de remplacement à hauteur de 175 heures entre 2016 et 2018, par conséquent le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande au titre des heures supplémentaires non rémunérées.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur des durées quotidiennes et hebdomadaires de travail :

La convention collective applicable en l'espèce prévoit que la durée quotidienne de travail maximale est de 10 heures, pouvant être portée à 12 heures consécutives, notamment en cas de travaux urgents à caractère exceptionnel ou lors des vendanges, et qu'en ce qui concerne la durée hebdomadaire, elle ne peut dépasser 66 heures.

M. [L] sollicite la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts car celui-ci l'aurait contraint à travailler au-delà des durées légales quotidiennes et hebdomadaires de travail ; il fait notamment valoir qu'il travaillait régulièrement 14 heures par jour.

La société Alma Cersius conclut au rejet de cette demande car M. [L] inclut à tort dans son temps de présence son temps de pause, lequel n'est pas du temps de travail effectif, et qu'en tout état de cause il ne justifie pas d'un préjudice subi.

Le décompte correspondant à la période du 5 juillet 2016 au 5 octobre 2016 ne fait mention d'aucun temps de pause, or la société Alma Cersius justifie que les salariés de nuit bénéficiaient d'un temps de pause, qui selon le témoin M. [Y] étaient de une heure. Après rectification en ce sens, il en résulte que la durée quotidienne de travail de 12 heures consécutives a été dépassée d'une heure à 2h30, à 9 reprises et que la durée hebdomadaire de 66 heures a été dépassée à deux reprises à hauteur de 2 heures et une fois à hauteur de 3h30.

Il est de jurisprudence constante que le dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation, il sera donc alloué à M. [L] la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle de l'employeur tenant à la communication des relevés d'audience du salarié dans le cadre de son mandat prud'homal :

L'article 954 du code de procédure civile dispose que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ».

M. [L] soulève l'irrecevabilité de cette demande au motif que la société Alma Cersius n'a pas formé d'appel incident au terme du dispositif de ses conclusions.

Dans ses conclusions signifiées dans le délai de trois mois prévu par l'article 909 du code de procédure civile, la société Alma Cersius se désignait comme appelante incidente, sollicitant la confirmation du jugement « sauf à ce qu'il a débouté la société Alma Cersius de sa demande reconventionnelle tendant à ce que M. [L] soit condamné à lui communiquer ses relevés d'audience depuis le mois d'octobre 2018 dans le cadre de son mandat prud'homal » et demandait à la cour de condamner « M. [L] à communiquer ses relevés d'audience depuis le mois d'octobre 2018 dans le cadre de son mandat prud'homal ».

Par conséquent, sa demande sera déclarée recevable.

Sur le fond :

La société Alma Cersius sollicite la communication des relevés d'audience de M. [L] pour les journées réalisées depuis le mois d'octobre 2018 dans le cadre de son mandat prud'homal, exposant que celui-ci s'absente des journées entières (8 heures) alors que son mandat ne couvre que quelques heures dans la journée et qu'il s'agit donc d'absences injustifiées.

M. [L] fait valoir qu'il effectue un travail posté et qu'ainsi, il lui est matériellement impossible de réintégrer son équipe de travail dans le créneau de 8 heures qui constitue le roulement du travail posté.

Selon l'article D.1423-61 du code du travail : « Le salarié, membre d'un conseil de prud'hommes, qui accomplit un travail continu de jour nécessitant un remplacement à la demi-journée au sein de l'entreprise bénéficie du maintien de son salaire pour la demi-journée, quelle que soit la durée de son absence pendant cette période pour l'exercice de ses activités prud'homales. Le maintien du salaire est effectué sur la base de la journée entière dès lors que le remplacement du salarié ne peut être assuré que sur une telle durée ».

Le salarié produit une attestation de M. [C], président de la cave coopérative Alma Cersius, certifiant que M. [L] est effectivement un employé posté. Cependant M. [L], qui a refusé de remplir le formulaire adressé par l'employeur afin de faciliter la gestion des absences au titre de ses fonctions prud'homales et qui exerce ses fonctions entre [Localité 4] et [Localité 9] soit dans des localités proches, ne justifie pas de l'impossibilité de réintégrer son emploi avant ou après les audiences du conseil de prud'hommes, lesquelles ne durent pas plus d'une demi-journée.

Par conséquent, le jugement sera infirmé et M. [L] sera condamné à communiquer à son employeur ses relevés d'audience depuis le mois d'octobre 2018 dans le cadre de son mandat prud'homal.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par l'Union Régionale Interprofessionnelle CFDT Occitanie :

Le syndicat CFDT sollicite la condamnation de la société Alma Cersius à lui verser la somme de 2 500 € de dommages et intérêts, faisant valoir que cette dernière n'a pas donné de suite favorable à son intervention aux intérêts de M. [L] qui l'avait saisie avant la présente instance, et qu'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession est caractérisée par le comportement de la société qui ferait preuve de discrimination à l'égard des représentants syndicaux.

La société Alma Cersius n'a pas conclu sur ce point.

Le syndicat, qui verse aux débats des courriers adressés à la DIRECCTE [Localité 4] et à la société Alma Cersius faisant part de ses préoccupations concernant les conditions de travail de M. [L], ne produit cependant aucun élément attestant de la réalité des faits de discrimination allégués et de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

Par conséquent, il sera débouté de sa demande.

Sur les autres demandes :

La société Alma Cersius qui succombe partiellement sera tenue aux dépens de première instance et d'appel sans qu'il ne soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 25 mars 2021 en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de reclassification et des rappels de salaire subséquents et de sa demande au titre des heures supplémentaires non rémunérées,

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés :

Condamne M. [L] à communiquer à la société Alma Cersius ses relevés d'audience depuis le mois d'octobre 2018 dans le cadre de son mandat prud'homal ;

Condamne la société Alma Cersius à verser à M. [L] la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur des durées quotidiennes et hebdomadaires de travail ;

Y ajoutant :

Déboute l'Union Régionale Interprofessionnelle CFDT Occitanie de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Alma Cersius aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02619
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;21.02619 ?
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