ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 11 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 20/00669 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQBL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 09 DECEMBRE 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
N° RG 15/00161
APPELANTES :
S.A.S. APAVE SUDEUROPE
RCS Marseille n°518 720 925, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 16]
[Localité 4]
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 20/01400 (Fond), Appelant dans 20/00669 (Fond), Intimé dans 20/00775 (Fond)
et
LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES
Compagnie d'assurance, agissant en la personne de leur mandataire général pour les opérations en France, la SAS LLOYD'S FRANCE (RCS Paris n°422 066 613), elle-même représentée par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 18]
[Localité 13]
Représentés par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, et par Me Nicolas BOURMEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 20/00669 (Fond), Intimé dans 20/01400 (Fond), Intimé dans 20/00775 (Fond)
BEC CONSTRUCTION LANGUEDOC ROUSSILLON
[Adresse 3]
[Localité 11]
Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 20/00775 (Fond), Intimé dans 20/00669 (Fond), Intimé dans 20/01400 (Fond)
et
SA AXA FRANCE IARD ès qualités d'assureur de la SAS BEC CONSTRUCTION LANGUEDOC ROUSSILLON
[Adresse 9]
[Localité 20]
Représentées par Me Jean-Philippe DOMMEE, substituant Me Sophie ORTAL de la SCP CASCIO,ORTAL, DOMMEE, MARC, DANET, GILLOT, avocat au barreau de MONTPELLIER
Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 20/00775 (Fond), Intimé dans 20/00669 (Fond), Intimé dans 20/01400 (Fond)
S.A.S. ARTELIA Venant aux droits de ARTELIA BATIMENT & INDUSTRIE, venant elle-même aux droits de SETRHI-SETAE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 21]
Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 20/01400 (Fond), Intimé dans 20/00669 (Fond), Appelant dans 20/01400 (Fond), Intimé dans 20/00775 (Fond)
et
S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ASSURANCES (MAF ASSURANCES)
[Adresse 7]
[Localité 15]
Représentées par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, substitué par Me Alysée BECUWE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 20/01400 (Fond), Intimé dans 20/00669 (Fond), Appelant dans 20/01400 (Fond), Intimé dans 20/00775 (Fond)
INTIMEES :
S.A.S. LLOYD'S FRANCE
Inscrite au RCS de PARIS sous le n°422.066.613., prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège social.
[Adresse 18]
[Localité 13]
Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, et par Me Nicolas BOURMEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 20/01400 (Fond), Intimé dans 20/00775 (Fond)
S.A.S. EIFFAGE CONSTRUCTION LANGUEDOC représentée en la personne de son gérant, domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 23]
[Adresse 23]
[Localité 10]
Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, substitué par Me Philippe DELSOL de la SELARL GDG, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 20/01400 (Fond), Intimé dans 20/00669 (Fond), Intimé dans 20/00775 (Fond)
S.C.I. SAINT PRIVAT IMMO
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège : agissant pour son compte mais aussi en qualité de mandataire des sociétés :
- OSEO BDPME, SA à directoire et conseil de surveillance au capital de 377.230.064euros, dont le siège social est à [Localité 22] (94) [Adresse 8],Inscrit au RCS CRETEIL 320 252 489
- et HSBC REAL ESTATE LEASING France, SA au capital de 29.546.550 euros, RCS PARIS 420 933 665 dont le siège est [Adresse 5], chacune représentée par leurs présidents en exercice,
[Adresse 1]
[Localité 12]
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 20/01400 (Fond), Intimé dans 20/00775 (Fond)
et
S.A. POLYCLINIQUE SAINT PRIVAT,
RCS de BEZIERS sous le numéro395 080 195 domicilié [Adresse 1], prise en la personne de son président,
[Adresse 1]
[Localité 12]
Représentées par Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant - non plaidant
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 20/01400 (Fond), Intimé dans 20/00775 (Fond)
SMABTP représentée par son directeur, domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 17]
[Localité 14]
Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, substitué par Me Philippe DELSOL de la SELARL GDG, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 20/00669 (Fond), Intimé dans 20/01400 (Fond), Intimé dans 20/00775 (Fond)
SA ALBINGIA
recherchée en qualité d'assureur dommage-ouvrage suivant contrat n°DO 05 01198 0104 représentée en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social
[Adresse 2]
[Localité 19]
Représentée par Représentée par Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant, substitué par Me Emma BARRAL-CROS de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 20/01400 (Fond), Intimé dans 20/00669 (Fond), Intimé dans 20/00775 (Fond)
Ordonnance de clôture du 03 Avril 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, Conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 20 juin 2024, prorogé au11 juillet 2024,, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
Par contrat de crédit-bail du 2 août 2006, la SA OSEO BDPME et la SA HSBC Real Estate Leasing France ont accepté de financer l'investissement de la SCI Saint Privat Immo tendant à la construction d'une clinique exploitée par la SA Polyclinique Saint Privat.
La SCI Saint Privat Immo a confié :
Le lot de gros 'uvre pour un montant de 10 166 000 euros à la SAS Eiffage Construction Languedoc, assurée en garantie décennale par la SMABTP ;
La SAS Eiffage Construction Languedoc a sous-traité ce lot à la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon ;
La maîtrise d''uvre à la société ICADE SETHRI-SETAE, désormais ARTELIA, assurée auprès de la mutuelle des architectes français (ci-après MAF) ;
La mission de contrôleur technique à la société Apave Sud Europe, assurée par les souscripteurs du Lloyd's de Londres ;
La garantie dommage-ouvrage à la société Albingia.
Le 17 juin 2006, les travaux ont débuté.
Le 23 août 2007, la réception des travaux est intervenue avec réserves sans lien avec les dommages visés dans la présente procédure.
En octobre 2007, des fissures infiltrantes sont apparues sur les acrotères des toits et des façades.
La SAS Eiffage Construction Languedoc, la société ICADE et la société Apave Sud Europe ont proposé de procéder à des traits de sciage des acrotères.
Finalement, en mars 2009, la SAS Eiffage Construction Languedoc a procédé à une déclaration de sinistre.
Le 30 mars 2009, la SCI Saint Privat Immo a déclaré le sinistre à la Société Albingia, assureur dommage-ouvrage, pour les fissures apparues sur les façades. Suite à la proposition de la SAS Eiffage Construction Languedoc, la société Albingia a rejeté la demande de prise en charge au motif que les fissures apparues sur les façades étaient survenues pendant l'année de parfait achèvement.
Le 9 octobre 2009, un rapport d'expertise non judiciaire de la société TECO suggérait le sciage des acrotères pour permettre l'élévation de l'immeuble.
Le 19 juillet 2010, un rapport d'expertise non judiciaire de la CEBTP considérait le ferraillage conforme qui ne nécessitait pas le sciage des acrotères.
Le 24 juin 2010, la SCI Saint Privat Immo procédait à une seconde déclaration de sinistre à la société Albingia.
Le 4 février 2011, la société Albingia proposait un montant de 30 000 euros.
En juin 2010, la SCI Saint Privat Immo procédait à des travaux d'élévation et la construction d'un étage supplémentaire à partir du toit objet du litige avec la démolition es acrotères litigieux.
Par ordonnances de référé du 26 octobre 2012 et du 12 juillet 2013, une expertise judiciaire était ordonnée.
Le rapport a été déposé le 8 avril 2014, il indiquait que :
C'est de façon majoritaire que la responsabilité devrait incomber à l'Entreprise Eiffage Construction ;
En phase amiable, il avait été proposé :
75 % de responsabilité à Eiffage Construction ;
15 % à charge de la maîtrise d''uvre du fait du caractère généralisé ;
10 % à charge du bureau de contrôle pour les mêmes raisons puisque le dommage est répétitif et que le bureau de contrôle a une mission visant la solidité,
Au niveau des préjudices, une somme totale arrondie de 150 000 euros, réparties comme suit :
48 000 euros au titre des préjudices matériels correspondants aux travaux de démolition et reprise de structure ;
52 635,24 (arrondis à 52 000) euros au titre de la reprise des façades ;
49 665 (arrondis à 50 000) au titre du préjudice consécutif à la perte d'exploitation.
Par ordonnance de référé du 7 octobre 2014, la demande de provision des demanderesses était rejetée.
Par actes du 22 décembre 2015, la SCI Saint Privat Immo et la SA Polyclinique Saint Privat assignaient la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP.
Par actes du 12 mars 2015, la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP assignaient en intervention forcée :
La SAS BEC Construction Languedoc Roussillon et son assureur la SA AXA France ;
La SARL Technib, la SAS ICADE-SETRHI-SETAE et leur assureur, la MAF ;
Le bureau de contrôle SAS Apave Sud Europe et son assureur les Souscripteurs du Lloyd's de Londres.
Par acte du 6 juillet 2015, la SA Albingia assignait en intervention forcée la SAS Apave Sud Europe et son assureur les Souscripteurs du Lloyd's de Londres.
Ces procédures ont été jointes.
Par jugement du 9 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Béziers a :
Dit que les demandes de la SCI Saint Privat Immo et de la SA Polyclinique Saint Privat sont recevables ;
Constaté le désistement d'instance de la SAS Eiffage Construction Languedoc et de la SMABTP à l'encontre de la société Technib, mise hors de cause ;
Déboute les demandes d'annulation des assignations ;
Condamné la société Albingia, la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP in solidum à payer à la SCI Saint Privat la somme de 100 000 euros hors taxes à titre de réparation des désordres comprenant le coût de la démolition des acrotères assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation et avec indexation de l'indice BT01 de référence celui publié au jour du dépôt d'expertise, sur la somme de 52 000 euros hors taxes ;
Condamné la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP in solidum à payer à la SA Polyclinique Saint Privat la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices immatériels, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Dit que les recours contre les coresponsables sont fixés de la manière suivante et condamne in solidum chaque partie à relever et garantir la société Albingia, la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP dans les proportions suivantes :
75 % pour la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon et la société AXA Entreprises IARD ;
15 % pour la société ICADE-SAS-SETRHI-SETAE et la MAF ;
15 % pour la SAS Apave Europe et les Souscripteurs Lloyd's de Londres ;
Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
Condamné in solidum la société Albingia, la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP à payer à la SCI Saint Privat Immo la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum la société Albingia, la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP à payer à la SA Polyclinique Saint Privat la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum la société Albingia, la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP à payer à la société Technib la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum la société Albingia, la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP aux dépens comprenant le coût de la procédure de référé et d'expertise judiciaire ;
Débouté les parties des autres demandes.
Par déclaration d'appel, enregistrée le 4 février 2020 sous le n° 20/00669, la SAS Apave Sud Europe et les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, ont interjeté appel du jugement rendu le 19 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Béziers en ce qu'il a :
Débouté les demandes d'annulation des assignations ;
Dit que les recours contre les coresponsables sont fixés de la manière suivante et condamne in solidum chaque partie à relever et garantir la société Albingia, la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP dans les proportions suivantes :
75 % pour la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon et la société AXA Entreprises IARD ;
15 % pour la société ICADE-SAS-SETRHI-SETAE et la MAF ;
15 % pour la SAS Apave Europe et les Souscripteurs Lloyd's de Londres ;
Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
Débouté Apave Sud Europe et les Souscripteurs du Lloyd's de leurs demandes.
Par déclaration d'appel, enregistrée le 7 février 2020 sous le n° 20/00775, la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon et la SA AXA France IARD, ont interjeté appel du jugement rendu le 19 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Béziers en ce qu'il a :
Condamné la société Albingia, la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP in solidum à payer à la SCI Saint Privat la somme de 100 000 euros hors taxes à titre de réparation des désordres comprenant le coût de la démolition des acrotères assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation et avec indexation de l'indice BT01 de référence celui publié au jour du dépôt d'expertise, sur la somme de 52 000 euros hors taxes ;
Condamné la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP in solidum à payer à la SA Polyclinique Saint Privat la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices immatériels, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Dit que les recours contre les coresponsables sont fixés de la manière suivante et condamne in solidum chaque partie à relever et garantir la société Albingia, la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP dans les proportions suivantes :
75 % pour la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon et la société AXA Entreprises IARD ;
15 % pour la société ICADE-SAS-SETRHI-SETAE et la MAF ;
15 % pour la SAS Apave Europe et les Souscripteurs Lloyd's de Londres ;
Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
Débouté la société BEC Construction LR et son assureur AXA France de ses demandes.
Par déclaration d'appel, enregistrée le 9 mars 2020 sous le n° 20/01400, la MAF et la SAS Artelia, venant aux droits de SETRHI-SETAE, ont interjeté appel du jugement rendu le 19 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Béziers en ce qu'il a :
Condamné la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP in solidum à payer à la SA Polyclinique Saint Privat la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices immatériels, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Dit que les recours contre les coresponsables sont fixés de la manière suivante et condamne in solidum chaque partie à relever et garantir la société Albingia, la SAS Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP dans les proportions suivantes :
75 % pour la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon et la société AXA Entreprises IARD ;
15 % pour la société ICADE-SAS-SETRHI-SETAE et la MAF ;
15 % pour la SAS Apave Europe et les Souscripteurs Lloyd's de Londres ;
Par ordonnance du 8 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées le 21 août 2020 par la SCP Cascio, Cascio Ortal, Dommée, Marc pour le compte de la SA AXA France IARD en sa qualité de représentant de la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon et de la SAS Bec construction Languedoc Roussillon dans la procédure n° 20/00669.
Par ordonnance du 8 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées le 21 août 2020 par la SCP Cascio, Cascio Ortal, Dommée, Marc pour le compte de la SA AXA France IARD en sa qualité de représentant de la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon et de la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon dans la procédure n° 20/00140.
Par ordonnance du 15 octobre 2020, la procédure n° 20/01400 a été jointe à la procédure n° 20/00669.
Par ordonnance du 10 décembre 2020, la procédure n° 20/00775 a été jointe à la procédure n° 20/00669.
Dans leurs dernières conclusions, enregistrées au greffe le 10 décembre 2020, la SAS Apave Sud Europe et les Souscripteurs du Lloyd's de Londres demandent à la cour d'appel :
A titre principal de :
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de BEZIERS en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité de l'Apave Sudeurope et des Souscripteurs du Lloyd's de Londres ;
Constater l'absence de démonstration d'un manquement de l'Apave Sudeurope dans la survenance des désordres ;
Constater, dire et juger que la responsabilité de de l'Apave Sudeurope ne saurait être recherchée ;
En conséquence :
Débouter toutes parties de leur demande de condamnation de l'Apave Sudeurope et des Souscripteurs du Lloyd's De Londres à les relever indemnes et garantir de toute éventuelle condamnation susceptible d'être prononcée à leur encontre ;
Prononcer la mise hors de cause de l'Apave Sudeurope et de son assureur les Souscripteurs du Lloyd's De Londres ;
Débouter toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions telles que présentées à l'encontre de l'Apave Sudeurope et des Souscripteurs du Lloyd's De Londres ;
Retenu la responsabilité de l'Apave Sudeurope à hauteur de 10% ;
Dire et juger que la part de responsabilité susceptible d'être prononcée à l'encontre de l'Apave Sudeurope et de son assureur, les Souscripteurs du Lloyd's De Londres, ne saurait excéder 5% ;
Jugé que la compagnie Albingia, la société Eiffage Construction Languedoc et son assureur la SMABTP, devaient être intégralement garanties des condamnations au titre des réparations des désordres et des préjudices immatériels ;
Constater que le Tribunal a retenu la responsabilité de la société Eiffage Construction Languedoc ;
Constater que la société Eiffage Construction Languedoc et son assureur la SMABTP ont une part de responsabilité dans la survenance des désordres,
En conséquence :
Condamner in solidum la société Eiffage Construction Languedoc et son assureur la SMABTP à réparer l'entier préjudice subis par la SCI Saint Privat Immo et la SA Polyclinique Saint Privat.
A titre subsidiaire,
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Béziers en ce qu'il :
A retenu la responsabilité des autres locateurs d'ouvrage et leurs assureurs, à savoir la société BEC Construction Languedoc Roussillon, son assureur AXA, la société ICADE SETRHI SETEA et son assureur la MAF, seuls responsables des désordres et ce, sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle,
N'a pas condamné l'Apave Sudeurope et les Souscripteurs du Lloyd's De Londres au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
A condamné la compagnie ALBINGIA, la société Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
A titre très subsidiaire :
Constater que la société ICADE SETRHI-SETAE (devenue ARTELIA), et son assureur la MAF, la société Eiffage Constructions Languedoc et son assureur la SMABTP, et la société BEC Construction Languedoc Roussillon SAS et son assureur AXA, ont une part de responsabilité dans la survenance des désordres dénoncés par la SCI Saint Privat Immo et la SA Polyclinique Saint Privat ;
En conséquence :
Condamner la société ICADE SETRHI-SETAE (devenue ARTELIA), et son assureur la MAF, la société Eiffage Constructions Languedoc et son assureur la SMABTP, et la société BEC Construction Languedoc Roussillon SAS et son assureur AXA, à relever indemne et garantir l'Apave Sudeurope et les Souscripteurs du Lloyd's De Londres de toutes condamnations pouvant être prononcées à leur encontre, tant en principal, intérêts, frais et accessoires ;
A titre infiniment subsidiaire,
Constater l'absence de présomption de solidarité,
En conséquence :
Débouter toutes parties de leur demande de condamnation in solidum de l'Apave Sudeurope et de son assureur, les Souscripteurs du Lloyd's De Londres ;
Dire et juger que la part de responsabilité susceptible d'être prononcée à l'encontre de l'Apave Sudeurope et de son assureur, les Souscripteurs du Lloyd's De Londres, ne saurait excéder 5%,
Dire et juger que l'Apave Sudeurope ne prend pas en charge la part des défaillants.
En tout état de cause,
Condamner la société Eiffage Constructions Languedoc et son assureur la SMABTP et tous succombants à payer à l'Apave Sudeurope et aux Souscripteurs du Lloyd's De Londres la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la société Eiffage Constructions Languedoc et son assureur la SMABTP et tous succombants aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions, enregistrées par le greffe le 21 août 2020 dans le cadre de la procédure n° 20/00775 , AXA France IARD et la SAS Bec Construction demandent à la cour d'appel de :
Infirmer le juge sur la condamnation de la société BEC et de la compagnie AXA ;
Débouter la société Eiffage Construction Languedoc et son assureur le SMABTP du recours exercé à l'encontre de la compagnie AXA tenant à :
L'absence de preuve technique sur la nécessité d'avoir à démolir les acrotères ;
L'absence de preuve d'une faute de la société BEC sous-traitante et d'un lien d'imputabilité ;
Condamner la société Eiffage construction et son assureur la SMABTP au paiement de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la société BEC Construction ainsi qu'à la compagnie AXA ;
A titre subsidiaire, de :
Limiter toute éventuelle condamnation à hauteur de 75 % de 21 186,42 euros hors taxes au titre des travaux sur le seul bâtiment J au niveau des dommages matériels ;
Rejeter la demande présentée à l'encontre d'AXA au titre du préjudice immatériel compte tenu de la résiliation de la police au 1er janvier 2009, la SMABTP étant le nouvel assureur de la société BEC Construction ;
Dire et juger la franchise du contrat opposable ;
Condamner solidairement toute partie succombante au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Dans leurs dernières conclusions, enregistrées au greffe le 21 octobre 2020, la société Artelia, venant aux droits de la société SETRHI-SETAE et la MAF, demandent à la cour d'appel :
A titre principal, de :
Rejeter toutes demandes de la société Polyclinique Saint Privat au titre des préjudices immatériels ;
Rejeter toutes demandes formulées à l'encontre de la société Artelia et de la MAF ;
A titre subsidiaire, de :
Limiter le montant des sommes allouées à la société polyclinique Saint Privat en indemnisation de ses éventuels préjudices matériels à la somme de 5 000 euros ;
Dans tous les cas, de :
Dire et juger que la part de responsabilité de la société Artelia ne saurait excéder 10 % ;
- Condamner in solidum les sociétés Eiffage et Bec Construction pour la part des désordres relevant de la responsabilité de la société Bec Construction ;
Rejeter toutes demandes de condamnations in solidum ;
Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Béziers du 9 2019 (RG n° 15/00161) en ce qu'il condamne la société Apave Sudeurope à supporter 10 % des condamnations ;
Rejeter les demandes formulées par la société Eiffage et la SMABTP à l'encontre de la MAF et de la société Artelia ;
Rejeter les demandes formulées par la compagnie Albingia à l'encontre de la MAF et de la société Artelia ;
Rejeter les demandes formulées par la société Apave et les Lloyd's à l'encontre de la MAF et de la société Artelia ;
Rejeter les demandes formulées par la société BEC Construction et AXA à l'encontre de la MAF et de la société Artelia ;
Rejeter les demandes formulées par la SCI Saint Privat Immo et de la SA Polyclinique Saint Privat à l'encontre de la MAF et de la société Artelia :
Condamner in solidum la société Eiffage, la SMABTP, la société BEC, AXA, la société Apave, les Lloyd's et Albingia à relever et garantir la société Artelia et la MAF de toutes éventuelles condamnations qui excéderaient l'éventuelle part de responsabilité de la société Artelia.
Dans ses dernières conclusions, enregistrées le 22 juillet 2020, la compagnie d'assurance Albingia demande à la cour d'appel de :
Confirmer le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Béziers entrepris sauf en ce qui concerne le montant des condamnations qui devrons être réduites à de plus justes proportions ;
Constater, dire et juger que le montant des travaux des dommages dont se plaignent la SCI Saint Privat Immo agissant tant en son nom qu'en qualité de mandataire des sociétés OSEA BDPME et HSBC Real Estate Leasing France ainsi que la Polyclinique Saint Privat ne saurait dépasser la somme de 64 772,040 euros qui a déjà été proposée par l'assureur dommage-ouvrage et les débouter de toutes autres demandes excédant ce montant ;
Constater, dire et juger que les sociétés demanderesses, en refusant les indemnités proposées par l'assureur dommage-ouvrage, ont contribué à leur propre préjudice immatériel dont au surplus elles ne justifient nullement ni globalement, ni individuellement ;
En conséquence :
Débouter la SCI Saint Privat Immo agissant tant en son nom qu'en qualité de mandataire des sociétés OSEO BDME et HSBC Real Estate Leasing France de toutes leurs demandes ;
Constater, dire et juger que s'agissant des garanties facultatives couvrant les dommages immatériels, la compagnie d'assurance Albingia ne saurait en tout état de cause être condamnées au-delà des limites de garantie souscrites ;
En conséquence :
Constater que la compagnie d'assurance Albingia s'est exécutée du montant des condamnations mises à sa charge en versant la somme totale de 116 581,01 euros pour laquelle elle se trouve légalement subrogée aux droits de la SCI Saint Privat ;
En conséquence :
Confirmer le jugement entrepris et condamner in solidum la société Eiffage construction Languedoc, son assureur la SMA BTP, la société Artelia venant aux droits de la société bâtiment industrie, elle-même venant aux droits de la société bâtiment industrie, elle-même venant aux droits de la société Icade SETRHI SETAE, son assureur la MAF et la société Apave Sudeurope et son assureur la Lloyd's France SAS en qualité de représentant des Lloyd's de Londres ou tous autres responsables qui seraient jugés comme tels par la Cour, à relever et garantir indemne la compagnie d'assurance Albingia de toutes condamnations, tant en principal qu'intérêts et frais qui pourraient être prononcées à son encontre dans le cadre du présent litige ;
Condamner in solidum la SCI Saint Privat Immo agissant tant en son nom qu'en qualité de mandataire des sociétés OSEO BDME et HSBC Real Estate Leasing France ainsi que la société Eiffage construction Languedoc, son assureur la SMA BTP, la société Artelia venant aux droits de la société bâtiment industrie, elle-même venant aux droits de la société bâtiment industrie, elle-même venant aux droits de la société Icade SETRHI SETAE, son assureur la MAF et la société Apave Sudeurope et son assureur la Lloyd's France SAS en qualité de représentant des Lloyd's de Londres ou tout autre responsable, à verser à la compagnie d'assurances Albingia la somme de 10 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de lui laisser supporter ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance dont le montant pourra être recouvré directement par Me Bernard Bories, Avocat.
Dans leurs dernières conclusions, enregistrées au greffe le 22 décembre 2020, la SMABTP et la SAS Eiffage construction Languedoc, demandent à la cour d'appel de
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il condamne la société Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP à payer à la société Polyclinique Saint Privat la somme de 40 000 euros en réparation de ses préjudices immatériels qui devra être restituée avec les intérêts à compter de l'arrêt à intervenir ;
Réformer encore le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la recevabilité et le bien-fondé des recours de la société Eiffage et de la SMABTP sauf en ce qui concerne les indemnités accessoires relevant de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
Condamner in solidum les sociétés Artelia venant aux droits de la société SETRHI SETAE et la MAF, la société BEC construction et AXA, la SAS Apave Sudeurope et la compagnie des souscripteurs du Lloyd's de Londres SAS Lloyd's France à relever et garantir la société Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP de toutes les condamnations prononcées à ce titre à leur encontre ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidum les sociétés Artelia venant aux droits de la société SETRHI SETAE et la MAF, la société BEC construction et AXA, la SAS Apave Sudeurope et la compagnie des souscripteurs du Lloyd's de Londres SAS Lloyd's France à relever et garantir la société Eiffage Construction Languedoc et la SMABTP des condamnations prononcées d'une part en ce qui concerne les préjudices immatériels à hauteur de 40 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation et d'autre part au titre des condamnations en réparation des désordres à hauteur de la somme de 10 000 euros comprenant le coût de la démolition des acrotères également assorties des intérêts ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a réparti l'intégralité des recours des concluantes à hauteur de 75 % pour la SA Bec Construction Languedoc Roussillon et la société AXA entreprise IARD à hauteur de 15 % pour la société ICADE SA SETRHI SETAE et la MAF et enfin à hauteur de 10 % pour la SAS Apave Sudeurope et les souscripteurs du Lloyd's de Londres et SAS Lloyd's France ;
Condamner toute partie succombante à une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner les mêmes aux dépens.
Dans leurs dernières conclusions, enregistrées au greffe le 14 janvier 2021, la SCI Saint Privat Immo agissant pour son compte et en qualité de mandataire des sociétés OSEA BDPME et HSBC Real Estate Leasing France et la SA Polyclinique Saint privat, demandent à la cour d'appel de :
Rejeter toutes conclusions contraires ;
Confirmer le jugement de première instance ;
Condamner la SAS Apave SudEurope et les souscripteurs du Lloyd's de Londres à payer à la SCI Privat Immo et la SA Polyclinique Saint Privat, chacune à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure outre les entiers dépens.
La clôture a été prononcée le 3 avril 2024.
MOTIFS
1) Sur la responsabilité et les désordres :
Le tribunal a retenu les conclusions de l'expert et notamment que les fissures apparues en octobre 2007 sur les acrotères. Il ne s'agit pas d'un problème de conception mais d'exécution des travaux confiés à la SAS Eiffage Construction Languedoc et réalisés en sous-traitance par la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon.
Selon les constats de l'expert : « les expertises amiables ont mis en exergue des défauts d'exécution répétitifs puisque les fissures apparaissaient tous les 7 ml environ et sur plusieurs bâtiments » et l'expert de poursuivre : « ces désordres d'ailleurs n'ont pas été contestés par les parties et compromettent la solidité de l'ouvrage ».
Le débat sur la non acceptation par les sociétés SCI Saint Privat Immo agissant pour son compte et en qualité de mandataire de la OSEO BDPME et de la HSBC Real Estate Leasing France ainsi que la SA Polyclinique Saint Privat, demanderesses des propositions d'indemnisation a déjà été évoqué lors de l'expertise mais surtout est sans incidence sur le constat des désordres et les fautes qui y ont concouru.
En conséquence, le jugement sera confirmé et retenu la responsabilité de la SAS Eiffage construction Languedoc fondée sur sa faute dans son obligation de construction et son assureur SMABTP ainsi que la société Albingia qui n'a pas satisfait à son obligation de juste préfinancement du dommage dans les délais satisfaisants alors même que les expertises amiables et constats techniques étaient sans ambiguïtés sur les désordres constatés et les fautes qui s'y rapportent.
Enfin, compte tenu de la généralisation du défaut de ferraillage, il apparaît que la société Icade SAS SETRHI SETAE, Artelia maître d''uvre, assimilé constructeur au sens de l'article 1792, est aussi responsable de plein droit ainsi que son assureur la MAF.
Sur la responsabilité de la SAS Apave, contrôleur technique, et son assureur Lloyd's :
La SAS APAVE estime :
-qu'aucune étude technique ne permet d'affirmer que les désordres sont généralisés à l'ensemble des acrotères et à l'ensemble des immeubles, dès lors qu'aucune investigation n'a été menée pour en justifier.
- dans la mesure où les travaux tels qu'exécutés par la société Eiffage Construction étaient non conformes aux plans du bureau d'études, il ne peut être contesté que les désordres relèvent de la seule et entière responsabilité de la société Eiffage Construction.
Elle fait remarquer que le contrôleur technique n'est pas surveillant du chantier et il ne saurait lui être reproché de ne pas voir toutes les malfaçons éventuelles. La norme NF P 03-100 souligne que les interventions du contrôleur technique sur le chantier se fait par un simple examen visuel, durant des visites ponctuelles qui ne revêtent aucun caractère exhaustif. Ainsi, lors de ces visites ponctuelles sur le chantier, l'Apave Sudeurope n'avait pas à effectuer un examen exhaustif des ouvrages. Il ne lui a jamais été enjoint de procéder scrupuleusement à l'examen de tous les ouvrages et équipements afin d'en déceler la moindre malfaçon en cours de chantier, pas plus qu'il n'a eu pour mission de vérifier, de manière exhaustive, au cours du chantier, l'exécution des travaux afin de déceler la moindre malfaçon des entreprises.
Apave Sudeurope conclut que la responsabilité ne peut être recherchée au titre des désordres affectant les acrotères, qui résultent strictement de défauts d'exécution, et en l'absence de manquement de cette dernière dans l'exercice de ses missions.
Toutefois comme le remarque l'expert et ce qui sera souligné par la Cour, l'Apave avait la mission solidité au niveau des structures et que les fissures et donc les désordres sont généralisés comme le constate l'APAVE, elle-même, dans son compte rendu suite à la réunion 2 mai 2008 : « il apparaît une fissuration tous les 7 m environ qui se développe depuis le haut de l'acrotère »,
Par ailleurs si les désordres sont dûs à l'absence de ferraillage de continuité en conformité avec les plans d'exécution du BET, il importait que le BET vérifie que ses préconisations soient respectées non pas sur une petite partie de la structure mais sur son intégralité, il en va de même sur l'absence de joints secs verticaux sur les acrotères tous les 8 m maximum en conformité du DTU N°20.12.
Cette défaillance généralisée du contrôle sur l'intégralité de la structure pour un dommage répétitif constitue une faute de l'APAVE engageant sa responsabilité.
La SAS Bec Construction, sous-traitant de Eiffage pour le gros 'uvre et son assureur AXA France IARD et (appelants) :
La SCI a engagé des travaux de surélévation au début du mois de juillet 2010 avec démolition des acrotères, là où l'expertise amiable de l'expert mandaté par la SMABTP indiquait dans un rapport daté du mois de juillet 2010 que le ferraillage était tout à fait conforme : c'est l'objet principal du litige.
C'est à tort que la société Bec estime que la SCI souhaite faire supporter le coût des travaux de démolition ainsi que les préjudices immatériels consécutifs à Eiffage Construction puisqu'il s'agit de défaut d'exécution dont elle est responsable, sa faute dans cette exécution étant rappelée par l'expert mais aussi l'assurance DO.
La demande présentée contre la société Bec construction est donc fondée sur l'article 1147 du code civil. L'expert mentionne que l'entreprise Bec est concernée par les bâtiments H I J K L mais conteste le montant de 52 635, 24 euros qui incluerait la reprise des batiments A,B, et E.
Il est exact que dans sa note aux parties N°4 et le devis N° 1245 de la société Eiffage l'expert inclue les interventions sur les bâtiments E, A et B qui ne concernent pas l'entreprise Bec, la société Bec n'étant concernée que par le bâtiment J et donc sa responsabilité cantonnée à la somme de 21 186,42 euros HT avec son assureur AXA et la somme de 50 000 euros au titre du coût de démolition.
Toutefois la garantie d'AXA assureur de la société Bec au titre des préjudices immatériels sera mise hors de cause car la police d'assurance couvrant la responsabilité décennale et civile de la société Bec a été résiliée au 1er janvier 2009. La SMABTP, le nouvel assureur de la société Bec au titre de sa responsabilité civile, la réclamation constituée par l'assignation en référé expertise du 21 juin 2013 relève ainsi du volet responsabilité civile qui relève des garanties souscrites par la société Bec auprès de la SMABTP.
Par ailleurs la franchise du contrat sera opposable par la SA AXA France.
2) Sur le partage de responsabilité :
Le premier juge, estime que le défaut de ferraillage caractérise la faute contractuelle dommageable de la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon. L'expert a chiffré à 75 % sa part de responsabilité dans le défaut de ferraillage des acrotères.
Du fait de la généralisation de ce défaut, la société ICADE SAS SETRHI SETAE, Artelia maître d''uvre, et le bureau de contrôle Apave Sud Europe ( assureur Lloyd's) ont commis des fautes délictuelles dommageables à hauteur de 15 % pour le maître d''uvre et 10 % pour le bureau de contrôle Apave chacun envers la société Albingia et la SAS Eiffage construction Languedoc.
Cette répartition in solidum des responsabilités doit être retenue.
3) Sur l'évaluation des préjudices matériels :
Le tribunal se fonde sur l'évaluation de l'expert soit à la somme de 52 635,24 euros pour la reprise des désordres liés au défaut d'acier et à l'apparition des fissures.
Sur la demande de démolition des acrotères, l'expert n'a pas pu procéder à des constatations sur place au moment de l'apparition des fissures car la démolition s'est faite avant l'expertise judiciaire, et entérine le rapport amiable TECO qui considère judicieux de couper l'acrotère de la dalle et de recréer le chaînage au pied du mur, liaisonné avec la dalle par des aciers à sceller.
Plusieurs évaluations ont été réalisées, la dernière du 27 octobre 2009, par la SAS Eiffage construction, à hauteur de 200 801 euros. Le projet a été validé par le bureau de contrôle Apave.
La société Albingia (DO) propose la somme de 64 772,04 euros soit 52 635,24 euros hors taxes pour les travaux de reprise et 12 136,80 euros pour le surcoût lié à la déconstruction des acrotères (au lieu de la somme de 40 000 euros retenue par l'expert).
Il sera remarqué que le sciage des acrotères est la conséquence de la nécessaire réparation des désordres. Le montant du préjudice ne peut être réduit au motif qu'une solution moins onéreuse aurait pu être envisagée car, comme l'indique l'expert, il était nécessaire de réaliser au plus tôt les travaux d'extension alors que les expertises amiables traînaient depuis plus de deux ans et que cette solution technique avait été validée par le bureau de contrôle Apave et par la société Eiffage qui avait établi un devis de reprise pour la somme de 200 801 euros. Lors de la surélévation le coulage de murs renforcés pour compenser l'absence d'acrotères a engendré le surcoût de construction qui est la conséquence directe des désordres sur les acrotères.
Le préjudice matériel est donc évalué à la somme de 100 000 euros hors taxes au titre des réparations des désordres des acrotères et englobe le coût de leur démolition, cette somme sera confirmée, issue d'une rapport contradictoire complet.
4) Sur l'évaluation des préjudices immatériels :
Le tribunal a validé le fait que le préjudice immatériel s'analyse en une perte de chance évaluée à la somme de 40 000 euros en se fondant sur la démonstration de la SA Polyclinique qui soutient qu'elle a subi un préjudice d'exploitation. La perte d'exploitation liée aux contraintes particulières pour la surélévation de la clinique est estimée à 50 000 euros, correspondant à 129 journées d'hospitalisation perdues pour un prix moyen de 350 euros outre des recettes accessoires.
En réalité, seul est produit le compte de résultat de la clinique, cette analyse confond donc apparemment recettes et bénéfices sans chiffrer son éventuelle perte de marge brute.
Il sera remarqué toutefois que l'expert reprend une ligne mentionnant l'item « recettes accessoires perdues pour la période soit 10 % du chiffre d'affaires : 4 515 euros, somme qui s'additionnerait à 45 510 euros.
Sans qu'il puisse être nié que les travaux impactent l'utilisation des chambres et donc le chiffre d'affaires, la perte de chance se calcule sur la base de la perte de marge brute alors que M. [Y] comptable estime : « que la perte d'exploitation peut être considérée comme une perte de résultat car les frais de fonctionnement (frais fixes) n'ont pas diminués pendant cette période d'activité réduite ».
Cette affirmation est plausible mais mériterait a être démontrée par des faits objectifs : frais financiers, frais fixe de salarié, autres frais divers etc , autant d'éléments qui sont indispensables pour une bonne gestion comptable et doivent être à la disposition de la clinique mais qui n'en rapporte aucune preuve argumentée.
Dès lors il est difficile de se baser sur de simples affirmations, seule la perte de chance évaluée à 90 % est indemnisable alors que le taux de marge brute sera retenu à 50%, soit 25 000 euros donc il sera retenu la somme de 22 500 euros .
6) Sur les garanties et solidarités
La SAS Eiffage Construction Languedoc, la SMABTP, la société Albingia seront donc condamnées in solidum à payer à la SCI SAINT PRIVAT IMMO les sommes de :
100 000 euros HT à titre de préjudice matériel avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation avec indexation sur l'indice BT01 sur la somme de 52 000 euros HT
Et à la SA POLYCLINIQUE ST PRIVAT la somme de 22 500 euros au titre du préjudice immatériel avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
Sur ces sommes :
- la SAS Bec construction devra garantir la SAS Eiffage Construction Languedoc, la SMABTP, la société Albingia à hauteur de 75 % des sommes de :
- cantonnée à la somme de 71 186,42 euros HT avec son assureur AXA pour le préjudice matériel
- 22 500 euros pour le préjudice immatériel, son assureur AXA étant mis hors de cause.
- l'APAVE Sudeurope et Lloyd's devra garantir la SAS SAS Eiffage Construction Languedoc, la SMABTP, la société Albingia à hauteur de 10 % sur les sommes de
- 100 000 euros HT au titre du préjudice matériel
- 22 500 euros pour le préjudice immatériel
- la société Artelia et son assureur la MAF devra garantir la SAS SAS Eiffage Construction Languedoc, la SMABTP, la société Albingia à hauteur de 15% sur les sommes de
- 100 000 euros HT au titre du préjudice matériel
- 22 500 euros pour le préjudice immatériel
En revanche, la société Eiffage, la SMABTP, la société bec, AXA, la société Apave, Lloyd's et Albingia devront être condamnées in solidum à relever et garantir la société Artelia et la MAF des éventuelles condamnations qui excéderaient l'éventuelle part de responsabilité de la société Artelia.
6) Sur les dépens et l'article 700 CPC
Les sommes exposées par la SCI Saint Privat IMMO et la SA POLYCLINIQUE ST PRIVAT au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront évaluées à 4 000 euros chacune.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme partiellement le jugement du Tribunal de Grande Instance de BEZIERS en date du 9 décembre 2019
Statuant à nouveau et pour une meilleure compréhension du dispositif :
Condamne in solidum la SAS Eiffage Construction Languedoc, la SMABTP, la société Albingia à payer à la SCI SAINT PRIVAT IMMO la somme de 100 000 euros HT à titre de préjudice matériel avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation de première instance avec indexation sur l'indice BT01.
Condamne in solidum la SAS Eiffage Construction Languedoc, la SMABTP, la société Albingia à payer à la SA POLYCLINIQUE ST PRIVAT la somme de 22 500 euros au titre du préjudice immatériel avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation de première instance.
Dit que les recours entre co- responsables sont fixés ainsi et condamne chaque partie à relever et garantir la SAS Eiffage Construction Languedoc, la SMABTP, la société Albingia pour les parts suivantes :
-75 % pour la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon au titre des préjudices matériels et immatériels .
Dit que la SA AXA France IARD devra sa garantie au titre du préjudice matériel et est mis hors de cause au titre du préjudice immatériel.
Dit que la franchise contractuelle de la SA AXA France IARD est opposable
Dit que la garantie de la SAS Bec Construction Languedoc Roussillon est cantonnée à la somme de 71 186,42 euros HT
-10% pour l'APAVE SUDEUROPE et Les souscripteurs du Lloyd's de Londres
-15% pour la société Artelia et son assureur la MAF
Dit que la SAS Eiffage Construction Languedoc, la SMABTP, la société Bec Construction Languedoc Roussillon , AXA, la société Apave, Les souscripteurs du Lloyd's de Londres et Albingia devront être condamnés in solidum à relever et garantir la société Artelia et la MAF des éventuelles condamnations qui excéderaient l'éventuelle part de responsabilité de la société Artelia.
Condamne in solidum la SAS Eiffage Construction Languedoc, la SMABTP, la société Albingia à payer à la SCI SAINT PRIVAT IMMO la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum la SAS Eiffage Construction Languedoc, la SMABTP, la société Albingia à payer à la SA POLYCLINIQUE ST PRIVAT la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum la SAS Eiffage Construction Languedoc, la SMABTP, la société Albingia aux entiers dépens y compris les frais d'expertise de référé.
Le greffier, Le président,