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10/07/2024 | FRANCE | N°22/01878

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 10 juillet 2024, 22/01878


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 10 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01878 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PL6K





Décision déférée à la Cour :

J

ugement du 23 MARS 2022 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE

N° RG F 21/00116





APPELANT :



Monsieur [X] [F]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) substitué sur l'audience par Me LAPORTE, avocat au barrea...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 10 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01878 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PL6K

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 23 MARS 2022 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE

N° RG F 21/00116

APPELANT :

Monsieur [X] [F]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) substitué sur l'audience par Me LAPORTE, avocat au barreau de Montpellier

INTIMEE :

Société WIOSS WITRON ON SITE SERVICE GMBH Société de droit étranger, dont le siège social est [Adresse 5] à [Localité 6] ALLEMAGNE), prise en son établissement français :

[Adresse 4] - [Localité 3]

Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant)

Ordonnance de clôture du 24 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 MAI 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

M. Jean-Jacques FRION, Conseiller

Madame Florence FERRANET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

[X] [F] a été engagé par la société de droit allemand WIOSS WITRON ON SITE SERVICE GmbH (ci-après la société WIOSS) à compter du 17 juin 2019. Il exerçait les fonctions de responsable de site avec un salaire mensuel brut en dernier lieu de 6331,25€.

Il a été licencié par lettre du 20 octobre 2020 pour le motif suivant: 'insuffisance professionnelle...

Or, nous avons pu constater à plusieurs reprises une hostilité et une attitude inadaptée avec des salariés du groupe... Ainsi, nous sommes au regret de constater que vous ne saluez pas vos collègues, vous les ignorez...

Cette hostilité et cette absence de comportement fédérateur génèrent un climat délétère et démontrent que vous ne possédez pas les aptitudes requises pour exercer une fonction de direction...

Il est totalement inacceptable que vous ayez pris l'initiative d'envoyer certaines fonctions support venues du groupe dans un container sans meuble, sans électricité et sans wifi...

Par ailleurs, nous rencontrons de régulières difficultés avec vous au regard de votre communication interne...

De même, interdire à votre équipe de parler à une équipe projet mise à disposition génère de l'incompréhension...'

Le 27 septembre 2021, estimant son licenciement injustifié, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Carcassonne qui, par jugement en date du 23 mars 2022, a condamné la société WIOSS WITRON ON SITE SERVICE GmbH à lui payer les sommes de 12662,50€ brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 250€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 6 avril 2022, [X] [F] a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions notifiées et enregistrées au greffe le 2 avril 2024, il conclut à l'infirmation partiellement et à l'octroi de :  

- la somme de 6 614,20€ à titre de prime 'UESK' ;

- la somme de 661,42€ à titre de congés payés sur prime 'UESK' ;

- la somme de 5 094,95€ à titre de prime 'PEZ' .

- la somme de 509,50€ à titre de congés payés sur prime 'PEZ' ;

- la somme de 40 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- la somme de 40 000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct ;

- la somme (totale) de 4 250€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande également de condamner sous astreinte la société WIOSS à la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation destinée à Pôle emploi conformes.

Dans ses dernières conclusions notifiées et enregistrées au greffe le 12 avril 2024, la société WIOSS WITRON ON SITE SERVICE GmbH, relevant appel incident, demande d'infirmer le jugement, de rejeter les prétentions adverses et de lui allouer la somme de 3 600€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement :

Attendu que dans la lettre de licenciement, la société WIOSS fait état de divers manquements professionnels qu'elle analyse comme relevant d'une insuffisance professionnelle ;

Qu'à cette fin, elle produit les évaluations de [X] [F] ainsi que des attestations de salariés ou de responsables desquelles il résulte qu'il avait un fort caractère, n'était pas 'très flexible' et rencontrait des difficultés à s'adapter et à communiquer, ce qui conduisait à des relations parfois difficiles avec certains de ses collègues ;

Que ces attestations ajoutent qu'il n'avait pas 'la culture WITRON', était 'difficile à gérer', ne savait pas se remettre en question, 'surtout quand la décision ne vient pas de lui' et que ses relations avec le personnel étaient généralement 'très irrespectueuses' ;

Qu'il est également attesté qu'il avait isolé les salariés du service support en les plaçant dans des constructions modulaires, 'sans électricité, sans chauffage et sans mobilier', et ne participait pas à certaines réunions ;

Attendu, cependant, que les évaluations auxquelles se réfère la société WIOSS indiquent également que le salarié était 'motivé', 'investi', 'structuré', qu'il avait 'fait un excellent travail au cours des derniers mois' et avait une 'bonne connaissance de son équipe malgré un environnement compliqué', ce qui est confirmé par son entretien professionnel du 20 avril 2020 ;

Que dans son message du 4 mars 2020, le manager régional déclare qu'il avait de 'très bonnes connaissances sur la gestion d'un entrepôt logistique' et était 'très axé sur la production et bonne compréhension', de sorte qu'il peut difficilement être soutenu qu'il était incompétent ;

Qu'il n'est pas davantage justifié des courriers de [X] [F] dans lesquels il aurait manifesté soit une 'agressivité... entre les lignes', soit des 'attaques' envers le personnel, ni précisé par des éléments concrets en quoi ses relations avec les employés auraient été 'très irrespectueuses' ou son comportement 'blessant' ;

Attendu, de même, que [X] [F] fournit un message électronique signé par vingt-deux membres de son équipe dans lequel ceux-ci font part de leur surprise et incompréhension vis-à-vis du licenciement qui le frappe, ajoutant que 'toute l'équipe est unanime pour dépeindre le bon manager qu'il est, exigeant mais bienveillant et juste' et que 'cette décision risque de ralentir la dynamique instaurée';

Attendu, s'agissant du grief d'avoir isolé les salariés des fonctions support, qu'il apporte la preuve des différentes initiatives qu'il a prises, notamment les achats d'ordinateurs et le contrat de location souscrit avec la société ALGECO, afin qu'ils puissent être accueillis dans des conditions correctes ;

Qu'ainsi, si certains salariés ont dû travailler dans des conditions précaires, rien n'établit que la responsabilité lui en incomberait, même en partie ;

Attendu qu'enfin, il justifie de sa participation à des réunions ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'au regard de l'ancienneté de [X] [F], de son salaire au moment du licenciement et du préjudice qu'il a subi, il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes qui a correctement évalué à 12 662,50€ brut le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que n'étant démontrée ni l'existence d'une faute de l'employeur dans les circonstances de la rupture, ni celle d'un préjudice distinct de celui, né de la perte de l'emploi, réparé par l'octroi des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct ;

Sur la prime 'UESK' :

Attendu qu'il n'est pas discuté que le versement de la prime UESK, destinée à compenser les heures supplémentaires réalisées, correspondait à un usage d'entreprise qui a été dénoncé à compter du mois de janvier 2020 ;

Attendu, cependant, que pour dénoncer un usage, l'employeur doit, chronologiquement, informer l'institution représentative du personnel puis, individuellement, les salariés concernés par la suppression de l'usage en respectant un délai de prévenance suffisant, ces trois conditions étant cumulatives ;

Que le manquement de l'employeur à l'une de ces conditions rend la dénonciation inopposable ;

Attendu qu'en l'espèce, la société WIOSS n'a informé le comité social et économique de la suppression de la prime UESK, à compter du 1er janvier 2020, que lors de sa réunion du 8 janvier 2020 ;

Que [X] [F] n'en a ensuite été avisé que par message électronique du 23 janvier suivant ;

Qu'ainsi, la dénonciation était effective à une date antérieure à ces formalités ;

Attendu, par ailleurs, que s'il est exact que les salariés ont pu bénéficier d'un dernier versement de cette prime au mois de février 2020, c'est uniquement 'sur les heures effectuées entre le 1er juillet 2019 et 31 décembre 2019' ;

Attendu que les sommes réclamées ne sont pas contestées dans leurs montants, ce dont il résulte qu'il y a lieu de faire droit à la demande à ce titre ;

Sur la prime 'PEZ' :

Attendu que la société WIOSS fait valoir que cette prime est destinée à récompenser les salariés de leur travail et que, dès lors qu'elle reprochait ses carences professionnelles à [X] [F], il est logique qu'elle ne lui ait pas été versée ;

Attendu qu'il a été jugé que les carences professionnelles invoquées par l'employeur n'étaient pas établies ;

Que la prime PEZ est donc due en son principe ;

Attendu que faute par l'employeur de préciser des conditions de calcul vérifiables, la rémunération réclamée doit être payée intégralement ;

* * *

Attendu qu'il convient de condamner la société WIOSS WITRON ON SITE SERVICE GmbH à la délivrance d'un bulletin de paie et d'une attestation destinée à France Travail conformes, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;

Attendu qu'enfin, l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirmant le jugement et statuant à nouveau,

Condamne la société WIOSS WITRON ON SITE SERVICE GmbH à payer à [X] [F] :

- la somme de 6 614,20€ à titre de prime 'UESK' ;

- la somme de 661,42€ à titre de congés payés sur prime 'UESK' ;

- la somme de 5 094,95€ à titre de prime 'PEZ' .

- la somme de 509,50€ à titre de congés payés sur prime 'PEZ' ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne la société WIOSS WITRON ON SITE SERVICE GmbH à la délivrance d'un bulletin de paie et d'une attestation destinée à France Travail conformes ;

La condamne à payer à [X] [F] la somme de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société WIOSS WITRON ON SITE SERVICE GmbH aux dépens.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01878
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;22.01878 ?
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