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10/07/2024 | FRANCE | N°21/02527

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 10 juillet 2024, 21/02527


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 10 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02527 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6YY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 MARS 2021 <

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CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN - N° RG F 17/00533







APPELANT :



Monsieur [Z] [E]

né le 24 Janvier 1975 à [Localité 5] (ALGERIE)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au ...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 10 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02527 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O6YY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 MARS 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN - N° RG F 17/00533

APPELANT :

Monsieur [Z] [E]

né le 24 Janvier 1975 à [Localité 5] (ALGERIE)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE intervenante volontaire:

UNION SANITAIRE ET SOCIALE POUR L'ACCOMPAGNEMENT ET LA PREVENTION (USSAP) (Anciennement dénommée Association Audoise Sanitaire et Médicale) venant aux droits de l'Association PRENDRE SOIN DE LA PERSONNE EN COTE VERMEILLE ET VALLESPIR (ASCV)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Jacques Henri AUCHE, substitué sur l'audience par Me Chrisine AUCHE-HEDOU, de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée sur l'audience par Me Jade ROQUEFORT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 20 Juillet 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER, assistée de Madame Olivia COMARASSAMY, greffier stagiaire

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 19 juin 2024 à celle du 10 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

L'association Prendre Soin de la Personne en Côte Vermeille et Vallespir(ASCV) avait pour objet la gestion d'établissements sanitaires et médico-sociaux et gérait 8 établissements dans le département des Pyrénées Orientales (rééducation et accueil de personnes handicapées).

L'association a fait l'objet le 31 décembre 2020 d'une fusion absorption par l'Association Audoise Sociale et Médicale (ASM), laquelle a ensuite changé de dénomination au profit de l'Union Sanitaire et Sociale pour l'Accompagnement et la Prévention (USSAP) qui vient désormais aux droits de l'ASCV.

Le 06 mars 2015, Monsieur [Z] [E] a été engagé par l'ASCV par contrat à durée indéterminée en qualité de médecin initialement affecté au Centre de Rééducation [7] à [Localité 8] , puis à compter de juin 2016, à mi-temps au sein de cet établissement et à mi-temps au service d'hospitalisation de jour de [Localité 9].

La convention nationale de l'hospitalisation privée à but non lucratif du 31 octobre 1951 s'applique au contrat.

Par courrier du 18 juillet 2017, l'ASCV a convoqué M. [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 juillet 2017, puis par courrier du 9 août 2017, le salarié a été convoqué à un second entretien préalable fixé au 18 août 2017.

Par courrier du 25 août 2017, M. [E] a été licencié pour faute grave.

Le 23 octobre 2017, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan afin de contester le bien-fondé de son licenciement et voir condamner l'employeur au paiement de diverses sommes.

Par jugement de départage du 15 mars 2021, le conseil de prud'hommes a débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 20 avril 2021, M. [E] a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 06 mars 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. [E] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris

- condamner l'ASCV à lui payer :

- 48330,12 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

- 4833,01 euros au titre des congés payés afférents.

- 3624,75 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

- 145000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse.

- 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en date du 13 juillet 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, l'USSAP, venant aux droits de l'ASCV, demande à la cour de :

- accueillir l'intervention volontaire de l'USSAP venant aux droits de l'ASCV.

- constater la mise hors de cause de l'ASCV.

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance.

- déclarer irrecevables et/ou infondées les demandes de M. [E].

- en conséquence le débouter de l'ensemble de ses demandes.

- condamner M. [E] à lui payer la somme de 2700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est en date du 25 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement :

La faute grave est définie comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, M. [Z] [E] a été licencié pour faute grave par courrier du 25 août 2017 rédigé en ces termes :

'Docteur,

Comme suite à l'entretien préalable du 18 août dernier au cours duquel vous étiez assisté de Mme [O] [T], nous vous notifions par la présente votre licenciement sans préavis ni indemnité, pour les motifs exposés lors de cet entretien et que nous vous rappelons ci-après.

Vos pratiques médicales sont en complète contradiction avec les bonnes pratiques de l'établissement et plus généralement avec les bonnes pratiques médicales, et mettent en danger la bonne prise en charge de nos patients.

En effet, nous avons récemment découvert que, malgré l'interdiction de la Commission Médicale de l'établissement du 22 mars 2017 de procéder à la réalisation de bloc moteur sans médecin anesthésiste réanimateur et nos différents rappels à l'ordre, vous avez réalisé le 25 juillet 2017 un acte de bloc moteur hors présence d'un médecin anesthésiste-réanimateur vous plaçant délibérément en opposition directe avec la Commission Médicale de l'établissement.

Ce comportement est inacceptable et aurait pu avoir de graves conséquences pour les patients que vous traitez. Il aurait d'ailleurs pu engager la responsabilité de notre établissement.

Ce comportement est d'autant plus inacceptable que lors de notre entretien du 28 juillet 2017 au cours duquel nous avons échangé sur vos pratiques médicales, vous nous avez indiqué ne plus réaliser de bloc moteur sans présence du médecin - anesthésiste depuis la décision de Commission Médicale de l' établissement.

Or, vos propos étaient mensongers puisque nous avons appris suite à l'entretien du 28 juillet que vous aviez réalisé à nouveau au moins un acte de bloc moteur le 25 juillet 2017 au centre [6] sans médecin anesthésiste-réanimateur.

De plus, nous avons constaté que vous ne respectiez pas les règles les plus élémentaires de suivi des dossiers médicaux.

- Par exemple, vous ne tracez pas systématiquement lors de la réalisation des blocs moteurs les doses injectées du produit utilisé, et ce, en violation des bonnes pratiques médicales. Ce manquement est d'une gravité extrême puisqu'il empêche la bonne information des membres de I 'équipe médicale nécessaire à la continuité de la prise en charge médicale et pourrait conduire à ce qu'une dose soit injectée au mépris des seuils maximum, mettant en danger la santé des patients.

- De même, nous ne disposons d'aucun élément dans certains dossiers médicaux attestant de l'information et du consentement des patients aux actes réalisés, et ce, en contradiction avec les règles médicales.

Un tel manquement pourrait d'ailleurs engager la responsabilité juridique et financière de l 'établissement si un patient venait remettre en cause son accord à l'égard des actes réalisés.

- A titre d'illustration encore, nous nous sommes aperçus lors de l 'examen de vos dossiers que contrairement aux règles médicales, aucune prescription médicale de Xylocaïne n'était adressée à la pharmacie pour les actes que vous réalisez.

Au-delà de ces manquements, vous vous placez plus généralement dans une position d'opposition constante a l'égard de vos collègues de travail.

Sous prétexte que votre qualité de Médecin vous conduit à exercer en toute indépendance, vous avez décidé d'exercer seul, sans contact avec vos collègues de travail, ce qui perturbe le bon fonctionnement du service.

A ce titre, et alors qu'il vous avait été rappelé que vous ne pouviez intervenir à distance auprès des patients sous la responsabilité des médecins du site, vous êtes notamment intervenu par téléphone le 8 août 2017 pour gérer le traitement d'un patient, alors que les médecins étaient présents sur le site de l'Hôpital de Jour et seuls responsables alors du traitement du patient. Votre comportement est d'autant plus grave que vous n'avez pas pris la peine d'avertir le médecin du site du traitement prescrit.

Vous avez également déjà pu indiquer aux autres médecins qu'ils n'avaient pas à intervenir sur ' vos' patients, vous attribuant vraisemblablement leur propriété.

Par ailleurs, et de manière plus générale, vous adoptez régulièrement un comportement irrespectueux à l'encontre de vos collègues de travail.

Pour rappel, votre fonction de Médecin nécessite que vous collaboriez avec l'ensemble de l'équipe médicale et soignante afin d'assurer la continuité des prises en charge. Or, vous refusez cette collaboration et cette collégialité, l'ensemble de l 'équipe soignante se plaignant unanimement de votre attitude non coopérative pouvant avoir des conséquences gravement néfastes sur le bon traitement des patients.

Des médecins extérieurs nous ont également fait part de leur embarras de travailler avec vous, susceptible de mettre en cause notre partenariat.

Malgré les efforts fournis depuis des mois par notre structure, mais également par vos collègues de travail pour tenter d 'améliorer la situation, nous sommes contraints de constater que vous refusez de travailler en équipe.

Vos manquements médicaux et votre attitude conduisent à des situations de blocage, qui empêchent la continuité des soins, principe pourtant essentiel au bon fonctionnement de notre établissement, mais surtout la bonne prise en charge des patients.

De tels manquements rendent totalement impossible la poursuite de votre contrat de travail, y compris pendant un préavis, sauf à mettre en cause le bon fonctionnement de notre Association, et en danger la bonne prise en charge des patients.

Nous sommes donc contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave, qui prend effet immédiatement. Ainsi, vous cesserez de faire partie du personnel de notre association dès la date d'envoi de la présente lettre.

Compte tenu du motif du licenciement, la période de mise à pied conservatoire notée dans la convocation à 1' entretien préalable qui vous a été remise en main propre le 9 août 2017 ne vous sera pas rémunérée.

Nous vous adresserons par courrier séparé votre solde de tout compte, votre certificat de travail et l'attestation destinée à pôle emploi...'

- Il est ainsi tout d'abord reproché au salarié d'avoir réalisé des actes de bloc-moteur hors la présence d'un médecin anesthésiste, en contravention des décisions prises par la commission médicale de l'établissement.

La pratique du bloc-moteur consiste à injecter au contact d'un nerf innervant un muscle spastique (induisant une contraction musculairen réflexe exagérée) un anesthésique local afin de vérifier si le muscle est simplement spastique, auquel cas il pourra être traité par injection de toxine botulinique ou par neurolyse chimique à l'alcool, ou s'il est déjà rétracté, auquel cas, seule une intervention chirurgicale serait envisageable.

En l'espèce, M. [E] ne conteste pas utilement les éléments détaillés par le premier juge établissant qu'il a été informé par courrier du docteur [U] en date du 16 mars 2017 de l'existence d'un risque dans la pratique du bloc moteur, lui précisant que ce point serait traité lors de la prochaine conférence médicale de l'établissement (CME), qui s'est déroulée le 22 mars 2017 et qui a décidé d'arrêter ces actes, considérés comme à risque, sur l'établissement de [Localité 9], et de les poursuivre sur le Centre de [Localité 8] mais uniquement avec la présence effective du Docteur [P], médecin-anesthésiste.

Le Docteur [E], informé de cette décision par courriel du Docteur [U] le 24 mars 2017 a cependant pratiqué le 25 juillet 2017 au centre de [Localité 8], un acte de bloc moteur hors présence d'un médecin anesthésiste, et alors même que le seul médecin anesthésiste de l'établissement n'aurait pas pu intervenir en cas de difficulté puisqu'il était en congé.

M. [E] affirme cependant que la présence d'un médecin anesthésiste n'était pas nécessaire, qu'il a agi dans le cadre du principe d'indépendance du médecin et dans le respect des règles de l'art, sans mettre en danger le patient. Il produit un document intitulé ' recommandations de la société française de médecine physique et de réadaptation' (SOFMER) concernant la pratique des blocs moteurs, édité le 11 octobre 2018, selon lequel les précautions suivantes peuvent être recommandées : 'précautions de niveau 1: pour des doses de Lidocaïne(jusqu'à 2mg/kg) : vérification des contre-indications,....pas de consultation pré-anesthésique, pas de nécessité d'anesthésiste...'

L'employeur objecte cependant que ces recommandations ont été éditées en 2018, soit postérieurement au licenciement, qu'il n'est pas établi que le Docteur [E] injectait systématiquement des doses de Lidocaïne inférieures à 2mg, et qu'antérieurement au recommandations de 2018, la pratique du bloc-moteur n'étant pas encadrée, l'association a adopté un principe de précaution en se référant aux recommandations pour la pratique clinique relatives aux blocs périphériques des membres chez l'adulte éditées en 2003, préconisant la présence d'un médecin anesthésiste lors d'une anesthésie locorégionale.

Il ressort de ces éléments qu'au mois de mars 2017, au regard des connaissances médicales et des recommandations connues à cette période, la commission médicale de l'établissement, sans méconnaître le principe de l'indépendance des médecins, a décidé de limiter la pratique des blocs-moteurs sur l'établissement de [Localité 8] et en présence d'un médecin anesthésiste, et ce , afin de prévenir les risques d'accidents en lien avec l'utilisation d' agents anesthésiques et assurer ainsi la protection des patients.

Il en découle que le comportement du docteur [E], qui a procédé le 25 juillet 2017 à la pratique du bloc moteur en contrevenant à la décision de la CME au risque de mettre en péril la santé des patients et la responsabilité de son employeur est fautif de sorte que le grief est établi.

- Il est également reproché au docteur [E] un manque de suivi des dossiers médicaux de nature à mettre en péril la continuité des soins à l'égard des patients.

M. [E] conteste les griefs relatifs à l'absence de prescription médicale de Xylocaïne auprès de la pharmacie, à l'absence de traçage systématique lors de la réalisation des blocs moteurs des dose injectées, ainsi qu'à l'absence de remise de formulaires d'informations relatifs au consentement du patient.

Il affirme que la Xylocaïne est un produit qui a toujours existé selon un mode de dotation dans la salle de soins, géré par commande de l'infirmier et qu'il n'avait pas à prescrire ce produit qui était disponible dans la salle de soins et qu'il administrait au patient.

Il n'est cependant pas contestable, tel que le souligne l'employeur, que tout médicament doit faire l'objet d'une prescription afin d'en assurer la traçabilité ainsi que la gestion des stocks. Par ailleurs, dans un courrier du 16 mars 2017, le Docteur [U] a rappelé au Docteur [E] cette obligation en lui précisant que 'toute injection d'anesthésiques (y compris la Xylocaïne) nécessite une prescription médicale validée par la pharmacie.'

Concernant le non traçage systématique des doses injectées, M. [E] produit divers comptes rendus dans lesquels les doses de Xylocaïne injectées sont précisées, mais l'employeur produit d'autres comptes rendus (13 et 16 janvier 2017, 1er mars 2017) dans lesquels ces précisions ne figurent pas. Ce défaut d'information entraînait nécessairement des difficultés quant au suivi des patients par l'équipe médicale pouvant conduire à l'injection d'une dose trop importante de nature à mettre en danger la santé des patients.

Concernant la remise de formulaires relatifs au consentement des patients, le docteur [E] affirme qu'il faisait systématiquement signer aux patients une fiche d'information permettant de recueillir leur accord, et qu'en toute hypothèse, il n'était pas obligatoire de recueillir leur consentement écri . Il produits en ce sens un extrait des recommandations 'blocs moteurs SOFMER SFAR du 11 octobre 2018" dans lequel est mentionné que le consentement recueilli à l'oral est suffisant, outre quelques exemples de consentements ainsi que le témoignage d'un patient M. [H] indiquant avoir bénéficié d'une information dispensée par le Docteur [E].

L'employeur justifie cependant d'une absence de consentement écrit dans la situation de deux patients. Or, l'absence de formalisation écrite de l'accord constitue indéniablement une difficulté pour l'établissement de nature à engager sa responsabilité en cas de remise en cause par un patient du recueil de son consentement sur les actes réalisés.

Il ressort de ces éléments que le grief relatif au manque de suivi des dossiers des patients est établi.

- L'employeur reproche également au docteur [E] d'adopter une attitude d'opposition à l'égard de ses collègues :

M. [E] fait valoir qu'il a rencontré des difficultés relationnelles et professionnelles dont il n'était pas responsable dès l'arrivée d'une nouvelle directrice, et qu'il n'était pas non plus responsable du climat conflictuel dans lequel s'inscrivaient ses relations avec ses collègues.

Il n'oppose cependant aucune contradiction aux éléments produits par l'employeur, à savoir notamment :

- le courrier de Mme [W], responsable IDE, mentionnant le 4 juillet 2015 : 'en quelques semaines, ce médecin s'est mis à dos toutes les infirmières, la majorité des aides-soignantes et moi même. Par des propos souvent blessants, il ne tolère aucune remarque, aucun dialogue, aucune négociation. Il est un prescripteur avec qui il est impossible de dialoguer.'...'en tant que garante de la qualité des soins et de la sécurité du patient, il m'est devenu extrêmement difficile de travailler avec ce médecin'.

- le courriel de Mme [N], infirmière, en date du 26 novembre 2016 expliquant les difficultés qu'elle avait rencontrées au cours de la nuit dans la prise en charge d'un patient, alors que le Docteur [E] refusait de se déplacer.

- les échanges de courriels entre le 24 mars et le 30 mars 2017 entre les docteur [V], [U], [X] , Mme [W] et le docteur [E], suite à la décision de la CME relative à l'encadrement de la pratique des blocs moteurs, dans lesquels le Docteurs [E] reproche à ses collègues de lui avoir 'mis des bâtons dans les roues' ainsi que les attestations et courriers de ses confrères qui décrivent une relation conflictuelle et une impossibilité d'exercer une activité médicale conjointe avec le Docteur [E] au sujet d'un même patient de nature à mettre en péril la continuité des soins.

- Le Docteur [U] atteste notamment , de la part du Docteur [E], d'une 'remise en question violente des conduites thérapeutiques que j'ai pu prendre pour les patients dont il était le référent, y compris en situation d'extrême nécessité, pour exemple : pose d'une sonde urinaire sur une vessie rétentionnelle). Au delà de la relation conflictuelle, cette impossibilité de dialogue mettait en péril la continuité des soins.'

- Le docteur [X] dans un courriel du 13 juin 2017, envisageait une démission en l'absence de changment du comportement du Docteur [E].

- Le Docteur [I], par mail du 21 juin 2017, confirmait également qu'elle rencontrait des difficultés avec M. [E], précisant qu'aucune évolution de sa position n'était envisageable sur deux dossiers en litige.

- Dans son témoignage, le docteur [V], médecin chef de l'établissement résume ainsi les difficultés rencontrées avec le docteur [E] : 'Etant sa propre(et seule) référence, sa pratique dépassait largement l'indépendance qu'il revendique, pour conduire à un individualisme incompatible avec l'exercice en établissement de santé, à ne volonté d'exclusivité, voire d'exclusion : il avait 'ses malades', oubliant qu'il n'était en charge que d'un certain nombre de patients de l'établissement, sous la responsabilité hiérarchique du docteur [U], médecin chef de service, et de moi-même, médecin chef de l'établissement nonobstant la direction de ce dernier...Le comportement doublement fautif, sur la pratique médicale et sur le fonctionnement de l'institution était manifestement incompatible avec son maintien au sein de cette dernière'.

Ces différents témoignages établissent la réalité du comportement d'opposition adopté par le Docteur [E] à l'égard de ses collègues, et de son absence de remise en question rendant imposible le suivi conjoint de patients, de sorte que le grief est établi.

Les faits faits imputables au salarié, s'agissant de l'irrespect d'une décision de l'employeur visant à préserve la santé et la sécurité des patients, de négligences dans la tenue des dossiers de nature à porter atteinte au bon suivi des patients ainsi qu'à la mise en cause de la responsabilité de l'employeur, outre une attitude d'opposition systématique adoptée à l'égard de ses collègues sont constitutifs d'une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il en découle que c'est à juste titre que M. [E] a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, la décision sera confirmée en ce qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires consécutives au licenciement.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

M. [E], qui succombe en ses demandes, sera condamné à verser à l'employeur la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 15 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Perpignan.

Y ajoutant,

Condamne M. [Z] [E] à verser à l'Union Sanitaire et Sociale pour l'Accompagnement et la prévention (USSAP) venant aux droits de l'Association Prendre Soin de la Personne en Côte Vermeille et Vallespir (ASCV) la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Condamne M. [Z] [E] aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02527
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;21.02527 ?
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