COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
(Loi n°2011-803 du 05 Juillet 2011)
(Décrets n° 2011-846 et 847 du 18 juillet 2011)
ORDONNANCE
DU 09 JUILLET 2024
N° 2024 - 143
N° RG 24/03334 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QJH5
[W] [I]
C/
MONSIEUR LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER REGIONAL
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
[Y] [X]
Décision déférée au premier président :
Ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Montpellier en date du 26 juin 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/01204.
ENTRE :
Madame [W] [I]
née le 27 Novembre 2000 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 9]
Appelante
Comparante, assistée de Me Karen FAUQUE, avocat commis d'office
ET :
MONSIEUR LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER REGIONAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Non représenté
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
Cour d'appel
[Adresse 1]
[Localité 3]
Non représenté
Madame [Y] [X]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Amie, requérante
Absente
DEBATS
L'affaire a été débattue le 09 Juillet 2024, en audience publique, devant Fanny COTTE, vice-présidente placée près Monsieur le premier président de la cour d'appel de Montpellier déléguée aux fonctions de conseiller à la cour d'appel de Montpellier par ordonnance n°2024-66 du 19 février 2024 et en application des dispositions de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Alexandra LLINARES greffière.
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Signée par Fanny COTTE, vice-présidente placée près Monsieur le premier président de la cour d'appel de Montpellier déléguée aux fonctions de conseiller à la cour d'appel de Montpellier par ordonnance n°2024-66 du 19 février 2024, et Alexandra LLINARES, greffière et rendue par mise à disposition au greffe par application de l'article 450 du code de procédure civile.
***
Vu la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,
Vu la loi n° 2013-803 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,
Vu le décret n° 2011- 846 du 18 juillet 2011 relatif à la procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques,
Vu le décret n°2014-897 du 15 août 2014 modifiant la procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques sans consentement,
Vu l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Montpellier en date du 26 Juin 2024,
Vu l'appel formé le 27 Juin 2024 par Madame [W] [I] reçu au greffe de la cour le 27 Juin 2024,
Vu les convocations adressées par le greffe de la cour d'appel de Montpellier le 28 Juin 2024, à l'établissement de soins, à l'intéressée, à son conseil, à Monsieur le Procureur général et à Madame [Y] [X] les informant que l'audience sera tenue le 09 Juillet 2024 à 14 H 00,
Vu l'avis du ministère public en date du 8 juillet 2024,
Vu le procès verbal d'audience du 09 Juillet 2024,
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Madame [W] [I] a déclaré à l'audience : 'j'aimerais passer en hospitalisation libre pour avoir un vrai travail avec une ergothérapeuthe. Ma posologie a été trouvée et ensuite une fois sortie, je voudrais être suivie en hospitalisation de jour pour avoir un vrai travail avec l'ergothérapeuthe de sport, musique et yoga.
C'est la 7ème fois que je suis hospitalisée, ça a commencé en 2019. J'ai été violée sous GHB quand j'avais 15 ans, mon cerveau a fait un black-out pour me protéger. J'ai une forte manie pour repousser les limites dans la drogue. J'ai cherché la merde et je l'ai trouvée. En 2019, j'ai tiré sur un joint et j'ai fait une bouffée délirante et j'ai été hospitalisée. La première hospitalisation a été courte, 14 jours, la seconde un peu plus longue et la 3ème ... A chaque fois, ce sont des flash back.
J'ai été hospitalisée début juin à l'EPSM en Bretagne.. Je suis venue à [Localité 3] pour travailler comme serveuse à [Localité 8] mais il n'y avait pas de place pour moi. J'ai alors cherché dans le secours maritime et je suis venue à [Localité 3] chez mon amie [Y].
Ma dernière hospitalisation fait suite à une diminution de ma posologie, en accord avec le médecin qui me suit à [Localité 7]. Ce dosage ne suffit pas et j'ai fait une manie douce. Maintenant, je sais que mon traitement, c'est 800 mg de kétiapine.
il est possible que je présente encore quelques signes d'hypomanie mais ma désinhibition n'a aucun rapport. Je ne suis pas d'accord quand le certificat dit que ça se poursuit. On est venu me voir pour me demander si je portais une culotte, on m'a aussi dit que j'emmenais 5 hommes chez moi.
Un homme, [U], m'a quitté. C'était l'homme de ma vie, mon âme soeur, et depuis, j'essaie de me raccrocher desespérément à quelqu'un. J'admets que ça fait partie de ma maladie mais je sais que me marier avec quelqu'un que j'ai rencontré à l'hôpital, ce n'est pas du tout adapté.'
L'avocat de Madame [W] [I] fait valoir au soutien de la demande de mainlevée que le certificat médical motivant la décision d'admission ne caractérise pas 'le risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade' conformément à l'article L3212-3 du code de la santé publique.
Le représentant du ministère public conclut à la confirmation de l'ordonnance.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel motivé, formé le 27 Juin 2024 à l'encontre d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier notifiée le 26 Juin 2024, est recevable pour avoir été formé dans les 10 jours de la notification en application de l'article R 3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique.
Sur l'appel
Sur la caractérisation du risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade
Aux termes de l'article L3212-3 du code de la santé publique, 'en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l'établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.
Préalablement à l'admission, le directeur de l'établissement d'accueil vérifie que la demande de soins a été établie conformément au 1° du II de l'article L. 3212-1 et s'assure de l'identité de la personne malade et de celle qui demande les soins. Si la demande est formulée pour un majeur protégé par la personne chargée d'une mesure de protection juridique à la personne, celle-ci doit fournir à l'appui de sa demande le mandat de protection future visé par le greffier ou un extrait du jugement instaurant la mesure de protection.'
En l'espèce, Madame [I] fait valoir que le certificat médical du 16 juin 2024 établi par le Docteur [D] ne caractérise pas le risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade. Il y est noté 'agitation, logorrhée, absence de toute discussion avec raisonnement possible, discussion monomaniaque sur la thématique de la bonne prise du traitement et du bon état psychiatrique'.
Si ces éléments ne caractérisent pas en eux-mêmes le risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, ils sont toutefois à corréler aux observations mentionnées sur les certificats médicaux des 24 et 72 heures qui notent pour le premier que la patiente a été hospitalisée pour 'un état maniaque franc' et qu'elle ne 'perçoit aucun symptôme' à l'examen et pour le second, qu'elle a été hospitalisée pour des troubles du comportement ('se dénude en public tout en gardant un voile'), évoquant un contexte de décompensation maniaque et une consommation de toxiques. Ces différents éléments qui décrivent l'état de la patiente lors de son admission démontrent un risque grave d'atteinte à son intégrité.
Il convient en conséquence de rejeter le moyen.
Sur le fond
Le certificat médical du 5 juillet 2024 établi par le Docteur [T] [V] [L] est en faveur d'une poursuite des soins sans consentement et fait état des éléments suivants :
'Depuis quelques jours, on observe une amélioration clinique avec une meilleure conscience de l'épisode maniaque et une meilleure adhésion aux soins. Il persiste cependant encore divers symptomes maniformes : diffluence du discours, raisonnement paralogique et rationalisation, projets multiples et peu construits avec désinhibition (projet de se marier avec un patient du service, puis avec le frère de sa colocataire, changement de religion )'.
Ainsi, l'intéressée présente des troubles mentaux qui rendent impossible son consentement et son état mental impose dans l'immédiat des soins assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.
En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Déclarons recevable l'appel formé par Madame [W] [I],
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente décision est portée à la connaissance de la personne qui fait l'objet de soins par le greffe de la cour d'appel.
Rappelons que la présente décision est communiquée au ministère public, au directeur d'établissement et à Madame [Y] [X].
La greffière Le magistrat délégué