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05/07/2024 | FRANCE | N°21/01284

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre de la famille, 05 juillet 2024, 21/01284


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à



























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre de la famille



ARRET DU 05 JUILLET 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01284 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4OW

auquel a été joint par ordonnance du 31 mai 2021 le :
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Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 JANVIER 2021

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PERPIGNAN

N° RG 19/03103





APPELANT :



Monsieur [I] [D]

né le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représenté p...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre de la famille

ARRET DU 05 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01284 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4OW

auquel a été joint par ordonnance du 31 mai 2021 le :

N° RG 21/01315 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4QY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 JANVIER 2021

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PERPIGNAN

N° RG 19/03103

APPELANT :

Monsieur [I] [D]

né le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représenté par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEES :

Madame [F] [E] épouse [H]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par Me Dylan HERAIL substituant Me David BERTRAND, avocat au barreau de BEZIERS

Commune d'[Localité 10]

Prise en la personne de son maire en exercice

sise [Adresse 2]

[Localité 10]

Représentée par Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Edouard CHICHET de la SCP CHICHET-HENRY-PAILLES- GARIDOU-RENAUDIN, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 12 mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre

Madame Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère

Madame Morgane LE DONCHE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Séverine ROUGY

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et par Madame Séverine ROUGY, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

[B] [K] [E], née le [Date naissance 4] 1955, décédée le [Date décès 6] 2018, a été inhumée au cimetière de la commune d'[Localité 10] dans le caveau familial édifié en vertu de la concession à perpétuité consentie à son ancêtre, [J] [E], pour y fonder la sépulture de la famille [E] [G].

Le 11 juin 2019, M. [I] [D] formait une demande d'exhumation du corps de [B] [E] en vue de son déplacement dans la partie supérieure du caveau de la famille [E] [G], à laquelle s'opposait Mme [F] [E], s'ur de la défunte.

La commune d'[Localité 10] refusait en conséquence d'autoriser l'exhumation.

M. [I] [D] assignait, par actes des 9 et 17 septembre 2019, Mme [F] [E] et la commune d'[Localité 10], prise en la personne de son maire.

Par jugement en date du 28 janvier 2021, dont la cour est saisie, le tribunal judiciaire de'Perpignan :

rejetait la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir du demandeur

déclarait M. [I] [D] recevable à agir en qualité de proche parent de [B] [E] au sens de l'article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales

le déboutait de ses demandes d'exhumation et de dommages et intérêts

déboutait les parties de leurs autres demandes

condamnait M. [I] [D] à régler à Mme [F] [E] et à la commune d'[Localité 10] la somme de 1'000 € chacun au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens.

*****

M. [I] [D] a relevé appel de ce jugement par deux déclarations au greffe en date des 26 et 27 février 2021 qui ont été jointes par ordonnance du 31 mai 2021.

Les dernières écritures de M. [I] [D] ont été déposées le 27 janvier 2023, celles de Mme [F] [E] le 23 décembre 2022 et celles de la commune d'[Localité 10] le 19 mai 2021.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 12 mars 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [I] [D], dans le dispositif de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles R.'2223-40 du code général des collectivités territoriales, 1101, 1231-1, 1221 et 1240 du code civil, d'infirmer la décision dont appel et de:

l'autoriser à demander l'inhumation-exhumation de son ex-compagne [B] [E] pour qu'elle soit transférée à l'étage du caveau familial

l'autoriser à être inhumé aux côtés de son ex-compagne dans le caveau familial

juger la décision à intervenir opposable à la commune d'[Localité 10]

condamner Mme [F] [E] à lui verser la somme de 3'000 € au titre des articles 1240 et suivants du code civil outre 5'000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Vial ' Pech de Laclause ' Escale ' Knoepffler - Huot - Piret - Joubes, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [F] [E], dans le dispositif de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles R. 2213-40 et suivants du code général des collectivités territoriales, de:

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, débouter M. [I] [D] de l'ensemble de ses demandes, le condamner à la somme de 3'000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

La commune d'[Localité 10], dans le dispositif de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles R. 2213-40, L. 2213-8, L. 2213-13 et R. 2213-31 du code général des collectivités territoriales, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, condamner M. [I] [D] au paiement de la somme de 2'000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

' Le premier juge a rejeté la demande d'inhumation du corps motifs pris que si M. [D] a été le concubin de la défunte jusqu'à sa mort, la notion de plus proche parent doit s'entendre au sens de l'état civil, sans considération d'autre nature, même d'ordre affectif. Dès lors, en l'absence de conjoint survivant, d'enfants ou d'ascendants, Mme [F] [E], s'ur de la défunte, est le plus proche parent de la défunte. Il a en outre retenu que la demande d'inhumation s'analysait comme une contestation d'une décision administrative, uniquement contestable devant le juge administratif.

' Au soutien de son appel, M. [I] [D] fait valoir que la demande d'inhumation ne doit pas nécessairement émaner du plus proche parent du défunt, mais de la personne qui a partagé le plus d'intimité avec ce dernier de façon à pouvoir deviner la volonté du défunt. Il ajoute que l'organisation des funérailles, qui peut incomber au concubin, peut être rapprochée de celle de la demande d'exhumation. Il souligne avoir vécu en concubinage durant 35 ans avec Mme [B] [E] qui avait demandé à ce qu'il soit seul habilité à décider de son hospitalisation. Il relève que l'exhumation n'est pas un préalable nécessaire au déplacement du corps de la défunte qui demeure au sein du même caveau. Il ajoute que l'autorisation de procéder à l'exhumation lui avait été donnée par Mme [F] [E] par contrat synallagmatique signé le 9 juillet 2018, qu'elle ne pouvait révoquer unilatéralement, d'autant qu'il a conformément au contrat financé les travaux du caveau et donc rempli son obligation. Il affirme que Mme [F] [E] tente vainement de créer une confusion entre les frais afférents aux funérailles, et les frais afférents aux travaux effectués sur la concession.

' En réponse, Mme [F] [E] fait valoir qu'elle est le plus proche parent du défunt, M. [D] n'ayant pas été marié à Mme [B] [E]. Elle précise que le concubinage entre l'appelant et sa s'ur n'a pas duré 35 ans, le couple ayant vécu durant de nombreuses années au domicile de sa mère. Elle ajoute qu'elle a toujours été très proche de sa s'ur et qu'elle a directement réglé ses frais d'hospitalisation. Elle affirme que l'organisation de funérailles ne peut être assimilée à l'inhumation, que sa défunte s'ur a toujours souhaité reposer auprès de ses parents et que l'appelant ne peut se prévaloir d'une autorisation d'exhumation de sa part car elle l'avait révoquée auprès de la mairie le 19 avril 2019. Elle estime que la révocation était possible, l'autorisation litigieuse résultant d'un contrat de mandat.

' En réponse, la commune d'[Localité 10] fait valoir que le maire doit refuser la demande d'exhumation dès lors qu'un désaccord ou une incertitude apparaît quant au degré de parenté du demandeur. Elle ajoute que la validité du refus opposé par le maire doit être contestée devant le seul juge administratif.

' Réponse de la cour

L'article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales dispose que toute demande d'exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte.

L'article 1101 du code civil dispose que'le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes, destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.

L'article 1106 précise que le contrat est synallagmatique lorsque les contractants s'obligent réciproquement les uns envers les autres. Il est unilatéral lorsqu'une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres sans qu'il y ait d'engagement réciproque de celles-ci.

Enfin, en application de l'article 1113 du même code, le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.

En cas de conflit entre les proches du défunt sur l'exhumation sollicitée, l'administration municipale doit la refuser jusqu'à ce que le litige ait été réglé par une décision judiciaire.

La demande d'exhumation soumise à autorisation suppose la sortie du corps de la sépulture, qui en l'espèce n'apparaît pas nécessaire, s'agissant de déplacer la dépouille à l'étage supérieur du caveau familial, M. [D] sera donc débouté de sa demande sans objet.

L'acte signé par Mme [F] [E] le 9 juillet 2018 qui est produit aux débats s'analyse comme un contrat synallagmatique et non un mandat, puisqu'il y est stipulé qu'elle s'engage irrévocablement à ce que M. [I] [D] soit inhumé au sein du caveau familial près de sa s'ur [B] [E] et lui donne pouvoir pour signer et entreprendre tous les démarches pour faire rehausser d'un étage le caveau familial, les frais et coût des travaux restant à la charge de celui-ci. M. [D] justifie avoir rempli l'obligation de travaux à sa charge.

Mme [F] [E] fait valoir que l'inhumation de M. [I] [D] au sein du caveau familial, serait contraire à la volonté du fondateur de la concession pour lequel la sépulture serait exclusivement réservée aux membres de la famille [E]-[G].

L'acte de concession produit ne porte mention d'aucune restriction ou extension par le fondateur quant aux personnes autorisées à être inhumées dans le caveau.

En l'absence de volonté particulière du fondateur, la sépulture a acquis à sa mort un caractère familial, ce qui implique que les places disponibles sont réservées aux descendants du fondateur; si interdiction est faite à ceux-ci d'en disposer, même gratuitement, la vocation familiale de la sépulture autorise, cependant, dans la mesure des places disponibles, les ayants droit à la sépulture à y faire inhumer leur conjoint ou concubin.

Il résulte de l'acte de notoriété établi après le décès de [B] [E] que Mme [F] [E], sa s'ur, est son seul ayant droit.

Elle était donc en droit de consentir à l'inhumation de M. [D] au sein du caveau familial en qualité de proche de [B] [E] avec lequel il a vécu en concubinage durant 35 ans, étant indifférent que le couple ait résidé chez la mère de la défunte.

* demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

' Le premier juge a rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, tenant le rejet de la demande principale de M. [D].

' Au soutien de son appel, M. [I] [D] fait valoir qu'il a dû engager une procédure génératrice de stress et de préjudice moral par suite du refus injustifié de [F] [E] épouse [H].

' Mme [F] [E] et la commune d'[Localité 10] n'ont fait valoir aucun moyen.

' Réponse de la cour

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En outre, il est de jurisprudence constante que celui qui subit un préjudice de nature morale est fondé à en obtenir réparation auprès de la personne qui en est à l'origine.

En l'espèce, M. [I] [D], se limite à arguer d'un préjudice moral sans en justifier, sa demande sera donc rejetée.

* frais irrépétibles et dépens

L'équité commande de rejeter les demandes formées par Mme [F] [E] et M. [I] [D] mais d'accueillir celle de la commune d'[Localité 10] attraite à torts devant les juridictions de l'ordre judiciaires et de condamner M. [D] à lui payer la somme de 800€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au regard de l'issue du litige, Mme [F] [E] et M. [I] [D] conserveront la charge de leurs propres dépens et assumeront par moitié celle de la commune d'[Localité 10].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris et statuant à nouveau,

dit n'y avoir lieu à autoriser l'exhumation de Mme [B] [E] décédée le [Date décès 6] 2018 à [Localité 8], s'agissant du déplacement de sa dépouille à l'étage supérieur du caveau familial [E]-[G] et en conséquence, déboute M. [I] [D] de sa demande à ce titre

dit que M. [I] [D] pourra solliciter la mise en 'uvre des opérations de déplacement

dit que M. [I] [D] dispose du droit d'être inhumé aux côtés de Mme [B] [E] à l'étage supérieur du caveau familial [E]-[G]

déboute M. [I] [D] de la demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de Mme [F] [E]

dit n'y avoir lieu à déclarer le présent arrêt opposable à la commune d'[Localité 10], partie à la présente procédure

Y AJOUTANT

déboute Mme [F] [E] et M. [I] [D] de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

condamne M. [I] [D] à payer à la commune d'[Localité 10] la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

laisse à Mme [F] [E] et M. [I] [D] la charge de leurs propres dépens de première instance et d'appel et les condamne au paiement par moitié des dépens engagés par la commune d'[Localité 10].

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre de la famille
Numéro d'arrêt : 21/01284
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;21.01284 ?
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