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04/07/2024 | FRANCE | N°22/01215

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 04 juillet 2024, 22/01215


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 04 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01215 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKVR





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 FEVRIER 2022

CONSEIL DE PR

UD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG F 20/01227





APPELANTE :



S.A.R.L. CUBERO

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle BAILLIEU de la SCP JUDICIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIME :



Monsieur [R] [A]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 04 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01215 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKVR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 FEVRIER 2022

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG F 20/01227

APPELANTE :

S.A.R.L. CUBERO

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle BAILLIEU de la SCP JUDICIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [R] [A]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Natacha YEHEZKIELY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 23 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère, chargé du rapport.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Véronique ATTA-BIANCHIN, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [R] [A] a été embauché par la société CUBERO selon contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2010 au poste d'ouvrier plaquiste niveau I, position 1, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1.349,86 € bruts pour 151h67.

Selon avenant du 24 février 2012, effectif à compter du 1 er mars 2012, Monsieur [A] était promu au poste de chef d'équipe, niveau IV, position 1, coefficient 250, moyennant une rémunération de 2.085,46 € bruts.

Au dernier état de la relation contractuelle, il était conducteur de travaux.

Le 16 mars 2020, Monsieur [R] [A] se voyait notifier un avertissement au regard de son comportement à l'égard de son supérieur hiérarchique.

Le 2 avril 2020, il recevait un nouvel avertissement relatif à l'usage du véhicule de service de manière injustifiée.

Par courrier du 1er juin 2020, il a contesté ces deux avertissements.

La SARL CUBERO a répondu le 8 juin 2020.

Par courrier du 9 juillet 2020, Monsieur [A] était licencié pour cause réelle et sérieuse.

Suite à la demande du salarié, la SARL CUBERO a apporté des précisions sur les raisons de ce licenciement par courrier du 19 aout 2020.

Par requête en date du 7 décembre 2020, Monsieur [R] [A] a saisi le Conseil de prud'hommes de Montpellier en contestation de ce licenciement.

Selon jugement du 1er février 2022 , le conseil de prud'hommes de Montpellier a :

- dit que le licenciement de M. [R] [A] est dénué de cause réelle et sérieuse.

- condamné la SARL CUBERO à verser à M. [R] [A] la somme de 20.000 € au titre de sa demande de dommages et intérêts relative à son licenciement

- condamné la SARL CUBERO à verser à M. [R] [A] la somme de 850 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SARL CUBERO aux entiers dépens.

Le 1er mars 2022, la SARL CUBERO a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 novembre 2022, la SARL CUBERO demande à la cour d'infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Montpellier en date du 1er février 2022 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- juger que le licenciement de Monsieur [R] [A] est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

- débouter Monsieur [R] [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Monsieur [R] [A] au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Monsieur [R] [A] aux entiers dépens.

Dans ses écritures transmises électroniquement le 22 mars 2024 , Monsieur [R] [A] demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Montpellier le 1er février 2022 en ce qu'il a jugé le licenciement de Monsieur [R] [A] dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais augmenter le quantum alloué au titre des dommages-intérêts de ce chef,

Et statuant à nouveau,

- de juger le licenciement de Monsieur [A] prononcé le 9 juillet 2020, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la SARL CUBERO à verser à Monsieur [A] la somme de 40.000 € nets à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait de ce licenciement abusif,

- condamner la SARL CUBERO à verser à Monsieur [A] la somme de 3.000 € nets au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouter la SARL CUBERO de toute demande comme injuste et mal fondée.

Pour l'exposé complet des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 février avec une clôture différée au 23 avril 2024.

MOTIFS

Sur la demande au titre du licenciement

L'article L1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige dispose que :

« Depuis l'arrivée de votre supérieur hiérarchique, vous n'avez de cesse de contester ses directives et que vous ne respectez pas ses consignes. Cette opposition constante se manifeste par des réactions parfois verbalement violentes de votre part et des disputes s'en suivent régulièrement. Constamment vous le dénigrez, lui et ses méthodes de travail que vous rejetez en bloc. A plusieurs reprises vous avez même dénigré l'entreprise devant vos collègues et les autres corps d'état, renvoyant aux tiers une image dégradante et fausse de l'entreprise. D'ailleurs des conflits éclatent souvent entre vous et les autres ouvriers du chantier, dont vos collègues. Vous induisez par votre comportement une ambiance délétère sur votre lieu de travail qui n'est supportable pour personne. Vous mettez même en doute les compétences de la direction ouvertement dans vos écrits et n'acceptez pas de faire les efforts de travail que l'on attend de vous. Vous refusez d'accomplir votre travail de bonne foi et vous avez de plus en plus tendance à le bâcler. Il est clair que vous avez un rendement extrêmement faible alors même que durant toutes les années précédentes vous avez eu un rendement normal. Nous avons cherché des corrélations entre les actions de votre supérieur hiérarchique et votre baisse de productivité, mais force est de constater qu'il n'y en a pas car vous ne le laissez pas entrer dans votre champ d'action par votre comportement réfractaire. De plus, vous continuez à ne pas respecter les consignes simples concernant votre véhicule de service en ne l'entretenant pas correctement et, nonobstant tout avertissement, vous continuez à l'utiliser pour vos déplacements privés sans autorisation.

Malgré nos sollicitations et nos rappels à l'ordre, vous persistez à avoir ce comportement.

Nous ne pouvons plus tolérer ces agissements qui constituent une cause réelle et sérieuse justifiant la rupture de nos relations contractuelles ».

La SARL CUBERO reproche ainsi à Monsieur [R] [A] une contestation des directives et consignes de son supérieur hiérarchique Monsieur [I], un non respect des consignes délivrées par Monsieur [I], des réactions violentes et des disputes à son égard, un dénigrement de Monsieur [I], un dénigrement de l'entreprise auprès de collègues et d'autres corps d'état, des conflits avec d'autres ouvriers dont ses collègues, la mise en doute de la compétence de la direction dans ses écrits, l'accomplissement d'un travail bâclé et avec un rendement faible, le non respect des consignes concernant le véhicule de service.

Sur les griefs liés à la relation avec son supérieur hiérarchique, il est constant qu'à compter de mars 2020 Monsieur [D] [I] est devenu le supérieur hiérarchique de Monsieur [R] [A].

Pour justifier les manquements contractuels du salarié, la SARL CUBERO rappelle qu'elle a sanctionné Monsieur [R] [A] par un avertissement pour des insultes proférées à l'encontre de Monsieur [I]. Elle produit également le témoignage de Monsieur [D] [I] selon lequel :

« Je soussigné, [I] [D], atteste que M. [A] [R] a tout mis en 'uvre pour dégrader les relations au sein de l'entreprise dès lors que l'on a annoncé que j'étais promu conducteur de travaux et par conséquent, son supérieur.

En effet, il a refusé catégoriquement de recevoir ses directives de la part d'un mec « comme moi ». A partir de ce moment-là, M. [A] n'a eu de cesse de me provoquer et a adopté un comportement particulièrement agressif. J'ai tenté à plusieurs reprises d'apaiser nos relations en vain.

Il a refusé de me délivrer les informations du chantier sur lequel il travaillait, il roulait très vite sur les chemins d'accès au chantier très accidentés, il a ralenti considérablement sa cadence au travail, je l'ai même surpris attendant un monte-charge de chantier pendant une demi-heure sachant que si personne ne descendait avec, il attendrait longtemps vu qu'il n'y avait pas de bouton d'appel.

Nombreuses personnes travaillant pour d'autres corps d'état ou maître d''uvre sont ainsi venu me rapporter son comportement agressif à l'égard des autres travailleurs ainsi qu'il dénigrait l'entreprise CUBERO et proférait des menaces et des insultes à mon égard. La plupart des ouvriers me demandaient de ne plus être dans la même équipe que lui.

Un matin, il est arrivé téléphone en poche, enregistrant notre conversation et en me provoquant. Le ton est monté entre nous, et là, il a dégainé son téléphone en disant qu'il avait tout enregistré et qu'il allait s'en servir contre moi malgré que je n'avais commis aucune faute et sachant qu'il est interdit d'enregistrer quelqu'un à son insu, il se mettait hors la loi. Quelques minutes plus tard M. [A] est même venu au contact physique avec moi en posant son torse gonflé contre le mien.

Un autre jour il m'a également traité de « grosse merde », ce qui lui a valu un avertissement. Il avait installé un climat d'angoisse au sein de l'entreprise.

Il a été très difficile pour moi de gérer tant d'agressivité, j'étais en permanence stressé et angoissé au point d'en faire des insomnies.»

Le témoignage de Monsieur [L] [H] salarié est également produit : « Je soussigné, [H] [L] constate un conflit entre Monsieur [I] et Monsieur [A] due à la promotion donnée à Monsieur [I], cela crée des tensions entre eux et une mauvaise ambiance au sein de l'entreprise ».

Or, les manquements professionnels imputables à Monsieur [A] relatés par Monsieur [I] dans son attestation ne sont corroborés par aucune autre pièce versée aux débats alors même que les insubordinations alléguées sont d'une particulière gravité.

La seule pièce produite est l'attestation de Monsieur [H] qui est non circonstanciée et se limite à faire état d'un environnement de travail tendu.

L'employeur ne pouvait apprécier le comportement du salarié selon les seules dires de son supérieur hiérarchique.

Ce grief sera donc écarté.

Sur le dénigrement de l'entreprise auprès de collègues et d'autres corps d'état reproché au salarié, la SARL CUBERO produit l'attestation de Monsieur [C] [P] responsable d'agence et de Monsieur [K] [J] maître d''uvre.

La cour relève que ces deux attestations relatent des faits imprécis et non datés et ne permettent pas d'apprécier la matérialité des faits reprochés au salarié.

Sur les griefs de mise en doute de la compétence de la direction dans des écrits et l'accomplissement d'un travail bâclé et avec un rendement faible, la SARL CUBERO ne produit aucune pièce sur ces manquements. Ils seront donc écartés.

Sur les conflits avec d'autres ouvriers dont ses collègues, la SARL CUBERO ne produit aucune pièce alors que Monsieur [R] [A] produit 4 attestations de collègues de travail relatant des relations cordiales et respectueuses.

Sur le non respect des consignes concernant le véhicule de service, la cour relève qu'il n'est produit aucun document explicitant les règles applicables dans l'entreprise quant à l'usage des véhicules de services, de sorte qu'elle ne peut apprécier si le salarié les a transgressées.

Il en résulte que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le licenciement de Monsieur [R] [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

Pour contester le montant des dommages et intérêts alloués par le conseil de prud'hommes, la SARL CUBERO précise que Monsieur [R] [A] ne peut solliciter une indemnisation supérieure à 10 mois de salaire en l'état du Barème Macron rappelant que le salarié a 9 ans d'ancienneté.

Il ressort des pièces produites et plus particulièrement de l'attestation Assedic délivrée au salarié que la SARL CUBERO emploie 11 salariés au 31 décembre 2019 de sorte que les indemnités maximales prévues à l'article L1235-3 du code du travail sont inapplicables.

En revanche, sont applicables les indemnités minimales fixées à 2,5 mois de salaire brut pour Monsieur [R] [A] ayant 9 ans d'ancienneté à la date du licenciement.

Monsieur [R] [A] justifie d'une longue période de chômage n'ayant retrouvé un emploi qu'au 1er juillet 2023 avec une rémunération mensuelle brute de 1754€ par mois alors qu'au dernier état de la relation contractuelle avec la SARL CUBERO il percevait 2617,61€ brut.

Il justifie d'un préjudice psychologique par la production de certificats médicaux émanant d'un psychiatre.

Il en résulte que la somme de 20000€ fixée par les premiers juges répare justement le préjudice du salarié.

Sur les autres demandes

La SARL CUBERO sera condamnée à verser à Monsieur [R] [A] la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier du 1er février 2022 en ses entières dispositions,

Y ajoutant ,

CONDAMNE la SARL CUBERO à payer à Monsieur [R] [A] la somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL CUBERO aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01215
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.01215 ?
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