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04/07/2024 | FRANCE | N°22/01087

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 04 juillet 2024, 22/01087


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 04 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01087 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKO2





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 24 JANVIER 2022

CONSEIL DE PR

UD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/01271



APPELANT :



Monsieur [O] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me OGBI avocat pour Me Philippe BARON de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS





INTIMEE :



S.A.S.U. HYLTON

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée pa...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 04 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01087 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKO2

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 24 JANVIER 2022

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/01271

APPELANT :

Monsieur [O] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me OGBI avocat pour Me Philippe BARON de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS

INTIMEE :

S.A.S.U. HYLTON

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER - postulant

Représentée par Me Ludovic HERINGUEZ, avocat au barreau de MARSEILLE - plaidant

Ordonnance de clôture du 23 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère, chargé du rapport.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Véronique ATTA-BIANCHIN, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat à durée déterminée de remplacement du 05 Septembre 2017 devant initialement prendre fin au 30 Septembre 2017, Monsieur [Z] est entré au service de la société HYLTON

en qualité de responsable de magasin, statut CADRE, sur le point de vente du Centre commercial [6] de [Localité 5].

La société applique dans ses relations sociales la Convention Collective du Commerce succursaliste de la chaussure.

Le 30 Septembre 2017, les parties formalisaient un avenant de renouvellement prévoyant une date de fin de contrat au 28 Octobre 2017.

La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie sous forme d'un contrat à durée indéterminée.

Une convention de rupture conventionnelle a été signée entre les parties le 10 juillet 2019.

Par requête en date du 14 novembre 2019 , Monsieur [Z] a saisi le Conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins principalement de voir juger nulle et de nul effet la rupture conventionnelle .

Selon jugement du 24 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Montpellier l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et laissé les dépens à la charge de chacune des parties à concurrence de leurs propres engagements.

Le 24 février 2022, Monsieur [Z] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 avril 2024, Monsieur [O] [Z] demande à la cour de

- infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Montpellier le 24 janvier 2022 en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

- constater la nullité de la rupture conventionnelle et dire et juger en conséquence que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamner la société HYLTON à lui payer les sommes suivantes:

20 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

9 000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

900 € à titre de congés payés afférents,

1 856,74 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- condamner la société HYLTON aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Dans ses écritures transmises électroniquement le 22 avril 2024 , la SASU HYLTON demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que la convention de rupture conventionnelle était régulière

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes

- condamner Monsieur [Z] à lui verser la somme de 5000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- condamner Monsieur [Z] à tous les frais et dépens de première instance et d'appel

Pour l'exposé complet des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 23 avril 2024.

MOTIFS

Sur la validité de la rupture conventionnelle

Aux termes des articles L. 1237-11 et L. 1237-13 du code du travail, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci. Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation. Chacune des parties doit se voir remettre un exemplaire signé par elles de la convention de rupture, cette remise étant exigée à peine de nullité de la convention. A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d'entre elle dispose d'un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie.

L'article L. 1237-14 du même code prévoit qu'à l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande. L'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s'assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. A défaut de notification dans ce délai, l'homologation est réputée acquise et l'autorité administrative est dessaisie.

La validité de la convention est subordonnée à son homologation.

Au visa de l'article L1237-11 du code du travail, Monsieur [O] [Z] considère que la rupture conventionnelle doit être annulée dans la mesure où son employeur a vicié son consentement en lui envoyant un avertissement totalement infondé pendant son accident du travail et en lui imposant la signature de documents antidatés lors de la reprise du travail.

Il soutient que les documents de rupture conventionnelle sont faussement datés au 10 juillet 2019 alors que les projets ont été échangés par courriel entre le 18 et le 24 juillet 2019 et qu'en outre l'homologation de la rupture conventionnelle n'est jamais intervenue.

La SASU HYLTON considère que le formulaire CERFA et la convention de rupture ont bien été signés le 10 juillet 2019, que le salarié a été pleinement en mesure d'exercer son droit de rétractation et qu'elle a bien adressé une demande d'homologation à la DREETS, cette dernière étant resté sans réponse dans un délai de 15 jours.

Il ressort des pièces produites que :

- par courriel du 18 juillet 2019, Madame [F] [T] responsable des ressources humaines de la SASU HYLTON écrit à Monsieur [O] [Z] : « Bonjour [O], comme discuté ensemble, je vous laisse prendre connaissance des documents afférents à votre rupture conventionnelle. La date de votre départ est fixée au 14 aout 2019 au soir. Vous pouvez me transmettre les documents par mail ou voie postale dès signature », la convention de rupture et le formulaire CERFA joints mentionnent tous deux une date de fin de contrat au 14 aout 2019 avec une date de signature au 10 juillet 2019; seule la signature de l'employeur y figurant,

- par courriel du 19 juillet 2019, Madame [F] [T] écrit à Monsieur [O] [Z] : « [O], comme convenu, les documents afférents à la rupture avec une date de départ au samedi 24 aout 2019 au soir », la convention de rupture et le formulaire CERFA joints mentionnent tous deux une date de fin de contrat au 24 aout 2019 avec une date de signature au 10 juillet 2019, seule la signature de l'employeur y figurant, et une date de fin du délai de rétractation au 25 juillet 2019 ;

- par courriel du 22 juillet 2019, Madame [F] [T] écrit à Monsieur [O] [Z] : « [O], en pièce jointe, le document modifié » ; le formulaire CERFA joint mentionne une date de rupture au 24 aout 2019 et une date de signature au 10 juillet 2019, seule la signature de l'employeur y figurant et une date de fin du délai de rétractation au 25 juillet 2019 .

- par courriel du 24 juillet 2019, Madame [F] [T] écrit à Monsieur [O] [Z] « Bonjour [O], il me faudrait aussi le CERFA ci-joint, signé par vos soins » ;

- par courriel du 23 juillet 2019, Monsieur [O] [Z] répond à Madame [F] [T] « Voici la rupture signée » le formulaire CERFA joint mentionne une date de rupture au 24 aout 2019 et une date de signature au 10 juillet 2019, la signature de l'employeur et du salarié y figurant et une date de fin du délai de rétractation au 25 juillet 2019.

Il en résulte que la convention de rupture et le formulaire CERFA ont été effectivement signés par le salarié le 23 juillet 2019 de sorte que le délai de rétractation a commencé à courir à compter de cette date et non à compter du 10 juillet 2019.

Ainsi le formulaire Cerfa de rupture conventionnelle porte une fausse date du 10 juillet 2019 au lieu du 23 juillet 2019 et n'a pas permis à Monsieur [O] [Z] d'exercer son droit à rétractation dont le délai indiqué était expiré le 25 juillet 2019. Le consentement donné par le salarié à la rupture conventionnelle de son contrat de travail a, dans ces circonstances, été vicié.

En outre, la SASU HYLTON ne rapporte pas la preuve de l'envoi de la convention aux services administratifs habilités, la seule pièce produite étant un récépissé de dépôt d'une lettre recommandé où le destinataire est illisible tout comme le tampon daté.

Les dispositions légales organisant la rupture conventionnelle du contrat de travail ont pour but de s'assurer, pendant tout le processus de discussion jusqu'à la prise d'effet de la rupture, de la liberté du consentement des parties, comme le précise expressément l'article L.1237-11 du code du travail.

Le respect du délai de rétractation constitue ainsi l'une des garanties de la liberté du consentement des parties à la rupture.

La rupture conventionnelle est nulle si le salarié n'a pu bénéficier des garanties prévues par la loi permettant notamment de s'assurer de son consentement.

La convention de rupture conclue entre les parties doit donc être annulée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'autre moyen lié à l'envoi de la lettre d'avertissement. La décision du conseil de prud'hommes est ainsi infirmée.

Cette annulation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 30 janv. 2013, nº 11-22.332 ; Cass. soc., 30 mai 2018, nº16-15.273).

Sur les demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié est en droit de solliciter le paiement de son préavis. Celui-ci était fixé à trois mois selon les dispositions conventionnelles. Son salaire mensuel brut moyen s'établit à 3000 euros brut. Ainsi, la SASU HYLTON sera condamnée à lui verser la somme de 9000 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 900 euros de congés payés afférents.

Il est également en droit de solliciter une indemnité légale de licenciement. Cependant, son montant étant identique à celui de l'indemnité conventionnelle qu'il a déjà perçu dans le cadre de la rupture conventionnelle, il ne sera pas fait droit à sa demande.

Monsieur [O] [Z] demande également des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Tenant compte des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, de son ancienneté inférieure à 2 ans, du fait qu'il justifie d'une longue période de chômage à la suite de la perte de son emploi, il lui sera alloué la somme de 6000€.

Sur les autres demandes

La SASU HYLTON sera condamnée à verser à Monsieur [O] [Z] la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement du conseil de Prud'hommes de Montpellier du 24 janvier 2022 en ses entières dispositions,

Statuant à nouveau,

DIT que la rupture conventionnelle du contrat de travail de Monsieur [O] [Z] datée du 10 juillet 2019 est nulle,

DIT que la nullité de la rupture conventionnelle équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SASU HYLTON à verser à Monsieur [O] [Z]:

- 9000 euros brut à titre d'indemnité de préavis, outre 900 euros de congés payés afférents,

- 6000 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE Monsieur [O] [Z] de sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement,

Y ajoutant,

ORDONNE d'office le remboursement par la SASU HYLTON à France TRAVAIL des indemnités de chômage versées à Monsieur [O] [Z] du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage,

DIT qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à FRANCE TRAVAIL,

CONDAMNE la SASU HYLTON à verser à Monsieur [O] [Z] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SASU HYLTON aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01087
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.01087 ?
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