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01/07/2024 | FRANCE | N°24/03151

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre civile, 01 juillet 2024, 24/03151


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



(Loi n°2011-803 du 05 Juillet 2011)

(Décrets n° 2011-846 et 847 du 18 juillet 2011)



ORDONNANCE

DU 01 JUILLET 2024



N° 2024 - 134







N° RG 24/03151 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QI4O







[F] [J]





C/



MONSIEUR LE DIRECTEUR DE L'ASM



MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL



MONSIEUR LE PREFET DE L'AUDE





















Décision défé

rée au premier président :



Ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Carcassonne en date du 14 juin 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/00136.



ENTRE :



Monsieur [F] [J]

né le 01 Août 1994 à [Localité 2]

[Adresse 5]

[Local...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

(Loi n°2011-803 du 05 Juillet 2011)

(Décrets n° 2011-846 et 847 du 18 juillet 2011)

ORDONNANCE

DU 01 JUILLET 2024

N° 2024 - 134

N° RG 24/03151 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QI4O

[F] [J]

C/

MONSIEUR LE DIRECTEUR DE L'ASM

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

MONSIEUR LE PREFET DE L'AUDE

Décision déférée au premier président :

Ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Carcassonne en date du 14 juin 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/00136.

ENTRE :

Monsieur [F] [J]

né le 01 Août 1994 à [Localité 2]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Appelant

Comparant, assisté de Me Karen FAUQUE, avocat commis d'office

ET :

MONSIEUR LE DIRECTEUR DE L'ASM

[Adresse 3]

[Localité 8]

Non représenté

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

Cour d'appel

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non représenté

MONSIEUR LE PREFET DE L'AUDE

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Non représenté

DEBATS

L'affaire a été débattue le 25 Juin 2024, en audience publique, devant Fanny COTTE, vice-présidente placée près Monsieur le premier président de la cour d'appel de Montpellier déléguée aux fonctions de conseiller à la cour d'appel de Montpellier par ordonnance n°2024-66 du 19 février 2024 et en application des dispositions de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Alexandra LLINARES greffière et mise en délibéré au 01 Juillet 2024.

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Signée par Fanny COTTE, vice-présidente placée près Monsieur le premier président de la cour d'appel de Montpellier déléguée aux fonctions de conseiller à la cour d'appel de Montpellier par ordonnance n°2024-66 du 19 février 2024, et Alexandra LLINARES, greffière et rendue par mise à disposition au greffe par application de l'article 450 du code de procédure civile.

***

Vu la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,

Vu la loi n° 2013-803 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,

Vu le décret n° 2011- 846 du 18 juillet 2011 relatif à la procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques,

Vu le décret n°2014-897 du 15 août 2014 modifiant la procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques sans consentement,

Vu l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Carcassonne en date du 14 Juin 2024,

Vu l'appel formé le 18 Juin 2024 par Monsieur [F] [J] reçu au greffe de la cour le 18 Juin 2024,

Vu les convocations adressées par le greffe de la cour d'appel de Montpellier le 18 Juin 2024, à l'établissement de soins, à l'intéressé, à son conseil, à Monsieur le Procureur général, à Monsieur le Préfet de l'Aude et à l'ARS les informant que l'audience sera tenue le 25 Juin 2024 à 14 H 45,

Vu l'avis du ministère public en date du 24 juin 2024,

Vu le procès verbal d'audience du 25 Juin 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [F] [J] a déclaré à l'audience : 'l'adresse est celle de ma mère, sinon je peux aussi aller chez ma soeur.

Je me sens mieux, je suis stabilisé, les psychiatres me disent toujours que je peux sortir. Ils appellent le préfet pour que je sorte mais il ne répond pas. Ma mère a été opérée, elle a une dyalise. J'ai perdu mon père il y a 5 mois, je n'ai pas pu aller à ses obsèques et je n'ai pas pu faire le deuil encore.

Si je sors, je vais travailler en ESAT avec mon nouveau psychiatre. Sinon, je vais chercher du travail en intérim dans des entrprises de carrelage. J'irais vivre chez ma mère ou chez ma soeur mais plutôt chez ma mère. Elle est âgée, je ferai venir ma femme à la maison pour l'aider. Ma soeur et son mari pourront aussi venir à la maison pour m'aider, elle habite aussi à [Localité 2]. En ce moment, elle ne travaille pas. Elle doit s'occuper de moi et de ma mère, elle ne peut pas travailler. J'ai une compagne depuis 3 mois et demi.

La semaine dernière, j'ai été placé en garde à vue parce que j'ai eu deux relations avec deux filles. [S] [X], au bout de la 3ème relation, elle a dit que c'était pas consenti. Moi, je lui disais de prendre la pilule mais elle, elle voulait que je lui fasse un enfant. A l'hôpital, on m'a dit que l'affaire serait classée sans suite parce que ce qu'elle disait n'était pas cohérent. Cette histoire, ça s'est passé il y a 2 semaines. A l'hôpital, on n'a pas le droit de faire ça mais il y en a quand même qui couchent.

A l'hôpital, ça se passe bien, je m'entends bien avec tout le monde. A l'UMD, je les respecte, il n'y a jamais eu d'incident

Avant d'être hospitalisé, je consommais du cannabis. Maintenant, je ne consomme plus. Je n'ai pas de permissions, c'est ma famille qui vient me voir.

Je regrette ce que j'ai fait avant d'être hospitalisé. J'étais pas bien, j'étais dans un appartement. Je fumais mon joint mais il y en avait qui fumaient du crack et moi, j'en ai respiré. Ça m'a fait péter les plombs, j'étais pas bien, je suis sorti et la police m'a arrêté dans la rue. Il y a des voix qui me disaient de tirer sur la police mais je ne l'ai pas fait, j'ai raconté n'importe quoi. Je m'en veux de ce que j'ai fait, j'ai perdu mon père et je n'ai pas pu aller à son enterrement. Je sais qu'il faut plus que je consomme des toxiques, c'est incompatible avec ma maladie.

Je voudrais sortir. Il ne me reste que ma mère, j'ai peur de la perdre. Si je la perds, je perds tous mes repères. Je suis malade, ma femme en a marre de moi depuis que je suis enfermé.

J'ai fait une erreur en ayant des relations avec cette fille-là. J'ai eu des relations avec 2 filles mais je les ai pas forcées'

L'avocat de Monsieur [F] [J] fait valoir au soutien de la demande de mainlevée que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est en contradiction avec les documents médicaux qui préconisent la mise en place d'un programme de soins. S'agissant des faits pour lesquels il a été placé en garde-à-vue, il indique que la jeune femme était consentante et la plainte va être classée sans suite.

Le représentant du ministère public conclut à la confirmation de l'ordonnance.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel motivé, formé le 18 Juin 2024 à l'encontre d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention de Carcassonne notifiée le 14 Juin 2024, est recevable pour avoir été formé dans les 10 jours de la notification en application de l'article R 3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique.

Sur l'appel

Aux termes de l'article 706-135 du code de procédure pénale :

Sans préjudice de l'application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique, lorsque la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner par décision motivée l'admission en soins psychiatriques de la personne sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code s'il est établi par une expertise psychiatrique figurant au dossicr de la procédure que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de facon grave à l'ordre public. Le représentant de l'Etat dans le département ou, à [Localité 10], le préfet de police est immédiatement avisé de cette décision. Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les admissions en soins psychiatriques prononcées en application de l'article L. 3213-1 du même code.

L'article L. 3211-12 du code dela santé publique dispose :

I.-Lejuge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe 1'étab1issement d'accueil peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques prononcée en application des chapitres II à IV du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, quelle qu'en soit la forme.

I1 peut également étre saisi aux fins de mainlevée d'une mesure cl'isolement ou de contention prise en application de l'article L. 3222-5-1. Dans ce cas, il statue dans les délais prévus au II de l'article L. 3222-5-1 ou, à défaut, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine.

La saisine peut ètre formée par :

1° La personne faisant 1'objet des soins :

2° Les titulaires de 1'autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure 1

3° La personne chargée d'une mesure de protection juridique relative à la personne faisant l'objet dessoins ;

4° Son conjoint, son concubin. la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité

5° La personne qui a formulé la demande de soins ;

6° Un parent ou une personne susceptible d'agir dans l'intérét de la personne faisant 1'objet des soins

7° Le procureur de la République.

Lejuge des libertés et de la détention peut également se saisir d'office, à tout moment. A cette fin. toute personne intéressée peut porter a sa connaissance les informations qu'elle estime utiles sur la situation d'une personne faisant l'objet d'une mesure mentionnée au premier alinéa du présent article ou d'une mesure d'isolement ou de contention.

II.-Le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège

mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-l du code pénal et concemant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.

Le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'aprés avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à 1'articIe L. 3213-5-1 du présent code.

Lejuge fixe les délais dans lesquels l'avis du collège et les deux expertises prévus au présent Il doivent étre produits. dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Passés ces délais. il statue immédiatement.

III.-Le juge des libertés et de la détention ordonne, s'il y a lieu, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, d'isolement ou de contention.

Lorsqu'il ordonne la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, il peut. au vu des éléments du dossier et par décision motivée décider que la mainlevée prend effet clans un délai maximal de vingt-quatre heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application de l'article L. 321 1-2-1. Dès l'établissement de ce programme ou à l'issue du délai mentionné à la phrase précédente, la mesure d'hospitalisation complète prend fin.

Le juge des libertés et de la détention ne saurait substituer son propre avis à celui des médecins ; il ne lui appartient pas non plus de définir les modalités de soins appropriés, ce qui relève exclusivement d'une appréciation médicale. Il doit rechercher si les certificats médicaux,avis et

éventuelles expertises caractérisent suffisamment l'existence chez le patient de troubles mentaux

qui nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte à l'ordre public de façon grave. Le juge vérifie également la bonne motivation des documents médicaux et apprécie ainsi le bien fondé de la mesure d'hospitalsiation complète en veillant à l'équilibre entre cette mesure privative de liberté au regard des critères de déclenchement de celle-ci et la nécessité des soins contraints.

En l`espèce, Monsieur [F] [J] a été admis en soins psychiatriques sans son consentement sous la forme d'une hospitalisation complète en exécution des dispositions de l'article 706-135 du code de procédure pénale suivant l'ordonnance du tribunal correctionnel de Carcassonne du 24 jui1let 2023 rendue au visa du jugement correctionnel prononcé le même jour par cette même juridiction l`ayant déclaré pénalement irresponsable pour les faits de menace, violence ou acte d'intimidation envers un dépositaire de l`autorité publique pour qu`il accomplisse ou s`abstienne d`acte de sa fonction, faits commis à Carcassonne le 15 juin 2023, et de menace de mort ou d`atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l`encontre d`un dépositaire de l'autorité publique commis à Carcassonne le 19 juin 2023.

Ces faits, pour lesquels Monsieur [F] [J] était mis en cause, constituent une atteinte aux personnes punie d`au moins cinq ans d`emprisonnement.

Cette décision judiciaire vise l'expertise psychiatrique du docteur [B] [H] du 18 juillet 2023 concluant à une abolition de son discernement et à des troubles susceptibles de le voir compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes. L'expert repérait des préoccupations délirantes et hallucinatoires pour lesquelles il avait déjà bénéficié de nombreuses périodes de prise en charge, notamment à l'occasion de séjours sans consentement. Il notait que l'intéressé présentait des troubles psychiques susceptibles de l'amener à présenter une dangerosité psychiatrique dont le contenu restait imprévisible. L'ensemble de l'évolution lui paraissait en faveur du diagnostic d'évolution schizophrénique, dans une forme héboïdophrénique avec répétition de conduites antisociales ; il faisait état de perspectives de réadaptation particulièrement limitées compte tenu des particularités évolutives d'une telle pathologie. Il indiquait qu'il fallait parler plutôt de stratégies de réhabilitation sociale, avec des mesures d'accompagnement par une équipe pluridisciplinaire de secteur, mais qui ne pouvait s'envisager qu'à l'issue d'une longue période de soins psychiatriques en milieu fermé, probablement en UMD compte tenu des difficultés qu'avaient pu rencontrer les équipes psychiatriques antérieures.

Il a été hospitalisé à compter du 12 septembre 2023 à l'UMD d`[Localité 6] en raison de menaces de mort à l'encontre de soignants de l'unité psychiatrique de [Localité 9] et d'un passage à l'acte violent sur l'un d'eux suivi d'une ITT de plusieurs jours.Les certificats médicaux mensuels évoquaient dans un premier temps une minimisation de ses troubles psychotiques et comportementaux à l`origine de son admission, un rapport altéré à la réalité et une banalisation des passages à l`acte. Des carences affectives, intellectuelles et éducatives et une tendance à percevoir son environnement habituel de manière hostile ont été également relevées.

Aux termes du certificat médical établi le 20 décembre 2023, le docteur [P] [D] note que le fonctionnement de l'intéressé s'inscrit de façon de plus en plus convaincainte comme un trouble de la personnalité d'allure psychopatique qui, sous l'emprise de toxiques, pourrait perdre sa contenance et exprimer des idées délirantes.

Selon le professionnel, il est fort probable que l'hospitalisation à l'UMD ne sera pas la meilleure et unique réponse à ses troubles du comportement qui, à l'extérieur, s'exprimeront probablement aussitôt qu'il consommera de nouveau des toxiques.

Ces observations sont reprises dans l'avis du collège du 4 janvier 2024 et dans les certificats médicaux du 22 janvier 2024 et du 21 février 2024.

Le 7 mars 2024, la commission de suivi médical de l'UMD d'[Localité 6] rappelait que Monsieur [F] [J] avait déjà été admis en UMD du 25 juillet 2016 au mois de février 2017 pour des troubles du comportement. En 2015, sa première hospitalisation faisait suite à de gros troubles à 1'ordre public avec agitation psychomotrice et menaces de mort envers des militaires.

En 2022-2023, placé sous contrôle judiciaire avec une obligation de soins psychiatriques assurée par le docteur [O] qui le prend en charge depuis dix ans, Monsieur [F] [J] n`avait que partiellement respecté sa prise en charge, la prise de son traitement était anarchique avec une consommation fréquente de stupéfiants (cannabis et cocaïne) associée à une consommation d'alcool. Un de ses frères, suivi pour une pathologie psychiatrique, avait réclamé à son psychiatre une hospitalisation à l'AMJ de [Localité 8] pour se protéger de l'ambiance explosive au domicile familial générée par ses accès de colère et de menaces d'hétéro-agressivité au sein de la cellule familiale.

Sa prise en charge en hospitalisation complète avait été décrite comme laborieuse et dangereuse, il s`était déchargé sans retenue sur un infirmier de l'unité de [Localité 9] en lui donnant des coups extrêment violents entraînant une ITT de plusieurs jours. A son arrivée en UMD, le patient était calme et dans l`échange, il n`était pas observé de troubles du comportement ni de propos délirants ou de syndrome de désorganisation, le discours était principalement plaqué.

Lors des ateliers thérapeutiques, il dit être conscient que l'environnement dans lequel il évolue 'au quartier' est délétère. Il se montre dans un déni majeur du contexte socio-judiciaire, étant persuadé d'une sortie rapide. Il déclare : 'j'ai confiance en l`avenir, car je serai apte à tous les commander', le discours est emprunt d'allusions, ne précise rien, reste vague, dans l'évitement. Il se décrit comme une personne droite, dans un discours de toute puissance : 'j 'étais le chef de la Mafia".

Le certificat médical notait que son projet d`avenir ne prévoyait pas d`y inclure beaucoup de soins et se construisait de manière idéalisée autour du contexte familial (mariage, enfants) avec un travail en ESAT ; il ne pense pas avoir besoin de soins au long cours. Globalement, au cours de l'atelier, 'le discours se veut plaqué dans l'objectif de rassurer les soignants'.Il était relevé que 'le fonctionnement du sujet s'inscrit de façon de plus en plus convaincante comme un trouble de la personnalité d'allure psychopathique qui, sous l'emprise de toxiques, pourrait perdre sa contenance et exprimer des idées délirantes'.

Le certificat médical conclut à nouveau : 'Il est fort probable que l`hospitalisation à l`UMD ne sera pas la meilleure et unique réponse à ses troubles du comportement, qui à l'extérieur, s`exprimeront probablement aussitôt qu`il consommera de nouveau des toxiques ou rencontrera de la frustration'.

Le certificat mensuel du 21 mars 2024 du docteur [N] de l'UMD d'[Localité 6] notait un patient calme dans l`unité, des interactions, tant avec les soignants que les patients, adaptées, sans agressivité ou menaces ; les symptômes psychotiques sont bien contrôlés par le traitement neuroléptique actuel ; le médecin relevait que la problématique importante relative aux toxiques chez Monsieur [F] [J] avait était abordée lors d'un atelier sur les consommations de stupéfiants où il avait fait montre d`un certain investissement. Toutefois, le médecin notait la persistance de traits de personnalité sociopathique comme l'impulsivité, l`intolérance à la frustration sur un fond de carences socio-éducatives.

Le 27 mars 2024, Monsieur [F] [J] était transféré et admis à l`USSAP de [Localité 8].

Le premier certificat mensuel suivant son arrivée est daté du 22 avril 2024.Il est également le dernier à avoir été rédigé avant l`enregistrement de la requête en mainlevée de l'intéressé.

Le docteur [L] [O] note un patient dont l`observation clinique dans la durée ne relève aucune évolutivité productive des symptômes psychotiques. Il est calme, cohérent et ses interactions avec son environnement institutionnel ne sont émaillées d`aucun fait péjoratif ; 'il coopère aux soins mais sa critique des troubles qui ont conduit à cette hospitalisation reste partielle'.

Les certificats médicaux établis au cours de l`hospitalisation de Monsieur [F] [J], motivés de façon précise et circonstanciée, ont tous préconisé le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète, 1'estimant médicalement justifiée.

Comme relevé par le juge des libertés et de la détention et la cour d'appel dans les décisions des 7 et 23 mai 2023, ce n`est qu`après le dépôt, le 30 avril 2024, par Monsieur [F] [J] d'une requête en mainlevée de cette mesure que le 6 mai 2024, le collège des professionnels de santé, dont l'avis a été recueilli par le juge conformément aux dispositions de l'article L.32l 1-12 Il du code de la santé publique, a indiqué que l`hospitalisation complète sous contrainte du patient n`apparait pas médicalement justifiée ; dans cet avis, le collège indique que depuis son transfèrement, l`observation clinique dans la durée de 1`unité actuelle ne laisse transparaitre aucune productivité délirante ni dysrégulation comportementale ; son humeur est stable, les interactions avec son environnement institutionnel ne sont entachées d`aucun incident type menace hostilité ou agressivité.

Le collège indique que le patient souscrit à la thérapeutique en cours, laquelle contribue à la poursuite de la stabilité clinique depuis son séjour en UMD. Il s`efforce de gérer les frustrations inhérentes aux règles en général et aux restrictions dans le cadre de cette hospitalisation sous contrainte. L`avis poursuit en rappelant que le patient a émis le souhait de rencontrer le juge pour mettre fin à la contrainte en hospitalisation complète qu`il juge excessive au regard de sa stabilité psychique et comportementale, stabilité, poursuit l`avis, dument constatée dans le cadre de cette hospitalisation en l'absence d`un recueil évocateur ou concordant avec un potentiel de dangerosité psychiatrique.

L'avis motivé du collège de professionnels de santé du 21 mai 2024 indique : 'depuis son transfèrement de l'UMD d'[Localité 6], l'observation clinique dans la durée dans notre unité ne laisse transparaître aucune productivité délirante ni dysrégulation comportementale. Son humeur est stable, les interactions avec son environnement institutionnel ne sont entachées d'aucun incident type menace, hostilité ou agressivité, le cours de sa pensée est organisé, adapté, sans discordance ni dissociation ou contenu délirant. De toute évidence, l'absence de consommation de psychodysleptiques et la bonne observance thérapeutique contribuent à un bon contrôle des troubles pharmaco psychotiques qu`il a présentés au décours de ses consommations de drogues.

Il avait sollicité le magistrat JLD le 07 mai 2024 pour solliciter la fin de la mesure d`hospitalisation complète sous contrainte qu'il juge excessive au regard de sa stabilité psychique et comportementale. La réponse du magistrat lui a été défavorable, il fait appel à cette decision.

A ce jour, sa stabilité clinique dument constatée se poursuit sans aucun recueil évocateur d'un potentiel de dangerosité psychiatrique pour lui pour autrui ou pour l'ordre public. Un état clinique qui nous parait compatible avec une alternative à l'hospitalisation complète notamment sous forme de programme de soins ambulatoire de façon à pérenniser la contrainte, la faisabilité des soins et de procéder à des évaluations cliniques régulières.

A savoir : Un retour séquentiel en hospitalisation complète à échéance du certificat mensuel et un rendez-vous mensuel au CMP de [Localité 2] pour l'administration de son traitement injectable retard.

Une hospitalisation complète sous contrainte en cours n'apparait pas médicalement justifiée'.

Pour autant, le certificat médical mensuel établi à la même date, soit le 21 mai 2024, par le docteur [L] [O] apparaît plus nuancé puisqu'il y est indiqué que la critique des troubles ayant conduit à l'hospitalisation reste partielle et qu'il y est conclu que la mesure de soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat apparaît médicalement justifiée et est à maintenir sous la forme de prise en charge en hospitalisation complète.

La cour d'appel, saisie du recours de Monsieur [J] suite à l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Carcassonne, a confirmé ladite décision, considérant que la stabilité constatée par les médecins était inhérente à la mesure de soins sous la forme d'une hospitalisation complète et au traitement dont il bénéficiait et que l'ensemble des certificats médicaux et avis médicaux recueillis dans le dossier caractérisait toujours l'existence de troubles mentaux justifiant la poursuite de l'hospitalisation en soins complets.

L'appelant a soumis une nouvelle requête aux fins de mainlevée de cette mesure devant le juge des libertés et de la détention compétent au motif qu'il ne comprend pas pourquoi il est toujours hospitalisé alors que les certificats médicaux lui sont favorables.

L'avis motivé du collège des professionnels de santé mentionne les éléments suivants :

'depuis son transfèrement de l'UMD d'[Localité 6], la surveillance clinique dans la durée au sein de notre unité ne laisse transparaître aucune productivité délirante ni dysrégulation comportementale ou modification de ses habitudes dans le service. Son humeur est toujours stable, les interactions avec son environnement institutionnel ne sont entachées d'aucune incidence type menace, hostilité ou agressivité, le cours de sa pensée est organisé, adapté, sans discordance ni dissociation ou contenu délirant. Il coopère à la prise en charge en cours et observe son traitement sans contestation. De toute évidence, la thérapeutique bien conduite et l'absence de consommation de psychodysleptiques sont des éléments déterminants pour une stabilité psychique, comme c'est le cas à ce jour. Sa conscience se renforce concernant la genèse et le mode de survenu de ses troubles pharmaco-psychotiques.

Sa confrontation à la frustration est mieux gérée en ce sens qu'il ne manifeste aucune réaction de débordement, de menace ou de transgression, notamment concernant les réponses négatives à l'issue de son entrevue avec le JLD et la cour d'appel de Montpellier, démarche qu'il avait engagée pour demander la fin de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte.

A ce jour, sa stabilité clinique dument constatée se poursuit sans aucun recueil évocateur d'un potentiel de dangerosité psychiatrique pour lui ou pour l'ordre public. Un état clinique qui nous paraît toujours compatible avec une alternative à l'hospitalisation complète, notamment sous forme de programme de soins ambulatoire. Pour ainsi maintenir la contrainte qui est contributive, avoir la garantie de faisabilité des soins et de procéder à des évaluations clinqiues régulières.

Le programme peut s'envisager avec des retours séquentiels en hospitalisation complète à échéance du certificat mensuel et un rendez-vous mensuel au CMP de [Localité 2] pour l'administration de son traitement injectable retard'.

Le collège ajoute qu'il n'affiche aucune hostilité à la perspective d'intégrer un PDS ambulatoire et il se veut volontaire pour faire des efforts quant à ses habitudes de vie à l'extérieur ainsi que ses relations sociales. Le collège estime que l'hospitalisation n'apparaît plus médicalement justifiée.

L'avis motivé du collège émis le 21 juin 2024 énonce :

'La médication est respectée et demeure contributive, ce d'autant qu'il est abstinent de toxiques dans le cadre du séjour en cours. Il participe correctement à la socio-thérapie et aux entretiens habituels.

Les relations aux proches et les visites se déroulent sans incident. Il est calme, cohérent, il ne livre aucun recueil sémiologique concordant avec une évolutivité des troubles psychotiques et aucune notion de dangerosité psychiatrique stricto sensu.

Il porte un regard critique sur les conduites qui ont amené sa situation en cours et se montre volontaire pour respecter un suivi ambulatoire'.

Le collège conclut que l'état du patient lui paraît compatible avec un programme de soins ambulatoire et donc, une alternative à l'hospitalisation complète.

Comme l'a justement rappelé le premier juge, le juge des libertés et de la détention ne saurait substituer son propre avis à celui des médecins ; il ne lui appartient pas non plus de définir les modalités de soins appropriées, ce qui relève exclusivement d'une appréciation médicale. Il doit rechercher si les certificats médicaux, avis et éventuelles expertises caractérisent suffisamment l'existence chez le patient de troubles mentaux nécessitant des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte à l'ordre public de façon grave.

Le juge vérifie également la bonne motivation des documents médicaux et apprécie ainsi le bien fondé de la mesure d'hospitalisation complète en veillant à l'équilibre entre cette mesure au regard des critères de déclenchement de celle-ci et la nécessité des soins contraints.

Dans le cas de Monsieur [J], il est vrai que sa stabilisation a commencé à être constatée ces deux derniers mois et a amené d'ailleurs les soignants à valider son transfert de l'UMD vers l'USSAP de [Localité 8]. Pour autant, les soignants n'avaient jamais spontanément suggéré une levée de l'hospitalisation. Ce n'est qu'après la saisine du juge des libertés et de la détention par l'appelant que cette orientation a été envisagée par les professionnels. Pourtant, quelques jours avant sa requête, soit le 22 avril 2024, le docteur [O] notait que si aucune évolutivité productive des symptomes psychotiques n'était observée, la critique des troubles ayant conduit à son hospitalisation restait partielle. L'hospitalisation complète demeurait à maintenir selon lui.

De la même façon, le 21 mai 2024, le même soignant concluait que la mesure était à maintenir sous cette même forme alors que le collège se prononçait en faveur d'un programme de soins.

Ces constats doivent être confrontés aux derniers avis du collège qui font état le 21 mai 2024 de ce que la contrainte - que suppose aussi un programme de soins tel qu'envisagé - est à pérenniser comme la 'faisabilité des soins'.

Selon ces termes, il n'est donc pas acquis que les soins demeurent faisables hors d'un cadre contraint. Le collège envisage d'ailleurs des périodes d'hospitalisation sous contrainte dans le cadre du programme de soins.

Par ailleurs, bien qu'il soit fait mention de l'adhésion du patient aux soins dans le cadre d'une alternative à l'hospitalisation sous contrainte et qu'il se veuille volontaire quant à ses habitudes de vie à l'extérieur et ses relations sociales, il convient de nuancer ce constat avec les observations émises dans des certificats passés.

Ainsi, dans de nombreux certificats médicaux établis par le docteur [D] et rappelés précédemment, il était noté qu'il était fort probable qu'à l'extérieur, ses troubles s'exprimeraient aussitôt qu'il consommerait de nouveaux toxiques.

Cette consommation avait d'ailleurs été constatée alors qu'il était placé, dans le passé, sous contrôle judiciaire, c'est-à-dire dans un cadre contraint. Il avait partiellement respecté ses obligations puisqu'il s'était adonné à la consommation fréquente de stupéfiants et d'alcool.

Bien que Monsieur [J] se dise abstinent aujourd'hui, il est à noter que cette problématique addictive est ancienne, a été émaillée nécessairement de périodes d'abstinence dues aux incarcérations ou hospitalisations sous contrainte mais a refait surface lorsqu'il était à nouveau en liberté, de sorte que le risque de rechute n'est pas à exclure, d'autant que la prise de conscience de cette problématique apparaît très récente.

De même, s'agissant de la conscience de ses troubles et sa capacité à les critiquer, il était noté par son psychiatre traitant le 21 mai 2024, qu'elle restait partielle.

Concernant sa dangerosité, les derniers avis du collège ne relèvent pas de dangerosité psychiatrique. Pour autant, il figure au dossier un soit-transmis émanant du parquet de Carcassone faisant état d'une procédure de viol commis le 5 juin 2024 au sein de l'hôpital le concernant qui soulève des interrogations à ce sujet. Monsieur [J] a été placé en garde-à-vue la semaine précédant l'audience devant la cour d'appel et indique qu'il n'a pas fait l'objet de poursuites. Il ajoute que les policiers lui ont assuré que l'enquête serait classée sans suite.

Bien que la suite de la procédure demeure à ce jour inconnue et sans méconnaître la présomption d'innocence dont l'intéressé bénéficie, il apparaît en tout cas que des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ont existé pour qu'il soit placé en garde-à-vue et que cette procédure en cours nuance les aspects favorables décrits précédemment.

S'agissant de son environnement social et familial, le premier juge a justement relevé que les différents documents médicaux du dossier permettaient aussi de s'interroger sur le caractère suffisamment adapté du cadre dont il bénéficierait dans l'hypothèse d'un programme de soins. Les certificats médicaux mentionnent de façon quasi systématique que son parcours de vie est émaillé de carences socio-éducatives.

Par ailleurs, il souhaite retourner vivre auprès de sa mère à qui il voue un attachement et une affection sincères mais celle-ci rencontre des problèmes de santé importants auxquels il compte répondre alors qu'il a lui-même besoin de l'attention de proches en état de l'aider à se soigner et à respecter lesdits soins, sachant que sa mère vit avec l'un de ses frères qui a lui-même fait l'objet de plusieurs séjours en hôpital psychiatrique. Sur le plan professionnel, il évoque le projet de travailler en ESAT.

Si Monsieur [J] forme des projets sains et démontre une volonté manifestement sincère que son état de santé s'améliore, il n'en demeure pas moins que les derniers avis médicaux ne se prononcent pas sur la faisabilité d'un programme de soins au regard de ce contexte de vie alors que les professionnels ont pleinement connaissance des carences dont il souffre et de ses besoins spécifiques.

Il résulte de ce qui précède que le juge des libertés et de la détention a adopté une motivation suffisamment étayée et juste en retenant que les documents médicaux du 21 mai 2024 adoptaient une position ambivalente s'agissant de l'éventualité d'un programme de soins alors que l'environnement du patient n'apparait pas suffisamment adapté et cadrant pour en assurer le succès, a minima la faisabilité.

En outre, les documents médicaux produits ne permettent pas de vérifier une disparition des troubles mentaux médicalement constatés en dépit de leur stabilisation récente.

Ainsi, nonobstant la stabilité observée depuis plusieurs mois, les expertises, certificats médicaux et avis du collège de professionnels de santé caractérisent l'existence de troubles mentaux de Monsieur [F] [J] qui nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte à l'ordre public de façon grave, ainsi que l'incapacité actuelle de l'intéressé à pouvoir consentir de manière authentique et pérenne aux soins.

En conséquence, il convient de rejeter la demande de mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, l'état mental de Monsieur [F] [J] imposant toujours dans l'immédiat des soins contraints assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

Déclarons recevable l'appel formé par Monsieur [F] [J],

Confirmons la décision déférée,

Disons que la présente décision est portée à la connaissance de la personne qui fait l'objet de soins par le greffe de la cour d'appel.

Rappelons que la présente décision est communiquée au ministère public, au directeur d'établissement, à Monsieur le Préfet de l'Aude et à l'ARS.

La greffière Le magistrat délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 24/03151
Date de la décision : 01/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-01;24.03151 ?
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