La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2024 | FRANCE | N°23/05238

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 27 juin 2024, 23/05238


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre civile



ARRET DU 27 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/05238 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P73F



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 OCTOB

RE 2023

Tribunal Judiciaire de BEZIERS N° RG 23/00507





APPELANTE :



Madame [H] [N] [I]

née le 30 Avril 1978 à [Localité 6] (TOGO)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me DEBRUYNE substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS





INT...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 27 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/05238 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P73F

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 OCTOBRE 2023

Tribunal Judiciaire de BEZIERS N° RG 23/00507

APPELANTE :

Madame [H] [N] [I]

née le 30 Avril 1978 à [Localité 6] (TOGO)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me DEBRUYNE substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. [P] [E] - [L] [M] prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me BAUMELOU substituant Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 25 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 MAI 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

Mme Virginie HERMENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement civil du Tribunal Coutumier de Première Instance de [Localité 6] tenant lieu d'acte de naissance du 7 octobre 1980, il a été déclaré que [A] [V] est née de père inconnu et de [A] [S] le 28 mai 1978.

Par jugement du tribunal de première instance de [Localité 6] du 14 juillet 1999, le tribunal a procédé à la rectification de l'acte de naissance du 7 octobre 1980. Aux termes de cette décision, il a été décidé que [A] [V] s'identifiera comme étant Madame [I] [N] [H] née le 30 avril 1978.

Madame [I] indique être la fille de Monsieur [X] [I] époux de Madame [O]. Monsieur [X] [I] est décédé le 10 septembre 1998. L'office notarial [P] [L] a été chargé de la succession. Madame [I] indique avoir appris le décès de son père le 20 octobre 2001. Elle indique qu'elle a été oubliée par le notaire alors qu'elle est la seule héritière réservataire. Elle précise avoir sollicité du Notaire la communication des actes relatifs à la succession et que le Notaire lui a opposé le secret professionnel.

Le 8 août 2023, Madame [H] [I] a fait assigner la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) [Z] [P]-[E] et [U] [L]-[M], prise en la personne de son représentant légal en exercice par acte d'huissier en référé devant le Président du tribunal judiciaire de Béziers afin d'obtenir la condamnation de l'office notarial à lui communiquer sous astreinte de 500 € par jour de retard toutes les archives concernant la succession de Monsieur [X] [I] décédé le 10 septembre 1998.

Selon une ordonnance rendue contradictoirement en date du 13 Octobre 2023, le juge des référés a :

- dit n'y avoir lieu à référé ;

- condamné Madame [H] [I] au paiement des entiers dépens de l'instance ;

- condamné Madame [H] [I] à payer à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée [Z] [P]-[E] et [U] [L]-[M], prise en la personne de son représentant légal en exercice, la somme de 1 500,00 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

Le 25 octobre 2023, Madame [H] [N] [I] a interjeté appel de cette ordonnance.

Par ordonnance rendue en date du 8 novembre 2023, l'affaire a été fixée à l'audience du 2 mai 2024 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Vu les conclusions notifiées le 3 janvier 2024 par la partie appelante ;

Vu les conclusions notifiées le 5 décembre 2023 par la partie intimée ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 25 avril 2024 ;

PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [H] [N] [I] conclut à l'infirmation de l'ordonnance et demande à la Cour statuant à nouveau de :

A titre principal :

- ordonner à la SELARL [Z] [P]-[E] et [U] [L]-[M], et ce sous astreinte de 500 Euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, de communiquer à Madame [H] [I], par l'intermédiaire du Conseil de cette dernière, Maître Kangni-Fafadji René AGBEKPONOU, avocat au Barreau de Paris demeurant [Adresse 1] :

' toutes les archives en leur possession (y compris les actes passés les 20 et 21 janvier 1999 enregistrés le 05 mars 1999 au Service de la publicité foncière de [Localité 5]) concernant la succession de Monsieur [X] [J] [Y] [I], né le 28 juin 1917 à [Localité 7] (EURE) et décédé le 10 septembre 1998.

A titre subsidiaire, si la Cour d'appel devait considérer la demande de la concluante « trop générale », l'intérêt légitime ayant été démontré :

- ordonner la communication par le notaire de tous les actes et documents devant permettre à la seule héritière réservataire de défendre ou préserver ses droits, comprenant tout élément d'information afférent à la dévolution successorale et à la transmission des biens du de cujus, (y compris les actes passés les 20 et 21 janvier 1999 enregistrés le 05 mars 1999 au Service de la publicité foncière de [Localité 5]).

En tout état de cause :

- débouter la SELARL [Z] [P]-[E] et [U] [L]-[M] de ses prétentions, fins et conclusions;

- condamner la SELARL [Z] [P]-[E] et [U] [L]-[M] à payer à Madame [H] [I] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner la SELARL [Z] [P]-[E] et Virginie ABIAD-SAYSSET aux entiers dépens.

Elle fait grief au premier juge d'avoir méconnu les dispositions de l'article 47 du code civil qui énonce que tout acte d'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi  sur le territoire français, que cet article s'applique au jugement étranger rectificatif d'état civil régulièrement transcrit sur l'acte de naissance de l'intéressé, que sa filiation paternelle est par ailleurs parfaitement établie par les pièces qu'elle produit. Elle ajoute que les jugements étrangers rendus en matière d'état et de capacité des personnes produisent leurs effets en France indépendamment de toute décision d'exequatur selon un jurisprudence constante, qu'en outre, conformément aux accords de coopération entre la France et le Togo du 23 mars 1976, il a été convenu qu'en matière d'état des personnes, les décisions étrangères peuvent être transcrites sans exéquatur sur les registres de l'état civil et qu'elle a d'ailleurs obtenu la nationalité française sur la base du jugement civil de [Localité 6] du 14 juillet 1999.

Elle soutient donc disposer d'un intérêt légitime à formuler sa demande de levée du secret professionnel du notaire afin d'avoir connaissance des actes l'ayant privée de l'effectivité de ses droits pour le cas échéant envisager l'exercice des actions autorisées par la loi en sa qualité d'héritière réservataire omise de la succession de son père. Elle indique également que le débat n'est pas de savoir si elle a participé ou non aux opérations de succession et si cette absence peut être reprochée au notaire, mais uniquement de savoir si la seule héritière réservataire, quoique non partie à ces opérations, est légitime à solliciter l'obtention des archives de cette succession sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, peu important également que le lien de filiation ait été établi postérieurement à l'ouverture de la succession.

Elle expose enfin qu'aucun texte ne s'oppose à la production de la totalité des documents détenus par un tiers et qui ont un lien direct avec le litige à naître et que sa demande qui porte sur la totalité des documents ayant permis la dévolution successorale n'est donc pas générale.

La SELARL [Z] [P]-[E] et Virginie ABIAD-SAYSSET, conclut à la confirmation de la décision en toutes ses dispositions et demande en outre la condamnation de l'appelante aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle demande subsidiairement de juger bien fondé la SELARL GINIYES [E] - [L] [M] à opposer le secret professionnel du notaire et infiniment subsidiairement de:

- débouter Madame [I] de sa demande faute de préciser les éléments dont elle entend obtenir communication, la demande ne pouvant porter de façon générale sur les archives du notaire,

- donner acte à la SELARL GINIYES [E] - [L] [M] qu'elle exécutera toute décision passée en force de chose jugée,

- débouter Madame [I] de sa demande de condamnation sous astreinte.

Elle expose que le jugement étranger ne s'applique pas automatiquement en France dans la mesure où il doit être reconnu dans le cadre d'une procédure d'opposabilité permettant de contrôler la régularité de la décision et où il doit faire l'objet d'une procédure d'exéquatur si la décision a des conséquences financières, ce qui est le cas du jugement en cause et les accords de coopération invoqués ne dérogeant pas à cette règle, puisqu'ils prévoient que la décision étrangère peut être transcrite sur les registres d'état civil si le droit de l'Etat où les registres sont tenus ne s'y oppose pas.

Elle ajoute que la filiation invoquée n'est pas justifiée par les pièces produites.

Elle oppose enfin le secret professionnel du notaire prévu à l'article 23 de la loi du 25 Ventôse An XI, l'appelante n'ayant pas été partie aux opérations de succession, date à laquelle sa filiation

n'était pas établie.

Subsidiairement, elle soutient que la levée du secret professionnel ne peut concerner qu'un ou des actes nommément désignés et non de façon générale les archives du notaire.

Par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour entend se référer aux dernières écritures des parties ci dessus visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions qu'elles ont développés.

DISCUSSION

En application des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, en référé, par le président du tribunal judiciaire.

Si l'application de ce texte n'implique aucun préjugé sur la responsabilité des personnes appelées comme parties à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé, encore faut-il constater qu'un tel procès soit possible, qu'il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, et que sa solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée.

L'article XXVII des accords de coopération entre la France et le Togo publiés le 18 février 1982 accordent l'autorité de chose jugée aux décisions rendues par les juridictions des deux pays sur le territoire de l'autre, à la condition que les parties aient été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes et si la décision ne contrevient pas à l'ordre public du pays où elle doit recevoir application. Selon l'article XXVIII, elles doivent faire l'objet d'une exequatur pour y être exécutées de manière forcée ou transcrite, à l'exception des décisions en matière d'état des personnes.

Cette convention est conforme aux principes de droit international privé selon lesquels un jugement étranger relatif à l'état des personnes produit ses effets de plein droit et sans exequatur, s'il remplit les conditions de régularité internationale exigées par le droit international privé français.

Pour établir son lien de filiation à l'égard de Monsieur [X] [I] et partant, sa qualité successorale, Madame [N] [I] produit :

- la copie d'une assignation en date du 9 janvier 1980 délivrée à la demande de sa mère, [S] [B], en vue de la comparution de Monsieur [I] devant le Tribunal de droit moderne de première instance de [Localité 6] afin que la filiation de l'enfant née à [Localité 6] le 30 avril 1978 soit reconnue de ses oeuvres et que le défendeur soit condamné à payer un capital de pension nécessaire à l'entretien de l'enfant,

- un jugement civil sur requête tenant lieu d'acte d'état civil rendu le 7 octobre 1980 par le tribunal coutumier de [Localité 6], ce jugement déclarant que [A] [V] est née à [Localité 6] le 28 mai 1978 de père inconnu et de [A] [S],

-un jugement civil sur requête rendu le 14 juillet 1999 qui ordonne la rectification de son acte de naissance en ce sens que, au lieu de [A] [V] née à [Localité 6] le 28 mai 1978 de père inconnu et de [A] [S], il convient de lire et écrire [I] [N] [H], de sexe féminin née le 30 avril 1978, fille de [I] [X] et de [S] [B].

L'assignation dont la copie est produite ne se rapporte pas aux deux jugements sur requête rendus postérieurement, dont l'un n'établit pas de filiation paternelle et l'autre opère une rectification de date de naissance, de filiation et de nom, à l'issue d'une procédure dont il ne ressort pas à la lecture de jugement, qu'elle ait été menée contradictoirement mais au contraire sur la seule demande de Madame [N] [H] [I], après le décès de Monsieur [X] [I] et sans représentation d'éventuels ayant droits de ce dernier.

Au regard des dispositions de l'accord bilatéral précité qui subordonne l'autorité de la chose jugée de la décision et son effet direct en France au caractère contradictoire de la procédure, le juge des référés ne peut considérer que le lien de filiation entre l'appelante et Monsieur [I] est indiscutablement établi. Le fait qu'elle ait obtenu un certificat de nationalité n'emporte pas déclaration de sa filiation.

Madame [N] [I] ne peut en conséquence prétendre détenir un intérêt légitime pour obtenir communication des actes du règlement de la succession de Monsieur [I] et passer outre le secret professionnel du notaire.

La décision sera en conséquence confirmée en ce qu'elle n'a pas fait droit à la demande de Madame [N] [H] [I].

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Madame [N] [H] [I], qui succombe au principal en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme la décision en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Madame [N] [H] [I] aux dépens et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/05238
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.05238 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award