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27/06/2024 | FRANCE | N°23/02157

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 27 juin 2024, 23/02157


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre civile



ARRET DU 27 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/02157 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PZSI





Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 06 MARS 2023

JUGE DES CONTENTIEU

X DE LA PROTECTION DE NARBONNE

N° RG 23/00048





APPELANT :



Monsieur [T] [M]

né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 2]

Représenté par Me Alice LASTRA DE NATIAS, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



Madame [P] [E] [D]

né...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 27 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/02157 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PZSI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 06 MARS 2023

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE NARBONNE

N° RG 23/00048

APPELANT :

Monsieur [T] [M]

né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 2]

Représenté par Me Alice LASTRA DE NATIAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [P] [E] [D]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Mandine CORTEY LOTZ de la SELARL CORTEY LOTZ & MARCHAL AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 10 Octobre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Virginie HERMENT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

Mme Virginie HERMENT, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte en date du 19 janvier 2023, Mme [E] [D] a fait assigner M. [T] [M] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Narbonne afin qu'il constate que ce dernier était occupant sans droit ni titre de l'appartement situé [Adresse 5], qu'il ordonne en conséquence et sans délai son expulsion, ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, sous astreinte, qu'il supprime le délai de deux mois prévu à l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, qu'il déboute M. [T] [M] de toute demande tendant à l'octroi de délais de grâce et qu'il le condamne au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 1 250 euros par mois, à compter de l'assignation et jusqu'à la libération effective et définitive des lieux, et au paiement d'une indemnité de 2 400 euros ttc en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Aux termes d'une ordonnance réputée contradictoire rendue le 6 mars 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Narbonne statuant en référé a :

- constaté l'occupation sans droit ni titre par M. [T] [M] du bien immnobilier sis [Adresse 5], appartenant à Mme [E] [D], depuis le 7 février 2019,

- ordonné en conséquence à M. [T] [M] de libérer les lieux et de restituer les clés dès la signification de l'ordonnance,

- dit qu'à défaut pour M. [T] [M] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés, Mme [E] [D] pourrait, sans délai, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier ct de la force publique,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place,

- dit n'y avoir lieu à ordonner une astreinte,

- dit n'y avoir lieu à réduire ce délai de deux mois,

- condamné M. [T] [M] à verser à Mme [E] [D] une indemnité mensuelle d'occupation à compter de l'assignation,

- fixé cette indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 1 000 euros,

- condamné M. [T] [M] à verser à Mme [E] [D] une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par déclaration en date du 21 avril 2023, M. [T] [M] a relevé appel de cette ordonnance en critiquant chacune de ses dispositions.

Aux termes d'un arrêt rendu avant dire droit le 30 novembre 2023, la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats, a invité les parties à produire l'acte de signification de l'ordonnance de référé rendue le 6 mars 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Narbonne, pour que puisse être appréciée la recevabilité de l'appel formé par M. [T] [M], et a renvoyé l'affaire à l'audience du 21 mai 2024 à 8 heures 30, avec clôture au 14 mai 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 22 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [T] [M] demande à la cour de :

In limine litis,

- juger que l'assignation délivrée le 19 janvier 2023 à la requête de Mme [E] [D] est nulle,

- juger que l'ordonnance de référé en date du 6 mars 2023 est nulle,

- juger que la signification de l'ordonnance de référé en date du 14 février 2023 est nulle,

- en tout état de cause, juger recevable l'appel,

Subsidiairement, au fond,

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle :

* a constaté son occupation sans droit ni titre du bien immobilier sis [Adresse 5], appartenant à Mme [E] [D], depuis le 7 février 2019,

* lui a ordonné en conséquence de libérer les lieux et de restituer les clés dès la signification de l'ordonnance,

* a dit qu'à défaut pour lui d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés, Mme [E] [D] pourrait, sans délai, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

* l'a condamné à verser à Mme [E] [D] une indemnité mensuelle d'occupation à compter de l'assignation,

* a fixé cette indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 1 000 euros,

* l'a condamné à verser à Mme [E] [D] une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [E] [D] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [E] [D] à lui verser une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

En premier lieu, il invoque les dispositions des articles 503, 648, 656 et 693 ainsi que de l'article 114 du code de procédure civile. Il expose qu'en l'espèce, l'acte portant signification de l'ordonnance est entaché d'une erreur sur la mention de la date de la signification à sa personne, puisqu'il est indiqué que la signification a été faite le 14 février 2023 alors que l'ordonnance n'a été rendue que le 6 mars 2023, de sorte que la cour n'est pas en mesure de s'assurer de l'effectivité de cette signification. Il ajoute que la signification de cette ordonnance a été faite à une adresse qui n'était pas celle de son domicile, puisqu'en effet, le commissaire de justice s'est rendu au domicile de Mme [E] [D], sis [Adresse 5], pour lui signifier la décision, alors qu'il n'y résidait pas. Il précise que pourtant, le commissaire de justice n'ignorait pas sa véritables adresse puisqu'il lui a envoyé à deux reprises des avis avant saisie des comptes bancaires et salaires, les 17 janvier et 14 mars 2023, à son domicile sis [Adresse 7] à [Localité 2]. Il souligne qu'à l'acte de signification, le commissaire de justice s'est contenté d'indiquer que le domicile avait été confirmé par le voisinage alors que cette diligence est insuffisante.

De plus, il explique que Mme [E] [D] connaissait elle-même son adresse puisqu'il a toujours conservé son logement, ce qu'elle avait elle-même reconnu dans des conclusions établies dans le cadre d'une procédure diligentée contre son ex-époux.

Au surplus, il précise que l'existence d'un grief est établie, puisqu'il n'a pas eu connaissance de l'ordonnance rendue à son encontre et que Mme [E] [D] a soulevé l'irrecevabilité de son appel.

Il ajoute qu'il n'a jamais eu connaissance de l'assignation devant le juge des contentieux de la protection, de sorte qu'il n'a pas été en mesure de se défendre. Il en déduit que l'assignation délivrée le 19 janvier 2023 ainsi que l'ordonnance de référé doivent également être déclarées nulles.

Subsidiairement, sur le fond, il indique qu'il a toujours résidé dans son propre logement situé à [Localité 2], et non dans celui de Mme [E] [D]. Il ajoute qu'à la demande de cette dernière, il a continué à entretenir le bien et à relever le courrier, d'autant qu'il était le syndic de copropriété en charge de l'appartement de l'intimée. Il en déduit qu'il a donc été condamné à tort au paiement d'une indemnité d'occupation, alors qu'il ne résidait pas dans les lieux, et souligne qu'il produit différents courriers démontrant qu'il a toujours conservé son propre logement. Il soutient par ailleurs que Mme [E] [D] ne rapporte aucunement la preuve d'une occupation de son logement de sa part.

Du reste, il fait savoir que la demande relative à l'amende civile n'est pas justifiée puisqu'il n'a fait qu'exercer un droit dont il avait été privé en première instance. Il soutient que la procédure engagée par Mme [E] [D] vise à salir sa réputation, car cette dernière a mal vécu la rupture intervenue entre eux.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Mme [E] [D] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance de référé en date du 6 mars 2023, sauf en ce qui concerne le délai de deux mois et la fixation du montant de l'indemnité d'occupation,

- débouter M. [T] [M] de l'ensemble de ses demandes,

- dire que l'assignation délivrée le 19 janvier 2023 est régulière,

- dire que l'ordonnance de référé en date du 6 mars 2023 est régulière,

- débouter M. [T] [M] de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- constater que M. [T] [M] est occupant sans droit ni titre de l'appartement situé [Adresse 5],

- ordonner en conséquence et sans délai son expulsion, ainsi que celle de tous occupants de son chef, et ce au besoin avec le concours de la force publique,

- supprimer le délai de deux mois prévu à l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- débouter M. [T] [M] de toute demande tendant à l'octroi de délais de grâce,

- ordonner l'évacuation de tous ses effets personnels et dire que les meubles et véhicules seront transportés dans tel lieu qu'il lui plaira aux frais, risques et périls de l'expulsé,

- assortir l'expulsion de M. [T] [M] d'une astreinte de 200 euros par jour de retard, commençant à courir à l'expiration d'un délai de 48 heures suivant la signification de la décision à intervenir,

- fixer à la charge de M. [T] [M] une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 1 250 euros par mois à compter de l'assignation,

- condamner M. [T] [M] au paiement de cette indemnité à compter de l'assignation et jusqu'à la libération effective et définitive des lieux, outre le paiement des charges comprenant l'électricité, l'eau, l'assurance et le téléphone,

- condamner M. [T] [M] au paiement d'une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- condamner M. [T] [M] à une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Elle expose qu'elle a entretenu une relation avec M. [T] [M] pendant cinq ans, qu'en raison de violences commises par ce dernier sur sa personne, elle a été contrainte de quitter son appartement situé [Adresse 5], que l'appelant occupe cet appartement sans droit ni titre depuis la séparation, qu'il refuse de quitter les lieux et qu'il lui refuse l'accès à son bien.

En premier lieu, elle rappelle les dispositions de l'article 490 du code de procédure civile et expose qu'en l'espèce, l'ordonnance de référé a été rendue le 6 mars 2023, qu'elle a été signifiée le 14 mars 2023 et qu'au 21 avril 2023, date à laquelle M. [T] [M] a interjeté appel le délai d'appel de quinze jours était expiré.

De plus, elle soutient que M. [T] [M] n'a pas quitté son domicile en septembre 2022, ainsi que cela résulte des pièces par elle produites, et notamment d'un message vocal laissé par ce dernier le 25 novembre 2022 et retranscrit par l'huissier de justice. Elle ajoute que l'huissier a effectué des diligences pour délivrer l'assignation au mois de janvier 2023 comme pour signifier l'ordonnance de référé et qu'à chacun de ses passages, les voisins directs de l'appartement ont confirmé que l'appartement était toujours occupé par M. [T] [M].

Du reste, elle invoque les dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile et fait valoir que l'occupation sans droit ni titre constitue un trouble manifestement illicite qu'il y a lieu de faire cesser. Elle ajoute qu'en l'absence de contestation sérieuse, la demande d'expulsion est fondée en son principe.

S'agissant du délai de deux mois prévu aux articles L. 412-3 à L. 412-7 du code des procédures civiles d'exécution dont elle sollicite la suppression, elle précise que M. [T] [M] n'est certes pas entré par voie de fait mais que des circonstances particulières justifient son expulsion sans délai. Elle mentionne qu'en effet, M. [T] [M] est âgé de 48 ans, qu'il dispose de revenus conséquents, qu'il est propriétaire de deux biens immobiliers et qu'il a bénéficié de suffisamment de temps pour quitter les lieux. Elle ajoute que ce dernier entrave sa liberté d'aller et venir et fait tout pour empêcher la vente de son bien. Du reste, elle précise qu'elle bénéfice d'un hébergement précaire et qu'elle ne dispose pas des moyens matériels pour se reloger.

De surcroît, s'agissant de la fixation d'une indemnité mensuelle d'occupation, elle précise que M. [T] [M] s'est maintenu comme occupant sans titre à minima jusqu'à la date de la délivrance de l'assignation et qu'il n'a toujours pas restitué les clés du logement, de sorte qu'il pourrait être considéré qu'il est toujours occupant du logement.

Enfin, elle mentionne que M. [T] [M], au soutien de son appel, produit des documents falsifiés et distord la réalité et qu'il met tous les procédés en oeuvre pour l'empêcher de récupérer son bien.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Selon l'article 490 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé peut être frappée d'appel à moins qu'elle n'émane du premier président de la cour d'appel ou qu'elle n'ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l'objet de la demande. L'ordonnance rendue en dernier ressort par défaut est susceptible d'opposition. Le délai d'appel ou d'opposition est de quinze jours.

Le délai d'appel court à compter de la signification de la décision.

De plus, en application de l'article 648 du code de procédure civile, tout acte de commissaire de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs, sa date.

En l'espèce, est versé aux débats l'acte de signification de l'ordonnance de référé rendue le 6 mars 2023, daté du 14 février 2023.

Cette date est manifestement erronée, puisque la signification de l'ordonnance n'a pu intervenir avant que celle-ci ne soit rendue.

Toutefois, si en application de l'article 648 du code de procédure civile, la mention de la date est une formalité substantielle exigée à peine de nullité, le vice résultant d'une date erronée constitue un vice de forme dont la sanction relève de l'article 112 du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne l'existence d'un grief.

Or, en l'espèce, M. [T] [M] ne justifie pas du grief résultant pour lui de la mention d'une date erronée.

Du reste, selon les dispositions du premier alinéa de l'article 653 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne.

L'article 655 dispose en ses premier et deuxième alinéas que si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence et que le commissaire de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

Enfin en application du premier alinéa de l'article 656 du code de procédure civile, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par le commissaire de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile et dans ce cas, le commissaire de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655, mentionnant, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude du commissaire de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.

Le commissaire de justice doit impérativement vérifier que le destinataire demeure à l'adresse indiquée et mentionner sur l'acte qu'il a procédé à cette vérification. Il doit justifier d'investigations concrètes et s'être assuré de la réalité du domicile du destinataire de l'acte.

Il doit donc résulter des vérifications faites par le commissaire de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, sous peine de nullité de l'acte

En l'espèce, il résulte de l'acte de signification de l'ordonnance de référé rendue le 6 mars 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Narbonne statuant en référé que le commissaire de justice s'est présenté à l'adresse sise [Adresse 5], figurant à la première page de l'ordonnance de référé comme étant l'adresse de M. [T] [M], et qu'il a vérifié la certitude du domicile du destinataire en obtenant la confirmation de ce domicile par le voisinage.

Or, cette seule mention dans l'acte de signification de la confirmation du domicile par le voisinage est insuffisante à caractériser les vérifications imposées au commissaire de justice.

Au surplus, il ressort également des pièces versées aux débats que moins de deux mois plus tard, ce même commissaire de justice a procédé à la dénonciation à la personne de M. [T] [M] d'une saisie-attribution diligentée à son encontre à la requête de Mme [E] [D], à l'adresse de l'appelant située [Adresse 9], à [Localité 2].

Le défaut de diligence du commissaire de justice fait nécessairement grief au destinataire de l'acte de signification en le privant de la possibilité d'être informé de la décision rendue et de pouvoir former un recours contre cette décision dans les délais légaux.

Il s'ensuit que cette signification est irrégulière et que le délai d'appel n'a pu valablement courir à compter de ladite signification.

La fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'appel formé par M. [T] [M] sera rejetée et l'appel formé par celui-ci déclaré recevable.

Sur la régularité de l'assignation de M. [T] [M] devant le juge des contentieux de la protection

Selon les dispositions du premier alinéa de l'article 653 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne.

L'article 655 dispose en ses premier et deuxième alinéas que si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence et que le commissaire de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

Enfin, en application du premier alinéa de l'article 656 du code de procédure civile, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par le commissaire de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile et dans ce cas, le commissaire de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655, mentionnant, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude du commissaire de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que le 19 janvier 2023 a été délivrée à M. [T] [M] à la requête de Mme [E] [D], une assignation en référé à l'audience du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Narbonne devant se tenir le 6 février 2023 à 14 heures.

Il est mentionné à l'acte de signification de l'assignation que le 19 janvier 2023 le commissaire de justice s'est présenté à l'adresse sise [Adresse 5], et qu'il a vérifié la certitude du domicile du destinataire caractérisé par les éléments suivants : 'confirmation du domicile par la requérante pouvant en justifier par des échanges SMS et vocaux', et 'confirmation du domicile par l'ancien employeur Pacull Immobilier'.

La confirmation du domicile par la requérante ne peut incontestablement constituer une vérification suffisante du domicile du destinataire par le commissaire de justice à qui il appartient justement de vérifier si ce dernier demeure effectivement à l'adresse indiquée.

De plus, en l'espèce, si le commissaire de justice indique que la requérante peur justifier du domicile du destinataire par des échanges SMS et vocaux, il n'apporte aucune précision sur les messages qui ont été portés à sa connaissance.

Or, à défaut de toute information concrète, sur la date et le contenu de ces messages notamment, la cour est dans l'impossibilité de vérifier s'ils constituent des éléments suffisants pour justifier de l'exactitude du domicile du destinataire.

Du reste, s'agissant de la confirmation du domicile par l'ancien employeur, la cour observe qu'il est mentionné dans l'acte de remise de l'assignation qu'il a été indiqué au commissaire de justice par la société Pacull Immobilier que M. [T] [M] avait été licencié en octobre 2021, soit plus d'un an et deux mois auparavant.

Les renseignements donnés par cette société, relatifs au domicile de M. [T] [M], ne sauraient donc être retenus.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas justifié de vérifications suffisantes de la part du commissaire de justice pour établir la réalité du domicile de M. [T] [M].

Ce défaut de diligence du commissaire de justice fait nécessairement grief au destinataire de l'acte d'assignation en l'ayant privé de la possibilité d'être informé de l'audience à laquelle il était assignée et de pouvoir être présent ou représenté à cette audience pour faire valoir ses moyens de défense.

Est dès lors établie l'existence d'un grief pour l'appelant qui n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter à l'audience qui s'est tenue devant le juge des contentieux de la protection le 6 février 2023.

Il convient par conséquent de faire droit à la demande tendant à l'annulation de l'assignation délivrée à M. [T] [M] le 19 janvier 2023, cette annulation emportant celle de l'ordonnance rendue le 6 mars 2023 subséquemment, le juge ayant statué sans être valablement saisi.

Sur l'amende civile, les frais irrépétibles et les dépens

Il ne saurait être considéré que M. [T] [M] a interjeté appel à l'encontre de la décision rendue le 6 mars 2023 de manière dilatoire ou abusive, dès lors qu'il est fait droit à sa demande d'annulation de l'ordonnance rendue.

Mme [E] [D] sera donc déboutée de sa demande tendant à la condamnation de M. [T] [M] au paiement d'une amende civile.

Enfin, Mme [E] [D] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, outre le versement à M. [T] [M] d'une indemnité de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Reçoit M. [T] [M] en son appel,

Annule l'assignation en référé délivrée à la requête de Mme [E] [D] à M. [T] [M] le 19 janvier 2023,

Annule en conséquence l'ordonnance de référé rendue le 6 mars 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Narbonne,

Déboute Mme [E] [D] de sa demande tendant à la condamnation de M. [T] [M] au paiement d'une amende civile,

Condamne Mme [E] [D] à verser à M. [T] [M] une indemnité de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [E] [D] de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [E] [D] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/02157
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.02157 ?
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