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27/06/2024 | FRANCE | N°21/06903

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 27 juin 2024, 21/06903


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 27 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06903 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHFU





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 NOVEMBRE 2021

CONSEIL DE PRUD

'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BÉZIERS

N° RG F19/00345





APPELANT :



Monsieur [I] [T]

né le 02 Décembre 1962 à [Localité 7]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS, substitué par Me L...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 27 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06903 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHFU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 NOVEMBRE 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BÉZIERS

N° RG F19/00345

APPELANT :

Monsieur [I] [T]

né le 02 Décembre 1962 à [Localité 7]

de nationalité Française

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS, substitué par Me Laurent PORTES, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMEES :

Me [H] [Y] - Mandataire liquidateur de S.A.S. BEST ENVIRONNEMENT SECURITE ET TECHNOLOGIE

Domicilié [Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Xavier GERBAUD, avocat au barreau de PARIS

INTERVENANTE :

AGS (CGEA [Localité 5])

Domiciliée [Adresse 4]

[Localité 5]

Ordonnance de clôture du 04 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Avril 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, chargé du rapport et Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- réputé contradicoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 7 septembre 2015, M. [I] [T] a été engagé à temps complet par la société Centra aux droits de laquelle vient la de la SAS Best Environnement Sécurité Technologie, en qualité de directeur commercial sud, statut cadre, son secteur couvrant 41 départements, moyennant une rémunération mensuelle forfaitaire de 4 000 euros brut outre une commission variable mensuelle.

Par avenant du 24 janvier 2018 à effet au 1er novembre 2017, les parties ont convenu que le salarié serait désormais engagé en qualité de directeur national grands comptes et directeur commercial zone ouest, statut cadre, sa rémunération mensuelle fixe demeurant inchangée et ses commissions mensuelles étant modifiées.

Par lettre du 23 juillet 2019, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, fixé au 12 août 2019, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 19 août 2019, il a notifié à ce dernier son licenciement pour faute grave.

Par requête déposée au greffe le 6 septembre 2019, estimant qu'un rappel de salaire lui était dû et que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Béziers aux fins de condamnations au paiement de sommes salariales et indemnitaires.

Par jugement du 7 septembre 2021, le juge chargé de l'exécution du tribunal judiciaire de Béziers, saisi par le salarié, s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de liquidation de l'astreinte prononcée par ordonnance du 22 juin 2020 du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Béziers, a renvoyé l'affaire devant ce dernier et a réservé les demandes et les dépens.

Par jugement du 15 novembre 2021, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement de M. [I] [T] était justifié, a débouté celui-ci de ses demandes, l'a condamné à payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a dit que les dépens seront supportés par lui.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 30 novembre 2021, M. [I] [T] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 30 novembre 2022, le tribunal de commerce de Douai a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Best Environnement Sécurité Technologie et a désigné Maître [H] [Y] de la SELARL [H] [Y] ' [N] [K] [M] en qualité d'administrateur mandataire judiciaire.

Par jugement du 10 mai 2023, ce même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise et a nommé le même mandataire de justice en qualité de mandataire liquidateur.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 19 février 2024, M. [I] [T] demande à la Cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- fixer ses créances à la liquidation judiciaire de la Sas Best Environnement Sécurité Technologie aux sommes suivantes :

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi par le salarié du fait de se trouver dans l'impossibilité de vérifier si les commissions versées correspondaient au montant des commissions dues en exécution du contrat de travail ;

* 47 916,12 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 55 866,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 5 586,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents * 18 622,23 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 1 067,20 euros correspondant au montant des salaires afférents à la mise à pied à titre conservatoire,

* 106,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents ;

En tout état de cause,

- condamner la SELARL [H] [Y] ' [N] [K] [M], ès qualités, à lui remettre une attestation « Pôle Emploi » ainsi qu'un certificat de travail conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document qui commencera à courir passé un délai de 15 jour suivant la signification dudit arrêt ;

- dire et juger que les condamnations ayant une nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la SAS Best Environnement Sécurité Technologie de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes celle-ci valant sommation de payer ;

- mettre les dépens à la charge de la liquidation judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 3 avril 2024, Maître [H] [Y] de la SELARL [H] [Y] ' [N] [K] [M] en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Best Environnement Sécurité Technologie demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, débouter M. [I] [T] de l'intégralité de ses demandes, le condamner à payer à la société Best la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.

L'AGS, régulièrement attrait à la procédure, n'a pas constitué avocat.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 avril 2024.

MOTIFS

Sur les dommages et intérêts au titre de l'absence de communication des documents permettant le calcul des commissions.

Le salarié estime que faute pour l'employeur de communiquer les documents comptables permettant de vérifier le calcul de ses commissions depuis janvier 2018 jusqu'à son licenciement, celui-ci doit lui verser des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

L'avenant du 24 janvier 2018 à effet au 1er novembre 2017 prévoient les commissions mensuelles comme suit :

« 3% de la marge réalisée sur les portefeuilles clients tels que définis ci-dessus.

La marge est définie comme étant la marge commerciale (effectivement encaissée, après déduction des impayés) dont sont déduits les coûts de transport, les avoirs et BFA éventuelles.

La maintenance sous traitée à des tiers et la sous location sont exclues du calcul.

Modalités de versement des commissions mensuelles :

Ces commissions seront versées mensuellement en fonction des résultats obtenus le mois précédent sur la base de la facturation des portefeuilles clients.

Les versements donneront lieu à régularisation a posteriori en fonction des impayés et retards de paiement supérieurs à 60 jours.

La période de référence est l'exercice fiscal, soit du 1er mai au 30 avril de chaque année ».

L'employeur verse aux débats un tableau informatisé relatif au chiffre d'affaires réalisé en 2018 et en 2019 par la zone relevant des missions du salarié, qui précise les noms des employés commerciaux de son équipe, le chiffre d'affaires réalisé par chacun d'entre eux y compris son propre chiffre d'affaires, mois après mois ainsi que le montant de la marge mensuelle.

Il verse également un tableau relatif au calcul des commissions 2018 et 2019 du salarié.

Par ailleurs, il produit les bulletins de salaire du salarié ainsi qu'un courriel explicatif du tableur excel échangé entre les avocats le 19 août 2020 aux termes duquel il est précisé que le calcul des commissions selon les termes contractuels montre qu'il a perçu plus que ce qu'il aurait dû percevoir, à savoir la somme de 22 215,20 euros en 2018 et la somme de 11 563,60 euros en 2019.

Le salarié critique ces éléments de preuve, précisant qu'il ne dispose pas des documents comptables ayant permis ces calculs. Toutefois, il ne relève aucune erreur particulière de calcul, aucune contradiction alors que le tableur excel présente des données chiffrées précises et complètes.

Dès lors qu'il n'établit pas subir un préjudice, sa demande doit être rejetée.

Sur le licenciement pour faute grave.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement, étant précisé que, depuis le 1er janvier 2018, les motifs énoncés peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée comme suit :

« Objet : Notification de licenciement pour faute grave

Monsieur,

Par lettre recommandée en date du 23 juillet 2019, je vous convoquais à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Vous vous êtes présenté à l'entretien fixé au 12 août dernier.

Vos explications ne nous ont pas convaincues et par la présente, je n'ai d'autre choix que de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Les motifs de votre licenciement sont les suivants :

Vous avez été engagé à compter du 7 septembre 2015, et occupez actuellement le poste de Directeur National Grands Comptes et Directeur Commercial Zone Ouest.

Selon les termes de votre contrat de travail, et en particulier son article 2, vous vous engagiez formellement à respecter les instructions et directives données dans le cadre de l'exercice de vos fonctions.

Par ailleurs, en vertu de ce même article 2 :

- vous reconnaissiez et acceptiez « être débiteur envers la Société d'une stricte obligation de loyauté »,

- vous vous engagiez à « agir à tout moment au mieux des intérêts de la Société '', et à vous « interdire tout acte ou omission susceptible de porter atteinte aux affaires de la Société, à ses intérêts et à sa réputation ».

Or, il s'avère que vous avez été gravement défaillant dans le respect de ces obligations pourtant fondamentales.

Je dois en effet constater une sérieuse dégradation de votre attitude professionnelle, manifestée par une insubordination et une déloyauté caractérisées, revêtant même parfois un caractère diffamatoire et injurieux, nuisant à l'honorabilité et la réputation de la Direction, et mettant par là même en difficulté le bon fonctionnement de la société.

J'en veux pour premier exemple notre échange de mails du 27 juin dernier concernant notre client SNADEC.

A l'occasion de la restitution de matériel prêté pour essai par nos bons soins à la société SNADEC, je vous demandais par mail du 27 juin 2019 si cet essai se concrétisait par une commande substantielle par ce client.

Pour mémoire, il était convenu entre nous, qu'au terme de son essai de nos équipements, vous deviez proposer de passer des commandes à ce client, qui est l'un des plus importants prestataires de désamiantage en France.

Cependant, votre mail de réponse n'a consisté qu'en une violente remise en cause de ma parole :

« [Z],

« Il n'a jamais été question de telle commande de matériel !! »

Tandis que je vous faisais observer dans ma réponse que j'étais présent lors du rendez-vous initial avec le client, votre réponse a été la suivante :

« Ben on a pas compris la même chose alors, tel lui demain matin alors !! »

Ce mail manifestait un dénigrement et une désinvolture inadmissibles de votre part, en ce qu'il me mettait au défi de contacter directement le client, action qui vous incombait exclusivement.

Vos propos s'avéraient d'autant plus intolérables que vous aviez mis notre assistante [G] [E] en copie de tous ces échanges, portant à la connaissance de toute l'entreprise votre insubordination et votre désinvolture, nuisant de façon désastreuse à la réputation et l'honorabilité de la Direction de l'entreprise ' et accessoirement de ma personne ' indispensables à son bon fonctionnement.

Au surplus, ces faits illustraient, outre une certaine carence dans le suivi de vos dossiers, une absence totale de remise en cause de votre part.

En effet, à la suite de ce violent échange, je me suis rendu avec vous au rendez-vous suivant prévu avec le client SNADEC pour tenter de conclure de nouvelles commandes avec ce dernier.

En préambule je vous rappelle que

Nous devions prêter à la société SNADEC des extracteurs de nouvelle génération donc vous aviez vous-même spécifiquement demandé la fabrication pour ce client,

Votre demande était de pouvoir proposer en test gratuit ces équipements au client, afin de le convaincre de notre avancée technique, et ainsi déclencher des commandes,

- J'ai accepté votre demande de fournir du matériel gratuit,

- Nous avons donc fabriqué ces extracteurs, qui, avant d'être livré à SNADEC, ont été montrés à nos clients lors des journées portes ouvertes

Toutefois, ce rendez-vous a révélé que :

- Lors de la livraison finale des extracteurs à la SNADEC vous auriez dû, en tant que demandeur initial et surtout Responsable Grand Compte, à ce titre spécifiquement en charge du client SNADEC, vous assurez par vous-même que les extracteurs étaient correctement munis de leurs certificats. Vous n'êtes effectivement pas sans savoir que, sans ces certificats, le client n'a pas de droit d'utiliser le matériel sur ces chantiers, et qu'à défaut il s'expose à de très lourdes sanctions en cas d'inspection des organismes de contrôle.

- Hors il s'avère que vous n''avez pas assuré ce minimum de vérification vous incombant et que les certificats n'ont pas été livrés au client

C'est donc de façon parfaitement logique que la société SNADEC a immédiatement retiré de son chantier notre matériel mis à sa disposition, ce moins de 24 heures après la livraison, ce que son représentant, Monsieur [F], nous a expressément dit, devant vous et moi.

La conclusion est que cet essai s'est avéré parfaitement inutile, générant une perte de temps d'environ 2 mois avec le client et un manque à gagner important puisque le client nous a dit avoir passé commande chez un de nos concurrent.

Or, si vous aviez traité ce dossier avec rigueur sur les points précédemment évoqués, il est évident que notre client aurait été davantage enclin à passer des commandes sur ces matériels.

J'ajoute que vous avez découvert avec étonnement et devant moi lors du rendez-vous avec la St SNADEC que le client n'avait même pas utilisé nos matériels, pourtant demandé par vous.

Cela révèle de plus fort votre non-suivi total et patent du dossier.

C'est dans ce contexte que, par un mail du 2 juillet dernier, je vous faisais part de ma légitime déception à la suite de ce rendez-vous.

Votre seule réponse a consisté en de violentes dénégations, tout en imputant l'entière responsabilité de cet échec sur d'autres que vous -y compris ma personne'

En conclusion de votre mail en réponse, vous manifestiez sans équivoque votre souhait de quitter l'entreprise via une rupture conventionnelle.

Un tel souhait révélait possiblement la raison de votre attitude, consistant à provoquer par tous moyens votre départ'

Toujours est-il que, la Direction n'ayant pas donné suite immédiate à vos desiderata, vous avez persisté dans votre comportement, aggravant même encore son degré d'insubordination et de dénigrement vis-à-vis de votre hiérarchie à travers ma personne.

Ces derniers faits se sont produits au sujet de notre client SDD 22, que notre société avait décidé de bloquer en raison d'un impayé à notre égard à hauteur de 30.000 €, et avec lequel nous nous apprêtions à travailler à nouveau à la faveur d'un accord amiable.

Par un mail du 4 juillet 2019 à 9h39, la Direction via Monsieur [J] [D] informait que le déblocage du client SDD 22 interviendrait dans un bref délai de quelques jours, le temps de s'assurer du recouvrement effectif des sommes dues par ce dernier.

Par mail du même jour à 10h50, Monsieur [R] [T], en charge de ce client SDD 22 - et qui n'est autre que votre frère - contestait le bien fondé de ce délai, réclamant le déblocage immédiat de ce client.

Monsieur [R] [T] vous avait mis en copie de ce mail, qui était également adressé - en sus de Monsieur [D], à deux assistantes de la société et à ma personne.

C4est sur ces entrefaites que vous êtes intervenu par un mail de ce même 4 juillet 2019 à 12h47, exprimant en des termes parfois très crus votre point de vue sur le traitement d'un client ne vous concernant pas directement (« Moi, j'appelle ça le baiser !! »).

Mais le comble a été atteint par cette phrase, remettant très gravement et publiquement en cause ma réputation, mon honorabilité et ma crédibilité au sein de la société :

« Quant à [Z] cela confirme juste qu'on ne peut plus croire aux salades que tu nous racontes !! »

De tels propos sont d'autant plus inqualifiables que, en plus d'avoir mis en copie tous les destinataires précédents des autres mails, vous avez pris l'initiative d'ajouter Monsieur [K] [A], Secrétaire Général de la société, en destinataire de votre propre mail.

C'est donc bien de manière délibéré que vous m'avez publiquement mis en cause.

Le caractère diffamatoire et injurieux de ces propos m'apparaît indiscutable, et d'autant plus intolérable qu'il vient d'un cadre supérieur tenu à une obligation de loyauté et de réserve renforcée.

Par là même, il est parfaitement évident que vous n'aviez, à nouveau, d'autre dessein que de provoquer votre départ immédiat de l'entreprise, ce qu'ont confirmé les échanges de mails ultérieurs de ce 4 juillet 2019, aux termes desquels vous déclariez assumer totalement vos propos.

Lors de l'entretien préalable, vous n'avez manifesté aucune volonté d'amendement.

Bien au contraire, vous vous êtes montré particulièrement agressif et menaçant, annonçant que nos principaux clients allaient prochainement nous quitter'

Vous m'avez notamment dit que les acheteurs des sociétés SNADEC, VEOLIA, PETROFER et GLOBAL étaient de vos amis personnels, qu'ils allaient venir chez vous fin août et que vous vous alliez faire en sorte que la ST BEST n'ai plus une seule commande de ces clients'.

De tels faits sont intolérables et sont constitutifs d'une faute grave, justifiant votre licenciement sans indemnité ni préavis. (') ».

L'employeur reproche notamment au salarié d'avoir adressé en copie au secrétaire général de la société, outre les autres destinataires des échanges précédents, le courriel du 4 juillet 2019 lui reprochant de leur raconter « des salades ».

Le salarié rétorque sur ce point que ses courriels relèvent de la liberté d'expression et qu'il n'en a pas abusé.

L'analyse des courriels du 4 juillet 2019 produits par l'employeur établit que :

- le salarié s'est mêlé d'une discussion concernant son frère [R] [T] travaillant au sein de la même entreprise, qu'il a en effet émis une critique sur le délai de « déblocage » d'un client à la suite d'un impayé, précisant :

« (') Moi j'appelle ça le baiser !! et c'est tout à fait incorrect !! Mais peut être je me trompe '

Quand à [Z] cela confirme juste qu'on ne peut plus croire aux salades que tu nous racontes !! »,

- M. [Z] [W], son supérieur hiérarchique et président de la société, a réagi de la façon suivante :

« Mon cher [I],

Je te rappelle que ce client nous doit plus de 30k€, qu'il nous a sciemment raconté des conneries tu le sais aussi bien que moi, et que si j'ai accepté de le relivrer c'est que je suis certain depuis hier soir de récupérer cet argent

Que ce client n'est pas sur ta liste, il est donc un client d'[R] et je te demanderai de laisser intervenir ton frère sur le sujet

Quant aux « salades » on en reparlera ensemble'

ED »,

- le salarié a alors répondu comme suit :

« Pkoi avoir dit oui au client semaine dernière '

Une parole pour toi ne compte pas '

Et le client ne nous doit absolument pas 30000 € !!!!!

Quand aux salades je suis prêt à en discuter quand tu veux !! ».

Il est constant que l'échange de courriels relatif au déblocage du compte d'un client était adressé à M. [J] [D], directeur général, à Mmes [V] [X] et [U] [C], assistantes, ainsi qu'à M. [Z] [W], Président de la société, et que le salarié a ajouté aux destinataires de ses propres courriels le secrétaire général, M. [K] [A].

Le fait qu'un cadre supérieur écrive des propos irrespectueux dans le but de critiquer une décision de son supérieur hiérarchique prise dans le cadre du dossier d'un client qui ne dépendait pas de sa zone commerciale et qu'il assure à son courriel une large publicité au sein de l'entreprise, avec ajout d'un destinataire en la personne du secrétaire général, constitue à la fois une insubordination et un manque de respect eux-mêmes constitutifs d'une faute grave rendant impossible le maintien de la relation de travail.

Ce seul grief suffit à justifier le licenciement pour faute grave et la mise à pied à titre conservatoire, sans qu'il soit besoin d'analyser les autres griefs.

Le moyen tiré de la liberté d'expression est inopérant en ce que les termes employés par le salarié ne s'analysent pas en de simples critiques constructives et professionnelles. Au contraire, ils portent atteinte à la réputation de son supérieur hiérarchique, d'autant que le secrétaire général a été sciemment ajouté en tant que destinataire du courriel pour en assurer une large diffusion.

De même, le moyen tiré des raisons économiques de son licenciement est inopérant en ce que la faute grave reprochée est caractérisée.

*

Dès lors, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires.

Le salarié sera tenu aux dépens d'appel.

Il est équitable de le condamner à payer au mandataire ès qualités Maître [H] [Y] de la SELARL [H] [Y] ' [N] [K] [M] en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Best Environnement Sécurité Technologie, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME l'intégralité des dispositions du jugement du 15 novembre 2021 du conseil de prud'hommes de Béziers ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [I] [T] à payer à Maître [H] [Y] de la SELARL [H] [Y] ' [N] [K] [M] en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Best Environnement Sécurité Technologie la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [I] [T] aux entiers dépens de l'instance ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/06903
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.06903 ?
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