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27/06/2024 | FRANCE | N°21/04914

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 27 juin 2024, 21/04914


ARRÊT n°

































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 27 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04914 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PDLH





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 11 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FOR

MATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F20/00003





APPELANTE :



Madame [I] [U]

née le 04 Novembre 1970 à [Localité 4]

de nationalité Française

Domiciliée [Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Emilie NOLBERCZAK, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



Association AD...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 27 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04914 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PDLH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 11 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F20/00003

APPELANTE :

Madame [I] [U]

née le 04 Novembre 1970 à [Localité 4]

de nationalité Française

Domiciliée [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Emilie NOLBERCZAK, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Association ADAGES - ITEP BOURNEVILLE

Domiciliée [Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne laure PERIES de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Lina EL MIR, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 08 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport et Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.

*

* *

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Engagée le 25 août 2008 en qualité d'agent de bureau, promue le 1er septembre 2017 au poste d'agent administratif coefficient 415 de la convention collective nationale du 15 mars 1966 (IDCC 413), Mme [U] exerçait ses fonctions au sein de l'institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) de Bourneville qui a pour mission d'accueillir des enfants et adolescents présentant des difficultés psychologiques.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salaire moyen brut de Mme [U] était de 848,57 euros pour une durée mensuelle de travail de 75,84 heures.

Mise à pied à titre conservatoire par lettre du 12 septembre 2019 et convoquée à un entretien préalable, la salariée a été licenciée pour faute grave suivant courrier notifié le 27 septembre 2019.

Contestant cette décision, Mme [U] a saisi, le 2 janvier 2020 le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 11 juin 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit et juge que la rupture de la relation contractuelle produit les effets d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Condamne l'association ADAGES ITEP Bourneville, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser à Mme [U] [I] les sommes suivantes :

- 2 680,21 euros d'indemnité de licenciement,

- 1 905,92 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 190,59 euros d'indemnité compensatrice des congés payés afférents,

- 960 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Mme [U] de ses autres demandes indemnitaires et l'association ADAGES ITEP Bourneville de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, comme injuste et infondée.

Ordonne la remise des documents de rupture modifiés ainsi que le dernier bulletin de salaire (solde de tout compte) sous application d'une astreinte de 30 euros par jour de retard à compter de la date de publication du jugement.

Laisse les dépens à la charge de la partie qui succombe.

Suivant déclaration en date du 30 juillet 2021, Mme [U] a interjeté appel de cette décision, qui a été notifiée par le greffe par lettre datée du 24 juin, mais dont la date de distribution n'est pas précisée, en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes, à savoir :

- Prononcer la nullité de l'avertissement du 12 octobre 2018, condamner en conséquence l'association ADAGES à payer à Mme [U] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié.

- Juger que l'association ADAGES n'a pas respecté son obligation de sécurité et condamner l'association ADAGES à payer à Madame [U] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail.

- Juger que le licenciement du 27 septembre 2019 est sans cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence l'association ADAGES à payer à Mme [U] la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

' suivant ses conclusions en date du 29 mars 2024, l'appelante demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'Association ADAGES à lui verser les sommes suivantes : 2 680,21 euros d'indemnité de licenciement, 1 905,92 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 190,59 euros d'indemnité compensatrice des congés payés y afférents, et 960 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, mais de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes et, statuant à nouveau, de :

Prononcer la nullité de l'avertissement du 12 octobre 2018 et condamner en conséquence l'association ADAGES à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié,

Juger que l'association ADAGES n'a pas respecté son obligation d'exécution loyale du contrat de travail et son obligation de sécurité et condamner l'association ADAGES à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail,

Juger que le licenciement du 27 septembre 2019 est sans cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence l'association ADAGES à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner l'association ADAGES à lui payer la somme de 2 680,19 euros au titre du reliquat de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

Condamner l'Association ADAGES à payer la somme due au principal avec intérêts de droit à compter de la demande en justice et ce jusqu'au parfait paiement,

Dire et juger que les intérêts seront capitalisés par année entière conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil,

Condamner l'association ADAGES à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

' aux termes de ses conclusions remises au greffe le 5 avril 2024, l'association ADAGES demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que la rupture de la relation contractuelle produit les effets d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à verser à Mme [U] les sommes suivantes : 2 680,21 euros d'indemnité de licenciement, 1 905,92 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 190,59 euros d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, 960 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et, statuant à nouveau, de :

Juger irrecevable la demande nouvelle, et non-visée dans la déclaration d'appel, de 2 680,19 euros au titre du reliquat de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

Juger que le licenciement pour faute grave notifié le 27 septembre 2019 est parfaitement justifié,

Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Montpellier du 11 juin 2021 en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande de 2 000 euros pour nullité de l'avertissement du 12 octobre 2018 de 10 000 euros de dommages et intérêts pour caractère abusif du licenciement et de 10 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat et procédure vexatoire,

En conséquence, débouter Mme [U] de l'intégralité de ses demandes,

La condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par décision en date du 8 avril 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l'instance et fixé l'affaire au 6 mai suivant.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées.

MOTIVATION

Sur l'avertissement :

La lettre d'avertissement du 12 octobre 2018 est ainsi motivée :

« Je vous ai reçu le 8 octobre pour un entretien préalable à une sanction disciplinaire pour les faits suivants :

Le mardi 11 septembre, Mme [T], votre chef de service vous a demandé de venir dans son bureau pour vous montrer une erreur faite la veille. Vous avez refusé de l'écouter, êtes partie à l'infirmerie en claquant la porte de son bureau.

Puis, une demi-heure après, de retour de l'infirmerie, vous avez fait dire à votre Chef de service, par la secrétaire, que vous quittiez votre poste de travail pour rentrer chez vous. Sans que votre chef de service ait eu la possibilité de vous répondre, de votre propre chef, vous vous êtes auto placée en récupération horaire, sans accord préalable de sa part, mise ainsi devant le fait accompli.

Ce comportement est inacceptable dans une équipe de travail. Votre attitude empêche votre chef de service de communiquer avec vous au sujet de votre travail. À ce titre je vous adresse un avertissement.

Je vous demande dorénavant de respecter le règlement de fonctionnement ainsi que le lien hiérarchique. »

Cet avertissement a été contesté par Mme [U], par lettre du 19 octobre 2018 adressée à Mme [V], directrice, dans laquelle la salariée a fourni les explications suivantes :

Le mardi 11 septembre 2018, je suis arrivée à mon poste de travail à 8H. quelques événements se sont passés rapidement à mon arrivée [...] . En aucun cas à 9H je n'ai refusé de parler à ma chef de service et en aucun cas elle m'a fait part d'une erreur la veille... la porte de son bureau était grande ouverte et je n'ai pas claqué sa porte. Cela ne fait pas partie de faire ce genre de chose pour moi. Je lui ai dis que je devais aller à l'infirmerie où j'ai pu voir Mme [L] qui fait partie du CHSCT, et elle m'a donné une petite pastille aux plantes, quelques temps après je suis retournée à l'infirmerie où j'ai pu voir le délégué du personnel avec qui j'ai pu discuter et ils m'ont dit que je n'étais pas en état de travailler... d'autre part, je n'ai pas quitté mon poste pour récupération d'horaire mais donc pour raison médicale après avoir vu l'infirmière et mon médecin plus tard.

Je vous ai fait part à vous et à [Z] [P] que j'ai été victime de harcèlement de la part de ma chef de service et certains de mes collègues avant et après mon retour d'arrêt maladie et qu'il serait inadmissible qu'on envisage de se débarrasser de moi pendant mes ennuis de santé.

Mon souhait est de poursuivre mon travail dans cet établissement pour lequel je travaille depuis 10 ans dans le respect de mon accueil [...]

Je suis obligée de préciser que [O] [T] n'a pu me recevoir pour que je lui dise que je devais partir car elle était longuement au téléphone avec vous même et ensuite avec le CGSM service informatique de l' ADAGE et que [K] [F] lui a demandé et dit que je voulais lui parler et c'est ce qu'elle a répondu je suis au téléphone avec... donc j'ai attendu et [R] [D] secrétaire l'a dit avoir informé [C] [J], secrétaire RH, et que c'état pareil [...]'.

Selon l'article L.1333-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme, ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, forme sa conviction au vu des éléments retenus par l'employeur pour prendre la sanction et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'employeur communique une note rédigée par Mme [T], supérieure hiérarchique, qui signale à sa hiérarchie l'incident dans les termes suivants : Après que Mme [A] - qui occupe avec Mme [U], en alternance, le poste à l'accueil - lui a signalé la 'disparition' du fichier relatif à l'enregistrement du courrier, la chef de service indique avoir voulu s'en entretenir avec Mme [U], cette dernière ayant traité le courrier la veille, laquelle après l'avoir interpellée sèchement sur l'objet de l'entretien, a refusé de la rencontrer, lui a répondu qu'elle devait partir à l'infirmerie ce qu'elle a fait précipitamment, 'en faisant preuve d'émotion', et qu'elle est revenue une vingtaine de minutes après en informant la secrétaire qu'elle avait besoin de se reposer ce qu'elle a fait sans attendre mon accord.

Par ce même courrier, cette supérieure indiquait que depuis son récent retour d'arrêt maladie, lequel avait duré plus de cinq mois, la salariée manquait de tact et de diplomatie [...] situation créant un climat extrêmement tendu dans un contexte de réorganisation du service administratif, effective depuis juillet compte tenu des nouvelles tâches relatives au SESSAD de [Localité 5] dévolues à ce service, ce dont elle l'avait informée et indiqué que les diverses tâches étaient clairement définies pour les deux personnes travaillant à l'accueil, Mme [U] et Mme [A], dont l'appelante dénonce, dans ses conclusions, le comportement harcelant à son égard.

La chef de service concluait son signalement par les termes suivants 'il me semble important et urgent de remédier à cette situation pesante qui ne permet pas à l'équipe de travailler sereinement [...]'.

Il est ainsi établi que Mme [U], invitée par sa supérieure à échanger avec elle suite à la suppression malencontreuse d'un fichier informatique, erreur signalée à la chef de service par une collègue que la salariée dénonce comme exerçant sur elle des agissements harcelants, ne s'est pas sentie en capacité de faire face à une éventuelle remontrance, et s'est rendue à l'infirmerie avant de quitter le lieu de travail après avoir prévenu la secrétaire du service, sans validation par la chef de service.

L'employeur ne remet pas utilement en question les observations de l'intéressée aux termes desquelles elle indique avoir attendu, de retour de l'infirmerie, que Mme [T] achève une conversation téléphonique pour être reçue par elle, avant que la secrétaire ne lui indique avoir prévenue la responsable ressources humaines de la situation.

Si Mme [U] ne justifie pas du fait qu'elle se soit rendu auprès de son médecin traitant, au regard des seuls faits reprochés, partiellement établis, cette sanction prononcée à l'égard d'une salariée qui totalisait alors dix années d'ancienneté, qui revenait d'un arrêt maladie qui avait duré cinq mois, au cours duquel le service avait été réorganisé, et pour laquelle le médecin du travail avait préconisé notamment la nécessité 'd'inclure les différentes tâches dans sa fiche de poste et d'être vigilant sur l'organisation du travail et d'envisager son accompagnement', est disproportionnée.

La sanction sera donc annulée et le jugement infirmé sur ce point et le préjudice moral en découlant pour Mme [U] sera justement indemnisé par l'octroi de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

Au soutien de sa demande indemnitaire, Mme [U] invoque de manière incidente un harcèlement moral en visant les textes applicables en la matière et en actant que les faits répétés de Mme [A] étaient de nature à porter atteinte à sa dignité, sans pour autant demander à la cour d'en reconnaître l'existence. Elle se plaint donc essentiellement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité liée à une 'surcharge de travail et des difficultés organisationnelles et managériales' et au 'dénigrement constant' dont elle aurait fait l'objet de la part de Mme [A].

L'association ADAGES réfute catégoriquement tout manquement de sa part à ce titre et objecte avoir toujours porté une attention particulière à ses conditions de travail, sa santé et sa sécurité.

Par application des dispositions des articles 1103 du code civil (1134 code civil ancien) et L. 1222-1 du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail. L'engagement de la responsabilité contractuelle de l'employeur envers son salarié n'impose pas que l'employeur ait agi dans le but de nuire au salarié mais il suffit qu'il ait manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

Par ailleurs, ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. En vertu de ces textes, l'employeur est tenu à l'égard de son salarié d'une obligation de sécurité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Aucun élément précis n'est évoqué au soutien de la prétendue surcharge de travail, moyen qui n'est pas utilement argumenté par l'appelante, l'employeur justifiant en outre par l'évolution de ses fiches de poste que ses missions avaient été revues à la baisse et que si la salariée met en avant la nouvelle mission de la gestion de la réservation des salles de formation, seules 3 sessions ont été organisées en 2017, point non discuté par l'appelante. Ce fait n'est pas établi.

En revanche, s'agissant de sa souffrance au travail, Mme [U] établit :

- avoir alerté à plusieurs reprises la direction sur le harcèlement moral qu'elle estimait subir de la part de sa supérieure hiérarchique, Mme [T], et de collègues, dont Mme [A], qui exerçait les mêmes fonctions au sein de l'établissement, ces deux salariées se relayant au poste de l'accueil ; c'est ainsi que :

' par message en date du 26 août 2018 adressé à Mme [V], directrice, la salariée exposait qu'elle se sentait 'depuis un certain temps, agressée et en insécurité professionnelle, pas reconnue professionnellement et pas respectée [...] souhaiter bénéficier du même traitement que les autres ce qui n'est le cas actuellement'. Elle exprimait le voeu d'effectuer un bilan de compétences, ce qui sera effectivement mis en oeuvre en fin d'année 2018, ce dont la salariée remerciera la directrice ;

' le 13 septembre 2018, elle réitérait auprès de Mme [P], directrice adjointe, son souhait que sa fiche de poste soit clarifiée et celle de sa collègue, Mme [A], point qu'elle soulignait comme étant 'très important', et de bien veiller au respect envers elle des personnes du service ;

' par lettre du 19 octobre 2018, la salariée contestait l'avertissement notifié en indiquant notamment à Mme [V], lui avoir 'fait part ainsi qu'à [Z] [P] qu'elle était victime de harcèlement de la part de sa chef de service et de certains de ses collègues avant et après mon retour d'arrêt maladie et qu'il serait inadmissible qu'on envisage de se débarrasser d'elle pendant ses ennuis de santé' ;

' le 29 novembre 2018, Mme [U] signalait à Mme [P] toute une série de contrariétés professionnelles relativement à sa session d'ordinateur, sur le comportement autoritaire de Mme [A], sur le fait qu'elle lui avait écrasé son travail, qu'elle avait noté 'non fait' des photocopies alors qu'elle avait eu 4 jours pour les faire etc...

- avoir vainement sollicité, dans ce contexte, un rendez-vous au directeur général de l'association, en septembre 2018,

- que Mme [A] actait régulièrement d'éventuels manques ou erreurs censés être imputables à l'intéressée, en mettant en copie Mme [T], chef de service, ou Mme [P], directrice adjointe (pièces salarié n°31 à 42), alimentant de fait, à ce qui s'apparente en un sentiment de persécution éprouvé, à tort ou à raison, par Mme [U], que l'employeur qualifie dans ses conclusions de 'jalousie excessive vis-à-vis de sa collègue ' qu'il considère comme la cause de 'son comportement agressif et inapproprié à son égard, jusqu'au jour où elle est allée trop loin dans son agressivité ce qui lui a valu son licenciement,

- des prescriptions de Fluotemine et l'Alprazolam lors de son premier arrêt maladie, les certificats prescrivant ces arrêts maladie n'étant pas en revanche versés aux débats,

- les avis du médecin du travail en date du 30 août 2018 (visite de reprise) préconisant la nécessité 'd'inclure les différentes tâches dans la fiche de poste et d'être vigilant sur l'organisation du travail, et d'envisager l'accompagnement de la salariée par des formations si besoin', et du 4 octobre 2018 (visite à l'initiative de la salariée) préconisant à l'employeur de 'prioriser les tâches effectuées ou susceptibles d'être demandées à la salariée lesquelles doivent être incluses dans la fiche de poste', le médecin du travail sollicitant que cette fiche lui soit adressée ;

- par le témoignage qui n'est pas utilement critiqué par l'employeur de Mme [F], qui indique avoir eu l'opportunité de rencontrer Mme [U] dans le cadre de son emploi de comptable au sein de l'établissement et témoigne dans les termes suivants :

« Dès mon arrivée, j'ai ressenti le fait que [I] n'était pas intégrée à l'équipe très soudée du service administratif. [I] était réservée et quelques semaines après mon embauche, j'ai compris qu'elle était mise à l'écart volontairement par certaines personnes du service dont notre chef de service. Ces personnes disaient qu'elle était incompétente et déséquilibrée. Dans les dernières semaines de présence de [I] à l' ITEP, j'avais eu écho par les membres de l'équipe d'erreurs ou d'altercations avec [I]. Pour ma part, je n'ai jamais assisté à de telles scènes. Je n'ai n'ai pas rencontré de problème avec [I], j'ai même apprécié les moments passés avec elle notamment à l'occasion d'un séminaire RSO organisé par le siège de l'association. Je l'ai trouvée intéressante, pertinente dans ses interventions. À ce moment là, mon retour positif sur [I] auprès de l'équipe administrative n'a pas été bien accueilli, me disant que n'étant pas là dans les années passées je n'avais pas pu constater tout le mal qu'elle avait fait. [...] Je travaillais souvent en binôme avec Mme [T]. [Y] [A] dans les périodes de tensions avec Mme [U] venait souvent échanger sur la situation avec [O] devant moi. [O] [T] n'était pas, selon moi, à ces moments là dans une position de supérieure hiérarchique. Elle 'cassait du sucre sur le dos de [I] et exprimait ouvertement le fait à [Y] que ce n'était qu'une question de temps pour qu'elle puisse 'dégager' [I]. Cette situation au sein du service était malsaine [...] ».

Force est de constater que l'employeur n'allègue ni ne justifie a fortiori avoir pris en considération les alertes réitérées de la salariée dénonçant des agissements de harcèlement moral, peu importe que celui-ci n'ait pas été expressément invoqué ; c'est ainsi que l'association n'allègue pas avoir fait diligenter une quelconque mesure d'investigation afin de déterminer si la situation de harcèlement moral dénoncée par la salariée reposaient sur des éléments objectifs ou un simple ressenti, et si la souffrance exprimée pouvait être mise en lien avec les conditions de travail, afin d'apprécier le cas échéant la mise en oeuvre d'éventuelle mesure corrective notamment en termes d'organisation de travail dans un contexte où le médecin du travail avait attiré à deux reprises l'attention de l'employeur sur la fragilité de la salariée et la nécessité de veiller à l'accompagner et à préciser le cadre de ses fonctions.

En effet, alors que le médecin du travail avait souligné la nécessité d'être vigilant sur l'organisation du travail d'envisager l'accompagnement de la salariée par des formations si besoin, et d'identifier par une fiche de poste les différentes tâches effectuées ou susceptibles de lui être demandées, Mme [U] indique sans être contredite que sa fiche de poste ne lui sera finalement remise qu'en juin 2019.

Certes, l'association intimée justifie que Mme [U] a bénéficié régulièrement d'entretiens professionnels, de formations, et d'une promotion en septembre 2017 à la position conventionnelle d'agent administratif.

De manière positive, il est en outre constant que l'employeur a pris financièrement en charge le coût de séances de sophrologie de la salariée, à la fin de l'année 2018, ce qui acte sa parfaite conscience de la souffrance ressentie au travail par Mme [U].

Toutefois, alors même que Mme [T] avait attiré le 12 septembre 2018 l'attention de la direction sur la dégradation du climat au sein du service, dont la chef de service imputait la seule responsabilité à Mme [U], et que cette dernière a régulièrement interpellé la direction sur le harcèlement moral qu'elle estimait subir de la part de sa supérieure et de sa collègue ou fait état de son mal être, de son sentiment de ne pas être reconnue, ces seules initiatives sont insuffisantes pour satisfaire à son obligation de sécurité dans un contexte objectivé de climat social, au sein du service, dégradé et de forte mésentente entre deux salariées travaillant sur le même poste en alternance ou relai.

Il en découle que l'employeur a bien manqué à son obligation de sécurité et le préjudice en résultant doit être fixé à la somme de 3 000 euros.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur la cause du licenciement :

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

« [...] depuis la rentrée des vacances le 26 août, les relations que vous entretenez avec votre collègue de travail se sont fortement dégradées ainsi qu'avec votre supérieur hiérarchique.

Le jeudi 12 septembre, vous avez fait irruption dans le bureau de votre collègue à 12h10, après la fin de votre service, juste après le départ de votre chef de service et l'avez interpellée violemment. Vous lui avez dit en brandissant des documents : 'tu n'as pas à envoyer ce genre de mails aux chefs de service, tu fais ça pour me nuire, ça ne se passera pas comme ça, tu vas voir.'

Mme [A] vous a signifié calmement qu'elle n'avait pas le temps de vous répondre, qu'elle avait du travail et vous a demandé de quitter son bureau et de lui envoyer un mail pour lui faire part de vos remarques. Devant votre refus de quitter son bureau et votre insistance, Mme [A] est sortie de son bureau en vous disant que si tel n'était pas le cas, elle souhaitait poursuivre cet entretien en présence d'un témoin, Mme [J], secrétaire RH, qui se trouve dans le bureau d'en face.

Dans un premier temps, vous avez tout d'abord refusé de continuer cette discussion en présence de Mme [J], puis vous êtes ravisée en revenant sur vos pas et en disant à Mme [A] devant Mme [J] 'je vais d'abord régler mon problème de situation avec la direction puis je réglerai mon problème avec toi [Y], tu n'auras pas toujours tout Bourneville avec toi' et vous êtes repartie à l'accueil.

Cinq minutes plus tard, vous avez de nouveau fait irruption dans le bureau de Mme [A] en la menaçant une nouvelle fois et en lui disant 'la situation ne va pas en rester là, ça va se régler en toi et moi et franchement tu as intérêt à prendre un avocat

L'échange a pris une tournure inquiétante en raison de la froideur menaçante dont vous avez fait preuve. Si bien que Mme [J] qui vous a entendu depuis son bureau, inquiète, s'est

interposée entre vous et la salariée.

Mme [A], en état de choc psychologique, s'est réfugiée immédiatement à l'infirmerie

où elle a été dans un premier temps accueillie par l'infirmière qui a appelé le médecin. Mme [A] était très affectée et elle avait une tension extrêmement élevée. Le médecin a été dans l'obligation de lui prescrire un arrêt de travail de 48 heures dans le cadre d'un accident de travail avec pour objet : « altercation et agression verbale violente, choc nerveux et incapacité de travail ».

Mme [A] a été également reçue par le médecin du travail à la suite de cet incident le

jeudi 19 septembre, puis par son médecin traitant qui lui a délivré un nouvel arrêt de 15 jours.

Lorsque je suis arrivée sur les lieux le jour même, prévenue par Madame [T], Chef de Service, je suis allée voir Mme [A] qui était encore à l'infirmerie. Elle m'a relaté les faits, très choquée et en larmes, en me précisant qu'elle ne comprenait pas comment de simples courriels anodins avaient provoqués une telle réaction de votre part. J'ai ensuite lu les courriels en question et je n'ai pu que constater qu'il s'agissait de courriels d'information strictement factuels concernant un jeune sans aucun commentaire et dont vous n'étiez pas destinataire.

Cet incident n'est malheureusement pas isolé. En effet, le jeudi 29 août à 16 heures 20, vous

avez sèchement interpellé Mme [O] [T], votre Chef de Service, devant l'accueil en présence de salariés et de jeunes de l'établissement. Vous avez été agressive a son égard en lui disant : « qu'elle n'avait pas été consultée et informée en amont du changement de la fiche de poste de Mme [A], en l'accusant d'avoir favorisé une fois de plus sa collègue, de lui

avoir obtenu une nouvelle promotion en disant : toujours la même personne, comme d'habitude et qu'elle n'était pas d'accord  ». Vous aviez une posture menaçante, appuyé les deux bras tendus sur le comptoir de la banque d'accueil et, vous parliez sèchement en criant et en haussant les épaules.

Votre Chef de Service a immédiatement recadré les choses en disant que vos remarques étaient infondées puisque Mme [A] n'a pas bénéficié de promotion.

Votre Chef de Service vous a signifié une nouvelle fois que votre mission première était avant

tout de veiller au bon fonctionnement de l'accueil de l'établissement et, principalement au

respect du service rendu aux usagers.

Je vous rappelle que le règlement intérieur de l'Adages précise dans son article IV ' 1: « Chaque salarié doit respecter les règles élémentaires de savoir-vivre et de savoir-être en collectivité.

Toute rixe, injure, insulte, tout comportement agressif, et toute incivilité sont interdits dans

l'entreprise. »

Des échanges corrects entre collègues constituent le minimum fondamental attendu de tout

salarié au sein de l'établissement, afin de favoriser le bien-être de chacun sur son lieu de travail et d'éviter des dysfonctionnements au sein des services.

J'attire également votre attention sur le fait que votre comportement lors de cet incident à l'accueil, en présence de jeunes l'établissement, est inacceptable. Les jeunes orientés au sein de notre institution ont des troubles psychologiques ainsi que des troubles du comportement. Ils vivent au quotidien des situations difficiles, notre mission première est avant tout de les aidera surmonter ces difficultés dans un contexte serein et approprié auquel chaque salarié de

l'établissement doit contribuer en ayant a minima une posture et un relationnel adapté.

De plus, vous avez déjà eu un avertissement le 12 septembre 2018 pour des faits similaires et je ne peux malheureusement que constater que vous n'avez pas du tout modifié votre comportement.

Ce comportement est inacceptable dans une équipe de travail. Votre attitude porte préjudice au bon fonctionnement de l'établissement et du service administratif et met en danger vos collègues au quotidien.

Les explications que vous avez fournies lors de notre entretien du 24 septembre ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Nous vous informons que nous avons, en

conséquence, décidé de vous licencier pour faute.

Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien au sein de l'établissement s'avère impossible. Le licenciement prend donc effet immédiatement [...] ».

Mme [U] critique la décision entreprise en ce qu'elle a considéré établie la matérialité de faits.

Elle estime également que la sanction retenue par l'employeur est manifestement disproportionnée par rapport aux faits reprochés et compte tenu du travail irréprochable qu'elle indique avoir fourni durant les onze années passées au sein de l'établissement. Elle considère avoir en réalité été sanctionnée pour avoir dénoncé les agissements répétés subis par sa collègue et la détérioration de ses conditions de travail, l'employeur souhaitant depuis plusieurs mois se séparer d'elle. Enfin, elle reproche au conseil de ne pas avoir respecté les stipulations de l'article 33 de la convention collective en vertu desquelles et à défaut pour l'employeur de pouvoir justifier de deux sanctions disciplinaires, le conseil ne pouvait valider le licenciement pour cause réelle et sérieuse.

L'association ADAGE critique la décision entreprise en ce que le conseil a fait une mauvaise lecture et appréciation du témoignage de Mme [J] relativement à l'incident ayant opposé la salariée à Mme [A] et en ce qu'il n'a pas examiné le second grief relatif au comportement inapproprié adopté quelques jours auparavant par la salariée à l'égard de sa supérieure, Mme [T]. L'association soutient ainsi rapporter la preuve de la faute grave reprochée.

En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.

Par ailleurs, il ressort des dispositions de l'article 33 de la convention collective applicable « Sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions citées ci-dessus, prise dans le cadre de la procédure légale». Il en ressort qu'à défaut pour l'employeur de rapporter la faute grave reprochée, le licenciement justifié pour cause réelle et sérieuse requiert pour être valable deux sanctions préalables.

Nonobstant les dénégations de la salariée, l'association ADAGES rapporte la preuve :

- d'une part, que Mme [U] a interpellé le 1er septembre 2019 Mme [T], sinon en présence de jeunes de l'établissement, à tout le moins de celle de Mme [G], éducatrice, qui en atteste, au sujet d'une récente réorganisation du traitement des entrées, de la prétendue promotion dont on aurait bénéficié Mme [A] et ce de manière véhémente.

Mme [G] décrit 'l'échange vif et l'agressivité de Mme [U] qui la surprend' ; alors qu'elle effectue des photocopies, elle indique percevoir des bribes de l'échange 'je ne suis pas d'accord, pas du tout d'accord, il n'y en a que pour [Y], c'est toujours pareil, je vais écrire' et précise que Mme [T] tente de différer l'échange en disant que ce n'est ni le lieu ni le moment, qu'elle en reparleront, mais Mme [U] continue à vociférer sur elle [...]'.

Mme [T] a signalé cet incident à la directrice de l'association par message du 6 septembre 2019 en précisant avoir recadré les choses en lui indiquant qu'elle revenait constamment sur des faits qui n'avaient plus lieu d'être étant donné qu'elle avait mis en place une nouvelle répartition de ses fonctions et de celles de Mme [A], signalant que cette situation récurrente engendrait des dysfonctionnements importants au sein du service, faits pour lesquels la chef de service sollicitait la notification à la salariée d'un avertissement, ce dont il résulte que le comportement excessif adopté par la salariée, avéré, n'emportait pas à conséquence sur la poursuite de la relation contractuelle ;

- d'autre part, que dans le contexte de mésentente entre les deux salariées affectées à l'accueil et du ressenti de harcèlement moral éprouvé par Mme [U], et après que Mme [A] ait répondu au message de la salariée, ayant pour objet 'report réunion de suivi [E]', l'invitant à voir avec [R] ('Voir avec [R], [Y]. C'est elle qui s'est occupée de la dernière liste des usagers... [I]') dans les termes suivants 'pour rappel je ne m'occupe pas du livret de rentrée, donc ni de la liste des usagers non plus, je te laisse donc vérifier par toi-même [W] [Y]'), le message de Mme [A] comme celui initialement transmis par Mme [U], étant adressés à la hiérarchie en copie, l'appelante l'a interpellée de manière virulente en tenant des propos menaçants « je vais d'abord régler mon problème de situation avec la Direction puis je réglerai mon problème avec toi [Y], tu n'auras pas toujours tout Bourneville avec toi », puis après s'être absentée quelques instants, en interpellant de nouveau sa collègue dans les termes suivants « La situation ne va pas en rester là, ça va se régler entre toi et moi et franchement, tu as intérêt à prendre un avocat », ainsi qu'en témoigne par attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile Mme [J].

Il est constant que suite à cette altercation, Mme [A], choquée, a été arrêtée par son médecin traitant pour accident du travail.

Ces derniers faits, avérés, constitutifs d'un manquement aux dispositions du règlement intérieur, caractérisent à tout le moins une cause réelle et sérieuse. S'agissant de la question de savoir s'ils rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise durant le délai congé, il sera retenu que cet incident s'inscrit dans le contexte de dégradation des conditions de travail de la salariée dont l'employeur n'a pas pris la mesure en s'abstenant de prendre une quelconque initiative afin d'identifier objectivement les causes de cette situation et les responsabilités, potentiellement partagées, de la mésentente régnant entre Mme [A] et Mme [U], et en maintenant ces deux collaboratrices, qui occupaient alternativement le poste d'accueil de l'établissement, en situation de devoir quotidiennement collaborer.

L'agressivité manifestée et les propos menaçants tenus par la salariée le 12 septembre à l'égard de sa collègue, étant en lien avec le manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité, ci-avant caractérisé, les faits reprochés, établis, ne caractérisent pas une faute d'une gravité telle qu'ils rendaient impossibles la poursuite de la relation de travail durant le délai congé.

Aussi, le jugement du conseil de prud'hommes a justement considéré que la faute grave n'était pas établie.

Toutefois, selon l'article 33 de la convention collective « Sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions citées ci-dessus, prise dans le cadre de la procédure légale ».

Faute pour l'employeur de justifier de deux sanctions prononcées contre Mme [U] préalablement à l'engagement de la procédure disciplinaire ayant conduit au licenciement, et respecter ainsi la garantie de fond dont bénéficient les salariés relevant de cette convention collective, le conseil de prud'hommes n'a pas tiré les conséquences de sa décision laquelle emporte le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation du licenciement :

Au jour de la rupture, Mme [U] âgée de 48 ans bénéficiait d'une ancienneté d'au moins onze années révolues au sein de l'association ADAGES qui employait plus de dix salariés. Sa rémunération s'établissait à 848,57 euros, la moyenne de ses trois derniers salaires s'élevant à 952,96 euros.

Le licenciement étant injustifié, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents, qui sont justifiées dans leur principe et ne sont pas discutées par les parties dans leur quantum.

Aux termes de ses dernières conclusions, Mme [U] sollicite en cause d'appel la condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 2 680,19 euros au titre d'un solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

À juste titre, l'association ADAGES relève que ce chef de demande n'était pas visé dans sa déclaration d'appel et ne dépend pas des chefs de jugement expressément critiqués. Or, en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Cette déclaration d'appel n'a pas été régularisée par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel étant donc dépourvue d'effet dévolutif du chef de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, la cour n'est pas saisie de la critique élevée par le salarié dans ses conclusions sur le montant de cette indemnité.

En ce qui concerne l'indemnisation de la perte injustifiée de son emploi, Mme [U] justifie s'être inscrit à Pôle-emploi et avoir bénéficié de l'allocation de retour à l'emploi.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 10,5 mois de salaire brut.

Compte tenu des éléments dont dispose la cour, et notamment de l'âge de la salariée au moment du licenciement, et des perspectives professionnelles qui en découlent, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué à la somme de 4 500 euros bruts. Au vu de l'ancienneté et de l'effectif de l'association, supérieur à dix salariés, il sera fait application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation est de droit lorsqu'elle est demandée en justice.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu l'article 562 du code de procédure civile,

Dit que la cour n'est pas saisie du chef du quantum de l'indemnité de licenciement,

Confirme le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement n'était pas fondé sur une faute grave et en ce qu'il a condamné l'association ADAGES à verser à Mme [U] les sommes de :

- 1 905,92 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 190,59 euros d'indemnité compensatrice des congés payés afférents,

- 960 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Vu l'article 33 de la convention collective applicable,

Juge le licenciement injustifié,

Condamne l'association ADAGES à verser à Mme [U] les sommes suivantes :

- 500 euros de dommages-intérêts pour avertissement injustifié,

- 3 000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 4 500 euros bruts d'indemnité pour licenciement injustifié,

y ajoutant,

Vu les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes,

Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière,

Condamne l'association ADAGES à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Naïma Digini, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04914
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.04914 ?
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