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27/06/2024 | FRANCE | N°19/06494

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 27 juin 2024, 19/06494


ARRÊT n°



































Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 27 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/06494 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OK7O





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 SEPTEMBRE 2019

TRIBUNAL DE GRAN

DE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 18/00871





APPELANTE :



MIC INSURANCE venant aux droits de MILLENIUM INSURANCE COMPANY société de droit étranger dont le siège social est [Adresse 3] GIBRALTAR dont l'agent souscripteur en France est la société LEADER UNDERWRITING

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Locali...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 27 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/06494 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OK7O

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 SEPTEMBRE 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 18/00871

APPELANTE :

MIC INSURANCE venant aux droits de MILLENIUM INSURANCE COMPANY société de droit étranger dont le siège social est [Adresse 3] GIBRALTAR dont l'agent souscripteur en France est la société LEADER UNDERWRITING

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Fanny LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [K] [X]

né le 17 Mars 1960 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

et

Madame [L] [A] épouse [X]

née le 01 Juillet 1959 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentés par Me Joël JUSTAFRE de la SCP SAGARD - CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

SARL COULEUR BETON

RCS de PERPIGNAN n° 533 064 333, en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 19/01/2022, désignant Me [E] [Y], liquidateur judiciaire

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER - a dégagé sa responsabilité

INTERVENANTE :

Me [E] [Y] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL COULEUR BETON désignée par jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 19 janvier 2022

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non représentée - assignée le 09 février 2022 à personne habilitée

Ordonnance de clôture du 06 Mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Avril 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice DURAND, conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller faisant fonction de Président en l'absence du président empêché

Mme Brigitte DEVILLE, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

- rendu par défaut ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Fabrice DURAND, conseiller faisant fonction de Président en l'absence du président empêché, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

M. [K] [X] et Mme [L] [A] épouse [X] sont propriétaires d'une maison d'habitation sise [Adresse 2] (Pyrénées-Orientales).

Aux termes d'un devis accepté du 12 août 2015, M. et Mme [X] ont confié à la SARL Couleur Béton la réalisation d'un sol en béton coulé en rez-de-chaussée de leur maison au prix de 7 524 euros TTC.

Ce prix correspondait à un prix unitaire de 95 euros HT/m² appliqué à une surface de 80 m².

La SARL Couleur Béton est assurée en responsabilité décennale auprès de la société Millenium Insurance Company (MIC) domiciliée à Gibraltar.

L'ouvrage a été réceptionné le 26 novembre 2015 avec réserves.

M. et Mme [X] ont payé la facture du 27 novembre 2015 d'un montant de 7 669 euros TTC (solde de 5 181 euros TTC, après imputation de l'acompte de 2 508 euros TTC figurant sur la situation n°1).

Un différend est apparu entre les parties concernant des désordres affectant le sol en béton coulé.

Ce différend a donné lieu à deux protocoles d'accord successivement signés par les parties le 8 décembre 2015 et le 28 janvier 2016.

Mais par la suite, M. et Mme [X] se sont plaints de nouveaux désordres affectant le sol et ont fait réaliser le 3 mars 2016 une expertise privée par l'EURL AEB.

Par courrier du 2 novembre 2016, M. et Mme [X] ont mis en demeure la SARL Couleur Béton de leur payer la somme de 10 252 euros TTC représentant le coût de réparation des désordres établi par devis du 21 septembre 2016 de l'entreprise Matières et Couleurs.

Par actes d'huissier du 12 avril et du 20 avril 2017, M. et Mme [X] ont assigné la SARL Couleur Béton et son assureur MIC devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Perpignan aux fins d'obtenir une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 21 juin 2017, le juge des référés a ordonné l'expertise sollicitée qu'il a confiée à Mme [V] [H] [F], une provision sur frais d'expertise de 1 500 euros devant être préalablement versée par M. et Mme [X].

L'expert judiciaire a débuté ses opérations le 3 novembre 2017. Il proposait dans un premier temps l'intervention d'un expert sapiteur, avant de solliciter le versement d'une provision complémentaire de 7 281,10 euros TTC, portant le coût total de l'expertise à 8 781,10 euros TTC.

Par ordonnance du 6 mars 2018, le juge chargé du contrôle des expertises rejetait cette demande de consignation complémentaire en raison de son montant élevé et invitait Mme [H] [F] à déposer son rapport en l'état.

L'expert judiciaire a déposé son rapport en l'état le 17 mai 2018.

Par acte d'huissier respectivement signifiés le 27 juillet 2018 et le 1er août 2018, M. et Mme [X] ont assigné la SARL Couleur Béton et son assureur MIC devant le tribunal de grande instance de Narbonne aux fins d'être indemnisés pour les désordres subis.

La société MIC a déposé le 19 septembre 2018 ses conclusions au greffe du tribunal.

Par ordonnance du 19 septembre 2018, l'instruction a été clôturée et le dossier a été fixé à l'audience de plaidoirie du 22 novembre 2018.

Par ordonnance du 9 mai 2019, le juge de la mise en état a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par la société MIC afin de joindre aux débats ses conclusions déposées le 19 septembre 2018.

Par jugement contradictoire du 2 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Narbonne a :

' constaté que l'ordonnance de clôture avait été rendue le 19 septembre 2018 et que par décision du 9 mai 2019 le juge de la mise en état avait rejeté la demande de révocation de cette décision ;

' dit que le tribunal n'était saisi d'aucun contentieux relatif à l'ordonnance de clôture ;

' écarté des débats les conclusions signifiées après le 19 septembre 2018 ;

' dit que les désordres affectant l'immeuble de M. et Mme [X] relevaient de la garantie décennale des constructeurs ;

' dit que la société MIC était tenue de garantir son assuré la SARL Couleur Béton pour l'intégralité des dommages matériels et immatériels ;

' condamné in solidum la SARL Couleur Béton et la société MIC à payer à M. et Mme [X] :

- 10 252 euros TTC au titre des travaux de reprise ;

- 15 877 euros TTC au titre des travaux consécutifs à la reprise de la chape de béton ;

- 2 500 euros en réparation du trouble de jouissance ;

' dit que la somme relative aux travaux sera réévaluée à la date du paiement effectif en fonction de la variation de l'index BT01, l'index de base étant le dernier publié à la date du rapport de l'expert, et que les autres sommes porteront intérêts, légaux dans les conditions prévues par la loi ;

' ordonné l'exécution provisoire du présent jugement en totalité pour les travaux de reprise et à hauteur de la moitié pour le surplus ;

' condamné in solidum la SARL Couleur Béton et la société MIC à payer à M. et Mme [X] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' débouté M. et Mme [X] du surplus de leurs demandes ;

' condamné in solidum la SARL Couleur Béton et la société MIC aux dépens comprenant les frais de référé et d'expertise, avec droit de recouvrement direct.

Par déclaration au greffe du 30 septembre 2019, la société MIC a relevé appel de ce jugement.

La SARL Couleur Béton a constitué avocat et déposé au greffe ses conclusions d'intimée le 25 mars 2020.

La SARL Couleur Béton a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 19 janvier 2022 ayant désigné Me [E] [Y] comme liquidateur judiciaire.

Par courrier du 27 janvier 2022 reçu le 31 janvier 2022 par le mandataire liquidateur, M. et Mme [X] ont déclaré leur créance à la procédure collective.

Par acte d'huissier signifié le 9 février 2022, M. et Mme [X] ont assigné en intervention forcée Me [Y], mandataire liquidateur de la SARL Couleur Béton.

Vu les dernières conclusions de la SA MIC Insurance immatriculée depuis le 17 juillet 2020 au RCS de Paris sous le n°885 241 208 (venant aux droits de la société MIC) déposées au greffe le 9 novembre 2023 aux termes desquelles elle demande à la cour :

' à titre principal, de déclarer nul le jugement entrepris et statuant à nouveau en usant de sa faculté d'évocation de débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner aux entiers dépens de l'instance et à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' subsidiairement d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau de débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner aux entiers dépens de l'instance et à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' très subsidiairement, de déclarer la franchise de 1 500 euros opposable à M. et Mme [X] et de la déduire de toute condamnation ;

Vu les dernières conclusions de M. et Mme [X] déposées au greffe le 1er mars 2024 aux termes desquelles ils demandent à la cour :

A titre principal,

' de dire et juger que les désordres engagent la responsabilité décennale de la SARL Couleur Béton sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil ;

' de dire et juger que la garantie de la société MIC est engagée ;

' de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Couleur Béton et la société MIC à indemniser leurs préjudices ;

A titre subsidiaire,

' de dire et juger que la SARL Couleur Béton a commis une faute contractuelle en livrant un ouvrage affecté d'une non-conformité ou d'un vice en application des articles 1604 et suivants et 1641 du code civil ;

' de dire et juger que la responsabilité contractuelle de la SARL Couleur Béton est engagée sur le fondement des articles 1217 et 1231-1 (ancien article 1147) du code civil ;

' de condamner la SARL Béton Couleur à indemniser leurs préjudices ;

En toutes hypothèses,

' de rejeter la demande en nullité du jugement entrepris ;

' de rejeter toutes écritures contraires comme injustes ou infondées ;

' de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a réduit le préjudice de jouissance et rejeté l'indemnisation du préjudice moral ;

' de confirmer le jugement déféré pour le surplus ;

' de fixer leurs préjudices comme suit :

- 10 252 euros TTC au titre des travaux de reprise du sol avec application de l'indice BT01, l'indice de référence étant celui de 106,08 du mois d'octobre 2016 ;

- 15 877 euros TTC au titre des travaux consécutifs à la reprise du béton ciré avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- 4 000 euros en réparation du préjudice de jouissance sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

- 2 000 euros en réparation du préjudice moral sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

- 3 000 euros de frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

' de débouter la société MIC de ses prétentions ;

' de condamner in solidum les parties succombantes auxdites sommes et aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire dont distraction au profit de la SCP Sagard-Coderch Herre-Justafre-Sagard-Coderch en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

' de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Couleur Béton le montant des condamnations.

Me Gascon, mandataire liquidateur de la SARL Couleur Béton, n'a pas constitué avocat.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 6 mars 2024.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la demande d'annulation du jugement déféré présentée par la société MIC,

La société MIC fait valoir qu'elle est domiciliée à l'étranger. Elle soutient que le jugement déféré a été rendu en violation de son délai de comparution, la juridiction n'ayant pas tenu compte de l'augmentation de ce délai de deux mois par application de l'article 643 du code de procédure civile.

M. et Mme [X] s'oppose à cette demande d'annulation en soutenant que la société MIC, légalement représentée en France par la société Leader Underwriting à qui l'assignation introductive d'instance a été signifiée le 1er août 2018, disposait donc du délai habituel de quinze jours pour constituer avocat conformément à l'article 755 du code de procédure civile dans sa version alors applicable.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article 643 du code de procédure civile, le délai de comparution est augmenté de deux mois lorsque la personne assignée devant le tribunal judiciaire demeure à l'étranger.

L'article 645 alinéa 1er du même code précise que l'augmentation de délai prévue à l'article 643 s'applique dans tous les cas où il n'y est pas expressément dérogé.

Il est établi et non contesté par les parties que la société MIC est domiciliée dans le territoire britannique de Gibraltar.

Il résulte des dispositions combinées des deux articles précités que la prorogation de délai prévue en faveur d'une partie demeurant à l'étranger est subordonnée à la seule condition du domicile à l'étranger, sans autre exception possible qu'une disposition dérogatoire expresse.

Ainsi, M. et Mme [X] ne sont pas fondés à se prévaloir d'un simple domicile élu par la société MIC au domicile de la société Leader Underwriting (Civ. 2e, 9 septembre 2010 n°09-70.087).

Il en résulte que le seul fait que l'acte introductif d'instance ait été régulièrement signifié à Mme [G] [W], personne habilitée présente au domicile élu, n'a pas pour conséquence de faire échec à l'augmentation du délai de comparution.

Le fait que la société MIC soit représentée en justice dans le présent dossier, mais aussi dans d'autres affaires, par la société Leader Underwriting ne démontre pas davantage l'existence d'une dérogation expresse à l'augmentation de délai prévue par l'article 643 du code de procédure civile au profit de la société appelante.

M. et Mme [X] ne sont pas davantage fondés à écarter l'application de l'article 643 du code de procédure en faisant valoir :

- la distribution en France de nombreux contrats d'assurance par la société MIC ;

- la gestion de ces contrats et la délivrance d'attestations d'assurance par la société Leader Underwriting ;

- l'indication sur son site internet de ce que « son agence de souscription en France est Leader Underwriting Leader Souscription SARL » ;

- l'existence d'un délai de 50 jours suffisant pour lui permettre de constituer avocat ;

- les mentions de l'acte d'appel du 1er octobre 2019 qui ne font état d'aucune dérogation à l'augmentation du délai de comparution suite à l'assignation du 1er août 2018 ;

- l'absence d'incident survenu lors de l'instance en référé ayant précédé l'instance au fond ;

- ni même la transmission à titre confraternel de l'acte introductif d'instance ou l'envoi de diverses informations informelles entre avocats.

La preuve n'est pas apportée par les appelants de ce que la société Leader Underwriting disposerait d'un mandat général de représentation de la société MIC en France privant cette société du bénéfice des dispositions de l'article 643 du code de procédure civile.

En particulier, les deux arrêts de la Cour de cassation du 7 mars 1979 et du 12 novembre 1997 cités par les appelants sont intervenus au stade de l'appel et donc nécessairement après que le représentant ait été expressément désigné devant la juridiction de première instance par la personne représentée. Ces deux arrêts ne sont donc pas transposables à l'acte introductif d'instance signifié à la société MIC, cet acte étant intervenu avant qu'elle ait pu désigner une personne pour la représenter en justice.

Enfin, l'article 647 du code de procédure civile n'est pas applicable en l'espèce puisque l'acte introductif d'instance signifié à la société MIC a été signifié à domicile élu et n'a pas été « notifié à sa personne » ainsi que l'exigent les dispositions de l'article précité.

Il en résulte qu'ayant été assignée le 1er août 2018, la société MIC disposait d'un délai expirant le 17 octobre 2018 pour constituer avocat.

En clôturant la procédure d'instruction le 19 septembre 2018, le juge de la mise en état a violé les dispositions de l'article 643 du code de procédure civile et a ainsi méconnu les droits de la société MIC dont les conclusions déposées le 9 octobre 2018 ont été écartées à tort des débats.

L'ordonnance rendue le 9 mai 2019 par le juge de la mise en état rejetant la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 19 septembre 2018, non susceptible d'appel et dépourvue de l'autorité de chose jugée, a confirmé l'atteinte portée aux droits de la société MIC à défendre ses intérêts dans le cadre du procès.

En conséquence, le jugement déféré doit être annulé.

Lorsque la cause de la nullité du jugement est étrangère à la nullité de l'acte introductif d'instance, le litige a déjà été soumis une première fois au juge et la cour doit obligatoirement statuer au regard de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la réception de l'ouvrage,

La cour constate que la réception des travaux réalisés par la SARL Couleur Béton est intervenue contradictoirement avec réserves aux termes d'un procès-verbal signé le 26 novembre 2015.

La demande formée par M. et Mme [X] de différer la date de cette réception au 3 février 2016 doit donc être rejetée.

Sur les demandes fondées sur les articles 1792 et suivants du code civil,

L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

La cour relève en premier lieu que la SA MIC Insurance ne discute pas la qualification d'ouvrage, au sens de l'article 1792 du code civil, concernant l'application d'une couche de 8 mm d'un sol minéral décoratif (Weber Floor 4650) sur le carrelage existant.

La SA MIC Insurance soutient que les conditions d'application de la responsabilité décennale ne sont pas réunies s'agissant de désordres apparents lors de la réception et dont le caractère purement esthétique ne porte pas atteinte à la destination de l'immeuble.

L'expert judiciaire a constaté au sol des tâches de couleur plus claire que le revêtement ainsi que des rayures de couleur sombre autour desquelles se développent des tâches claires.

Ces tâches sont réparties de façon anarchique sur le sol, elles ne sont pas concentrées en des lieux particuliers et ne correspondent ni à des zones de passage ni à des zones où les risques de rayures sont accrus.

Les tâches claires correspondent à des zones où le traitement de surface du béton ciré a disparu en couche superficielle.

Les rayures ne concernent que le traitement de surface. L'expert a constaté que les traces noirâtres correspondant à ces rayures disparaissaient au lavage en laissant apparaître un béton homogène. Il n'existe aucune fissure dans l'épaisseur du béton ciré lui-même correspondant aux rayures.

Les tâches ne sont pas vulnérables à l'eau ainsi que cela ressort du test à l'eau qui n'a entraîné aucune modification de la couleur du béton.

Devant la porte-fenêtre du salon côté terrasse et contre le mur séparant la cuisine et l'escalier, des traces plus sombres forment comme un semis de points.

Sur une zone très localisée contre le mur de la chambre, le spectre de quelques joints du carrelage antérieur est visible, une cloque est également visible dans les wc.

L'expert judiciaire n'a mesuré ni la superficie totale de sol en béton ciré réalisé, ni la superficie concernée par l'apparition de tâches et de rayures.

La cour relève en premier lieu qu'à l'exception du spectre visible de quelques joints du carrelage ancien, les désordres litigieux n'ont pas fait l'objet de réserves lors de la réception.

En effet, les seules réserves mentionnées au procès-verbal de réception du 26 novembre 2015 sont les suivantes :  « Observations : les joints du carrelage ancien se voient sous le béton coulé à deux endroits côté porte d'entrée ».

Il ressort des pièces versées au dossier, et notamment des échanges entre les maîtres de l'ouvrage et l'entreprise que le désordre est apparu postérieurement à la réception dans toutes ses conséquences et dans son étendue.

La société MIC Insurance n'est donc pas fondée à soutenir que le désordre était apparent à la date de la réception de l'ouvrage.

Au regard de la nature des désordres constatés par l'expert judiciaire dans les termes précités, il n'est pas établi que ces désordres portent atteinte à la destination de l'immeuble entendue par les parties comme l'usage de l'immeuble comme habitation.

L'absence d'atteinte à la destination de l'immeuble est également établie par le rapport amiable du 3 mars 2016 de l'EURL AEB qui concluait en ces termes : « si le sol mis en place ne présente pas d'impossibilité d'usage, il présente un aspect inesthétique ne correspondant pas au produit vendu par la société Couleur Béton et surtout à ce qu'attendaient Mme et M. [X] [A] ».

L'EURL AEB a sensiblement modifié ses conclusions le 22 août 2016 en affirmant désormais que le sol « présente des problèmes techniques par microfissurations, fissurations du support et dégradations du support ». Ces dernières ne sont étayées par aucune constatation factuelle en ce sens et sont en outre contredites par les constatations faites par l'expert judiciaire le 3 novembre 2017.

Les trois photographies versées aux débats par les appelants (pièce n°37) confirment le caractère purement esthétique du préjudice causé par des tâches et des rayures ne portant aucunement atteinte à la fonctionnalité de ce sol en béton ciré.

La cour relève en outre qu'aucun constat d'huissier ni album photographique complet ne permet de connaître la répartition des tâches et rayures sur la totalité de la superficie de béton ciré.

Par courriel du 6 novembre 2023 (pièce n°38), M. [J] [T], expert en bâtiment intervenant à titre privé au bénéfice des appelants, affirme que « les désordres tels que constatés sont de types évolutifs et généralisés rendant à mon avis et cela en toute objectivité l'ouvrage impropre à destination » et que « l'aspect du revêtement et, au-delà des problèmes techniques tout à fait inesthétiques, a pour conséquence une diminution de la valeur vénale de leur bien ».

La cour relève cependant que l'affirmation précitée par M. [T] d'une impropriété à destination de l'immeuble ne correspond pas aux propres constatations de cet expert qui n'a lui-même relevé que des désordres mineurs consistant en de simples pigmentations éparses, d'écaillements et d'usure de la couche superficielle de vernis ne portant atteinte ni à l'intégrité du béton ciré ni à la fonctionnalité de ce sol ainsi que le confirment les six photographies jointes à ce courriel (pièce n°39).

Les constations de l'expert judiciaire et les autres pièces versées aux débats convergent donc pour établir que le désordre litigieux présente une ampleur limitée et un caractère purement esthétique.

Par ailleurs, il n'est pas factuellement établi par les appelants que ces désordres esthétiques mineurs porteraient atteinte à la destination de leur immeuble dont ils ne démontrent pas le niveau « de haut standing ».

En effet, la jurisprudence n'a étendu la notion d'impropriété à destination aux désordres esthétiques que dans des cas très particuliers d'immeubles de valeur patrimoniale, historique ou architecturale exceptionnelle dont ne relève pas l'immeuble des appelants.

Il résulte des précédents développements que les désordres litigieux ne présentent pas de caractère décennal et que les demandes formées par M. et Mme [X] contre la SARL Couleur Béton et son assureur sur le fondement de l'article 1792 du code civil doivent être rejetées.

Sur les demandes formées contre la SARL Couleur Béton sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,

Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable à la date du contrat d'entreprise conclu entre les parties, le débiteur est condamné au paiement de dommages-intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.

En l'espèce, il ressort de la description du sol figurant au devis du 12 août 2015 et des documents communiqués par la SARL Couleur Béton pour décrire ses prestations et présentant de ce fait un caractère contractuel, que cette entreprise s'est engagée à réaliser un sol en béton ciré sans fissuration ni faïençage.

Un revêtement en béton ciré est une matière particulièrement délicate à mettre en 'uvre pour laquelle il est impossible d'exiger le même niveau de perfection et d'uniformité esthétique que pour un produit industriel tel qu'un parquet ou un carrelage.

Toutefois, la réalisation d'un sol en béton ciré dans une maison d'habitation impose à l'entreprise de réaliser un sol présentant une certaine uniformité esthétique et une résistance mécanique adaptée à un usage normal de ce sol par les occupants de l'immeuble.

En l'espèce, le sol réalisé par la SARL Couleur Béton a rapidement présenté des défauts esthétiques et un écaillement du vernis de surface qui ne sont pas conformes à la prestation promise et légitimement attendue par M. et Mme [X].

La SARL Couleur Béton était contractuellement tenue de livrer un ouvrage exempt de vice qui est une obligation de résultat entraînant une présomption de sa responsabilité, sauf preuve apportée d'une cause étrangère à l'origine des désordres.

En conséquence, la SARL Couleur Béton est tenue d'indemniser M. et Mme [X] sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil.

M. et Mme [X] sollicite une indemnisation totale de 26 129 euros TTC représentant le coût de réparation du désordre, 4 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et 2 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

La cour relève en premier lieu que la somme demandée de 26 129 euros pour réparer le désordre s'appuient sur de simples devis qui n'ont pas été contrôlés ni validés par un expert judiciaire indépendant.

M. et Mme [X] n'apportent pas la preuve de la nécessité de refaire intégralement un sol en béton ciré dont l'intégrité n'est pas mise en cause, s'agissant d'un désordre n'affectant que la couche superficielle du béton et le vernis qui la recouvre.

Dans l'hypothèse où cette réfection serait nécessaire, le coût total de réfection de 26 129 euros TTC est manifestement surévalué au regard de la nature de l'ouvrage.

Par ailleurs, le principe de réparation intégrale du préjudice de la victime doit cependant respecter un principe de proportionnalité entre le dommage et la solution réparatoire.

En l'espèce, cette demande indemnitaire de 26 129 euros TTC est disproportionnée au regard de la faible gravité du désordre à caractère esthétique présenté par un ouvrage dont le coût de réalisation en 2015 s'est élevé à la somme de 7 669 euros TTC.

S'agissant d'un désordre esthétique n'affectant pas la matière même du béton ciré, la réparation de cet ouvrage implique seulement un ponçage en surface et la réfection du vernis de surface. Le coût de ces travaux est évalué à 60 euros/m² pour une surface de plancher de 80 m², soit 4 800 euros TTC.

Le coût de 15 877 euros TTC sollicité par les appelants pour les travaux secondaires est manifestement surévalué au regard de la seule nécessité de déménager les meubles pour réaliser les travaux.

En effet, ces travaux n'exigent pas le démontage de l'intégralité des éléments encastrés (poêle, tôle inox, climatisation et éléments de cuisine) pour un montant demandé de 10 267,80 euros TTC, ces éléments pouvant être hermétiquement protégés conformément à la pratique habituelle en matière de réfection de sol. La mise en 'uvre de cette protection est évaluée à 500 euros TTC.

Ces travaux n'exigent pas des travaux de réfection et de peinture des plinthes et des murs d'un montant total de 2 741,20 euros TTC. Ces éléments peuvent être correctement protégés par des bandes de masquage et bâches adaptées à cet usage. Le coût de cette protection est évalué à 700 euros TTC.

Le coût du déménagement et du stockage des meubles pendant les travaux est évalué à 2 500 euros TTC.

Il sera donc alloué à M. et Mme [X] la somme de 8 500 euros TTC représentant le coût de réparation du sol en béton ciré.

Il convient d'ajouter à cette somme une indemnité de 2 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi pendant les travaux ainsi que 1 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait du temps perdu et des tracasseries inhérentes à la gestion de ce sinistre.

Il convient donc de fixer au passif de la procédure collective de la SARL Couleur Béton les sommes suivantes au bénéfice de M. et Mme [X] :

- 8 500 euros TTC représentant le coût des travaux de réparation ;

- 2 000 euros en réparation du préjudice de jouissance ;

- 1 000 euros en réparation du préjudice moral.

Les demandes formées de ces chefs par M. et Mme [X] contre la SA MIC Insurance doivent être rejetées, la police d'assurance souscrite par la SARL Couleur Béton ne couvrant que les désordres de nature décennale.

Sur les demandes accessoires,

M. et Mme [X] succombent intégralement en appel contre la SA MIC Insurance et sont donc tenus de supporter les dépens dont cette dernière a fait l'avance.

Les dépens de l'instance, à l'exception cependant des frais d'expertise judiciaire, dont M. et Mme [X] ont fait l'avance seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Couleur Béton qui sera également tenue de verser une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'article 698 du code de procédure civile dispose que les dépens injustifiés afférents aux instances sont à la charge des auxiliaires de justice qui les ont faits sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

En l'espèce, Mme [H] [F] a souhaité faire appel à un expert sapiteur compétent en matière de béton coulé, ce qui revenait pour elle à déléguer l'intégralité de sa mission d'expertise, cette mission portant exclusivement sur le revêtement de sol réalisé par la SARL Couleur Béton.

Dans un second temps, Mme [H] [F] a sollicité un complément de consignation de versement d'une provision complémentaire de 7 281,10 euros TTC, portant le coût total de l'expertise à 8 781,10 euros TTC.

Ce dernier montant est exorbitant au regard de l'ampleur limitée des opérations d'expertise à réaliser concernant un revêtement de sol dont le coût de réalisation a été de 7 669 euros TTC.

Le rapport d'expertise très incomplet a ensuite été déposé en l'état, assorti d'un mémoire de frais de 2 879,62 euros TTC ne répondant pas aux chefs de la mission d'expertise.

Au regard de ces éléments, l'exercice normalement attentif, diligent et loyal de sa mission d'expert de justice par Mme [H] [F] aurait dû la conduire à renoncer à la mission qui lui était confiée si elle n'était pas compétente en matière de sols et revêtements techniques, à prévenir préalablement les parties du coût prévisible d'exécution de la mission d'expertise qui lui était confiée au regard de l'enjeu du litige et à déposer un rapport répondant à ses chefs de mission.

Ce comportement de l'expert judiciaire a fait obstacle au bon fonctionnement du service public de la justice et a généré au préjudice de M. et Mme [X] des frais injustifiés qui doivent être laissés à la charge de cet auxiliaire de justice.

Il convient donc en application de l'article 698 précité, et ce même en l'absence de demandes des parties en ce sens et sans qu'il soit nécessaire que l'auxiliaire de justice soit présent à l'instance, de prononcer la privation totale de rémunération de l'expert judiciaire présentant un caractère frustratoire et de mettre à sa charge les dépens de l'instance en référé ayant donné lieu à l'ordonnance du 21 juin 2017 qui l'a désignée.

Enfin, l'équité commande en l'espèce de rejeter la demande de la SA MIC Insurance contre M. et Mme [X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Annule le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Constate que les travaux ont fait l'objet d'une réception avec réserves par M. et Mme [X] selon procès-verbal signé le 26 novembre 2015 ;

Rejette les demandes de M. et Mme [X] fondées sur les articles 1792 et suivants du code civil en l'absence de désordre de nature décennale ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Couleur Béton les créances suivantes au bénéfice de M. [K] [X] et Mme [L] [A] épouse [X] :

- 8 500 euros TTC représentant le coût des travaux de réparation ;

- 2 000 euros en réparation du préjudice de jouissance ;

- 1 000 euros en réparation du préjudice moral ;

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les entiers dépens de première instance et d'appel dont M. et Mme [X] ont fait l'avance, à l'exception des dépens de référé et des frais d'expertise judiciaire ;

Dit que les dépens de l'instance en référé RG n°17/00314 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Perpignan ayant donné lieu à l'ordonnance du 21 juin 2017 ainsi que les frais d'expertise judiciaire afférents seront supportés par Mme [V] [H] [F] en application de l'article 698 du code de procédure civile ;

Dit que M. [K] [X] et Mme [L] [A] épouse [X] sont tenus de supporter les autres dépens de première instance et d'appel ;

Rejette les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/06494
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;19.06494 ?
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