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26/06/2024 | FRANCE | N°22/00915

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 26 juin 2024, 22/00915


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 26 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00915 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKDZ





Décision déférée à la Cour :

Juge

ment du 01 FEVRIER 2022

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER - N° RG 17/01390





APPELANTE :



S.C.S. C&A FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Pascal GEOFFRION de la SELEURL PG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE :



Madame [V] [B] ÉPOUSE [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]
...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 26 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00915 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PKDZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 FEVRIER 2022

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER - N° RG 17/01390

APPELANTE :

S.C.S. C&A FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Pascal GEOFFRION de la SELEURL PG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame [V] [B] ÉPOUSE [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Charlotte GIULIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

Ordonnance de clôture du 05 Mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

M. Jean-Jacques FRION, Conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Véronique ATTA-BIANCHIN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, apres prorogation de la date du délibere initialement prévue le 22 mai au 26 juin 2024 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Véronique ATTA-BIANCHIN, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat à durée indéterminée du 7 mars 1978, la société C&A FRANCE a recruté [V] [B] épouse [Z] en qualité de conseillère de vente, statut non-cadre, dans le secteur d'activité du commerce de détail d'habillement en magasin spécialisé.

[V] [B] épouse [Z] est tombée le 20 janvier 2016 d'un « pied d'éléphant » dans le magasin, marchepied mobile et s'est blessée causant un 'dème de la malléole externe sans lésions osseuses avec diagnostic d'une entorse et foulure de la cheville.

Par acte du 20 janvier 2016, [V] [B] épouse [Z] déclarait l'accident du travail et se plaignait d'une non conformité de ce marchepied mobile. La CPAM a reconnu le 14 mars 2016 le caractère professionnel de l'accident.

À l'occasion de la visite médicale de reprise du 16 août 2016, le médecin du travail déclarait la salariée apte avec aménagement de poste. Il préconisait que, dans la mesure du possible, il convenait de limiter la station debout prolongée, la prise d'escaliers et le port de poids répétitif avec nouvelle visite dans le délai d'un mois. Par décision du même jour, la CPAM notifiait à la salariée que son taux d'incapacité permanente était fixé à 5 % et qu'une indemnité en capital serait attribuée le 14 août 2016. Elle précise la présence de « séquelles algiques malléolaires externes droites à faible retentissement fonctionnel sur état antérieur ».

[V] [B] épouse [Z] reprenait son activité professionnelle jusqu'au 7 septembre 2016.

Le 7 septembre 2016, le médecin du travail indiquait que la salariée était apte mais qu'elle était à revoir pour soins et arrêt de travail.

[V] [B] épouse [Z] était en arrêt de travail du 7 septembre 2016 au 29 septembre 2016.

Lors de la visite de reprise du 30 septembre 2016, le médecin du travail indiquait que la salariée était inapte en une visite, avec danger immédiat pour la santé et la sécurité de la salariée ou celle d'un tiers sur le fondement de l'article R.4624-31 du code du travail.

[V] [B] épouse [Z] prenait des congés payés.

Par acte du 3 décembre 2016, l'employeur convoquait la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 20 décembre 2016. La salariée était licenciée le 26 décembre 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par acte du 14 décembre 2017, [V] [B] épouse [Z] saisissait le conseil de prud'hommes de Montpellier en contestation de la rupture.

Par jugement du 31 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale a débouté [V] [B] épouse [Z] de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à la suite de son accident du travail du 20 janvier 2016. Par arrêt du 16 novembre 2021, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il est nullement établi que la salariée, qui procédait à une mise en rayon en étant montée sur ce marchepied d'une hauteur de 40 cm, aurait nécessité le recours à un dispositif plus sécurisant pour une telle opération qui ne présentait aucun risque de danger qu'aurait dû anticiper et prévoir l'employeur qui n'avait pas été informé de l'initiative prise par la salariée qui souffrait d'entorses entorses à répétition du pied droit.

Par décision du 1er février 2022, le conseil de prud'hommes rejetait l'exception d'incompétence soulevée par l'employeur concernant la demande d'indemnisation de la violation de l'obligation de sécurité et disait que l'action de la salariée était recevable, rejetait l'exception d'incompétence concernant la demande de requalification du licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle en licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle, jugeait que l'employeur avait violé son obligation de sécurité à l'égard de la salariée, que la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnait l'employeur au paiement des sommes suivantes :

2000 euros nette de CSG/CRDS à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

70 000 euros nette de CSG/CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

4885,72 euros brute d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 488,57 euros brute à titre de congés payés y afférents,

1000 euros nette de CSG/CRDS sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonne à l'employeur la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision sous astreinte de 10 euros par document et par jour de retard à compter du 30e jour après notification de la décision,

déboute les parties de leurs autres demandes,

condamne l'employeur au remboursement des indemnités chômage du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnité de chômage.

Par acte du 15 février 2022, la société C&A FRANCE interjetait appel des chefs du jugement.

Par ordonnance du 11 mai 2022, le juge des référés de la cour d'appel de Montpellier rejetait la demande d'arrêt d'exécution provisoire de la société C&A FRANCE.

Par conclusions du 4 novembre 2022, la société C&A FRANCE demande à la cour de :

rejeter la demande de la salariée sur le caractère définitif de la condamnation à hauteur de la somme de 70 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que ce chef est dépendant de celui du jugement ayant dit que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse expressément critiqué par la déclaration d'appel,

infirmer le jugement en ce qu'il a :

rejeté l'exception d'incompétence concernant la demande de requalification de l'arrêt de travail pour maladie simple en arrêt de travail pour accident du travail et l'exception d'incompétence concernant la demande d'indemnisation pour violation de l'obligation de sécurité,

dit que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité,

statuant à nouveau, juger irrecevable la demande de reconnaissance de l'origine professionnelle de l'arrêt de travail pour maladie simple du 8 septembre 2016 qui relève de la compétence du pôle social du tribunal judiciaire,

juger irrecevable la demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité qui relève de la compétence du pôle social de tribunal judiciaire,

juger régulier et bien fondé le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle,

débouter la salariée de ses demandes,

et la condamner au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La société C&A FRANCE fait valoir qu'en critiquant le chef de jugement ayant considéré que le jugement était sans cause réelle et sérieuse, elle a nécessairement critiqué celui au titre de l'indemnité d'un montant de 70 000 euros versée à ce titre ; qu'à la suite de l'arrêt du travail pour cause d'accident du travail du 20 janvier 2016, le médecin du travail a considéré qu'à l'occasion de la visite de reprise du 16 août 2016, la salariée était jugée apte, qu'elle était ultérieurement en arrêt de travail pour maladie non professionnelle et que la salariée a été licenciée pour inaptitude non professionnelle ; qu'en tout état de cause, la juridiction prud'homale est incompétente pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie professionnelle et sur l'indemnisation résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Par conclusions du 6 août 2022, [V] [B] épouse [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 2000 euros nette de CGS/CRDS pour manquement à l'obligation de sécurité et celle de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en déboutant les parties de leurs autres demandes ; et statuant à nouveau, demande à la cour de condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

32 396,08 euros à titre de rappel de salaire sur l'indemnité spéciale de licenciement au titre d'un accident du travail,

4885,72 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 488,57 euros à titre de congés payés y afférents,

20 000 euros pour manquement à son obligation de sécurité de résultat,

15 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,

15 000 euros pour licenciement brusque et vexatoire,

1000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 60 euros par jour et par document,

ordonner le remboursement par l'employeur des allocations pôle emploi versées par la salariée conformément à l'article L.1235-4 du code du travail,

3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

[V] [B] épouse [Z] fait valoir que la condamnation d'un montant de 70 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse est définitive pour ne pas avoir été critiquée expressément par l'employeur dans sa déclaration d'appel qui s'est contenté de critiquer le chef de jugement ayant retenu un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que son inaptitude est due à l'accident du travail ; que la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur la notion d'accident du travail et sur l'indemnisation pour non-respect de l'obligation de sécurité de l'employeur à ce titre, le conseil de prud'hommes l'ayant injustement débouté de certaines de ses demandes.

Il sera fait référence aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits et des moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024.

LES MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'absence de déclaration d'appel relative à la condamnation de l'employeur à payer les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

L'article 562 du code de procédure civile prévoit que l'appel ne défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement et son objet n'est pas indivisible.

En l'espèce, si la déclaration d'appel ne mentionne pas la critique de la condamnation par le conseil de prud'hommes de la condamnation de l'employeur à payer la somme de 70 000 euros nette de CSG/CRDS, elle critique le chef de jugement ayant considéré le jugement sans cause réelle et sérieuse.

La condamnation à dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dépendant de la critique par l'employeur du chef de jugement qui a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, il en résulte que l'appel a déféré à la cour la critique de la condamnation à dommages-intérêts.

Le moyen en irrecevabilité opposé par la salariée sera par conséquent rejeté.

Sur la nature de l'inaptitude :

Si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est admis que la protection des accidentés du travail ou des salariés dans la maladie d'origine professionnelle s'applique aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dès lors que l'inaptitude du salarié, quelque soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

En l'espèce, par acte du 20 janvier 2016, [V] [B] épouse [Z] déclarait un accident du travail le 20 janvier 2016. La CPAM a reconnu le 14 mars 2016 le caractère professionnel de l'accident.

À l'occasion de la visite médicale de reprise du 16 août 2016, le médecin du travail déclarait la salariée apte avec aménagement de poste. Il préconisait que, dans la mesure du possible, il convenait de limiter la station debout prolongée, la prise d'escaliers et le port de poids répétitif avec nouvelle visite dans le délai d'un mois. Par décision du même jour, la CPAM notifiait à la salariée que son taux d'incapacité permanente était fixé à 5 % et qu'une indemnité en capital serait attribuée le 14 août 2016. Elle précise la présence de « séquelles algiques malléolaires externes droites à faible retentissement fonctionnel sur état antérieur ». La salariée était donc apte et d'un état de santé consolidé.

Après la reprise du travail le 16 août 2016, la salariée était en arrêt de travail à compter du 7 septembre 2016.

Lors de la visite de reprise du 30 septembre 2016, le médecin du travail indiquait que la salariée était inapte en une visite, avec danger immédiat pour la santé et la sécurité de la salariée ou celle d'un tiers, sur le fondement de l'article R.4624-31 du code du travail.

Ainsi, puisque le médecin du travail a estimé le 16 août 2016 que la salariée était apte à la reprise sans autre précision et que la CPAM, le même jour, a considéré le préjudice consolidé, il appartient à la salariée de prouver qu'elle a subi une rechute de l'accident du travail ou qu'elle a subi une aggravation après guérison apparente ou consolidation de la blessure qui a amené à l'inaptitude émise par le médecin du travail le 30 septembre 2016.

Or, les parties s'opposant sur la nature de l'arrêt de travail postérieur au 7 septembre 2016, force est de constater que la salariée, qui se borne à invoquer la réalité des conséquences d'un accident du travail au 30 septembre 2016, ne prouve pas un nouveau fait, qu'elle a subi une rechute de son accident du travail ou une aggravation après la consolidation de sa blessure, de surcroît sur état antérieur d'une cheville droite fragilisée. Aucune déclaration d'accident ou maladie professionnelle n'a été faite à compter du 8 septembre 2016. Les simples manifestations de ses séquelles au titre de l'accident du travail initial sont insuffisantes à caractériser cette rechute.

En outre, la mention du médecin du travail le 30 septembre 2016 faisant état d'un danger immédiat pour la santé et la sécurité du salarié ou celle d'un tiers n'apparaît pas compatible avec la pathologie à la cheville droite de la salariée issue de l'accident du travail.

Dès lors, la salarié ne justifie pas de ce que l'inaptitude mentionnée le 30 septembre 2016 a au moins partiellement pour origine cet accident et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

En tout état de cause, il n'appartient pas à la présente juridiction prud'homale de statuer sur l'éventuel caractère professionnel de l'accident mentionné le 30 septembre 2016 à l'occasion de la visite de reprise. Cette demande de la salariée est irrecevable. Ce chef de jugement qui a admis la recevabilité de cette demande sera infirmé.

Sur l'imputabilité de la rupture :

En application des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur est tenu vis-à-vis des salariés d'une obligation de sécurité et de protection de la santé dont il doit assurer l'effectivité et prendre toutes les mesures visant à assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale des travailleurs.

Dès lors que le salarié invoque précisément un manquement professionnel en lien avec le préjudice qu'il invoque, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du respect de son obligation de sécurité à l'égard du salarié.

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et

L. 4121-2 du code du travail.

En l'espèce, le salarié invoque sans aucune précision qu'elle serait tombée d'un marchepied mobile non conforme lui occasionnant le préjudice subi et que son employeur n'a pas suivi les préconisations du médecin du travail pour l'aménagement de son poste le 16 août 2016, ce qui l'a contrainte à être en arrêt de travail à nouveau à compter du 8 septembre 2016.

L'employeur fait valoir que le dernier volet d'arrêt travail produit par la salariée n'est pas un certificat médical pour accident du travail ou maladie professionnelle, qu'il s'agit d'une maladie simple à compter du 8 septembre 2016 qui a précédé son inaptitude définitive, qu'il ne connaît pas la cause de l'inaptitude non professionnelle en raison du secret médical et qu'il n'a commis aucun manquement à son obligation

Au vu des éléments produits par les parties, la salariée ne s'explique pas sur la cause de son arrêt de travail du 8 septembre 2016 ainsi que sur la non-conformité du marchepied mobile. En tout état de cause, compte tenu de la faible hauteur de ce marchepied, de l'usage banal qui en résulte, aucun élément ne permet d'établir que l'inaptitude du 30 septembre 2016 provient d'un manquement de l'employeur à ses obligations.

Toutefois, l'employeur ne justifie pas avoir suivi les préconisations du médecin du travail du 16 août 2016. Par conséquent, l'employeur ne justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. Le manquement à son obligation de sécurité est établi.

Sur la procédure de licenciement :

S'agissant d'un licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle, les demandes et moyens en violation d'un licenciement pour inaptitude professionnelle deviennent inopérantes.

S'agissant de l'impossibilité de reclassement, il est admis que l'employeur est tenu, d'une part, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, d'autre part, de proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé, tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure. Il en résulte qu'il ne peut limiter ses recherches de reclassement et ses offres en fonction de la volonté de ses salariés, exprimée à sa demande et par avance, en dehors de toute proposition concrète.

En l'espèce, l'employeur justifie avoir adressé à la salariée un questionnaire l'interrogeant sur ses souhaits de mobilité par courrier du 21 octobre 2016 retourné le 25 octobre 2016, la salariée répondant qu'elle ne souhaitait recevoir aucune proposition de reclassement en France et à l'étranger. Elle soutient toutefois que l'employeur lui a fait remplir sous sa dictée le questionnaire avant d'évoquer la moindre offre de reclassement et n'a formulé aucune proposition concrète de reclassement. Aucun élément ne corrobore la contrainte qui n'apparaît pas justifiée. En tout état de cause, ce document rédigé à l'avance ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement notamment dans le groupe auquel il appartient, ce qui n'a pas été le cas.

En outre, l'employeur ne justifie d'aucune tentative de reclassement en interne.

Par courrier du 21 octobre 2016, l'employeur a vainement contacté le médecin du travail pour solliciter par écrit ses éventuelles préconisations.

Si l'employeur conclut à l'impossibilité de reclassement, il n'a pas fait connaître au salarié par écrit les motifs s'opposant à son reclassement avant d'engager la procédure de rupture. Le non-respect de cette formalité peut ouvrir droit à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, non établis en l'espèce.

Toutefois, aucune démarche n'est justifiée avoir été faite par l'employeur pour proposer un emploi aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Ainsi, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Ce chef de jugement sera confirmé.

Sur les indemnités de rupture :

Au jour de la rupture, la salariée percevait un salaire de base, une prime d'ancienneté et des primes sur l'année 2016 pour une moyenne mensuelle brute d'un montant de 2262,54 euros.

Elle bénéficie d'une ancienneté de plus de 38 ans.

S'agissant de l'indemnité au titre du préavis de départ en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'article L.1234-1 du code du travail applicable au litige, prévoit que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à une indemnité de préavis d'une durée de deux mois en l'espèce qui sera évaluée à la somme brute de 4525,08 euros outre celle brute de 452,50 euros à titre de congés payés y afférents. Ce chef de jugement sera infirmé compte tenu du montant du salaire de référence.

S'agissant de l'indemnité légale de licenciement qui ne peut être inférieure à une somme calculée en application des articles R.1234-1 et R. 1234-2 applicables au temps du litige, sera fixée à la somme de 21 946,63 euros nette. Ce chef de jugement omis sera ajouté.

Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, l'article L. 1235-3 applicable au litige, prévoit que le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. En l'espèce, compte tenu de l'âge de la salariée qui est née le 21 août 1957, sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de son âge, de sa formation professionnelle et de son manque de mobilité, le préjudice sera réparé par l'octroi d'une indemnité d'un montant de 70 000 euros brute. Ce chef de jugement qui avait condamné à payer la somme de 70 000 euros nette de CSG/CRDS sera infirmé.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur :

S'agissant d'un licenciement pour inaptitude non professionnelle, cette demande est recevable.

Cependant, la salariée ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui déjà réparé au titre de licenciement.

Par conséquent, sa demande sera rejetée.

Ce chef de jugement qui avait condamné l'employeur à payer la somme de 2000 euros sera infirmé.

Sur le manquement à l'exécution loyale du contrat de travail :

En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'absence de reclassement, et à quelques mois de la retraite, la salariée se prévaut d'un préjudice moral qu'elle ne définit pas et qu'elle ne distingue pas du préjudice précédemment réparé. Sa demande sera par conséquent rejetée.

Ce chef de jugement sera confirmé.

Sur le préjudice subi du fait d'un licenciement brusqué vexatoire :

S'agissant de la demande de la salariée fondée sur un licenciement brutal et vexatoire, aucun élément n'est établi permettant de considérer établi un préjudice distinct relatif aux circonstances dans lesquelles le licenciement a été prononcé. Sa demande sera par conséquent rejetée. Ce chef de jugement sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat :

S'agissant des documents de fin de contrat, il est admis en application des articles L.1234-19 et L.1234-20 du code du travail qu'ils sont quérables. Il en résulte l'obligation pour l'employeur de tenir ces documents à la disposition du salarié qui doit venir les chercher. En application de l'article R.1234-9, l'employeur doit délivrer au salarié, au moment de l'expiration de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L.5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à France Travail.

En l'espèce, l'employeur n'avait pas à adresser ces documents à la salariée qui devait aller la chercher dans les locaux de l'entreprise. En tout état de cause, cette dernière ne justifie d'aucune faute dommageable de l'employeur.

Ce chef de jugement sera confirmé.

Sur le remboursement de France Travail :

L'article L.1235-4 du code du travail prévoit que dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11 et notamment de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. Tel sera le cas en l'espèce à hauteur de six mois d'indemnité de chômage. Ce chef de jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes :

La société C&A FRANCE devra tenir à disposition de la salariée les documents de fin de contrat rectifiés dans un délai de 15 jours à compter de la décision sans astreinte.

La partie appelante succombe à la procédure, elle sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'intimée, l'intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Dit que la société C&A FRANCE a formé un appel régulier à l'encontre du chef de jugement jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation en dépendant à titre de dommages et intérêts.

Confirme le jugement en ce qu'il a considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a rejeté les demandes au titre du licenciement brutal et vexatoire, de la remise tardive des documents de fin de contrat et de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

Infirme le jugement pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que la demande de [V] [B] épouse [Z] tendant à statuer sur l'éventuel caractère professionnel de l'accident ou de la maladie mentionné lors de l'avis d'inaptitude du 30 septembre 2016 à l'occasion de la visite de reprise, est irrecevable.

Condamne la société C&A FRANCE à payer à [V] [B] épouse [Z] les sommes suivantes :

4525,08 euros brute au titre de l'indemnité de préavis outre celle de 452,50 euros brute à titre de congés payés y afférents,

70 000 euros brute à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

21 946,63 euros nette à titre d'indemnité légale de licenciement.

Condamne la société C&A FRANCE à tenir à disposition de la salariée les documents de fin de contrat rectifiés dans un délai de 15 jours à compter de la décision sans astreinte.

Condamne la société C&A FRANCE à rembourser à France Travail six mois d'indemnité de chômage.

Déboute [V] [B] épouse [Z] de ses autres demandes.

Condamne la société C&A FRANCE à payer à [V] [B] épouse [Z] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société C&A FRANCE aux dépens de la procédure d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00915
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;22.00915 ?
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