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26/06/2024 | FRANCE | N°21/07078

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 26 juin 2024, 21/07078


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 26 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/07078 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHQD





Décision déférée à la Cour :

Juge

ment du 05 NOVEMBRE 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER -N° RG F 19/01330





APPELANT :



Monsieur [R] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Julie DE RUDNICKI de la SELARL R & C AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Vincent CADORET, avocat au barreau de MO...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 26 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/07078 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHQD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 NOVEMBRE 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER -N° RG F 19/01330

APPELANT :

Monsieur [R] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Julie DE RUDNICKI de la SELARL R & C AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Vincent CADORET, avocat au barreau de MONTPELLIER,

INTIMEE :

Association ADAGES

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne laure PERIES de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Lina EL MIR, avocat au barreau de MONTPELLIER,

Ordonnance de clôture du 05 Mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

M. Jean-Jacques FRION, Conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Véronique ATTA-BIANCHIN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, apres prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 22 mai 2024 au 26 juin 2024 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Véronique ATTA-BIANCHIN, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat à durée indéterminée du 1er avril 2010, [R] [S] a été recruté par l'association ADAGES en qualité d'aide médico psychologique à temps complet.

Le salarié exerçait ses fonctions au sein de l'établissement d'accueil médicalisé [10] qui accueille des hommes et des femmes présentant des troubles envahissants de la personnalité ou un handicap par inefficience intellectuelle liée à des séquelles de psychose infantile.

[R] [S] était en arrêt de travail du 9 mars 2015 jusqu'au 26 avril 2015 pour accident du travail. À compter de la reprise, le salarié a bénéficié de plusieurs avenants prévoyant un mi-temps thérapeutique.

Le salarié a été en arrêt de travail à plusieurs reprises et notamment du 8 février 2016 jusqu'au 5 septembre 2018.

À l'occasion de la visite de pré-reprise du 29 août 2018, le médecin du travail a préconisé un temps partiel thérapeutique. À l'occasion de la visite de reprise du 6 septembre 2018, le médecin du travail a préconisé une reprise à temps partiel thérapeutique selon l'organisation vue avec l'employeur. Par avenant du 6 septembre 2018, un mi-temps thérapeutique a été convenu entre les parties, l'horaire passant de 35 heures hebdomadaires à 17,5 heures hebdomadaires soit 75,83 heures par mois.

[R] [S] était affecté au sein du pavillon [8] et a sollicité travailler au sein du pavillon [4].

Un entretien a eu lieu entre le salarié et l'employeur le 19 novembre 2018. Par courrier du 20 novembre 2018, le salarié a écrit à son employeur pour contester l'absence de changement d'affectation et le traitement humiliant dont il a fait l'objet. Le salarié était en arrêt de travail à compter du 20 novembre 2018. Par courrier du 17 décembre 2018, l'employeur répondait au courrier du salarié pour expliquer le maintien au sein du pavillon [8] et en contestant tout propos humiliant de sa part.

Au cours de la visite de pré-reprise du 4 décembre 2018, le médecin du travail a préconisé un aménagement et l'adaptation du poste de travail dans le pavillon où la charge physique (manutention de personnes ou de charges, postures statiques prolongées) est la moindre des recherches de reclassement respectant la précédente préconisation ainsi que des formations professionnelles adaptées. Par courrier du 18 décembre 2018, l'employeur a demandé des précisions au médecin du travail et a justifié l'affectation au pavillon [8].

Lors de la visite de reprise du 17 juin 2019, le médecin du travail a estimé que le salarié était inapte au poste avec contre-indication au port de charges de plus de 5 kg de façon répétée et aux contraintes posturales répétées ou prolongées.

L'employeur a adressé le 21 juin 2019 au salarié un questionnaire et a sollicité son curriculum vitae dans le cadre de son obligation de reclassement.

Par courrier du 4 juillet 2019, le médecin du travail a rendu un avis favorable pour la proposition de poste à mi-temps au titre du reclassement sur le pavillon [5]. Le salarié a refusé cette proposition le 8 juillet 2019.

Par courriers du 5 juillet 2019, l'employeur a écrit aux directeurs des 18 établissements de l'association ADAGES afin de leur demander si un poste correspondant aux préconisations du médecin du travail pouvait être proposé au salarié. Une proposition a été faite pour un poste au sein de l'établissement IME Les Oliviers qui sera refusée par le médecin du travail le 23 juillet 2019.

Par courrier du 25 juillet 2019, l'employeur adressait au médecin du travail et au salarié l'absence de possibilité de reclassement et la procédure de licenciement qui allait être mise en 'uvre.

Par acte du 29 juillet 2019, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 7 août 2019. Par courrier du 12 août 2019, l'employeur licenciait le salarié pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.

Par acte du 5 novembre 2021, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de voir juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'il a subi un harcèlement moral du fait de la dégradation de ses conditions de travail liées à l'attitude de son employeur et sollicite sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

4200 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 420 euros à titre de congés payés correspondant,

2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 5 novembre 2021, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de ses demandes et notamment celle tendant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle au titre du harcèlement moral.

Après notification du jugement le 10 novembre 2021, le salarié a interjeté appel des chefs de jugement le 8 décembre 2021.

Par conclusions du 18 février 2022, [R] [S] demande à la cour d'infirmer le jugement, de condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

10 000 euros nette de prélèvements sociaux à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral à titre principal ou pour exécution déloyale à titre subsidiaire,

10 000 euros nette de tous prélèvements sociaux à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

30 000 euros nette de tous prélèvements à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

à titre subsidiaire, 18 972 euros nette de tous prélèvements à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

4216 euros brute à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 421,60 euros brute à titre de congés payés y afférents,

2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié fait valoir que l'employeur a manqué à son obligation de prévention et de sécurité, a commis des faits de harcèlement moral et à titre subsidiaire, une exécution déloyale du contrat de travail. Il conteste la rupture du contrat de travail et sollicite la nullité du licenciement pour discrimination liée à l'état de santé et harcèlement moral et, à titre subsidiaire, considère que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.

Par conclusions du 20 février 2024, l'association ADAGES demande à la cour de juger que les demandes nouvelles formulées en cause d'appel par le salarié en condamnation au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et celle de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul sont irrecevables, de confirmer le jugement, débouter le salarié de ses demandes et le condamner au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Il sera fait référence aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits et des moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024.

LES MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les demandes nouvelles :

L'article 564 du code de procédure civile prévoit qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peut soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses, faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation des faits. L'article 565 dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. L'article 566 prévoit que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Il est admis que la cour d'appel est tenue d'examiner au regard de chacune des exceptions prévues aux textes susvisés si la demande est nouvelle.

En l'espèce, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de voir juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'il a subi un harcèlement moral du fait de la dégradation de ses conditions de travail liées à l'attitude de son employeur et sollicite sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

4200 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 420 euros à titre de congés payés correspondant,

2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur fait valoir que la demande en dommages et intérêts d'un montant de 10 000 euros pour violation de l'obligation de sécurité est nouvelle et irrecevable. Le salarié n'a pas conclu sur ce point mais maintient sa demande en dommages et intérêts et conclut au fond en indiquant que cette demande est distincte de celle en réparation du harcèlement moral et que deux indemnisations sont possibles. Cette demande n'avait pas été formulée en première instance et aucune des exceptions prévues aux textes susvisés n'est établie, notamment l'absence de mêmes fins, l'absence de prétentions nouvelles qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises en première instance. Par conséquent cette demande est nouvelle et irrecevable.

L'employeur fait valoir que la demande en dommages et intérêts d'un montant de 30 000 euros pour licenciement nul est nouvelle et irrecevable. Le salarié n'a pas conclu sur ce point mais maintient sa demande en nullité qu'il qualifie de principale, la demande pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devenant subsidiaire. Il apparaît que ces deux demandes tendent à la contestation de la rupture et donc aux mêmes fins. La demande en nullité du licenciement pour harcèlement moral est donc recevable.

Sur le harcèlement moral :

L'article L.1152-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Enfin, l'article L.1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, un stage ou à une période de formation en entreprise, ou le salarié, présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il est admis que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

1- En premier lieu, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Pour cela, le salarié doit établir la matérialité de chacun des faits invoqués pour permettre de déterminer s'ils sont ou non établis.

En l'espèce, [R] [S] expose l'attitude réitérée de l'employeur de refuser d'adapter son poste de travail conformément aux réserves émises par le médecin du travail qu'il avait formulées dès le 6 septembre 2018. Il est établi, d'une part, que des plannings l'avaient affecté au sein du pavillon [4] en remplacement du salarié [P] à compter du 12 novembre 2018 et qui resteront inappliqués du fait de l'employeur révélant sa volonté qu'il quitte l'entreprise, d'autre part, que le salarié ayant exercé au sein du pavillon [8] n'a pas été affecté à un autre pavillon en dépit de sa demande dans son courrier du 20 novembre 2018. Il considère que la charge de travail au sein du pavillon [8] n'est pas celle qui correspond le mieux aux préconisations du médecin du travail.

Le salarié fait valoir qu'aucune étude de poste du médecin du travail en sa présence n'a été effectuée depuis le 6 septembre 2018 ce qui ne lui a pas permis d'exposer au médecin du travail la compatibilité de son état de santé avec le poste exercé.

Le salarié considère que les propos tenus par l'employeur lors de l'entretien du 19 novembre 2018 sont révélateurs de son comportement vexatoire adopté tout au long de la relation de travail en réponse à ses souffrances lorsqu'il a indiqué que la structure avait « besoin d'homme et non d'un demi homme ». Une réunion de travail a bien eu lieu et a fait l'objet d'un échange verbal entre l'employeur et le salarié.

Le salarié fait valoir que ces manquements persistants à l'obligation d'adaptation de son poste de travail ont eu un impact direct et catastrophique sur son état de santé ce qui est révélé par une crise de zona qui l'a conduit aux urgences le 7 octobre 2018 ainsi que par les certificats médicaux du 18 décembre 2018. Il ajoute que si son état de santé ne s'était pas dégradé de septembre 2018 à janvier 2019, il aurait pu accepter le poste de reclassement estimant que c'est l'absence réitérée du respect des préconisations du médecin du travail qui a conduit à l'aggravation de son état de santé et à son inemployabilité au sein de l'association.

Ces faits, pris dans leur ensemble, sont de nature à faire présumer un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 précité.

2 - Dès lors, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'employeur fait valoir que des travaux de rénovation d'ampleur existaient au moment des faits et que le pavillon [11] dans lequel travaillait le salarié avant son arrêt de travail, était inoccupé par des résidents en raison de ces travaux. Quatre autres pavillons [8], [7], [4] et [5], un appartement et une villa au centre de [Localité 6] restaient disponibles.

L'employeur invoque de nombreux échanges avec le médecin du travail notamment depuis le 6 septembre 2018 ainsi qu'avec le salarié lui-même par les réponses qu'il lui a apportées. Ce fait est justifié par le courrier du médecin du travail du 3 juillet 2019 faisant état de nombreux échanges sur l'adaptation du poste du salarié et ses propres courriers adressés au salarié qu'il produit.

En ce qui concerne l'affectation du salarié au pavillon [8], l'employeur la justifie du fait que les conditions de travail lui paraissent les plus adaptées à la reprise du poste du salarié en raison de son état neuf et fonctionnel, d'une équipe qui vient d'être constituée, de la présence de personnel paramédical intervenant sur le collectif du pavillon en ateliers, qu'il est le seul à avoir un taux d'encadrement de 7 titulaires pour 10 résidents soit trois intervenants matin et après-midi alors que les autres pavillons ne comptent que deux intervenants et qu'il est le seul à être autant allégé de ses résidents le week-end puisque 6 résidents sur 10 sortent le week-end. L'employeur justifie avoir aussi adressé ces éléments au médecin du travail le 29 novembre 2018.

L'employeur indique avoir inscrit le salarié à une formation de prévention des risques à l'activité physique rappelant les principes de sécurité, d'économie d'efforts, de manutention de personnes à mobilité réduite, formation programmée en mars 2019 puis en mai 2019 ainsi qu'à une formation Omega en juin 2019 sur la gestion et la prévention des situations de violence et d'agressivité, formations que le salarié n'a pas suivies.

L'employeur fait valoir que la pré-visite du 29 août 2018 et la visite de reprise du 6 septembre 2018 ne font état comme préconisations que d'une reprise à temps partiel thérapeutique selon l'organisation vue avec l'employeur. Il considère que ce ne sera seulement qu'à l'occasion de la pré-visite du 4 décembre 2018 que le médecin du travail indiquera qu'il « est souhaitable d'étudier toutes les solutions permettant d'affecter le salarié sur un pavillon ou une unité où la charge physique (manutention de personnes ou de charge, postures statiques prolongées) est la moindre dans l'établissement », ce qu'il avait déjà auparavant recherché notamment en évoquant l'hypothèse d'affecter le salarié sur le pavillon [4] à compter de novembre 2018. Compte tenu des contraintes inhérentes à ce pavillon, il a considéré que le maintien au sein du pavillon [8] était la meilleure solution pour le salarié.

L'employeur produit le courrier du médecin du travail du 19 mars 2019 faisant état d'une « fixation qu'il se fait sur sa structure et ses supérieurs hiérarchiques et que cela l'empêche d'avancer. Il a un vif sentiment d'injustice et d'humiliation et de colère englobant l'ensemble de l'association ».

L'employeur conteste tout propos insultant ou humiliant tenu à l'encontre du salarié lors de la réunion du 19 novembre 2018, ce qu'il a rappelé dans son courrier du 17 décembre 2018 adressé au salarié.

3 - Au vu des éléments produits par les parties, il apparaît que l'activité à temps partiel a été mise en place bien avant la visite de reprise du 6 septembre 2018, que l'employeur a recherché la structure la plus adaptée à la santé du salarié qui n'a pas apporté la contradiction quant au choix du pavillon [8] sauf de principe et sans explication factuelle comme a pu le faire employeur, que l'employeur a régulièrement sollicité l'avis du médecin du travail pendant l'année qui a précédé la rupture, une étude de poste a été réalisée par le médecin du travail qui a validé l'affectation au pavillon [8] ainsi que l'impossible reclassement lors de la rupture en raison du refus par le salarié du poste compatible avec son état de santé.

La réflexion de l'employeur concernant le changement au sein du pavillon [4] courant novembre 2018 n'a pas été suivie d'effet pour des raisons objectives qu'il décrit et liées aux conditions de travail dans ce pavillon.

Ainsi, le harcèlement moral n'est pas caractérisé. La demande en dommages et intérêts et en nullité du licenciement seront rejetées. Ce chef de jugement qui avait rejeté la demande en dommages et intérêts sera confirmé. Le rejet de la demande de nullité complétera le dispositif.

Sur l'absence de discrimination liée à la santé du salarié :

Pour des raisons identiques à celles jugées au titre du harcèlement moral, la demande au titre de la discrimination en lien avec son état de santé sera rejetée en application des articles L. 1132-1, L. 1132-4 et L.1134-1 du code du travail. Le jugement qui a omis de répondre à ce moyen sera complété.

Sur l'absence d'exécution déloyale de l'employeur :

Pour des raisons identiques à celles précédemment jugées, le salarié ne prouve aucune exécution déloyale de l'employeur sur le fondement de l'article L.1222-1 du code du travail.

Sur le licenciement pour inaptitude :

En application de l'article L.1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail en application de l'article L.4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (') cette proposition prend en compte après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L'article L .1226-2-1 prévoit que lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-2 en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

Il est admis que la présomption instituée par ce texte ne joue que si l'employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, le médecin du travail a formulé un avis d'inaptitude le 17 juin 2019 sans dispense de l'obligation de reclassement, « avec contre-indication au port de charges de plus de 5 kg de façon répétée et aux contraintes posturales répétées prolongées. Un poste respectant ces contre-indications privilégiant la guidance verbale lors des prises en charge pourrait être proposé. Toute formation permettant la mise en 'uvre de ces préconisations peut être proposée ».

Par courrier du 21 juin 2019, l'employeur écrit au salarié en lui adressant un questionnaire à remplir et lui demande un curriculum vitae à jour pour l'exercice de son obligation de reclassement.

Par courrier du 21 juin 2019, l'employeur sollicite des précisions du médecin du travail notamment pour indiquer que « la nature des accompagnements des 11 résidents de [5] semblerait correspondre à vos préconisations en l'état ». Par courrier du 3 juillet 2019, le médecin du travail répondait à l'employeur qu'après « les nombreux échanges que nous avons eus, (ni) sur les nombreux déplacements que j'ai effectués au sein de votre structure pour cette situation », il préconise de proposer un poste de reclassement à la villa, à l'appartement, aux pavillons [5] ou [7] suite à l'évaluation transmise ». Par courrier électronique du même jour, l'employeur liste les inconvénients qui empêchent un reclassement à l'exception de celui au sein du pavillon [5]. Par réponse du 4 juillet 2019, le médecin du travail prend note de cette proposition de reclassement qui lui paraît conforme aux préconisations faites, lui indique qu'il doit la soumettre au salarié et que si ce dernier accepte, elle le recevrait en visite afin de déterminer son aptitude à ce poste au regard de l'évolution de son état de santé.

Le salarié a refusé ce poste le 8 juillet 2019.

En application de l'article L.4624-7 du code du travail, aucun recours n'a été intenté à l'encontre de l'avis du médecin du travail. Aucune contestation n'est donc recevable, qu'elle porte sur les éléments médicaux ou sur le non respect de la procédure par le médecin du travail dont l'avis s'impose aux parties comme au juge. Dès lors, les critiques du salarié à l'encontre de la procédure menée par le médecin du travail, comme son absence lors de l'étude du poste, sont inopérantes.

Par ailleurs, le 3 juillet 2019, un comité d'établissement a été consulté sur l'examen des possibilités de reclassement.

Le 5 juillet 2019, l'employeur a écrit aux directeurs de 18 établissements de l'association pour leur demander si un poste correspondant aux préconisations du médecin du travail pouvait être proposé au salarié en mentionnant son statut d'AMP depuis le 1er avril 2010, en joignant le curriculum vitae du salarié et l'avis d'inaptitude du médecin du travail du 17 juin 2019. Ce courrier était suffisamment précis pour permettre aux destinataires d'apprécier le candidat. D'ailleurs, un poste a été proposé par l'IME Les Oliviers mais le médecin du travail a émis un avis défavorable concernant ce poste qui ne respectait pas les contre-indications et préconisations faites dans la vie d'inaptitude.

Par courrier du 25 juillet 2019, l'employeur a informé le médecin du travail de l'absence de reclassement possible du salarié qui a en a été informé le même jour.

Ce n'est que le 29 juillet 2019 que l'employeur convoquera le salarié un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Ainsi, l'employeur ayant loyalement proposé un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-2 en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail qui a été refusé par le salarié, l'obligation de reclassement est réputée satisfaite.

Le licenciement a donc une cause réelle et sérieuse.

Ce chef de jugement sera confirmé.

Sur les indemnités de rupture :

Dès lors que le licenciement pour inaptitude a une cause réelle et sérieuse, la demande d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents formulée par le salarié sera rejetée.

Ce chef de jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes :

La partie appelante succombe à la procédure, elle sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'intimée, l'intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Dit que la demande de [R] [S] en dommages et intérêts d'un montant de 10 000 euros pour violation de l'obligation de sécurité est nouvelle et irrecevable.

Dit que la demande de [R] [S] en dommages et intérêts d'un montant de 30 000 euros pour licenciement nul est recevable.

Confirme le jugement.

Y ajoutant,

Déboute [R] [S] de sa demande fondée sur la discrimination liée à son état de santé.

Déboute [R] [S] de sa demande en nullité du licenciement.

Condamne [R] [S] à payer à l'association ADAGES la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne [R] [S] aux dépens de la procédure d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/07078
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;21.07078 ?
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