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26/06/2024 | FRANCE | N°21/04700

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 26 juin 2024, 21/04700


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 26 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04700 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PC6H





Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 JUIN 2

021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/01338







APPELANT :



Monsieur [T] [J]

né le 05 Juin 1972 à [Localité 4] (34)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Bénédicte WAROCQUIER de la SELARL SELARL SOCIETE D'AVOCAT ...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 26 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04700 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PC6H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 JUIN 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/01338

APPELANT :

Monsieur [T] [J]

né le 05 Juin 1972 à [Localité 4] (34)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Bénédicte WAROCQUIER de la SELARL SELARL SOCIETE D'AVOCAT WAROCQUIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SAS BIOCAMA INDUSTRIE

Prise en la personne de son représentant légal en exercice, sis

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuelle CARRETERO de la SCP SOLLIER / CARRETERO, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée sur l'audience par Me Ardoine CLAUZEL, avocat au barreau de LOZERE, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 27 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER, assistée de Madame Elissa HEVIN, greffier stagiaire.

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le 29 mai 2024 à celle du 26 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

M. [T] [J] a été engagé le 03 avril 2017 par la société Biocama Industrie selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de chauffeur poids lourd.

Le 12 avril 2019, les parties ont signé une rupture conventionnelle avec effet au 31 mai 2019.

Le 27 novembre 2019 M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier afin de solliciter la nullité de la rupture conventionnelle et la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 08 juin 2021, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la SAS Biocama Industrie à verser à M. [T] [J] la somme de 1807,94 euros bruts ainsi que 180,79 € bruts de congés payés afférents au titre des heures supplémentaires effectuées sur la période de juillet 2017 à mai 2019.

- ordonné la remise des documents de fin de contrat sous astreinte.

- condamné la SAS Biocama Industrie à la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration en date du 21 juillet 2021, M. [J] a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions en date du 23 février 2024 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. [J] demande à la cour de :

- condamner la société 'Biocama Industrie' à lui verser la somme de 12 835,79 euros bruts au titre des heures supplémentaires non payées et effectuées ainsi que 1 283,58 euros bruts au titre des congés payés.

- condamner la société 'Biocama Industrie' à lui verser la somme de 17 250,12 € bruts à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

- prononcer la nullité de la rupture conventionnelle en date du 12 avril 2019

- juger que la rupture conventionnelle intervenue doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence :

- condamner la société Biocama Industrie à lui payer les sommes suivantes :

- 2 875,02 euros brut, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- 5 750,04 euros bruts représentant deux mois de préavis outre 575,04 euros au titre des congés payés y afférents.

- juger que la société Biocama Industrie a manqué de loyauté dans l'exécution de ses obligations contractuelles.

En conséquence,

- condamner la société Biocama Industrie à lui verser 10 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail.

- condamner la société Biocama à lui verser 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en date du 19 février 2024 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Biocama Industrie demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a :

- condamnée au paiement de 1807,94 € bruts au titre des heures supplémentaires outre 180,79 euros au titre des congés payés afférents, et condamné l'employeur à remettre à M. [J] l'ensemble des documents sociaux modifiés sous astreinte.

- condamnée au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté l'employeur du surplus de ses demandes.

Statuant à nouveau :

- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes comme irrecevables et mal fondées,

Subsidiairement,

- si la cour devait faire droit à une demande en paiement d'heures supplémentaires :

- condamner le salarié au remboursement de la somme de 26 024,90 euros au titre des sommes indûment perçues au titre de la prime d'objectif.

- en tant que de besoin ordonner la compensation entre le montant des heures supplémentaires qui seraient dues et le montant de la prime d'objectif réglée au salarié de 2017 à la date de rupture du contrat de travail, d'un montant de 26 024,90 euros.

L'ordonnance de clôture est en date du 27 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les heures supplémentaires :

Il résulte des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

En l'espèce, M. [J] fait valoir qu'il n'a pas été rempli de ses droits au titre du paiement de ses heures supplémentaires.

A l'appui de ses affirmations, il produit ses relevés chronotachygraphes, ainsi qu'un tableau récapitulatif des heures supplémentaires effectuées au titre des années 2017, 2018 et 2019, desquelles il soustrait celles effectivement réglées par l'employeur.

Le salarié fait ainsi ressortir que sa demande est fondée sur des éléments suffisamment précis.

Pour sa part, l'employeur fait valoir que les relevés chronotachygraphes présentés par le salarié laissent apparaître, sur certaines journées, l'existence d'anomalies résultant d'une mauvaise utilisation du sélecteur d'activité positionné par M. [J] sur la fonction repos, correspondant au temps de pause, alors qu'il aurait dû le stopper.

L'entreprise ajoute que M. [J] ne travaillait pas à l'international et que ces heures de repos disproportionnées sont donc forcément des heures pendant lesquelles il n'était pas à la disposition de l'employeur.

La société évoque également le versement régulier de primes de rendement au salarié, tel que prévu au point 2 de l'article 2 de son contrat de travail, qui ne pouvait lui être versées que sous condition de réaliser, en 39H par semaine, un nombre de tours supérieur au nombre contractuellement prévu, cette prime récompensant la rapidité d'exécution de la prestation de travail.

L'analyse des relevés chronotachygraphes produits laisse effectivement apparaître l'existence d'anomalies relatives au temps de travail ainsi qu' au temps de repos, notamment sur les journées 04/12/2017, 7/12/2017, 11/12/2017, 12/12/2017, 13/12/2017 ainsi que du 18 au 21 décembre 2017 en ce que ces temps de pause, compris entre 13h38 et 16h10, sont très largement supérieurs au temps de travail, et portent ainsi l'amplitude de travail à un horaire compris entre 23h48 et 24h00 alors que sur l'ensemble des autres journées travaillées de l'année 2017, les temps de pause sont d'une durée comprise entre 45 mn et 50 minutes, et que l'amplitude de travail reste inférieure à 12h00.

Pour autant, si l'employeur met en exergue l'existence d'anomalies relatives à la mauvaise utilisation du chronotachygraphe sur certaines périodes, il ne produit aucun élément propre à justifier des heures de travail effectivement réalisées par le salarié.

Ainsi, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 1807,94 euros bruts le montant dû au salarié à titre d'heures supplémentaires, augmenté des congés payés afférents d'un montant de 180,79 euros, la décision sera confirmée sur ce point.

Sur le travail dissimulé :

En application des articles L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail, le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations qui doivent être effectuées aux organismes de sécurité sociale ou à l'administration fiscale, est réputé travail dissimulé, ainsi que le fait de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement des formalités de délivrance d'un bulletin de paie ou de déclaration préalable à l'embauche. De même est réputé travail dissimulé le fait de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. L' article L.8223-1 prévoit en cas de rupture du contrat de travail, l'octroi au salarié en cas de travail dissimulé, d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie et il incombe au salarié de rapporter la preuve d'une omission intentionnelle de l'employeur.

En l'espèce, M. [J] soutient que la société s'est volontairement affranchie du paiement des heures supplémentaires, lui substituant le versement de primes de rendement afin de contourner la loi.

Cependant, s'il peut être reproché à l'employeur une absence de contrôle du temps de travail du salarié, il n'a pas été alerté par ce dernier sur l'existence d'heures supplémentaires qu'il aurait refusé de prendre en compte au delà des 4 heures hebdomadaires prévues au contrat de travail et régulièrement réglées par la société.

Par ailleurs, il n'est nullement justifié que le versement de la prime de rendement avait pour vocation de se substituer au paiement d'heures supplémentaires, alors qu'au contraire, le versement de cette prime était prévue en cas de réalisation de tâches supplémentaires effectuées dans le cadre des horaires contractuels.

En conséquence, la preuve du caractère intentionnel du travail dissimulé n'est pas rapportée, la décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande formée à ce titre.

Sur la demande de remboursement des sommes perçues au titre des primes d'objectif :

La cour a partiellement fait droit à la demande en paiement des heures supplémentaires et l'employeur sollicite le remboursement des sommes perçues au titre des primes d'objectif qui n'étaient dues qu'en cas de réalisation de tours supplémentaires effectués sur la durée hebdomadaire de 39h.

Cependant, la prime d'objectif a pour vocation de rémunérer l'efficacité du salarié, alors que le paiement des heures supplémentaires relève de l'application de la législation relative au temps de travail, et qu'il n'y a pas lieu en conséquence d'effectuer un remboursement ou une compensation entre les sommes perçues sur ces fondements différents, d'autant plus que l'analyse des bulletins de paie laisse apparaître que la prime d'objectif a été systématiquement versée au salarié pendant toute la durée de l'exécution du contrat de travail.

Faute pour l'employeur d'établir que le salarié aurait indûment bénéficier de cette prime au regard du nombre de tours supplémentaires effectivement réalisés, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a débouté l'employeur de ce chef. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la rupture conventionnelle du contrat de travail :

En application de l'article L.1237-11 du code du travail :

'l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.'

A l'issue d'une rupture conventionnelle, le salarié peut la remettre en cause s'il justifie d'une cause de nullité, à savoir une fraude à la loi ou d'un vice de son consentement.

Lorsque la rupture conventionnelle est annulée, la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, M. [J] fait valoir que son consentement a été vicié lors de la signature de la rupture conventionnelle en raison des pressions exercées par son employeur qui ne lui payait pas régulièrement ses salaires et ses heures supplémentaires au motif qu'il ne disposait pas de la trésorerie nécessaire à leur paiement.

Il ne produit cependant aucun élément relatif à l'existence de pressions exercées par l'employeur pour le contraindre à une rupture conventionnelle, sachant qu'il ne justifie d'aucune demande adressée par l'employeur au titre d'heures supplémentaires, ni de retard dans le paiement de ses salaires.

La décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande ainsi que les demandes subséquentes.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

M. [J] allègue d'une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur en raison du non paiement d'heures supplémentaires, de pressions exercées pour signer une rupture conventionnelle, du non respect de la procédure de licenciement, de la volonté manifeste de se séparer du salarié sans aucun motif et de sa volonté manifeste de lui nuire.

Il ressort des éléments précédemment développés que la rupture conventionnelle n'est entachée d'aucun vice du consentement et aucune fraude à la loi n'est alléguée. Par ailleurs, le salarié ne produit aucun élément à l'appui de ses affirmations selon lesquelles l'employeur voulait se séparer de lui sans motif et qu'il souhaitait lui nuire.

Si l'existence d'heures supplémentaire est établie et qu'elle est constitutive d'une exécution déloyale du contrat de travail, le salarié, qui a déjà été indemnisé au titre du rappel de salaire afférent aux heures supplémentaires, ne justifie pas d'un préjudice distinct qu'il conviendrait d'indemniser, de sorte que la décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

L'équité commande de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'employeur sera condamné aux dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

- Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 8 juin 2021 en toutes ses dispositions critiquées.

Y ajoutant,

- Rejette la demande fondée sur le remboursement de la prime d'objectif.

- Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne la société Biocama Industries aux dépens de la procédure.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/04700
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;21.04700 ?
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